Ézéchiel

Chapitre 47

Voici maintenant une particularité très caractéristique de cette ère future, en rapport avec le sanctuaire de l’Éternel: des eaux en sortent avec un pouvoir de guérison et un volume qui va croissant.

On sait que Joël avait déjà prédit qu’ «une source sortira de la maison de l’Éternel, et arrosera la vallée de Sittim» (Joël 3:18). Cette prophétie implique une exubérance de bénédiction terrestre, comme gage de la faveur et du plaisir de Dieu en bonté envers Sa créature. La vallée de Sittim (des acacias) ne l’empêche pas, mais le confirme. Car il ne s’agit pas de savoir si les eaux pourraient couler vers ce lieu situé de l’autre côté du Jourdain, à une dizaine de kilomètres au-delà de la Mer Morte, selon la configuration de la nature actuelle. «Ce jour-là» ne sera pas assujetti à de telles conditions de la nature. La nature s’est inclinée devant le Créateur lorsqu’Il est venu pour être un homme, pour mourir et pour ressusciter; elle s’inclinera encore quand Il viendra exécuter le jugement des vivants, à Sa venue dans Son royaume. C’est justement parce qu’elle offre un exemple spécial de sécheresse que Dieu choisit cette vallée, et déclare qu’elle sera arrosée; c’est parce que la mer de l’est est passée en proverbe comme une mer de mort, qu’elle sera transformée en abondance de vie. La bénédiction se répandra jusqu’aux bouts de la terre depuis ce centre — la maison de l’Éternel. Ce qui devra exister, existera alors sans faute, sur la terre même, et en dépit de la triste continuité de manquement qui y a régné jusqu’alors; il en sera ainsi à cause du règne de l’Éternel-Jésus en vertu de Sa croix.

Après Ézéchiel, Zacharie a déclaré (14:8) que la moitié des eaux vives s’écoulera vers la mer de derrière ou Méditerranée, et l’autre moitié vers la mer orientale [Mer Morte], ajoutant ainsi quelque chose de tout à fait physique à ce que Joël avait annoncé; cela aura lieu été comme hiver, car la source de ces eaux est bien au-dessus des ressources de la créature.

Entre ces deux prophètes, Ézéchiel nous parle de quelle sorte d’eaux il s’agit, et quels sont leurs effets, ce qui fait voir une énergie entièrement différente de celles de l’homme ou de la nature, au point qu’Henderson est obligé ici de se démarquer de sa précédente interprétation. Quand il s’agit du temple et des ordonnances, il reconnaît qu’il faut les prendre au sens littéral. Mais dans ce ch. 47, il cesse de le faire parce que la réalisation de cette vision n’est laissée en rien aux Juifs. Une pareille position est erronée à tous égards. Une première raison est que les Juifs ne peuvent pas plus agir pour ramener la manifestation visible de la gloire de l’Éternel que pour faire couler les eaux guérissantes du temple, et pourtant le retour des chérubins est l’aspect le plus grandiose de cette vision, d’un bout à l’autre. Une seconde raison est la suivante: dans ce qu’on pourrait penser le plus à la portée des Juifs, une grande partie de la description du temple et des rites cultuels diffèrent entièrement de ce qui a existé parmi le résidu de retour de Babylone dans son pays — nous avons déjà eu l’occasion de le voir. On ne trouve guère un seul point concordant entre leur histoire passée et cette prophétie.

La seule conclusion valable est que cette vision, dans son ensemble comme dans ses détails, appartient au futur et suppose le royaume rétabli sur Israël, restauré et installé pour toujours dans leur pays. À ce point de vue, il vaut la peine de citer les paroles de ce traducteur Henderson, même si elles méritent d’être corrigées sur certains points: «Ayant laissé le temple, le siège de la résidence divine, et la source d’où découlent toutes bénédictions pour la restauration de la nation hébreue, le prophète est transporté en vision vers le sud, dans la région de la Mer Morte, dont on se servait comme image de tout ce qui était interdit ou malsain, — le type même de la stérilité et de la désolation. Cette région était transformée désormais en fertilité et beauté. Autant sa condition précédente était un symbole frappant du caractère d’Israël spirituellement sans fruit, abominable et idolâtre, autant elle allait servir d’image de l’état de choses renouvelé quand Dieu ramènera son peuple selon Ses promesses, qu’Il les bénira en leur conférant les marques riches de Sa faveur. Au lieu du désert aride, la région allait devenir comme le jardin d’Eden. Par les effusion abondantes des influences de Son Saint Esprit, Il restaurerait Son Église à la vie spirituelle, et en ferait l’instrument pour répandre la bénédiction autour du monde».

Le lecteur intelligent verra dans ces propos la confusion des Juifs avec l’Église, mais aussi l’erreur consistant à supposer que la vision concerne la bénédiction d’Israël. C’est de manière caractéristique la bénédiction divine qui changera la scène de mort au-dehors, scène habituelle et terrible, en vie et fécondité découlant de la maison de l’Éternel. Quelle que soit l’effusion du Saint Esprit qui l’accompagne, il n’y a aucune base valable pour mettre en cause le fait que cette partie de la vision est tout autant littérale que ce qui précède et ce qui suit.

«Et il me fit retourner à l’entrée de la maison, et voici des eaux qui sortaient de dessous le seuil de la maison, vers l’orient, car la façade de la maison était tournée vers l’orient. Et les eaux descendaient de dessous, du côté droit de la maison, au midi de l’autel. Et il me fit sortir par le chemin de la porte du nord, et il me fit faire le tour par dehors vers la porte extérieure, vers la porte qui regarde vers l’orient; et voici des eaux qui coulaient du côté droit. Quand l’homme sortit vers l’orient, il avait un cordeau dans sa main; et il mesura mille coudées, et me fit traverser les eaux, — des eaux montant jusqu’aux chevilles des pieds. Et il mesura mille coudées, et me fit traverser les eaux, — des eaux montant jusqu’aux genoux. Et il mesura mille coudées, et me fit traverser, — des eaux montant jusqu’aux reins. Et il mesura mille coudées: c’était une rivière que je ne pouvais traverser, car les eaux avaient crû, des eaux où il fallait nager, une rivière qu’on ne pouvait traverser» (47:1-5). Le fait remarquable ici est l’augmentation frappante du volume des eaux, sans la moindre allusion que cela provienne de l’apport d’affluents comme dans la nature ordinaire, cette pensée étant même plutôt exclue. C’est une manifestation étonnante de la puissante grâce de Dieu: tout jaillit de Sa maison, et à mesure qu’elles s’éloignent de leur source, les eaux deviennent rapidement plus profondes, au lieu qu’il y ait un accroissement des bas-fonds — montant jusqu’aux chevilles, puis aux genoux, puis aux reins, et enfin jusqu’à ce qu’elles forment une rivière dans laquelle il faut nager et qu’on ne peut traverser.

«Et il me dit: As-tu vu, fils d’homme? Et il me fit aller et retourner sur le bord de la rivière. Quand j’y fus retourné, voici, au bord de la rivière, des arbres en très grand nombre, d’un côté et de l’autre. Et il me dit: Ces eaux sortent vers la contrée orientale, et elles descendent dans la plaine et parviennent jusqu’à la mer; lorsqu’elles se seront déversées dans la mer, les eaux de la mer seront rendues saines. Et il arrivera que tout être vivant qui se meut partout où parvient la double rivière, vivra. Et il y aura une très grande quantité de poissons, car ces eaux parviendront là, et les eaux de la mer seront rendues saines; et tout vivra, là où parviendra la rivière. Et les pêcheurs se tiendront auprès d’elle: depuis En-Guédi jusqu’à En-Églaïm, ce sera un lieu pour étendre les filets. Leur poisson sera selon ses espèces, comme le poisson de la grande mer, en très grand nombre. Ses marais et ses étangs ne seront pas assainis, ils seront abandonnés au sel. Et sur la rivière, sur son bord, d’un côté et de l’autre, croissaient toutes sortes d’arbres dont on mange. Leur feuille ne se flétrira pas, et leur fruit ne cessera pas: tous les mois ils porteront du fruit mûr; car ses eaux sortent du sanctuaire. Et leur fruit sera pour nourrir, et leur feuille, pour guérir» (47:6-12). Les effets apparaissent immédiatement: sur les deux rives de la rivière, il y a des arbres très nombreux, et dans ces eaux où la mort a si longtemps régné, il y a des poissons en si grand nombre que les pécheurs sont obligés d’étendre leurs filets d’un bout à l’autre de ce qui a été le lac d’Asphaltitis. Cependant nous sommes encore dans le temps, non pas encore dans la perfection ni dans les conditions de l’éternité, car la mer existe toujours (cf. Apoc. 21:1), et ses marais et ses étangs ne sont pas assainis, quelle que soit au-dedans et aux alentours, l’abondance luxuriante de la vie végétale et animale. Il y a une exception notable ici au v. 11, même si l’on accepte l’idée que ces eaux non assainies sont une réserve de sel, ou qu’elles servent à la production de sel. Combien est beau ce tableau des dispositions de la bonté de Dieu au verset 12, bien qu’on note au passage l’approvisionnement en feuilles pour la médecine. C’est une scène terrestre.

On peut remarquer combien quelques-unes des anciennes versions (en grec, syriaque et arabe) ont curieusement mal compris le sens clair et certain du v. 8. Toutes les trois ont fait une bévue en traduisant le mot hébreu pour contrée orientale par Galilée; les Septante et la version arabe ajoutent une seconde erreur en traduisant plaine par l’Arabie, qui en syriaque désigne le nord ou nord-est, au lieu de la plaine ou vallée du Jourdain. Le Targum de Jonathan ne fait pas cette erreur.

Le reste du chapitre s’occupe de la disposition d’Israël dans le pays; ici Henderson ne peut que revenir au sens littéral pour Canaan et les tribus, ce qui est inévitable pour un commentateur exempt de préjugés. Les conseils de Dieu demeurent. Joseph, quelque sombre qu’ait été l’histoire de ses fils, doit avoir sa portion; les droits selon la chair sont perdus, Ruben est déchu de son droit d’aînesse, mais le don de grâce d’origine subsiste. «Ainsi dit le Seigneur, l’Éternel: C’est ici la frontière selon laquelle vous donnerez le pays en héritage aux douze tribus d’Israël. Joseph aura deux parts. Et vous l’hériterez l’un comme l’autre, le pays au sujet duquel j’ai levé ma main de le donner à vos pères; et ce pays vous écherra en héritage. Et c’est ici la frontière du pays: Du côté du nord, depuis la grande mer, le chemin de Hethlon, quand on va à Tsedad; Hamath, Bérotha, Sibraïm, qui est entre la frontière de Damas et la frontière de Hamath, Hatser-Hatthicon qui est sur la frontière du Hauran. Et la frontière, depuis la mer, sera Hatsar-Énon, la frontière de Damas, et le nord, vers le nord, et la frontière de Hamath; c’est là le côté du nord. — Et le côté de l’orient: vous mesurerez d’entre le Hauran et Damas, et Galaad, et le pays d’Israël, le long du Jourdain, — depuis la frontière jusqu’à la mer orientale; c’est là le côté de l’orient. — Et le côté du midi, vers le sud: depuis Thamar jusqu’aux eaux de Meriba de Kadès, la rivière jusqu’à la grande mer; c’est là le côté du sud, vers le midi. — Et le côté de l’occident: la grande mer, depuis la frontière jusque vis-à-vis de l’entrée de Hamath; c’est le côté de l’occident. Et vous vous partagerez ce pays entre les tribus d’Israël» (47:13-21). Quelqu’un craint-il que la place manque pour Israël réuni, et rentrant chacun de tous les pays? Inutile de craindre, car la terre produira son fruit (Ps. 67:6), et l’abondance de la mer se tournera vers Sion, et les richesses des nations viendront à Sion sans mesure (És. 60:5). La nation et le royaume qui ne serviront pas Jérusalem périront (És 60:12). Des rois seront ses nourriciers, des princesses ses nourrices (És. 49:23).

Il y a tellement peu de raisons de s’inquiéter que le pays suffise non seulement aux tribus d’Israël, mais aussi aux étrangers séjournant au milieu d’elle et qui y ont engendré des enfants. «Et il arrivera que vous le partagerez par le sort, comme un héritage pour vous et pour les étrangers qui séjournent au milieu de vous, qui engendreront des fils au milieu de vous; et ils vous seront comme les Israélites de naissance; ils hériteront avec vous par le sort, au milieu des tribus d’Israël. Et il arrivera que, dans la tribu chez laquelle l’étranger séjourne, là vous lui donnerez son héritage, dit le Seigneur, l’Éternel» (47:22-23). Qui mettrait en doute qu’une telle largeur de cœur et une telle libéralité sont totalement nouvelles en Israël?

Il est absolument évident sur tous les plans que ce que nous lisons ne relève pas d’un passé accompli, mais de l’avenir brillant que Dieu a réservé à Israël dans son pays, quand l’étranger recevra un accueil vraiment divin pour hériter dans n’importe quelle tribu. Il en sera ainsi pour les Juifs dans ce temps-là, en heureux contraste avec tout ce qui a eu lieu auparavant! Ils l’apprendront de Dieu lorsqu’ils s’inclineront devant Jésus et que leur bénédiction sera une bénédiction pour les autres. Bonne mesure, pressée et secouée et qui débordera (Luc 6:38), voilà ce que donneront les Juifs à la louange de Sa grâce et de Sa bonté qui demeure à toujours.