Ézéchiel

Chapitre 17

Nous avons ici une autre illustration, vivante et si typique, de notre prophète présentant l’état de choses existant parmi le peuple de Dieu, la ruine imminente à cause de l’impiété du roi (dans le serment au nom de l’Éternel avec le chef des Gentils), et finalement le royaume du Messie, — ce royaume étant si abaissé lors de sa première présentation, et, le moment venu, si exalté par Dieu au-dessus de tous les royaumes de la terre. Il y a bien des ressemblances entre la dernière partie de ce chapitre et des prophéties telles qu’Ésaïe 11 et 53; Daniel 2:34, 35, 44, 45; Michée 5, mais celle qui nous occupe a ses caractères propres bien distincts, comme d’ailleurs chacune des autres que nous venons de citer.

«Et la parole de l’Éternel vint à moi, disant: Fils d’homme, propose une énigme et présente une parabole à la maison d’Israël, et dis: Ainsi dit le Seigneur, l’Éternel: Un grand aigle, à grandes ailes, à longues pennes, plein de plumes, qui était de couleurs variées, vint au Liban, et prit la cime d’un cèdre; il arracha la plus haute de ses jeunes pousses, et la transporta dans un pays de marchands et la mit dans une ville de commerçants. Et il prit de la semence du pays et la mit dans un champ où l’on sème; il la transporta près de grandes eaux, il la planta comme un saule. Et elle poussa et devint une vigne qui s’étendit, mais avait peu de hauteur, pour que ses branches se tournassent vers lui et que ses racines fussent sous lui; et elle devint une vigne, et produisit des sarments, et poussa des feuilles» (17:1-6).

Le grand aigle n’est autre que le roi de Babylone que Dieu dans sa sagesse souveraine a établi comme tête du système impérial Gentil, après la démonstration de la ruine morale d’Israël et de sa rébellion contre l’Éternel. Un autre prophète avait déjà employé une comparaison semblable au sujet de Nebucadnetsar (Jér. 48:40; 49:22). Mais ici l’allégorie est complète, car le cèdre du Liban représente la royauté en Israël dont la maison de David était investie, et qui maintenant, à cause de ses péchés, se trouvait dans la servitude du chef des Gentils. Jehoïakim est le roi de Juda décrit ici comme la plus haute pousse de la cime, laquelle Nebucadnetsar transporta avec lui à Babylone; celle-ci était alors la plus fameuse des villes de l’antiquité, non seulement par sa grandeur, mais aussi par son commerce (És. 13:19; 63:14). De plus le conquérant établit un autre roi sur Jérusalem, qui n’était pas un seigneur étranger, mais était de la semence du pays, issu de la maison de David, Matthania, oncle («frère») du roi exilé, sous le nouveau nom donné par son maître Gentil.

Sédécias aurait pu prospérer là, en vassal loyal du roi des rois de Babylone. Mais la seule condition sous laquelle Dieu aurait assuré la paix et une certaine mesure de prospérité aux Juifs, était de rester soumis à l’empire Gentil, reconnaissant que cet asservissement était une discipline de Dieu à l’égard de Son peuple à cause de sa désobéissance incurable et à cause de ses rois. Sédécias était comme un saule planté près de grandes eaux. Sa sécurité résidait dans une dépendance fidèle à Nebucadnetsar, en s’humiliant sous la puissante main de Dieu; ou, selon l’image employée par le prophète, en étant comme une vigne s’étendant, mais avec peu de hauteur, et avec des branches tournées vers celui qui l’avait plantée, et ses racines sous lui. Cette vigne aurait pu produire non seulement des branches et des racines, mais aussi du fruit.

Hélas! il n’en advint pas ainsi, malgré de nombreux avertissements et supplications prophétiques. Le nouveau roi, comme le peuple d’autrefois, regardait vers l’Égypte pour avoir de l’aide — vers les Égyptiens qui étaient des hommes, et non pas Dieu, et dont les chevaux étaient chair, et non pas esprit, et comme autrefois, il convoitait les bonnes choses de l’Égypte — maintenant de nouveau il faisait des efforts en tout genre, grands et petits, pour se débarrasser du joug de Babylone, pour le déshonneur de Dieu. C’est ce que le prophète montre ici.

«Mais il y avait un autre grand aigle, à grandes ailes et à beaucoup de plumes; et voici, des carrés de sa plantation, cette vigne tourna vers lui ses racines, et étendit ses branches vers lui, afin qu’il l’arrosât. Elle était plantée dans un bon terrain, près de grandes eaux, afin de produire des sarments et de porter du fruit, afin d’être une vigne magnifique. Dis: Ainsi dit le Seigneur, l’Éternel: Prospérera-t-elle? N’arrachera-t-il pas ses racines, et ne coupera-t-il pas son fruit, en sorte qu’elle sèche? Toutes les jeunes feuilles de ses pousses sécheront, et il ne sera pas besoin d’un grand bras et d’un peuple nombreux pour l’enlever de dessus ses racines. Et voici, elle est plantée: prospérera-t-elle? Quand le vent d’orient l’aura touchée, ne séchera-t-elle pas entièrement? Elle séchera sur les carrés où elle a poussé» (17:7-10).

Le second aigle, ici, est le roi d’Égypte qui visait à l’empire du monde, et se battait avec Nebucadnetsar pour l’avoir. Mais c’est Dieu qui commande: Il l’avait donné au roi de Babylone. Ce n’était encore que Sa providence. Le royaume entre les mains du premier Adam était venu à rien. Israël, Juda, la maison de David, avaient complètement manqué, et n’avaient vécu que pour rajouter du déshonneur sur le nom de l’Éternel qui les avait choisis. Le jour n’était pas encore venu pour le second homme, le dernier Adam, vrai fils de David et fils de l’homme. C’est pourquoi Dieu avait laissé provisoirement la suprématie universelle entre les mains des hommes les plus vils, comme une leçon pour ceux qui avaient préféré leurs propres voies au Dieu vivant; et le lieu d’origine de l’exaltation contre le vrai Dieu, le lieu d’où étaient sortis les faux dieux, était devenu le fouet contre Israël et la prison d’Israël, dans la personne de la maison de David et du peuple abandonné à son état misérable. Mais eux, et par-dessus tout Sédécias, qui plus que tout autre aurait dû connaître la volonté de Dieu, avaient cherché l’aide de l’Égypte dans l’espoir naïf de se rendre indépendants de Babylone. Se tourner ainsi vers le Pharaon, c’était rejeter l’Éternel, non pas simplement Nebucadnetsar, et cela entraînait leur propre destruction sans que leur maître chaldéen eût grand effort à faire pour cela. Un souffle de «ce vent d’Orient» suffisait pour flétrir la vigne sans fruit, pour la dessécher entièrement dans les carrés où elle poussait.

«Et la parole de l’Éternel vint à moi, disant: Dis à la maison rebelle: Ne savez-vous pas ce que signifient ces choses? Dis: Voici, le roi de Babylone est venu à Jérusalem, et il a pris son roi et ses princes, et les a emmenés avec lui à Babylone. Et il en a pris un de la semence du royaume, et a fait alliance avec lui, et lui a fait prêter un serment d’exécration, et il a pris les puissants du pays, afin que le royaume fût bas et qu’il ne s’élevât point, afin qu’il gardât son alliance pour subsister. Mais il s’est rebellé contre lui, envoyant ses messagers en Égypte, pour qu’on lui donnât des chevaux et un peuple nombreux. Prospérera-t-il, échappera-t-il, celui qui fait de telles choses? Rompra-t-il l’alliance, et échappera-t-il? Je suis vivant, dit le Seigneur, l’Éternel, si, dans le lieu même du roi qui l’a fait roi, dont il a méprisé le serment et dont il a rompu l’alliance, près de lui, il ne meurt au milieu de Babylone! Et le Pharaon, avec une grande armée et un grand rassemblement d’hommes, ne fera rien pour lui dans la guerre, quand on élèvera des terrasses et qu’on bâtira des tours, pour exterminer beaucoup de gens. Il a méprisé le serment et rompu l’alliance; et voici, il a donné sa main, et il a fait toutes ces choses: il n’échappera pas. C’est pourquoi, ainsi dit le Seigneur, l’Éternel: Je suis vivant, si je ne mets sur sa tête mon serment qu’il a méprisé et mon alliance qu’il a rompue! Et j’étendrai sur lui mon filet, et il sera pris dans mon piège; et je l’amènerai à Babylone, et là j’entrerai en jugement avec lui pour son infidélité par laquelle il a été infidèle envers moi. Et tous ses fugitifs, de toutes ses troupes, tomberont par l’épée, et ceux qui resteront seront dispersés à tout vent. Et vous saurez que moi, l’Éternel, j’ai parlé» (17:11-21).

L’affaire est mise ici en lumière, l’énigme est résolue et la parabole est suivie de son interprétation par l’Esprit. L’Éternel accuse le fils de David régnant alors, de perfidie contre Lui-même et contre Nebucadnetsar. Il avait violé son alliance avec les Chaldéens, alors que cette alliance avait été scellée du nom de l’Éternel. Les choses en étaient-elles vraiment arrivées à ce point que le roi païen Nebucadnetsar avait plus de respect pour le serment de l’Éternel que le fils de David, le roi de Juda? Au vu de cette conduite de Sédécias, il devenait absolument impossible pour Dieu, à tout point de vue, de continuer à protéger le roi et le peuple coupables, d’autant plus qu’ils portaient Son nom. «Je vous ai connus, vous seuls, de toutes les familles de la terre; c’est pourquoi je visiterai sur vous toutes vos iniquités» (Amos 3:2). Le jugement doit commencer par la maison de Dieu (1 Pier. 4:7); ils disaient voir, c’est pourquoi leur péché demeurait (Jean 9:41). Il faut que Dieu soit sanctifié dans tous ceux qui s’approchent de Lui; et si du péché est toujours du péché, il est d’autant moins excusable là où Sa parole est connue, et Son nom proclamé devant les hommes. C’est justement la raison pour laquelle Sédécias devait être pris au filet de la rétribution divine, et mourir déçu de l’aide du Pharaon et de sa grande armée en lesquels il s’était confié au jour de sa si grande détresse. Il était à Babylone, prisonnier de celui dont il avait rompu l’alliance! Il recevait sur sa tête l’amère récompense du serment fait au nom de l’Éternel, qui plaidait contre lui pour sa transgression, tuait ses fugitifs, et dispersait de tous côtés ceux qui étaient de reste, prouvant ainsi la réalité de l’outrage fait à Son nom.

Mais le chapitre ne se termine pas sans nous donner une perspective bien différente. «Ainsi dit le Seigneur, l’Éternel: Et moi, je prendrai de la cime du cèdre élevé un rejeton, et je le placerai: de la plus haute de ses jeunes pousses, j’arracherai un tendre rejeton et je le planterai sur une montagne haute et éminente. Je le planterai sur la haute montagne d’Israël; et il portera des branches et produira du fruit, et il sera un cèdre magnifique; et tout oiseau de toute aile demeurera sous lui; ils habiteront à l’ombre de ses branches. Et tous les arbres des champs sauront que moi, l’Éternel, j’abaisse l’arbre élevé et j’élève l’arbre abaissé, je fais sécher l’arbre vert et je fais fleurir l’arbre sec. Moi, l’Éternel, je l’ai dit, et je le ferai» (17:22-24). Il s’agit ici du Messie dans son royaume, non pas du Messie souffrant sur la terre ou venant du ciel; c’est le roi d’Israël régnant en justice, et désigné donc plus loin sous le nom de David, le vrai Bien-aimé sous le sceptre duquel le peuple tout entier sera réuni de nouveau, pour ne plus jamais être divisé par sa folie, et pour ne plus jamais tomber dans le péché d’idolâtrie ou d’autres péchés.

Tout cela n’est pas le mystère du royaume tel que nous le connaissons aujourd’hui, ni le jour de la réjection et de la grâce, pour Lui et pour les Siens, mais il s’agit du jour de la puissance, judiciaire sans doute, mais bienfaisante sur la terre. Ce n’est pas non plus l’appel hors du monde des âmes pour être amenées à un Christ glorifié dans le ciel, mais c’est la bénédiction du pays et de toute la terre sous le règne de Celui qui établit pour toujours le sanctuaire de l’Éternel au milieu d’Israël. Sans nier que Zorobabel puisse être une image fugitive du Grand Roi et du puissant règne de paix et de bénédiction préfiguré ici, je ne puis pourtant le considérer que comme un bien pâle accomplissement d’une promesse si glorieuse. L’interprétation qu’en font les anciens et les modernes me semble injurieuse et bien éloignée de la vérité; en effet ils font disparaître les espérances d’Israël dans les voies de grâce de Dieu, et ils abaissent l’Église jusqu’à lui faire usurper les promesses de bénédiction et de gloire terrestres du peuple juif, au lieu de la maintenir dans la communion des souffrances de Christ pour le temps actuel, et dans l’attente de la joie et de la gloire célestes dans Son amour à Sa venue.