Jean

Chapitre 6

Multiplication des pains

(v. 1-15) — Ce que rapporte le chapitre précédent se passe en Judée. Avec ce chapitre-ci nous sommes en Galilée où le Seigneur vint sur les bords du lac de Génésareth, appelé dans cet évangile mer de Galilée ou de Tibérias.

Comme une grande foule suivait Jésus à cause des miracles qu’il accomplissait sur les malades, il gravit la montagne et s’y assit avec ses disciples. Après avoir rapporté ce fait, et avant de continuer son récit, l’évangéliste nous dit (v. 4): «Or la Pâque des Juifs était proche». Si l’Esprit de Dieu intercale ici la mention de cette fête, nous en trouvons la raison dans la seconde partie du chapitre où le Seigneur parle de sa mort sous une forme mystérieuse (v. 51 à 57). Ce chapitre parle de Jésus, le fils de l’homme, pain de Dieu envoyé du ciel pour donner la vie au monde; mais afin de pouvoir communiquer cette vie à d’autres, il fallait qu’il mourût, mort dont la Pâque est le type.

Le sujet qui va suivre introduira Christ et sa mort, antitype1 de la manne et de la Pâque, les remplaçant donc définitivement. Car chaque chapitre de notre évangile met de côté tout l’ordre de choses établi pour le peuple juif et le remplace par Christ.

1 Dans la parole de Dieu un type est une personne ou un fait qui représente, en tout ou en partie, les caractères de la personne ou de l’œuvre de Christ tout particulièrement, ou d’autres choses qui devaient être manifestées plus tard. L’antitype est la personne ou la chose que représentait le type. C’est le Pentateuque qui en fournit le plus grand nombre. La Pâque et tous les sacrifices sont des types de Christ et de son œuvre. Adam est un type de Christ et Ève de l’Église.

Malgré son rejet et la haine dont il était l’objet de la part des Juifs, Jésus accomplit, en leur faveur, ce qu’avaient dit de lui les Écritures. Dans les versets qui précèdent, en guérissant les malades, il répondait au caractère de l’Éternel en Exode 15, fin du v. 26: «Je suis l’Éternel qui te guérit», et dans ce qui suit il agit selon le Psaume 132:15: «Je bénirai abondamment ses vivres, je rassasierai de pain ses pauvres». Car Jésus est l’Éternel de l’Ancien Testament.

Voyant la foule, Jésus dit à Philippe: «D’où achèterons-nous des pains, afin que ceux-ci mangent? » Philippe répondit: «Pour deux cents deniers de pain ne suffirait pas, pour que chacun en reçut quelque peu» (v. 5-7). Jésus demandait cela à Philippe pour l’éprouver, «car lui savait ce qu’il allait faire»; il voulait voir si son disciple compterait sur sa puissance divine ou sur des ressources humaines. Un autre disciple, André, lui dit: «Il y a ici un petit garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons; mais qu’est-ce que cela pour tant de monde? » (v. 9). Philippe considère qu’une grande somme ne suffira pas et André constate l’inutilité des ressources dont ils disposaient. Ni l’un ni l’autre n’avait compris jusqu’ici que Jésus est venu dans ce monde à cause de l’incapacité de l’homme et de l’insuffisance de ses ressources. C’est ce que nous a déjà présenté le récit de l’infirme de Béthesda.

Nous avons une grande leçon pratique à tirer de ce récit. Lorsque nous nous trouvons en présence d’une difficulté, ne considérons-nous pas premièrement comme Philippe, que ce qu’il faudrait pour y faire face est hors de notre portée? Ou bien, comme André, nous comptons nos ressources insuffisantes, au lieu de dire au Seigneur comme Philippe aurait dû le faire: «Nous ne pouvons rien, mais toi, tu peux tout». Une telle confiance l’honore et il ne manque pas d’y répondre. Si Jésus n’est pas personnellement présent avec nous, il n’y est pas moins en réalité et s’occupe de tout ce qui concerne ses bien-aimés avec le même amour. Ainsi, quelle que soit l’importance des difficultés que nous rencontrons chaque jour sur notre chemin, ne comptons que sur lui pour y faire face. Il donnera à l’écolier le secours dont il a besoin pour accomplir ses devoirs, aussi bien qu’à une veuve le pain nécessaire pour une nombreuse famille. Il veut que notre attitude soit celle de gens qui attendent paisiblement, dans la confiance, son intervention, sans être agités, inquiets et doutant de lui, Jésus dit: «Faites asseoir les gens; (or il y avait beaucoup d’herbe en ce lieu-là). Les hommes donc s’assirent au nombre d’environ cinq mille». Se représente-t-on une telle foule assise confortablement dans l’herbe, attendant du pain, mais sans aucune ressource apparente? Seul le Seigneur savait ce qu’il allait faire. Qu’il nous suffise de savoir que le Seigneur sait ce qu’il veut faire à notre égard, dans chacune de nos difficultés, et nous pourrons attendre son intervention dans le calme et la confiance. «Dans la tranquillité et dans la confiance sera votre force», est-il dit à Israël en Ésaïe 30:15. Et encore: «C’est une chose bonne qu’on attende, et dans le silence, le salut de l’Éternel» (Lamentations de Jérémie 3:26).

«Jésus prit les pains; et ayant rendu grâces, il les distribua à ceux qui étaient assis; de même aussi des poissons, autant qu’ils en voulaient» (v. 11). Le Seigneur lui-même distribue; dans les autres évangiles, ce sont les disciples, parce que l’enseignement y est différent; il s’agissait de leur faire comprendre leur responsabilité, en recevant eux-mêmes du Seigneur ce dont ils avaient besoin pour accomplir leur service, tandis que, dans l’évangile de Jean, on voit le Seigneur opérer toujours lui-même, divinement, au milieu de la ruine et de l’incapacité de l’homme. Les disciples n’interviennent sur son ordre que pour recueillir les restes dont ils remplissent douze paniers, infiniment plus que ce que les cinq pains pouvaient fournir. Nous pouvons remarquer que le Seigneur n’a pas créé les pains; il aurait pu le faire; mais il s’est servi de ce qu’avait le petit garçon. Cela nous enseigne que pour aller en avant dans nos difficultés, nous ne devons pas attendre d’avoir tout ce que nous estimons nécessaire, mais nous servir de ce que nous avons, si peu que ce soit, et le Seigneur, le même aujourd’hui qu’alors, saura multiplier ces ressources par les moyens qu’il trouvera à propos. La veuve de Sarepta n’a pas attendu d’avoir son pot de farine rempli pour obéir au prophète; la poignée de farine dans le pot et le peu d’huile dans la cruche furent maintenus jour après jour, sans autre approvisionnement (voir 1 Rois 17:7-16). Cela exerce la foi; mais si nous ne savons pas comment le Seigneur veut faire, il doit nous suffire de savoir que lui le sait. Remarquons aussi que l’abondance n’autorise pas la prodigalité ou la dilapidation; elle doit toujours s’allier à l’économie et à l’ordre. Le Seigneur veut que «rien ne soit perdu». C’est pourquoi il envoie les disciples ramasser les morceaux qui restaient. Il est le modèle parfait placé devant nous dans les plus petits détails de la vie. Il faut être économe et soigneux pour lui ressembler et plaire à Dieu, et non pour amasser de l’argent en vue de sa propre satisfaction.

Les hommes ayant vu le miracle que Jésus avait fait dirent: «Celui-ci est véritablement le prophète qui vient dans le monde» (v. 14). Nous avons déjà dit que «le prophète» était celui dont Moïse avait parlé en Deutéronome 18:18 et qui est effectivement le Christ. Sous l’impression produite par la multiplication des pains, les hommes veulent l’enlever pour le faire roi, mais, le sachant, Jésus se retire encore sur la montagne, «lui tout seul», est-il dit au verset 15. Jésus, véritable prophète et roi, ne pouvait l’être par la volonté de l’homme, ni régner sur un peuple non régénéré. Dieu dit de lui (Psaume 2:6): «Et moi, j’ai oint mon roi sur Sion, la montagne de ma sainteté». C’est Dieu qui le fait roi, et au moment voulu il apparaîtra comme tel, non pour être présenté à l’acceptation ou au refus de l’homme, mais pour établir son règne par sa puissance.

En attendant, Jésus se retire seul sur la montagne. Il change de position et d’office, se sépare du peuple et même des disciples. C’est ce qui eut lieu après sa résurrection. Il est allé au ciel, non pour régner actuellement, quoiqu’il soit roi, mais pour exercer la sacrificature en faveur des siens qui traversent ce monde orageux sans lui, comme les disciples dans les versets qui suivent. Il est dit qu’il se retira «tout seul», car, jusqu’à ce qu’il vienne chercher les siens, il est seul homme dans le ciel. Ensuite il viendra avec tous les siens pour régner sur la terre.

 

Les disciples dans l’orage

(v. 16-21) — «Quand le soir fut venu, ses disciples descendirent à la mer. Et étant montés sur une nacelle, ils allèrent de l’autre côté de la mer, à Capernaüm». C’était symboliquement le soir du jour où Jésus était sur la terre. Il laisse le monde dans la nuit morale, que les hommes avaient préférée à la lumière venue dans sa personne, et monte en figure au ciel pour s’occuper des siens qui étaient «dans le monde, mais pas du monde» (chap. 17:14). «Il faisait déjà nuit, et Jésus n’était pas venu à eux. Et la mer s’élevait par un grand vent qui soufflait» (v. 17, 18). Si la nuit figure l’état où le monde se meut sans Dieu, la mer soulevée par les vents représente la puissance de Satan soulevant le monde contre les disciples; c’est ce qui caractérise le milieu dans lequel l’Église se trouve depuis que Jésus est monté au ciel, et surtout l’état de choses que traversera prochainement le résidu juif. Mais le Seigneur veille sur les uns et les autres jusqu’au moment de son retour. Le temps est compté par lui et, au moment voulu, il apparaîtra pour la délivrance des siens. «Ayant donc ramé environ vingt-cinq ou trente stades, ils voient Jésus marchant sur la mer et s’approchant de la nacelle; et ils furent saisis de peur» (v. 19). Jésus est au-dessus de tout: il peut marcher sur les eaux. Il est l’Éternel qui «s’assied sur les flots» (Psaume 29:10). Il n’y a pour lui aucune difficulté.

Chose étonnante! Lorsque les siens le voient, ils sont saisis de peur. C’est ce qui aura lieu avec le résidu juif que les disciples représentent aussi dans la nacelle. Celui qui vient les délivrer les remplit de crainte pour commencer, car c’est celui qu’ils ont humilié et rejeté lorsqu’il vint dans ce monde; ils seront dans l’angoisse à son sujet. Nous voyons le même effet se produire chez les frères de Joseph, qui sont un type du résidu juif; devant leur frère, la crainte les remplit jusqu’à ce qu’ils aient compris et jugé la gravité de leur péché. Lorsque l’œuvre de la repentance s’est faite dans leur cœur, Joseph peut leur dire: «Vous aviez pensé du mal contre moi: Dieu l’a pensé en bien» (Gen. 50:20 et 45:5-8). Jésus dit aussi aux siens: «C’est moi, n’ayez point de peur», comme s’il disait: «Je suis toujours le même dans mon amour pour vous». «Ils étaient donc tout disposés à le recevoir dans la nacelle; et aussitôt la nacelle prit terre au lieu où ils allaient» (v. 20, 21). Dès que le Seigneur aura rejoint le résidu juif, la tourmente s’apaisera; l’état de confusion, la mer, se changera en un état stable et organisé, la terre, le «roi de toute la terre» étant là (Psaume 47:8). Voilà pourquoi il n’est pas dit que les disciples purent continuer paisiblement leur voyage, mais que «la nacelle prit terre au lieu où ils allaient», sans indiquer le chemin qu’ils pouvaient avoir à parcourir. Le Seigneur étant là, le terme des souffrances est atteint; c’est la pleine délivrance. Une fois de plus, nous pouvons admirer avec quel soin la Parole de Dieu est écrite. En peu de mots et avec la même figure elle présente des scènes diverses d’une exactitude merveilleuse. Ce ne sont pas les sages et les intelligents de ce monde qui peuvent voir cette beauté mais les petits enfants, savoir ceux qui croient Dieu.

 

Comment faire l’œuvre de Dieu

(v. 22-31) — La foule ayant vu partir les disciples sur une nacelle sans le Seigneur, traverse aussi la mer pour le chercher (v. 22-24). Quand ces gens l’eurent trouvé, ils lui dirent: «Rabbi, quand es-tu venu ici? » C’était bon de chercher Jésus; mais la valeur de cette recherche dépendait des motifs qui faisaient agir; c’est ce que le Seigneur va mettre en évidence. Aujourd’hui encore, si Jésus rassasiait de pain les foules, beaucoup le rechercheraient. Jésus leur dit: «Vous me cherchez, non parce que vous avez vu des miracles, mais parce que vous avez mangé des pains, et que vous avez été rassasiés. Travaillez, non point pour la viande qui périt, mais pour la viande qui demeure jusque dans la vie éternelle, laquelle le fils de l’homme vous donnera; car c’est lui que le Père, Dieu, a scellé» (v. 26, 27). Les Juifs auraient dû chercher Jésus parce qu’ils avaient vu les miracles qui leur prouvaient qu’il était l’envoyé de Dieu; mais ils ne s’en souciaient guère; ils ne pensent qu’à satisfaire leurs besoins naturels. Les hommes n’ont point changé depuis lors. S’ils pouvaient obtenir de Dieu cette satisfaction, ils seraient contents de lui, tandis que, s’il leur présente un Sauveur, ils n’en veulent rien. Ils travaillent pour le présent sans souci de leur avenir éternel. Mais s’ils ne s’en soucient pas, Dieu, dans sa grâce, s’en est occupé. Il a envoyé son Fils dans le monde pour leur donner la vie éternelle. Il offre l’aliment qui demeure jusque dans la vie éternelle que donnera le fils de l’homme. Cet aliment — ou viande — c’est lui-même comme nous allons le voir. Devenu homme, Dieu l’a scellé du Saint Esprit pour accomplir toute l’œuvre pour laquelle il l’a envoyé.

«Ils lui dirent donc: Que ferons-nous pour faire les œuvres de Dieu? » Jésus répondit, et leur dit: C’est ici l’œuvre de Dieu, que vous croyiez en celui qu’il a envoyé» (v. 28, 29). La réponse du Seigneur résume toute la différence qui existe entre la loi et la grâce. Sous la loi, il fallait faire. Sous la grâce, il faut croire. Si l’homme avait pu faire les «œuvres de Dieu» en obéissant à la loi, il n’eût pas été nécessaire que Jésus vînt dans ce monde apporter la vie, puisque l’homme aurait pu vivre par ses propres moyens. Sa présence ici-bas démontrait l’incapacité de l’homme. C’est donc à Jésus qu’il faut aller; c’est en lui qu’il faut croire, comme l’envoyé de Dieu dans le but exprès de donner la vie. Mais rien ne déplaît autant au cœur naturel que de croire et d’accepter Christ comme son Sauveur. Cela l’humilie, le met de côté, lui fait sentir son impuissance, sa nullité. Aussi ceux qui entouraient Jésus cherchent aussitôt un prétexte pour ne pas croire. Ils lui disent: «Quel miracle fais-tu donc, toi, afin que nous le voyions, et que nous te croyions? Quelle œuvre fais-tu? Nos pères ont mangé la manne au désert, ainsi qu’il est écrit: Il leur a donné à manger le pain venant du ciel» (v. 30, 31). Cette réponse manifeste pleinement la volonté de ne pas croire. Au commencement du chapitre, la foule venait après Jésus pour voir les miracles qu’il faisait. Eux-mêmes avaient été rassasiés de pain miraculeusement, ils le cherchaient à cause de cela; mais dès qu’il leur parle de croire en lui pour avoir la vie, toutes ces manifestations de puissance ne leur disent plus rien; ils raisonnent. Le Seigneur avait bien dit aux Juifs: «Vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie» (chap. 5:40). En rappelant que Moise avait donné la manne à leurs pères, ils considèrent Jésus bien au-dessous de cet éminent serviteur de Dieu; mais le Seigneur en profite pour établir toute la vérité de ce qu’il est comme pain de vie et par conséquent sa supériorité.

 

Le pain de Dieu

(v. 32-47) — «Jésus donc leur dit: En vérité, en vérité, je vous dis: Moïse ne vous a pas donné le pain qui vient du ciel, mais mon Père vous donne le véritable pain qui vient du ciel. Car le pain de Dieu est celui qui descend du ciel, et qui donne la vie au monde. Ils lui dirent donc: Seigneur, donne-nous toujours ce pain-là, (v. 32-34).

Quoique venue du ciel, la manne n’était pas le pain qui tirait son origine de Dieu pour communiquer la vie, non seulement aux Juifs, mais au monde. Les Israélites moururent après avoir mangé la manne, tandis que le pain de Dieu donne la vie éternelle. Les Juifs ne comprirent pas le sens des paroles de Jésus; ils auraient voulu avoir du pain qui ne leur coûtât rien. Ils ne pensaient qu’à la vie matérielle, comme la Samaritaine qui, elle aussi, souhaitait d’avoir de l’eau qui la dispensât de venir puiser au puits. Sans la foi, l’esprit de l’homme ne peut sortir du cercle étroit dans lequel il se meut. Sans intelligence quant aux choses de Dieu, il ne les reçoit pas.

Jésus ajoute: «Moi, je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim; et celui qui croit en moi n’aura jamais soif» (v. 35). En donnant la vie, le pain de Dieu rend le croyant capable de jouir des choses divines; elles deviennent la nourriture de son âme, en sorte qu’il n’a plus faim ni soif des choses du monde. Pierre dit qu’en participant de la nature divine on a «échappé à la corruption qui est dans le monde par la convoitise» (2 Pierre 1:4). Le cœur, les affections sont ailleurs, toujours pleinement satisfaits, tandis que le cœur naturel n’est jamais assouvi par les choses de la terre; sa convoitise est insatiable et, s’il obtient ce qu’il désire, cela excite en lui le besoin d’avoir davantage. Il a donc toujours faim et soif. Pour n’avoir plus envie des choses de ce monde, il faut non seulement avoir la vie, mais se nourrir de la Parole de Dieu. «Désirez ardemment, comme des enfants nouveau-nés, le pur lait intellectuel, afin que vous croissiez par lui à salut» (1 Pierre 2:2). Si le croyant ne se nourrit pas des choses de Dieu, les goûts naturels reparaissent bientôt, et il recherche les choses de ce monde sous les formes variées que l’ennemi tient à sa disposition. Il perd ainsi le bonheur qui lui appartient, la communion avec le Seigneur, et, surtout, il le déshonore.

Jésus déclare aux Juifs: «Mais je vous ai dit qu’aussi vous m’avez vu, et vous ne croyez pas» (v. 36). Ils avaient vu le Seigneur et les miracles qui auraient dû les convaincre; mais ils ne le voulaient pas. Dans son état naturel, l’homme s’oppose à Dieu; il refuse de venir à Christ. Si Dieu n’agissait pas en grâce à son égard, personne ne viendrait à lui. C’est ce que Jésus dit ensuite: «Tout ce que le Père me donne viendra à moi; et je ne mettrai point dehors celui qui vient à moi; car je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé» (v. 37, 38). Voyant les hommes dans leur état de perdition, incapables d’en sortir et sans volonté pour cela, le Père, Dieu révélé en grâce, envoya du ciel son Fils pour les sauver. Ils ne veulent pas aller à lui; c’est encore lui qui doit les amener à son Fils qui partage les pensées de grâce et d’amour du Père et reçoit tous ceux que le Père lui envoie, quels qu’ils puissent être: grossiers pécheurs, blasphémateurs, moqueurs. Tous ceux qui vont à lui sont les bienvenus. Il les sauve et les rend bienheureux pour le temps et l’éternité. Telle est la volonté de son Père; il l’a envoyé pour cela; son bonheur est de l’accomplir.

«C’est ici la volonté de celui qui m’a envoyé: que je ne perde rien de tout ce qu’il m’a donné, mais que je le ressuscite au dernier jour» (v. 39). Jésus veut accomplir d’une manière parfaite toute l’œuvre que le Père lui a donnée à faire. Celui qui a mangé le pain de vie peut encore mourir quant à son corps, et quoique son esprit soit auprès du Seigneur, ce n’est pas ainsi que Dieu veut ses bienheureux rachetés, savoir le corps dans la terre et l’esprit dans le ciel. Le Père les a donnés au Fils, corps et âme, comme il avait créé l’homme. Le Fils ne veut rien perdre de ce que le Père lui a donné, il s’occupera du corps comme de l’âme; aussi il les ressuscitera au dernier jour pour les présenter à Dieu dans un état de perfection.

Si le verset 39 nous montre la volonté de Dieu que le Fils doit accomplir, le verset 40 nous dit quelle est cette volonté à l’égard de chacun: «car c’est ici la volonté de mon Père: que quiconque discerne le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle; et moi, je le ressusciterai au dernier jour». Les Juifs ne voyaient en Jésus que le fils de Joseph (v. 42); ils ne discernaient pas en lui le Fils de Dieu. Il en va de même aujourd’hui pour ceux qui ne voient en Jésus qu’un homme parfait, exemplaire, modèle de l’humanité; ils ne discernent pas le Fils de Dieu et, comme ils ne croient pas en lui comme tel, ils ne peuvent être sauvés. La foi qui sauve est la foi au Fils de Dieu envoyé du ciel pour sauver le pécheur en mourant à sa place. Toute autre croyance en Jésus laisse l’homme dans son état de perdition éternelle. Remarquons aussi quelles gens le Père a donnés au Fils pour les sauver entièrement: c’est quiconque discerne le Fils et croit en lui. On peut raisonner et dire: «Si Dieu ne m’a pas donné à son Fils, je ne puis aller». Mais qui sont-ils, sinon quiconque? Donc tous ont la responsabilité d’aller. Seul celui qui irait à Jésus et serait repoussé par lui pourrait dire que le Père ne l’a pas donné au Fils. Or nous savons que personne ne sera jamais repoussé ni ne l’a jamais été.

De nouveau les Juifs raisonnent et murmurent parce que Jésus avait dit: «Moi, je suis le pain descendu du ciel». «N’est-ce pas ici», disent-ils, «Jésus, le fils de Joseph, duquel nous connaissons le père et la mère? Comment donc celui-ci dit-il: Je suis descendu du ciel? » (v. 42, 43). La vue ne sert à rien; il faut croire. Ils voyaient en Jésus le fils de Joseph et de Marie et non l’envoyé de Dieu. Comme l’aveugle du chapitre 9, ils ne voyaient pas en voyant charnellement, tant qu’ils ne se lavaient pas au réservoir de Siloé, qui veut dire: envoyé. Pour cela il faut être enseigné de Dieu et croire. Jésus leur répondit: «Ne murmurez pas entre vous. Nul ne peut venir à moi, à moins que le Père qui m’a envoyé ne le tire; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Il est écrit dans les prophètes: «Et ils seront tous enseignés de Dieu» (Ésaïe 54:13). Quiconque a entendu le Père et a appris de lui, vient à moi» (v. 44-46). On voit de nouveau qu’il faut l’intervention de Dieu pour qu’un homme puisse profiter du moyen donné pour le salut. Entendre du Père et apprendre de lui, c’est se laisser gagner par la grâce du Fils venu ici-bas pour révéler le Père. Quiconque a compris son état de péché ne peut se trouver en présence de celui qui a révélé Dieu en grâce sans être attiré à lui; alors il ne raisonne plus sur l’humanité de Christ, il est heureux de saisir la main du Sauveur qui l’attire à lui. Ésaïe avait annoncé que, pour la bénédiction d’Israël aux derniers jours, ils seraient enseignés de Dieu. En attendant ce moment-là, chacun pouvait jouir du même privilège et profiter de la venue du fils de l’homme en grâce; si même il devait mourir, Jésus le ressusciterait au dernier jour. Jésus l’affirme quatre fois (v. 39, 40, 44, 54). Si le règne de Christ avait pu s’établir tout de suite, ceux qui croyaient en lui n’auraient pas passé par la mort. En attendant, il allait retourner au ciel, et jusqu’à son retour, les croyants qui délogeraient n’auraient rien à craindre; il les ressusciterait pour jouir des choses célestes et glorieuses, infiniment plus précieuses que son règne sur la terre, dont ils jouiraient également avec lui, associés à lui dans sa position céleste.

Jésus affirme de nouveau (v. 47) que celui qui croit en lui a la vie éternelle. Il n’est donc pas possible de l’obtenir par un autre moyen; c’est pour cela qu’il est venu. Il ne dit pas «aura la vie éternelle», mais «il a», dès le moment qu’il croit, non parce qu’il sent qu’il a la vie, mais parce qu’il croit.

 

La vie dans la mort de Christ

(v. 48-59) — Les pères avaient mangé la manne au désert, puis étaient morts. Jésus était le pain descendu du ciel, «afin que quelqu’un en mange et ne meure pas». Le Seigneur ne se sert plus des expressions «aller à lui», «croire en lui», comme dans les versets qui précèdent; il est dit: manger. Il était le pain de vie qu’il fallait manger. «Moi, je suis le pain vivant qui est descendu du ciel: si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement; or le pain aussi que moi je donnerai, c’est ma chair, laquelle moi je donnerai pour la vie du monde» (v. 48-51). Après s’être présenté vivant ici-bas comme objet de la foi, il parle de sa mort nécessaire pour que sa venue soit efficace, car, s’il montait au ciel sans mourir et passer par le jugement de Dieu que le pécheur a mérité, toute sa vie ici-bas ne pouvait sauver un seul homme. C’est pourquoi il ne dit plus seulement: croire en lui tel qu’il était sur la terre, mais: manger sa chair. Or on ne peut manger un être vivant. Sans sa mort il ne pouvait être mangé, spirituellement, bien entendu. Dans cette mort l’homme naturel trouva son jugement et sa fin, mais, par la grâce de Dieu, aussi la vie éternelle que Dieu ne pouvait donner en laissant subsister l’homme pécheur et ses péchés; il fallait que le jugement prononcé par Dieu s’exécutât; s’il l’eût été sur le coupable, c’était la mort éternelle; pour l’en sauver, Jésus, fils de l’homme, prit sur lui, à la croix, la condition de l’homme. Fait péché, il porta les péchés; il subit le jugement qui lui était réservé; dès lors, la vie, sa propre vie, est la part de celui qui mange sa chair qu’il a donnée, non seulement pour la vie d’Israël, mais pour la vie du monde. C’est pourquoi, en contraste avec la manne qui n’avait pas empêché de mourir ceux qui l’avaient mangée, celui qui se nourrira spirituellement d’un Christ mort pour lui, vivra éternellement. Si même il doit déloger, cela ne touchera en rien à la vie éternelle qu’il possède: le Seigneur le ressuscitera au dernier jour.

«Les Juifs disputaient entre eux, disant: Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger? » C’était incompréhensible et répugnant pour un Juif que la pensée de manger de la chair, surtout celle d’un homme. Le Seigneur ne cherche pas à les tirer d’embarras; il affirme la grande vérité qu’il enseignait, dont dépendait le salut de chacun. Il leur dit: «En vérité, en vérité, je vous dis: Si vous ne mangez la chair du fils de l’homme et ne buvez son sang, vous n’avez pas la vie en vous-mêmes. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour» (v. 53, 54). Le sang séparé de la chair, c’est la mort. C’est donc d’un Christ mort qu’il faut se nourrir. On le fait en comprenant la nécessité de cette mort, en l’appréciant, en acceptant que c’était ce que nous avions mérité, que par elle nous avons trouvé la fin de notre vieil homme et de nos péchés, que par elle le Dieu que nous avions déshonoré et offensé a été glorifié, pleinement satisfait. Jésus a participé à notre nature humaine1, afin de pouvoir mourir; c’est en cela qu’il a été fait inférieur aux anges, à cause de la passion de la mort (Héb. 2:9). Il a laissé cette vie pour nous, pécheurs, vie parfaite, sans tache, sacrifice qui seul pouvait satisfaire aux exigences du Dieu trois fois saint; vie qui devait nous être communiquée, mais qui ne le pouvait sans la mort de celui qui se substituait au pécheur sous le jugement de Dieu.

1 Il ne faut pas confondre nature humaine avec nature pécheresse. La première est l’œuvre de Dieu, la seconde résulte du péché; c’est la volonté opposée à celle de Dieu; Christ y a été parfaitement étranger; il a été fait semblable à nous à part le péché.

Dieu défend à l’homme de manger le sang, parce que le sang c’est la vie; elle appartient à Dieu seul; l’homme ne peut en disposer. La misérable vie de l’homme en Adam ayant pris fin dans la mort de Christ, le croyant peut manger la chair du fils de l’homme et boire son sang, afin de s’approprier la vie de Christ que Dieu lui donne en échange de sa vie souillée de pécheur perdu.

Il importe de présenter la mort de Christ comme moyen de posséder la vie éternelle. On parle beaucoup de Christ homme et de sa vie d’amour et d’abnégation que l’on donne comme exemple à des personnes inconverties, mais, suivraient-elles ce modèle — ce qui est impossible sans la vie divine — que jamais elles ne posséderaient la vie, qui ne s’obtient que par la foi en un Christ mort. Vouloir imiter Christ sans le posséder comme vie, c’est méconnaître la ruine absolue de l’homme pécheur et le jugement qu’il a mérité.

Le Seigneur enseigne, dans la suite, que non seulement il faut manger sa chair et boire son sang pour avoir la vie, mais que c’est là aussi l’aliment de ceux qui la possèdent, comme l’Israélite devait se nourrir de l’agneau de Pâque dont le sang l’avait mis à l’abri du jugement. «Car ma chair est en vérité un aliment, et mon sang est en vérité un breuvage. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi et moi en lui. Comme le Père qui est vivant m’a envoyé, et que moi, je vis à cause du Père, de même celui qui me mangera, celui-là aussi vivra à cause de moi» (v. 55-57). Celui qui se nourrit de Christ possède la vie en commun avec lui, puisqu’il est sa vie, de la même manière que la vie de Christ est inséparable du Père.

La vie du chrétien est ainsi un don merveilleux, qui fait apprécier la grâce de Dieu et son amour manifesté en Christ, en échange de sa misérable vie de pécheur perdu, aboutissant à la mort éternelle. «C’est ici le pain qui est descendu du ciel, non pas comme les pères mangèrent et moururent: celui qui mangera ce pain vivra éternellement» (v. 58).

Ce chapitre nous présente donc Jésus comme Fils de l’homme, pain de Dieu descendu du ciel pour donner la vie au monde, en contraste avec la manne qui n’avait fait qu’entretenir la vie du peuple pendant quelques années, puis la mort du Fils de l’homme, véritable Pâque dont le croyant se nourrit pour vivre éternellement. Au chapitre 5, Jésus est le Fils de Dieu qui donne la vie à qui il veut. Ici, il est le Fils de l’homme qui meurt pour donner la vie éternelle.

 

Ceux qui se retirent de Jésus

(v. 60-71) — Dans les versets suivants nous voyons qu’on peut suivre Jésus, admirer ses paroles, être impressionné par ses miracles en contraste avec ceux qui s’opposaient à Christ, sans pour cela croire en lui avec une vraie foi, sans accepter la vérité qui seule permet de posséder la vie éternelle. «Plusieurs de ses disciples, l’avant entendu, dirent: Cette parole est dure; qui peut l’ouïr? » (v. 60). Ils faisaient allusion au fait de manger la chair et de boire le sang du fils de l’homme. On peut donc vouloir un Christ qui enseigne, qui nourrit les foules, fait des miracles, un homme modèle qu’on se propose d’imiter; mais dès que son enseignement touche à l’état de l’homme en Adam, et montre que toute sa vie aboutit à la mort, en sorte que Jésus dut aller à la croix, mourir à sa place pour qu’il eût la vie, c’est une parole dure. C’est dur d’accepter que l’homme orgueilleux, dans son état naturel, n’est bon que pour la mort. Ainsi il méprise la grâce; il ne peut l’admettre telle que Dieu la présente, malgré toute sa profession de disciple de Christ, aujourd’hui comme alors. Il se retire (v. 66), car si, pour un moment, il a choisi Christ comme Maître, il ne veut rien de lui comme Sauveur.

Sachant que ses disciples murmuraient de ses paroles, Jésus leur dit: «Ceci vous scandalise-t-il? Si donc vous voyez le fils de l’homme monter où il était auparavant? » (v. 62). Il avait dit qu’il était descendu du ciel (v. 33, 42, 50). Il parle ensuite de sa mort, par le fait qu’il donnait sa chair et son sang comme aliment. Tout cela les scandalisait. Maintenant il leur dit qu’il va remonter où il était auparavant. Qu’en penseraient-ils? car, rejeté, il ne pouvait établir son règne. Une fois l’œuvre de la rédemption accomplie par sa mort, il n’avait plus rien à faire dans ce monde; il retournait au ciel.

Jésus explique ensuite qu’il ne fallait pas prendre dans un sens matériel ce qu’il disait: «C’est l’Esprit qui vivifie; la chair ne profite de rien: les paroles que moi je vous ai dites sont esprit et sont vie; mais il y en a quelques-uns d’entre vous qui ne croient pas» (v. 63, 64). La chair ne sert à rien pour comprendre les paroles de Dieu; elle n’est bonne que pour la mort. Les paroles de Dieu sont esprit et sont vie, elles ne peuvent se comprendre que par l’Esprit, dont l’opération produit la vie; mais pour cela, il faut croire. Le Seigneur connaissait dès le commencement ceux qui ne croyaient pas et celui qui le livrerait. Il les avait tous supportés avec patience et amour; il ne les renvoie pas; ce sont eux qui se retirent lorsque ses paroles ne s’adaptent plus à leur mentalité naturelle. Ils n’étaient pas de ceux que le Père avait attirés à lui (v. 65); la grâce par laquelle il révélait le Père ne les avait jamais touchés. Dès lors plusieurs de ses disciples se retirèrent et ne marchèrent plus avec lui (v. 66). Jésus s’adressa aux douze et leur dit: «Et vous, voulez-vous aussi vous en aller? Simon Pierre lui répondit: Seigneur, auprès de qui nous en irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle; et nous, nous croyons et nous savons que toi, tu es le Saint de Dieu» (v. 67-69). Les disciples qui se retiraient n’étaient pas des douze apôtres. Le disciple d’un maître quelconque admet ses enseignements et les pratique; il peut changer de maître à sa convenance. Pour être vrai disciple de Christ, il faut avoir la vie. Pierre répond au nom des douze, assuré que tous partagent sa foi en Jésus. Ils se rendaient compte qu’ils avaient besoin de la vie éternelle et ne pouvaient la trouver qu’en lui. Ils croyaient et par conséquent ils savaient que Jésus était une personne divine, le Saint de Dieu. Seule la foi donne une certitude positive. Sans elle, on peut se former des opinions qu’on abandonne sous l’influence d’autres considérations; c’est ce qui eut lieu chez ceux qui se retirèrent; mais dès que Jésus et ses paroles sont l’objet de la foi, il y a certitude et conviction absolues, parce qu’elles reposent sur une base divine et par conséquent invariable. Combien cela importe aujourd’hui, où l’on entend si souvent dire en parlant des vérités de la Parole: «Je n’admets pas». «Je ne vois pas». «C’est mon opinion». «C’est ma manière de voir», et ainsi de suite, au lieu de s’incliner devant la Parole de Dieu et de dire: «Je crois, je sais». Jésus répondit à Pierre: «N’est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous, les douze, et l’un d’entre vous est un diable? Or il parlait de Judas Iscariote, fils de Simon; car c’était lui qui allait le livrer, lui qui était l’un des douze» (v. 70, 71). Pierre avait parlé au nom des disciples, il ne savait pas qui était Judas; Jésus seul le savait (v. 64). Pierre pouvait penser qu’ils valaient mieux que ceux qui se retiraient, pensée que le Seigneur corrigeait en exerçant leur conscience par ces paroles terribles: «L’un d’entre vous est un diable», lors même que celui-là, comme les autres, avait été choisi par Jésus. Si le Seigneur nous accorde la grâce de le suivre avec certitude dans le chemin de l’obéissance, nous devons toujours nous défier de nous-mêmes et regarder constamment à lui, afin d’être gardés par lui, sachant que nous sommes sans force, des objets de pure grâce. À lui seul nous devons d’être ce que nous sommes. Il nous gardera de le déshonorer si nous demeurons dans la confiance en son amour et en sa fidélité.