Exode

Chapitre 12

«Et l’Éternel dit à Moïse: Je ferai venir encore une plaie sur le Pharaon et sur l’Égypte après cela il vous laissera aller d’ici; lorsqu’il vous laissera aller complètement, il vous chassera tout à fait d’ici». (Chap. 11:1). Il faut encore un coup plus pesant à ce monarque endurci et à son pays, pour l’obliger à laisser aller les bienheureux objets de la grâce souveraine de l’Éternel.

C’est en vain que l’homme s’endurcit et s’élève contre Dieu; car certainement Dieu peut briser et réduire en poudre le cœur le plus dur, et abattre jusque dans la poussière l’esprit le plus hautain. «Il est puissant pour abaisser ceux qui marchent avec orgueil». (Dan. 4:37). L’homme peut s’imaginer qu’il est quelque chose; il peut lever haut la tête dans son fol orgueil, comme s’il était son propre maître. Homme vain! combien peu il connaît sa condition et son caractère véritables! Il n’est qu’un moyen et un instrument de la méchanceté de Satan, qui cherche à mettre obstacle aux desseins de Dieu. L’intelligence la plus brillante, le génie le plus élevé, l’énergie la plus indomptable, à moins qu’ils ne soient sous le gouvernement immédiat de l’Esprit de Dieu, ne sont qu’autant d’instruments dans la main de Satan pour exécuter ses noirs desseins. Nul homme n’est son propre maître: il est gouverné ou par Christ ou par Satan. Le roi d’Égypte pouvait se croire un agent libre; cependant il n’était qu’un instrument dans les mains d’un autre. Satan était derrière le trône; et en conséquence de ce que Pharaon s’était appliqué à résister aux desseins de Dieu, il fut judiciairement livré à l’influence endurcissante et aveuglante du maître qu’il s’était choisi.

Ceci nous explique une expression qui revient fréquemment dans les premiers chapitres de ce livre: «Et l’Éternel endurcit le cœur du Pharaon». (Chap. 9:12). Il ne peut être profitable pour personne de chercher à éviter le sens clair et complet de cette solennelle déclaration. Si l’homme repousse la lumière du témoignage divin, il est judiciairement livré à un endurcissement et à un aveuglement de cœur; Dieu l’abandonne à lui-même; et alors Satan arrive, qui l’entraîne, tête baissée, dans la perdition. Il y avait abondamment de lumière pour faire voir à Pharaon l’extravagance et la folie de la voie qu’il poursuivait, en cherchant à retenir ceux que Dieu lui avait commandé de laisser aller. Mais la véritable inclination de son cœur était d’agir contre Dieu, c’est pourquoi Dieu l’abandonna à lui-même et fit de lui un monument pour la manifestation de sa gloire «par toute la terre». Ceci ne renferme de difficulté que pour ceux dont le désir est de contester avec Dieu, de «s’élever contre le Tout-Puissant» (Job 15:25) et de ruiner leurs âmes immortelles.

Dieu donne quelquefois aux hommes ce qui est en rapport avec le vrai penchant de leur cœur: «à cause de cela, Dieu leur envoie une énergie d’erreur pour qu’ils croient au mensonge, afin que tous ceux-là soient jugés qui n’ont pas cru la vérité, mais qui ont pris plaisir à l’injustice» (2 Thess. 2:11, 12). Si les hommes ne veulent pas de la vérité quand elle leur est présentée, ils auront certainement un mensonge s’ils ne veulent pas de Christ, ils auront Satan s’ils ne veulent pas du ciel, ils auront l’enfer1. L’esprit d’incrédulité trouvera-t-il à redire à ceci? Qu’il commence par prouver que tous ceux qui sont ainsi judiciairement traités ont pleinement répondu à leur responsabilité; que Pharaon, par exemple, pour ce qui le regarde, agit, en quelque mesure, selon la lumière qu’il possédait; et ainsi pour tous les autres. Incontestablement, la tâche de prouver retombe sur ceux qui sont disposés à trouver à redire aux voies de Dieu envers ceux qui rejettent sa vérité. L’enfant de Dieu, simple de cœur, justifiera Dieu dans ses dispensations les plus insondables, et encore qu’il ne pût pas répondre d’une manière satisfaisante aux questions difficiles d’un esprit incrédule, il trouve son parfait repos dans cette parole: «Le juge de toute la terre ne fera-t-il pas ce qui est juste?» (Gen. 18:25). Il y a infiniment plus de sagesse dans cette manière de résoudre une difficulté apparente, que dans le raisonnement le plus élaboré; car il est certain qu’un cœur, disposé «à contester contre Dieu» (Rom. 9:20), ne sera pas convaincu par les raisonnements de l’homme.

1 Il y a une grande différence dans la manière dont Dieu agit envers les païens (Rom. 1) et envers ceux qui rejettent l’Évangile. (2 Thess. 1:11). Quant aux premiers, il est dit; «Et comme ils n’ont pas eu de sens moral pour garder la connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à un esprit réprouvé»; mais quant aux seconds, la Parole enseigne que «parce qu’ils n’ont pas reçu l’amour de la vérité pour être sauvés, à cause de cela, Dieu leur envoie une énergie d’erreur pour qu’ils croient au mensonge, afin que tous ceux-là soient jugés». Les païens refusent le témoignage de la création et sont, en conséquence, abandonnés à eux-mêmes. Ceux qui rejettent l’Évangile repoussent la lumière éclatante qui resplendit de la croix et, partant, une «énergie d’erreur» leur sera bientôt envoyée de la part de Dieu. Ceci est bien sérieux pour le temps où nous sommes, dans lequel il y a tant de lumière et de profession de christianisme.

Toutefois c’est la prérogative de Dieu de répondre à tous les raisonnements orgueilleux de l’homme, et d’abaisser les superbes imaginations des pensées de l’esprit humain. Il peut imprimer la sentence de mort sur toute la nature, dans ses formes les plus belles. «Il est réservé aux hommes de mourir une fois». (Héb. 9:27). Personne ne peut échapper à cette sentence. L’homme peut chercher à couvrir son humiliation par divers moyens; à cacher son passage par la vallée de l’ombre de la mort de la manière la plus héroïque; à donner aux derniers jours humiliants de sa carrière les noms les plus honorables qu’il puisse imaginer; à dorer d’une fausse lumière le lit de mort; à décorer le convoi funéraire et la tombe d’un semblant de pompe, d’apparat et de gloire; à élever sur des restes corrompus un monument splendide, sur lequel sont inscrites les annales de la honte humaine; il peut faire tout cela, mais la mort est la mort après tout, et il ne peut la retarder d’un seul moment, ni la faire être autre chose que ce qu’elle est, savoir «les gages du péché» (Rom. 6:23 rm 6.23).

Ces pensées nous ont été suggérées par les premiers versets du chapitre 11: «Encore une plaie!» Parole solennelle! Elle mettait le sceau à l’arrêt de mort prononcé sur les premiers-nés d’Égypte, «les prémices de toute, leur vigueur» (Ps. 105:36). «Et Moïse dit: Ainsi dit l’Éternel: Sur le minuit je sortirai au milieu de l’Égypte et tout premier-né dans le pays d’Égypte mourra, depuis le premier-né du Pharaon, qui est assis sur son trône, jusqu’au premier-né de la servante qui est derrière la meule, et tout premier-né des bêtes. Et il y aura un grand cri dans tout le pays d’Égypte, comme il n’y en a pas eu et il n’y en aura jamais de semblable». (Chap. 11:4-6). Telle devait être la plaie finale — la mort dans chaque maison. «Mais contre tous les fils d’Israël, depuis l’homme jusqu’aux bêtes, pas un chien ne remuera sa langue; afin que vous sachiez que l’Éternel distingue entre les Égyptiens et Israël». (Vers. 7). Il n’y a que le Seigneur qui puisse «distinguer» entre ceux qui sont siens et ceux qui ne le sont pas. Il ne nous appartient pas de dire à qui que ce soit: «Tiens-toi loin, ne me touche pas, car je suis saint vis-à-vis de toi» (Ésaïe 65:5); ce langage est celui d’un pharisien. Mais quand «Dieu distingue», il est de notre devoir de nous enquérir en quoi cela consiste, et, dans le cas qui nous occupe, nous voyons que c’était une simple question de vie ou de mort. C’est là la grande différence que fait Dieu. Il tire une ligne de démarcation; et de l’un des côtés de cette ligne est la «vie», de l’autre la «mort». Plusieurs des premiers-nés de l’Égypte ont pu être aussi beaux et avoir les mêmes attraits que ceux d’Israël, même beaucoup plus; mais Israël avait la vie et la lumière, fondées sur les conseils de l’amour d’un Dieu Rédempteur, et établies, comme nous allons le voir, par le sang de l’Agneau. Voilà quelle était la bienheureuse position d’Israël, tandis que, d’un autre côté, dans toute l’étendue du pays d’Égypte, depuis le monarque sur le trône jusqu’au serviteur employé à moudre, on ne pouvait voir que la mort, et n’entendre que le cri amer de l’angoisse arraché par le coup terrible de la verge de l’Éternel. Dieu peut abattre l’esprit hautain de l’homme; il peut faire que la colère de l’homme le loue et se ceindre du reste de la colère. (Ps. 76:11). «Et tous ces tiens serviteurs descendront vers moi, et se prosterneront devant moi, disant: Sors, toi, et tout le peuple qui est à tes pieds. Et après cela je sortirai». (Chap. 11:8). Dieu accomplira ses propres conseils. Il faut que ses desseins de miséricorde s’effectuent à tout prix; et la confusion de face sera la part de tous ceux qui s’y opposent. «Célébrez l’Éternel! car il est bon; car sa bonté demeure à toujours; Celui qui a frappé l’Égypte en ses premiers-nés, car sa bonté demeure à toujours; et a fait sortir Israël du milieu d’eux, car sa bonté demeure à toujours; à main forte et à bras étendu, car sa bonté demeure à toujours». (Ps. 136).

«Et l’Éternel parla à Moïse et à Aaron dans le pays d’Égypte, disant: Ce mois-ci sera pour vous le commencement des mois; il sera pour vous le premier des mois de l’année». (Chap. 12:1, 2), Il y a ici un changement très intéressant dans l’ordre du temps. L’année commune ou civile suivait son cours ordinaire, lorsque l’Éternel l’interrompit en vue de son peuple, lui apprenant ainsi, en principe, qu’il devait commencer une ère nouvelle avec Lui. L’histoire antérieure d’Israël ne devait plus compter désormais; la rédemption devait constituer le premier pas dans la vie réelle.

Ceci nous apprend une vérité bien simple, c’est que la connaissance d’un salut parfait et d’une paix stable et assurée, par le sang précieux de l’Agneau, place l’homme au milieu d’un nouvel ordre de choses et devient pour lui le commencement de sa vie avec Dieu. Jusque-là, il est, selon le jugement de Dieu et l’expression des Écritures, mort dans ses fautes et dans ses péchés», étranger à la vie de Dieu» (Éph. 2:1; 4:18). Son histoire tout entière n’est qu’un espace vide, encore que, dans l’estimation de l’homme, elle puisse avoir été une longue scène de bruyante activité. Tout ce qui captive l’attention de l’homme du monde, les honneurs, les richesses, les plaisirs, les attraits de la vie, toutes ces choses, considérées à la lumière du jugement de Dieu et pesées à la balance du sanctuaire, ne sont au fond qu’un vide affreux, un néant, indigne d’occuper une place dans les récits de l’Esprit Saint. «Qui désobéit au Fils ne verra pas la vie» (Jean 3:36). Les hommes parlent de jouir de la vie, quand ils se lancent dans la société, quand ils voyagent de côté et d’autre pour voir tout ce qui se peut voir; mais ils oublient que le seul moyen réel et véritable de «voir la vie», c’est de «croire au Fils de Dieu».

Mais les hommes pensent autrement. Ils s’imaginent que la «vraie vie» prend fin dès qu’un homme devient chrétien, de fait et en vérité, non pas de nom et de profession extérieure seulement; tandis que la parole de Dieu nous apprend que ce n’est qu’alors que nous pouvons voir la vie et goûter le vrai bonheur. «Celui qui a le Fils a la vie». (1 Jean 5:12). Et encore: «Bienheureux celui dont la transgression est pardonnée, et dont le péché est couvert». (Ps. 32:1). Nous ne pouvons avoir la vie et le bonheur qu’en Christ seul. En dehors de lui tout est mort et misère selon le jugement du ciel, quelles que soient d’ailleurs les apparences. C’est quand le voile épais de l’incrédulité a été ôté de dessus le cœur, c’est quand nous pouvons voir, des yeux de la foi, l’Agneau immolé, portant sur le bois maudit le pesant fardeau de notre culpabilité, que nous entrons dans le sentier de la vie, et que nous participons à la coupe de la félicité divine. Cette vie commence à la croix et coule jusque dans une éternité de gloire, et la félicité devient chaque jour plus profonde et plus pure, se rattache chaque jour davantage à Dieu et repose davantage sur Christ, jusqu’à ce que nous atteignions sa sphère propre, dans la présence de Dieu et de l’Agneau. Chercher la vie et le bonheur par un autre moyen est un travail bien plus vain que de vouloir «faire des briques sans paille».

Il est vrai que l’Ennemi des âmes sait colorer la scène passagère de la vie présente, pour faire croire à l’homme qu’elle est toute d’or. Il élève plus d’un théâtre de marionnettes, pour exciter le rire d’une multitude insouciante et légère, qui ne veut pas se souvenir que c’est Satan qui fait mouvoir les fils, et que son but est d’éloigner les âmes de Christ et de les entraîner dans la perdition éternelle. Il n’y a rien de réel, rien de solide, rien de satisfaisant qu’en Christ. En dehors de lui, «tout est vanité et poursuite du vent». (Eccl. 2:17). En lui seul se trouvent les joies véritables et éternelles; et ce n’est que quand nous commençons à vivre en lui, de lui, avec lui et pour lui que nous commençons à vivre véritablement. «Ce mois-ci sera pour vous le commencement des mois; il sera pour vous le premier des mois de l’année». Le temps passé dans les fours à briques et près des potées de chair est comme non avenu; il doit l’être désormais pour Israël, sauf que le souvenir de ce temps devrait toujours de nouveau servir à ranimer et à rendre plus profond en lui le sentiment de ce que la grâce divine a accompli en sa faveur.

«Parlez à toute l’assemblée d’Israël, disant: Au dixième jour de ce mois, vous prendrez chacun un agneau par maison de père, un agneau par maison… Vous aurez un agneau sans défaut, mâle, âgé d’un an; vous le prendrez d’entre les moutons ou d’entre les chèvres; et vous le tiendrez en garde jusqu’au quatorzième jour de ce mois; et toute la congrégation de l’assemblée d’Israël l’égorgera entre les deux soirs». (Vers. 3-6). C’est ici la rédemption du peuple fondée sur le sang de l’Agneau, selon le dessein éternel de Dieu; nous apprenons ce qui communique à cette rédemption sa divine stabilité. La rédemption n’a point été en Dieu une pensée seconde: avant que le monde fût, ou Satan, ou le péché; avant que jamais la voix de Dieu eût interrompu le silence de l’éternité et appelé les mondes à l’existence, ses grands desseins d’amour existaient par devers Lui, et ces conseils ne peuvent jamais trouver un fondement suffisamment solide dans la création. Tous les privilèges, toutes les bénédictions et les gloires de la création reposaient sur l’obéissance d’une créature, et du moment que celle-ci faillit, tout fut perdu. Mais la tentative que fit Satan de troubler et de corrompre la création n’a fait qu’ouvrir la voie à la manifestation des desseins plus profonds de Dieu dans la rédemption.

Cette merveilleuse vérité nous est présentée en type dans le fait que l’agneau était «tenu en garde depuis le dixième jusqu’au quatorzième jour». Cet agneau, incontestablement, était la figure du Christ, ainsi que l’enseignent expressément les passages suivants: «Car aussi notre Pâque, Christ, a été sacrifiée» (1 Cor. 5:7); et: «Sachant que vous avez été rachetés de votre vaine conduite, qui vous avait été enseignée par vos pères, non par des choses corruptibles, de l’argent ou de l’or, mais par le sang précieux de Christ, comme d’un agneau sans défaut et sans tache, préconnu dès avant la fondation du monde, mais manifesté à la fin des temps pour vous». (1 Pierre 1:18-20).

Tous les desseins de Dieu, de toute éternité, avaient rapport à Christ, et aucun effort de l’Ennemi n’a jamais pu y porter atteinte; bien au contraire, tous ces efforts n’ont fait que contribuer à la manifestation de la sagesse insondable et de la fermeté immuable des conseils de Dieu. Si «l’Agneau sans défaut et sans tache» a été «préconnu dès avant la fondation du monde», assurément la rédemption doit avoir été dans les pensées de Dieu avant la fondation du monde. Le Dieu bienheureux n’eut pas besoin de combiner un plan, au moyen duquel il pût remédier au mal terrible que l’Ennemi avait introduit dans la création: non; il n’eut qu’à faire sortir, du trésor inexploré de ses merveilleux conseils, la vérité concernant l’Agneau sans tache, qui avait été préconnu de toute éternité, et qui devait être «manifesté dans les derniers temps pour nous».

Il n’y avait pas besoin du sang de l’Agneau dans la création, lorsqu’elle sortit toute jeune et fraîche des mains du Créateur, manifestant, dans chacune de ses phases et de ses parties, l’empreinte admirable de la main divine, les preuves infaillibles de «sa puissance éternelle et de sa divinité». (Rom. 1:20). Mais quand, «par un seul homme» (Rom. 5:12), le péché eut été introduit dans le monde, alors fut révélée la pensée plus profonde, plus parfaite, plus glorieuse de la rédemption par le sang de l’Agneau. Cette merveilleuse vérité apparut d’abord à travers l’épais nuage qui entourait nos premiers parents, alors qu’ils sortirent du jardin d’Éden; ses rayons commencèrent à briller dans les types et les ombres de l’économie mosaïque; elle resplendit sur le monde dans tout son éclat, alors que «l’Orient d’en haut» (Luc 1:78) apparut dans la personne de «Dieu manifesté en chair» (1 Tim. 3:16); et ses riches et glorieux résultats se réaliseront, alors que la grande multitude, vêtue de blanc et tenant des palmes à la main, s’assemblera autour du trône de Dieu et de l’Agneau, et que la création tout entière se reposera sous le sceptre de paix du Fils de David.

Ainsi, l’agneau pris le dixième jour et tenu en garde jusqu’au quatorzième jour, nous présente Christ, préconnu de Dieu de toute éternité, mais manifesté pour nous dans le temps. Le dessein éternel de Dieu en Christ devient le fondement de la paix du croyant. Rien moins que cela ne serait suffisant. Nous sommes reportés bien au-delà de la création, au-delà des limites du temps, au-delà de l’entrée du péché dans le monde, de tout ce qui pouvait porter atteinte au fondement de notre paix. L’expression de «préconnu dès avant la fondation du monde», nous reporte en arrière dans les profondeurs insondables de l’éternité, et nous montre Dieu, formant ses plans d’amour et de rédemption, et les faisant tous reposer sur le sang expiatoire de son immaculé et précieux Agneau. Christ fut toujours la pensée première de Dieu; aussi, dès que Dieu commence à parler ou à agir, il en prend occasion de présenter en figure Celui qui occupait la place la plus élevée dans ses conseils et ses affections; et en poursuivant le courant de l’inspiration, nous voyons que chaque cérémonie, chaque rite, chaque ordonnance et chaque sacrifice annonçait à l’avance «l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde» (Jean 1:29, 36), et aucun d’une manière plus frappante que «la Pâque». L’agneau pascal, avec toutes les circonstances qui s’y rattachent, forme l’un des types les plus intéressants et les plus profondément instructifs de l’Écriture.

Nous avons affaire, dans l’interprétation de ce chapitre 12 de l’Exode, avec une assemblée et un sacrifice. «Et toute la congrégation de l’assemblée d’Israël l’égorgera entre les deux soirs». (Vers. 6). Ce n’est pas tant un nombre de familles avec plusieurs agneaux (ce qui d’ailleurs est très vrai en soi), qu’une seule assemblée et un seul agneau. Chaque famille n’était que l’expression locale de l’assemblée tout entière, réunie autour de l’agneau, comme il en est de l’Église de Christ tout entière, rassemblée par le Saint Esprit au nom de Jésus, de laquelle chaque assemblée particulière, quelque part qu’elle se réunisse, devait être l’expression locale.

«Et ils prendront de son sang, et en mettront sur les deux poteaux et sur le linteau de la porte, aux maisons dans lesquelles ils le mangeront, et ils en mangeront la chair cette nuit-là; ils la mangeront rôtie au feu, avec des pains sans levain, et des herbes amères. Vous n’en mangerez pas qui soit à demi-cuit, ou qui ait été cuit dans l’eau, mais rôti au feu: la tête, et les jambes, et l’intérieur». (Vers. 7-9). L’agneau pascal se présente à nous sous deux aspects différents, savoir, comme fondement de la paix et comme centre d’unité. Le sang sur le linteau assurait la paix à Israël. «Et je verrai le sang, et je passerai par-dessus vous». (Vers. 13). Il ne fallait rien autre que l’application du sang d’aspersion, pour qu’on pût jouir d’une paix assurée, relativement à l’ange destructeur. La mort avait son œuvre à faire dans toutes les maisons du pays d’Égypte. «Il est réservé aux hommes de mourir une fois». (Héb. 9:27). Mais Dieu, dans sa grande miséricorde, trouva pour Israël un substitut sans tache, sur lequel la sentence de mort fut exécutée. Les exigences de la gloire de Dieu et le besoin d’Israël trouvèrent ainsi dans une seule et même chose, savoir dans le sang de l’agneau, ce qui, également, les satisfaisait. Le sang au dehors disait que tout était parfaitement réglé, puisque c’était Dieu qui était intervenu; et par conséquent une parfaite paix régnait au dedans. L’ombre d’un doute dans le cœur d’un Israélite aurait été un déshonneur jeté sur le divin fondement de la paix, savoir le sang de propitiation.

Sans doute, chacun de ceux qui étaient au-dedans de la porte aspergée de sang devait nécessairement sentir que, s’il avait dû recevoir la juste rétribution de ses péchés, l’épée du destructeur l’eût bien certainement frappé; mais l’agneau avait subi, à sa place, le traitement qu’il avait mérité. C’était là le solide fondement de sa paix. Le jugement qui lui revenait était tombé sur une victime préordonnée de Dieu; et, croyant cela, il pouvait manger en paix dans l’intérieur de la maison. Un seul doute aurait fait l’Éternel menteur, car il avait dit: «Je verrai le sang, et je passerai par-dessus vous». Cela suffisait. Il ne s’agissait pas de mérite personnel; le moi était absolument hors de question. Tous ceux qui étaient abrités par le sang étaient en sûreté. Ils n’étaient pas seulement en état d’être sauvés; — ils étaient sauvés. Ils n’en étaient pas à espérer qu’ils seraient sauvés, ou à prier qu’ils le fussent; ils savaient, comme un fait avéré, qu’ils l’étaient, sur l’autorité de cette parole qui demeurera de génération en génération. En outre, ils n’étaient pas en partie sauvés et en partie exposés au jugement, ils étaient complètement sauvés. Le sang de l’agneau et la parole de l’Éternel constituaient le fondement de la paix d’Israël dans cette nuit terrible, dans laquelle la mort frappa les premiers-nés de l’Égypte. Si un seul cheveu d’une tête israélite eût pu être touché, ce fait aurait démenti la parole de l’Éternel, et déclaré inutile le sang de l’agneau.

Il est très important d’avoir une intelligence claire de ce qui constitue le fondement de la paix du pécheur, dans la présence de Dieu. On associe tant de choses à l’œuvre accomplie de Christ, que les âmes sont plongées dans l’incertitude et l’obscurité quant à leur acceptation. Elles ne discernent pas le caractère absolu de la rédemption par le sang de Christ, dans son application à elles-mêmes. Elles semblent ignorer que le plein pardon des péchés repose sur le simple fait qu’une expiation parfaite a été accomplie, fait attesté à la vue de toute intelligence créée, par la résurrection d’entre les morts du garant des pécheurs. Elles savent qu’il n’y a pas d’autre moyen d’être sauvé que le sang de la croix, mais les démons le savent aussi et cela ne leur profite de rien. Ce qu’elles ne savent pas, et ce dont nous avons besoin, c’est de savoir que nous sommes sauvés. L’Israélite ne savait pas seulement que le sang était une sauvegarde, il savait que lui était en sécurité. Et pourquoi? Était-ce en vertu de quelque chose qu’il eût fait, ou senti, ou pensé? Nullement, mais parce que Dieu avait dit: «Je verrai le sang et je passerai par-dessus vous». Il se reposait sur le témoignage de Dieu; il croyait ce que Dieu avait dit, parce que Dieu l’avait dit «il scellait que Dieu est vrai» (Jean 3:33).

Remarquez, cher lecteur, que ce n’était pas sur ses propres pensées, sur ses sentiments, ou sur ses expériences relativement au sang que l’Israélite se reposait. C’eût été se reposer sur un misérable fondement de sable. Ses pensées et ses sentiments pouvaient être profonds ou superficiels; mais, profonds ou superficiels, ils n’avaient rien à faire avec le fondement de sa paix. Dieu n’avait pas dit: «Quand vous verrez le sang et que vous l’estimerez comme il doit être estimé, je passerai par-dessus vous». Cela eût suffi pour plonger l’Israélite dans un profond désespoir quant à lui-même, attendu qu’il est impossible à l’esprit humain de jamais apprécier suffisamment le précieux sang de l’agneau. Ce qui donnait la paix, c’était le fait que l’œil de l’Éternel reposait sur le sang, et l’Israélite savait que Lui l’estimait à sa valeur. «Je verrai le sang!» C’est là ce qui tranquillisait le cœur. Le sang était en dehors, sur le linteau de la porte, et l’Israélite qui était en dedans ne pouvait pas le voir: mais Dieu voyait le sang, et cela suffisait parfaitement.

L’application de ce qui précède à la question de la paix d’un pécheur est bien simple. Le Seigneur Jésus ayant répandu son sang précieux, en expiation parfaite pour le péché, a porté ce sang dans la présence de Dieu, et là en a fait l’aspersion; et le témoignage de Dieu assure au pécheur qui croit, que toutes choses ont été réglées en sa faveur, — réglées, non par l’estimation qu’il fait du sang, mais par le sang lui-même, qui a une si haute valeur aux yeux de Dieu, que, à cause de ce sang, et de lui seul, Dieu peut avec justice pardonner tout péché, et recevoir le pécheur comme parfaitement juste en Christ. Comment un homme pourrait-il jouir d’une paix solide, si sa paix dépendait de l’estimation qu’il fait du sang? L’estimation la plus haute que l’esprit humain puisse faire du sang, ne sera jamais qu’infiniment au-dessous de sa divine valeur; si donc notre paix devait dépendre de notre juste appréciation de ce qu’il vaut, nous ne pourrions pas plus jouir d’une paix solide et assurée que si nous cherchions cette paix par des «œuvres de loi» (Rom. 9:32; Gal. 2:16; 3:10). Il faut qu’il y ait un fondement de paix suffisant dans le sang seul, autrement nous n’aurons jamais la paix. Mêler à ce sang l’estimation que nous en faisons, c’est renverser tout l’édifice du christianisme, aussi effectivement que si nous conduisions le pécheur au pied du Sinaï, et que nous le placions sous une alliance d’œuvres. Ou bien le sacrifice de Christ est suffisant, ou bien il ne l’est pas. S’il est suffisant, pourquoi ces doutes et ces craintes? Par les paroles de nos lèvres, nous déclarons que l’œuvre est accomplie, mais les doutes et les craintes du cœur disent qu’elle ne l’est pas. Tous ceux qui doutent de leur pardon parfait et éternellement, pour autant qu’il s’agit d’eux, l’accomplissement et la perfection du sacrifice de Christ.

Mais il y a un grand nombre de personnes qui reculeraient à l’idée de mettre en doute, ouvertement et de propos délibéré, l’efficace du sacrifice de Christ, et qui, néanmoins, ne jouissent pas d’une paix assurée. Ces personnes-là se disent convaincues que le sang de Christ suffit parfaitement aux besoins du pécheur, si seulement elles étaient sûres d’avoir une part dans ce sang; si seulement elles avaient la véritable foi. Beaucoup d’âmes pieuses se trouvent dans cette triste condition. Elles sont occupées de leur foi et de leurs sentiments, au lieu d’être occupées du sang de Christ et de la parole de Dieu; en d’autres termes, elles regardent au-dedans d’elles-mêmes, au lieu de regarder en dehors, à Christ. Ce n’est pas là la foi; et par conséquent elles n’ont point de paix. L’Israélite abrité sous l’aspersion du sang pourrait enseigner à ces âmes une leçon très opportune. Il n’était pas sauvé, lui, par la valeur qu’il attachait lui-même au sang, mais simplement par le sang. Sans doute, il appréciait le sang, comme aussi il a dû avoir des pensées à l’égard de ce sang; mais Dieu n’avait pas dit: «Quand je verrai l’appréciation que vous faites du sang, je passerai par-dessus vous», mais: «je verrai le sang, et je passerai par-dessus vous». Le sang, avec sa valeur et sa divine efficacité, était placé devant Israël; et si le peuple eût voulu placer, ne fût-ce qu’un morceau de pain sans levain, à côté du sang, comme fondement de sécurité, il aurait fait Dieu menteur, et nié la parfaite suffisance de son remède.

Nous sommes toujours portés à chercher en nous-mêmes ou dans ce qui vient de nous, quelque chose qui puisse constituer, avec le sang de Christ, le fondement de notre paix. Il existe sur ce point vital, chez beaucoup de chrétiens, un bien fâcheux manque de clarté et d’intelligence, comme, le démontrent les doutes et les craintes, dont un si grand nombre d’entre eux sont tourmentés. Nous sommes enclins à regarder le fruit de l’Esprit en nous, plutôt que l’œuvre de Christ pour nous, comme le fondement de notre paix. Nous aurons l’occasion de voir bientôt quelle est la place qu’occupe l’œuvre du Saint Esprit dans le christianisme; mais jamais cette œuvre n’est présentée dans l’Écriture, comme étant ce sur quoi notre paix repose. Le Saint Esprit n’a pas fait la paix; mais Christ l’a faite; il n’est pas dit que le Saint Esprit soit notre paix, mais il est dit que Christ est notre paix; Dieu n’a pas envoyé prêcher «la paix par le Saint Esprit», mais «la paix par Jésus Christ» (comp. Act. 10:36 ac 10.34-38; Éph. 2:14, 17 ep 2.13-18; Col. 1:20 cl 1.18-20). On ne peut saisir avec trop de simplicité cette distinction importante. C’est par le sang de Christ que nous avons la paix, une justification parfaite, la justice divine; c’est lui qui purifie la conscience, lui qui nous introduit dans le Saint des Saints, qui fait que Dieu est juste en recevant le pécheur qui croit, et lui qui nous donne droit à toutes les joies, à tous les honneurs, à toutes les gloires du ciel (voyez Rom. 3:24-26 rm 3.21-26; 5:9 rm 5.8-10; Éph. 2:13-18 ep 2.11-18; Col. 1:20-22 cl 1.19-22; Héb. 9:14 hb 9.11-14; 10:19 hb 10.19-22; 1 Pierre 1:19 1p 1.18-19; 2:24 1p 2.22-24; 1 Jean 1:7 1j 1.6-7; Apoc. 7:14-17 ap 7.13-17).

On ne pensera pas, je l’espère bien, qu’en cherchant à exposer quelle est, devant Dieu, la valeur du précieux sang de Christ, je veuille écrire un seul mot qui puisse paraître amoindrir l’importance des opérations de l’Esprit. À Dieu ne plaise! Le Saint Esprit révèle Christ, nous fait connaître Christ, nous fait jouir de Lui, et nous nourrit de Lui; il rend témoignage à Christ, il prend les choses de Christ et nous les communique. C’est lui qui est la puissance de la communion, le sceau, le témoin, les arrhes, l’onction. En un mot, les opérations bénies de l’Esprit sont absolument essentielles. Sans lui, nous ne pouvons ni voir, ni entendre, ni sentir, ni expérimenter, ni manifester quoi que ce soit de Christ, ni en jouir. La doctrine des opérations de l’Esprit est clairement exposée dans l’Écriture, elle est comprise et reçue par tout chrétien fidèle et bien enseigné.

Cependant, et malgré tout cela, l’œuvre de l’Esprit n’est pas le fondement de la paix; si elle l’était, nous ne pourrions pas avoir de paix solide et assurée avant la venue de Christ, attendu que l’œuvre de l’Esprit, dans l’Église, ne sera, à proprement parler, achevée qu’alors. L’Esprit poursuit son œuvre dans le croyant. «Il intercède par des soupirs inexprimables» (Rom. 8:26); il travaille pour nous faire parvenir à la stature à laquelle nous avons été destinés, savoir à une parfaite conformité, en toutes choses, à l’image du «Fils»; il est l’unique auteur de tout bon désir, de toute aspiration sainte, de toute affection pure, de toute expérience divine, de toute conviction saine, mais il est clair que son œuvre en nous ne sera complète, que lorsque nous aurons quitté la scène présente de ce monde pour prendre place avec Christ dans la gloire, tout comme le serviteur d’Abraham n’eut achevé son œuvre pour ce qui concernait Rebecca que lorsqu’il l’eut présentée à Isaac.

Il n’en est pas de même de l’œuvre de Christ pour nous. Elle est absolument et éternellement complète. Christ a pu dire: «J’ai achevé l’œuvre que tu m’as donnée à faire» (Jean 17:4). Et encore: «C’est accompli!» (Jean 19:30). Mais le Saint Esprit ne peut pas dire encore qu’il ait fini son œuvre. Comme le vrai Vicaire de Christ sur la terre, il travaille encore au milieu des diverses influences hostiles qui environnent la sphère de ses opérations; il travaille dans le cœur des enfants de Dieu pour les faire parvenir, d’une manière expérimentale et pratique, à la hauteur du modèle à l’image duquel ils doivent être rendus conformes. Mais jamais il ne conduit une âme à faire dépendre sa paix dans la présence de Dieu de l’œuvre qu’il opère en elle. La mission du Saint Esprit est de parler de Jésus; il ne parle pas de lui-même. «Il prendra de ce qui est à moi, dit Christ, et vous l’annoncera» (Jean 16:13). Si donc ce n’est que par l’enseignement de l’Esprit que l’on peut comprendre le vrai fondement de la paix, et si l’Esprit ne parle jamais de lui-même, il est évident qu’il ne peut présenter que l’œuvre de Christ comme le fondement sur lequel l’âme doit s’appuyer pour toujours; bien plus, c’est en vertu de cette œuvre que l’Esprit fait sa demeure et accomplit ses merveilleuses opérations dans le cœur du croyant. Il n’est pas notre titre, bien que ce soit lui qui nous le révèle, et nous rend capables de le comprendre et d’en jouir.

Ainsi l’agneau pascal, comme fondement de la paix d’Israël, est un type remarquable et magnifique de Christ, comme fondement de la paix du croyant. Il n’y avait rien à ajouter au sang sur le linteau, et il n’y a rien non plus à ajouter au sang sur le propitiatoire. Le «pain sans levain» et «les herbes amères» étaient nécessaires; mais ils ne formaient pas le fondement de la paix, ni en tout, ni en partie. Ils étaient pour l’intérieur de la maison, constituaient les signes caractéristiques de la communion dans cette maison; mais le sang de l’agneau était le fondement de tout. Il sauvait les Israélites de la mort et les introduisait dans une scène de vie, de lumière et de paix. Il formait le lien entre Dieu et son peuple racheté. En tant que peuple en relation avec Dieu sur le fondement d’une rédemption accomplie, c’était pour les Israélites un grand privilège que d’être placés sous certaines responsabilités; mais ces responsabilités ne formaient pas le lien, elles ne faisaient qu’en découler.

Je désire aussi rappeler à mon lecteur que la vie d’obéissance de Christ n’est pas présentée dans l’Écriture comme la cause qui nous procure le pardon; c’est la mort de Christ sur la croix qui ouvrit un libre cours à l’amour. Si Christ eût continué jusqu’à maintenant à parcourir les villes d’Israël, «faisant du bien» (Act. 10:38 ac 10.36-38), le voile du temple serait encore entier et fermerait à l’adorateur le libre accès auprès de Dieu. Ce fut la mort de Christ qui déchira «ce voile mystérieux» depuis le haut jusqu’en bas (Marc 15:38 mc 15.37-39). C’est par ses «blessures» et non par sa vie d’obéissance, que nous avons la guérison (És. 53:5 es 53.4-5; 1 Pierre 2:24); et ces «blessures», c’est sur la croix qu’il les a endurées, nulle part ailleurs. Ses propres paroles, prononcées durant le cours de sa vie bénie, suffisent parfaitement pour nous faire comprendre le sens du passage où il dit: «J’ai à être baptisé d’un baptême, et combien suis-je à l’étroit jusqu’à ce qu’il soit accompli» (Luc 12:50). À quoi se rapporte cette déclaration, si ce n’est à sa mort sur la croix, qui était l’accomplissement de son baptême et qui ouvrait à son amour un chemin par lequel il pouvait, avec justice, couler librement vers les coupables fils d’Adam? Puis il dit encore: «À moins que le grain de blé, tombant en terre, ne meure, il demeure seul» (Jean 12:24). Il était, Lui, ce précieux «grain de blé», et il serait pour toujours resté «seul», quoiqu’il ait été fait chair, si, par sa mort sur le bois maudit, il n’eût écarté tout ce qui aurait pu empêcher l’union de son peuple avec lui dans la résurrection. «S’il meurt, il porte beaucoup de fruit».

Mon lecteur ne peut pas méditer avec trop de soin ce sujet infiniment sérieux et important. Il est, relativement à cette question, deux points dont il faut toujours se souvenir, savoir: qu’il n’y avait pas d’union possible avec Christ autrement que dans la résurrection; et que Christ n’a souffert pour les péchés que sur la croix. Il ne faut pas nous imaginer que Christ nous ait unis à lui-même par l’incarnation; cela était impossible. Comment notre chair de péché aurait-elle pu être unie de cette manière? Il fallait que le corps du péché fût détruit par la mort; il fallait que le péché fût ôté: la gloire de Dieu l’exigeait, et que toute la puissance de l’Ennemi fût abolie. Comment tout cela pouvait-il être accompli, si ce n’est par la soumission de l’Agneau de Dieu, précieux et sans tache, à la mort de la croix? «Il convenait pour lui, à cause de qui sont toutes choses… que, amenant plusieurs fils à la gloire, il consommât le chef de leur salut par des souffrances» (Héb. 2:10). «Voici, je chasse des démons et j’accomplis des guérisons aujourd’hui et demain, et le troisième jour je suis consommé» (Luc 13:32). Les expressions «consommer» et «consommé», dans les passages ci-dessus, ne se rapportent pas à Christ dans sa propre personne d’une manière abstraite, car il était parfait de toute éternité comme Fils de Dieu, et quant à son humanité, il était également absolument parfait. Mais, comme «chef du salut», comme «amenant plusieurs enfants à la gloire», comme «portant beaucoup de fruit», comme s’associant un peuple racheté, il fallut qu’il atteignît le «troisième jour» pour qu’il fût «consommé». Il descendit tout seul dans «le puits de la destruction et le bourbier fangeux»; mais aussitôt il posa son «pied sur le roc» de la résurrection et s’associa «plusieurs fils» (Ps. 40:2-4). Il combattit seul dans la bataille; mais, en puissant vainqueur, il distribue à ceux qui l’entourent le riche butin, fruit de sa victoire, afin que nous le recueillions et que nous en jouissions pour toujours.

Il ne faut pas non plus envisager la croix de Christ comme n’étant qu’une circonstance dans une vie de souffrance expiatoire pour le péché. La croix fut le grand et seul acte de souffrance expiatoire pour le péché. «Lui-même a porté nos péchés en son corps sur le bois» (1 Pierre 2:24); il ne les a portés nulle part ailleurs. Il ne les a portés ni dans la crèche, ni au désert, ni dans le jardin, mais uniquement «sur le bois». Il n’eut jamais rien à faire avec le péché, sous ce rapport-là, sauf à la croix; et, sur la croix, il baissa la tête et laissa sa vie, sous le poids des péchés accumulés de son peuple. Jamais non plus, il ne souffrit de la main de l’Éternel ailleurs que sur la croix; mais, là, l’Éternel lui cacha sa face, parce qu’il était «fait péché» (2 Cor. 5:21).

Cette succession de pensées, et les divers passages dont elles découlent, aideront peut-être le lecteur à saisir plus complètement la divine puissance de ces paroles: «Quand je verrai le sang, je passerai par-dessus vous». Il fallait, sans aucun doute, que l’agneau fût sans tache, pour qu’il pût supporter le saint regard de l’Éternel. Mais si le sang n’eût pas été répandu, l’Éternel n’aurait pas pu passer par-dessus le peuple, car «sans effusion de sang, il n’y a pas de rémission» (Héb. 9:22). Nous méditerons ce sujet, Dieu voulant, d’une manière plus complète dans les types du Lévitique; il mérite l’attention sérieuse de tous ceux qui aiment notre Seigneur Jésus Christ en sincérité.

Envisageons maintenant la Pâque sous son second point de vue, c’est-à-dire, comme le centre autour duquel l’assemblée était réunie, dans une paisible, sainte et heureuse communion. Israël, sauvé par le sang, était une chose; et Israël, mangeant l’agneau, en était une autre toute différente. Les Israélites n’étaient sauvés que par le sang, mais l’objet autour duquel ils étaient rassemblés était évidemment l’agneau rôti. Ceci n’est nullement une distinction arbitraire. Le sang de l’agneau constitue à la fois le fondement de notre relation avec Dieu, et de notre relation les uns avec les autres. C’est comme étant ceux qui sont lavés dans ce sang que nous sommes amenés à Dieu et les uns aux autres. En dehors de l’expiation parfaite de Christ, il ne peut y avoir aucune communion, soit avec Dieu, soit avec l’assemblée de Dieu. Toutefois, c’est autour d’un Christ vivant dans le ciel, que les croyants sont rassemblés par le Saint Esprit. C’est à un Chef vivant que nous sommes unis, à une «pierre vivante» que nous sommes venus (1 Pierre 2:4). Il est notre centre. Ayant trouvé la paix, par son sang, nous le reconnaissons comme notre grand centre de rassemblement et comme le lien qui nous unit. «Où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux» (Matt. 18:20). Le Saint Esprit seul est celui qui rassemble; Christ lui-même est le seul objet autour duquel nous sommes rassemblés; et notre assemblée, ainsi réunie, doit être caractérisée par la sainteté, afin que le Seigneur notre Dieu puisse habiter au milieu de nous. Le Saint Esprit ne peut rassembler qu’autour de Christ; il ne peut pas rassembler autour d’un système, d’un nom, d’une doctrine, ou d’une ordonnance. Il rassemble autour d’une personne, et cette personne est Christ glorifié dans le ciel. Ce fait doit communiquer un caractère particulier à l’assemblée de Dieu. Les hommes peuvent s’associer sur un fondement, autour d’un centre, ou en vue d’un objet de leur choix; mais quand c’est le Saint Esprit qui associe, il le fait sur le fondement d’une rédemption accomplie, autour de la personne de Christ, et afin d’édifier pour Dieu une sainte habitation (1 Cor. 3:16, 17 1cr 3.16-17; 6:19 1cr 6.18-20; Éph. 2:21, 22 ep 2.19-22; 1 Pierre 2:4, 5 1p 2.4-5).

Nous avons à considérer maintenant, en détail, les principes que nous présente la fête de la Pâque. L’assemblée d’Israël, abritée sous le sang, devait être organisée par l’Éternel d’une manière qui fût digne de Lui-même. Pour mettre à l’abri du jugement, comme nous l’avons déjà vu, il ne fallait rien autre que le sang; mais dans la communion qui découlait de la sécurité que procurait le sang, il fallait d’autres choses, et des choses qui ne pouvaient être négligées impunément. Et d’abord, nous lisons: «Ils en mangeront la chair cette nuit-là; ils la mangeront rôtie au feu avec des pains sans levain, et des herbes amères. Vous n’en mangerez pas qui soit à demi-cuit ou qui ait été cuit dans l’eau, mais rôti au feu: la tête, et les jambes, et l’intérieur» (vers. 8, 9). L’agneau, autour duquel la congrégation était rassemblée, et qu’ils mangeaient en faisant la fête, était un agneau rôti, un agneau qui avait passé sous l’action du feu. En ceci nous voyons «notre Pâque, Christ» (1 Cor. 5:7 1cr 5.6-8), s’exposant Lui-même à l’action du feu de la sainteté et du jugement de Dieu, qui trouvèrent en Lui un objet parfait. Il a pu dire «Tu as sondé mon cœur, tu m’as visité de nuit tu m’as éprouvé au creuset, tu n’as rien trouvé ma pensée ne va pas au-delà de ma parole» (Ps. 17:3). Tout en Lui a été parfait; le feu l’éprouva, et il n’y eut point d’écume. «La tête, les jambes et l’intérieur», c’est-à-dire le siège de son intelligence, sa marche extérieure avec toutes les affections dont elle découlait. tout fut soumis à l’action du feu, et tout fut trouvé entièrement parfait. La manière dont on devait rôtir l’agneau était très significative, comme l’est aussi chaque détail dans les ordonnances de Dieu,

«Vous n’en mangerez pas qui soit à demi-cuit ou qui ait été cuit dans l’eau». Si l’agneau eût été mangé de cette manière, il n’eût pas été l’expression de la grande et précieuse vérité que, dans l’intention de Dieu, il devait préfigurer, savoir que notre Agneau pascal a dû endurer sur la croix le feu de la juste colère de l’Éternel, Nous ne sommes pas seulement sous la protection éternelle du sang de l’Agneau, mais par la foi nous nous nourrissons de la personne de l’Agneau. Beaucoup d’entre nous sont en défaut à cet égard. Nous sommes portés à nous contenter d’être sauvés par l’œuvre que Christ a accomplie pour nous, sans nous maintenir dans une sainte communion avec lui. Son cœur aimant ne pouvait pas se contenter de cela. Il nous a approchés de lui, afin que nous puissions jouir de lui, nous nourrir de lui et nous réjouir en lui! Il se présente à nous comme celui qui a enduré, dans toute sa rigueur, le feu intense de la colère de Dieu, afin qu’il fût, sous ce caractère merveilleux, l’aliment de nos âmes rachetées.

Mais comment cet agneau devait-il être mangé? «Avec des pains sans levain et des herbes amères». Le levain est partout, dans l’Écriture, l’emblème du mal. Jamais, ni dans l’Ancien, ni dans le Nouveau Testament, il ne représente quoi que ce soit de pur, de saint ou de bon. Ainsi, dans ce chapitre, «la fête des pains sans levain» est le type de la séparation pratique d’avec le mal, séparation qui résulte du fait que nous sommes lavés de nos péchés dans le sang de l’Agneau, et qui est l’accompagnement nécessaire de la communion à ses souffrances. Il n’y a que le pain complètement dépourvu de levain qui soit compatible avec l’agneau rôti: la plus petite quantité de ce qui était le type exprès du mal aurait détruit le caractère moral de l’ordonnance tout entière. Comment pourrions-nous unir un mal quelconque à notre communion avec un Christ souffrant? C’est impossible. Tous ceux qui saisissent, par la puissance du Saint Esprit, la signification de la croix, ôteront certainement aussi, par cette même puissance, tout levain du milieu d’eux. «Car aussi notre Pâque, Christ, a été sacrifiée: c’est pourquoi célébrons la fête, non avec du vieux levain, ni avec un levain de malice et de méchanceté, mais avec des pains sans levain de sincérité et de vérité». (1 Cor. 5:7, 8). La fête dont il est question dans ce passage est celle qui, dans la vie et la conduite de l’Église, correspond à la fête des pains sans levain. Cette dernière durait «sept jours»; et l’Église, collectivement, et le chrétien, individuellement, sont appelés à marcher dans la sainteté pratique, pendant les sept jours, ou la période entière de leur course ici-bas; et cela comme résultat direct de ce fait, qu’ils sont lavés dans le sang et ont communion avec les souffrances de Christ.

Ce n’était pas afin d’être sauvé que l’Israélite ôtait le levain, mais parce qu’il était sauvé; et s’il négligeait d’ôter le levain, cette faute, toute grave qu’elle fût, ne mettait pas en question la sécurité par le sang, mais simplement sa communion avec l’autel et avec l’assemblée. «Pendant sept jours il ne se trouvera point de levain dans vos maisons; car quiconque mangera de ce qui est levé, cette âme-là sera retranchée de l’assemblée d’Israël, étranger ou Israélite de naissance». (Vers. 19). Le retranchement de l’assemblée, pour un Israélite, répond précisément à la suspension de la communion pour un chrétien, quand il se permet quelque chose qui est contraire à la sainteté de la présence divine. Dieu ne peut pas tolérer le mal. Une seule pensée impure interrompt la communion de l’âme; et aussi longtemps que la souillure, contractée par cette pensée, n’a pas été ôtée par la confession, fondée sur l’intercession de Christ, il est impossible que la communion soit rétablie. (Voyez 1 Jean 1:5-10 1j 1.5-10; comp. Ps. 32:3-5 ps 32.3-7). Le chrétien dont le cœur est droit se réjouit de ce qu’il en est ainsi. Il peut toujours «célébrer la mémoire de la sainteté de Dieu». (Ps. 30:5 ps 30.5-6; 97:12 ps 97.12). Il ne voudrait pas, s’il le pouvait, diminuer la mesure de la sainteté, pas même de l’épaisseur d’un cheveu. C’est pour lui une grande joie que de marcher dans la compagnie de quelqu’un qui ne peut pas, pour un seul moment, supporter le contact du plus petit atome de «levain».

Que Dieu en soit béni, nous savons que rien ne peut rompre le lien qui unit à lui le vrai croyant. Nous sommes «sauvés par l’Éternel», non d’un salut conditionnel, mais «d’un salut éternel» (Ésaïe 45:17 ). Mais le salut et la communion ne sont pas une même chose. Il y a beaucoup de personnes sauvées qui ne le savent pas, et il y en a beaucoup aussi qui n’en jouissent pas. Il est impossible que je sois heureux sous l’abri d’un linteau aspergé de sang, s’il y a du levain dans ma demeure. C’est là un axiome dans la vie divine. Puisse-t-il être écrit dans nos cœurs! Bien qu’elle ne soit pas le fondement de notre salut, la sainteté pratique est intimement unie à la jouissance du salut. Ce n’est pas par le pain sans levain qu’un Israélite était sauvé, mais par le sang; néanmoins, le pain levé l’aurait privé de la communion. Et, pour ce qui concerne le chrétien, il n’est pas sauvé par sa sainteté pratique, mais par le sang; cependant, s’il se permet le mal, en pensée, en parole ou en action, il n’aura aucune vraie jouissance du salut, aucune vraie communion avec la personne de l’Agneau.

Dans ce fait, je n’en doute pas, gît le secret d’une bonne partie de la stérilité spirituelle et du défaut de vraie et constante paix que l’on rencontre parmi les enfants de Dieu. Ils ne pratiquent pas la sainteté, ils ne gardent pas «la fête des pains sans levain». (Exode 23:15 ex 23.15). Le sang est sur le linteau; mais le levain, dans leurs maisons, les empêche de jouir de la sécurité que procure le sang. La sanction que nous donnons au mal détruit notre communion, bien qu’elle ne rompe pas le lien qui unit nos âmes éternellement à Dieu. Ceux qui appartiennent à l’assemblée de Dieu doivent être saints; ils ont non seulement été délivrés de la coulpe et des conséquences du péché, mais encore de la pratique, de la puissance et de l’amour du péché. Le fait même qu’Israël était délivré par le sang de l’Agneau pascal, lui imposait la responsabilité d’ôter du milieu de lui le levain. Les Israélites ne pouvaient pas dire, selon le langage effrayant de l’antinomien: «À présent que nous sommes sauvés, nous pouvons nous conduire comme bon nous semble». En aucune manière! S’ils étaient sauvés par grâce, ils l’étaient pour la sainteté. Une âme qui peut se prévaloir de la gratuité de la grâce divine et de la perfection de la rédemption qui est en Jésus Christ pour «demeurer dans le péché» (Rom. 6:1 rm 6.1), montre clairement par là qu’elle ne comprend ni la grâce, ni la rédemption.

La grâce ne sauvé pas seulement l’âme d’un salut éternel, mais encore lui communique une nature qui prend plaisir à tout ce qui est de Dieu, parce qu’elle est divine. Nous sommes rendus participants de la nature divine, qui ne peut pas pécher, parce qu’elle est née de Dieu. (Jean 1:13 j 1.11-13; 3:3, 5 j 3.3-8; 2 Pierre 1:4 2p 1.3-4; 1 Jean 3:9 1j 3.7-10; 5:18 1j 5.18-19). Marcher dans la puissance de cette nature, c’est en réalité «garder» la fête des pains sans levain. Il n’y a ni «vieux levain», ni «levain de malice et de méchanceté» (1 Cor. 5:8) dans la nouvelle nature, parce qu’elle est de Dieu, et Dieu est saint, et «Dieu est amour» (1 Jean 4:8). Ainsi il est évident que ce n’est pas pour améliorer notre vieille nature, qui est irrémédiablement mauvaise et corrompue, que nous ôtons le vieux levain, ni non plus pour obtenir la nouvelle nature, mais parce que nous possédons celle-ci. Nous avons la vie et, dans la puissance de cette vie, nous rejetons le mal. Ce n’est que lorsque nous sommes délivrés de la coulpe du péché que nous pouvons comprendre et manifester la vraie puissance de la sainteté; vouloir le faire autrement est un travail inutile. On ne peut garder la fête des pains sans levain que sous l’abri parfait du sang.

Il y avait la même convenance morale et une figure également significative dans ce qui devait accompagner le pain sans levain, savoir dans les «herbes amères». Nous ne pouvons pas jouir de la communion aux souffrances de Christ, sans nous souvenir de ce qui a rendu ces souffrances nécessaires; et ce souvenir doit nécessairement produire en nous un esprit mortifié et soumis, disposition que représentent avec justesse les «herbes amères» dans la fête de la Pâque. Si l’agneau rôti représente Christ, endurant la colère de Dieu, dans sa propre personne, sur la croix, les herbes amères sont l’expression de la reconnaissance par le croyant de cette vérité, que Christ «a souffert pour nous». «Le châtiment de notre paix a été sur lui, et par ses meurtrissures nous sommes guéris» (Ésaïe 53:5). Il est bon, à cause de l’excessive légèreté de nos cœurs, que nous saisissions la profonde signification des herbes amères. Qui peut lire des Psaumes tels que les Ps. 6, 22I, 38, 69, 88 et 109, sans comprendre, en quelque mesure, ce que représente le pain sans levain avec des herbes amères? La sainteté pratique de la vie, jointe à une soumission profonde de l’âme, doit découler d’une communion véritable avec les souffrances de Christ; car il est impossible que le mal moral et la légèreté d’esprit puissent subsister en face de ces souffrances.

Mais, demandera-t-on peut-être, l’âme n’éprouve-t-elle pas une joie profonde dans le sentiment que Christ a porté nos péchés; qu’il a vidé jusqu’au fond, à notre place, la coupe de la juste colère de Dieu? Incontestablement, c’est là le fondement de toute notre joie. Mais pouvons-nous jamais oublier que ce fut pour «nos péchés» que Christ souffrit? Pouvons-nous perdre de vue cette vérité, puissante pour subjuguer les âmes, que l’Agneau de Dieu courba la tête sous le poids de nos transgressions? Non assurément. Il faut que nous mangions notre agneau avec des herbes amères, qui, nous n’avons pas besoin de le dire, ne représentent pas les larmes d’une vaine et superficielle sentimentalité, mais les réelles et profondes expériences d’une âme qui saisit, avec une intelligence et une puissance spirituelles, la signification et l’effet pratique de la croix.

En contemplant la croix, nous y découvrons ce qui efface toute notre iniquité et l’âme est remplie ainsi de paix et de joie. Mais la croix met aussi complètement de côté la nature; elle est la crucifixion de «la chair», la mort du «vieil homme» (Voyez Rom. 6:6 rm 6.5-7; Gal. 2:20 gl 2.19-21; 6:14 gl 6.14; Col. 2:11 cl 2.11-12). Ceci, dans ses résultats pratiques, contiendra bien des choses «amères» pour la nature, nous appellera à nous renoncer nous-mêmes, à mortifier nos membres qui sont sur la terre (Col. 3:5); à tenir le moi pour mort au péché. (Rom. 6:11). Toutes ces choses peuvent paraître terribles à envisager, mais quand on a pénétré dans l’intérieur de la maison sur la porte de laquelle le sang a été placé, on pense tout différemment. Les herbes mêmes, qui sans doute auraient paru amères à un Égyptien, formaient une partie intégrante de la fête de la délivrance d’Israël. Ceux qui sont rachetés par le sang de l’Agneau, qui connaissent la joie de sa communion, estiment que rejeter le mal et tenir la nature pour morte, est une «fête».

«Et vous n’en laisserez rien de reste jusqu’au matin; et ce qui en resterait jusqu’au matin, vous le brûlerez au feu». (Vers. 10). Ce commandement nous apprend que la communion de l’assemblée ne devait, en aucune manière, être séparée du sacrifice sur lequel cette communion était fondée. Il faut que le cœur garde toujours le souvenir vivant que toute vraie communion est inséparablement liée à une rédemption accomplie. Croire que l’on puisse avoir communion avec Dieu sur un autre fondement, quel qu’il soit, c’est imaginer que Dieu peut avoir communion avec le mal qui est en nous; et croire que l’on puisse avoir communion avec l’homme sur un autre fondement, c’est tout simplement organiser une réunion impure et profane de laquelle ne peut résulter autre chose que la confusion et l’iniquité. En un mot, il faut que tout soit fondé sur le sang, et inséparablement lié au sang. Telle est la simple signification de cette ordonnance, qui enjoignait de manger l’agneau pascal la nuit même dans laquelle le sang était répandu. La communion ne doit point être séparée de ce qui en est le fondement.

Quelle belle image nous offre l’assemblée d’Israël, abritée par le sang, mangeant en paix l’agneau rôti, avec des pains sans levain et des herbes amères! Nulle crainte du jugement; nulle crainte de la colère de l’Éternel; nulle crainte de la juste vengeance, qui balayait comme une tempête tout le pays d’Égypte, à l’heure de minuit. Tout était profonde paix derrière les linteaux des portes aspergés de sang. Les Israélites n’avaient rien à redouter du dehors, et rien dans l’intérieur ne pouvait les troubler, sauf le levain qui eût porté un coup mortel à toute leur paix et à tout leur bonheur. Quel tableau pour l’Église! Quel tableau pour le chrétien! Puissions-nous en comprendre la profonde signification et nous y soumettre avec un esprit docile.

Mais ce n’est pas là encore tout ce que nous avons à apprendre dans l’ordonnance de la Pâque. Nous avons considéré la position d’Israël, et la nourriture d’Israël; considérons maintenant le vêtement d’Israël.

«Et vous le mangerez ainsi: vos reins ceints, vos sandales à vos pieds, et votre bâton en votre main; et vous le mangerez à la hâte. C’est la Pâque de l’Éternel». (Vers. 11). Les Israélites devaient manger la Pâque comme un peuple prêt à laisser derrière lui le pays de la mort et des ténèbres, de la colère et du jugement, pour marcher en avant vers le pays de la promesse, vers l’héritage qui leur était destiné. Le sang, qui les avait préservés du sort des premiers-nés de l’Égypte, était aussi le fondement de leur délivrance de la servitude de l’Égypte; et maintenant ils devaient se mettre en route et marcher avec Dieu vers le pays découlant de lait et de miel. Ils n’avaient pas encore passé la mer Rouge, cela est vrai; ils n’avaient pas encore fait «le chemin de trois jours»; cependant, en principe, ils étaient un peuple racheté, un peuple séparé, un peuple pèlerin, un peuple dans l’attente, un peuple dépendant; et il fallait que leur vêtement tout entier fût en harmonie avec leur position actuelle et leur destinée future. «Les reins ceints» d’Israël dénonçaient une séparation rigoureuse et soutenue de tout ce qui l’entourait, et montraient qu’il était préparé pour le service. «Les pieds chaussés» dénotaient qu’Israël était prêt à quitter la scène présente; tandis que «le bâton» à la main était l’emblème expressif d’un peuple voyageur s’appuyant sur quelque chose qui était en dehors de lui-même. Plût à Dieu que ces traits précieux parussent davantage dans chacun des membres de sa famille rachetée!

Cher lecteur chrétien, «occupons-nous de ces choses». (1 Tim. 4:15). Par la grâce nous avons senti l’efficacité purifiante du sang de Jésus, en conséquence nous avons le privilège de nous nourrir de sa personne adorable et de nous réjouir dans ses insondables richesses (Éph. 3:8 ep 3.8-9), de participer à ses souffrances et d’être rendus conformes à sa mort. (Phil. 3:10 ph 3.8-11). Montrons-nous donc avec le pain sans levain et les herbes amères, les reins ceints, les sandales aux pieds et le bâton à la main. Qu’on nous voie, en un mot, portant le cachet d’un peuple saint, d’un peuple crucifié, d’un peuple vigilant et actif, d’un peuple marchant manifestement «à la rencontre de Dieu», vers la gloire, étant «destiné au royaume». Que Dieu nous accorde de pénétrer dans la profondeur et dans la puissance de ces choses, tellement qu’elles ne soient pas des théories seulement ou une affaire de connaissance et d’interprétation scripturaire, mais des réalités vivantes, divines, connues par expérience, et manifestées dans notre vie, à la gloire de Dieu.

Nous terminerons ce chapitre en jetant un regard sur les versets 43 à 49. Ces versets nous apprennent que, tandis que c’était le privilège de tout vrai Israélite de manger la pâque, aucun étranger incirconcis ne devait y participer: «Aucun étranger n’en mangera… toute l’assemblée d’Israël la fera». Il fallait la circoncision avant qu’on pût manger la pâque. En d’autres termes, il faut que notre nature ait passé sous la sentence de mort, avant que nous puissions nous nourrir de Christ d’une manière intelligente, soit comme fondement de paix, soit comme centre d’unité. La croix est l’antitype de la circoncision, ce signe divin de l’alliance de Dieu avec les Juifs et du dépouillement de la chair. (Comp. Col. 2:11, 12 cl 2.11-12). Pour faire partie du peuple de Dieu, il fallait être circoncis, et la circoncision a sa réalité en Christ. Les chrétiens, rendus participants de l’efficacité de sa mort par la puissance de la vie qui est en lui, et est la leur, se tiennent pour morts, et ont dépouillé ce corps du péché par la foi; ils sont crucifiés avec Christ; néanmoins la puissance de Dieu lui-même, telle qu’elle a agi en Christ, opère en eux pour leur donner une nouvelle vie en Christ. «Et si un étranger séjourne chez toi, et veut faire la pâque à l’Éternel, que tout mâle qui est à lui soit circoncis; et alors il s’approchera pour la faire, et sera comme l’Israélite de naissance; mais aucun incirconcis n’en mangera». — «Ceux qui sont dans la chair ne peuvent plaire à Dieu». (Rom. 8:8).

L’ordonnance de la circoncision formait la grande ligne de démarcation entre l’Israël de Dieu et toutes les nations qui étaient sur la surface de la terre; et la croix du Seigneur Jésus forme la ligne de séparation entre l’Église et le monde. Qu’importent les avantages personnels ou la position d’un homme; jusqu’à ce qu’il se fût soumis à l’opération de la circoncision dans sa chair, il ne pouvait avoir aucune part avec Israël. Un mendiant circoncis était plus près de Dieu qu’un roi incirconcis. De même maintenant, on ne peut avoir aucune part aux joies des rachetés de Dieu, si ce n’est par la croix de notre Seigneur Jésus Christ; et cette croix abat toutes les prétentions, renverse toutes les distinctions, et unit tous les rachetés en une sainte congrégation d’adorateurs lavés dans le sang. La croix constitue une barrière si élevée, un mur de défense si impénétrable, qu’aucun atome de la terre ou de la nature ne peut le traverser pour venir se mêler à «la nouvelle création». «Si quelqu’un est en Christ, c’est une nouvelle création:… toutes choses sont faites nouvelles, et toutes sont du Dieu qui nous a réconciliés avec lui-même par Christ». (2 Cor. 5:18).

La séparation d’Israël d’avec tous les étrangers n’était pas seulement strictement maintenue dans l’institution de la Pâque, mais encore l’unité d’Israël y était clairement établie en figure. «Elle sera mangée dans une même maison; tu n’emporteras point de sa chair hors de la maison, et vous n’en casserez pas un os». (Vers. 46). On ne pouvait pas trouver un plus beau type de ce qui constitue «un seul corps et un seul esprit», que celui qui nous est présenté ici (Éph. 4:4). L’Église de Dieu est une. Dieu la voit telle, la maintient telle, et la manifestera comme telle, à la vue des anges, des hommes et des démons, en dépit de tout ce qui a été fait pour mettre obstacle à cette sainte unité. Que Dieu en soit béni, l’unité de son Église est aussi bien sous sa garde que l’a été le corps de son Bien-aimé sur la croix: oui, l’unité de l’Église est tout aussi bien sous sa garde que sa justification, son acceptation et sa sécurité éternelle. Malgré la violence et la dureté de cœur des soldats romains, Dieu a su accomplir l’Écriture qui disait, touchant le Christ: «Pas un seul de ses os ne sera cassé», et encore: «Il garde tous ses os, pas un d’eux n’est cassé» (vers. 46; Nomb. 9:12; Ps. 34:20; Jean 19:36) et pareillement, en dépit de toutes les influences hostiles qui ont été mises en jeu de siècle en siècle, Dieu garde son Église: le corps de Christ est un et restera un. (Comp. Matt. 16:18 mt 16.18; Jean 11:52 j 11.49-52; 1 Cor. 1:12 1cr 1.11-13; 12:4-27 1cr 12.4-27; Éph. 1:22-23 ep 1.15-23; 2:14-22 ep 2.11-22; 4:3-16 ep 4.1-16; 5:22-32 ep 5.22-33; Apoc. 22:17 ap 22.16-17). «Il y a un seul corps et un seul esprit»; et cela ici-bas sur la terre. Heureux sont ceux qui ont reçu la foi pour reconnaître cette précieuse vérité, et la fidélité pour la pratiquer dans ces derniers jours, malgré les difficultés presque insurmontables qu’ils rencontreront dans leur sentier. Dieu reconnaîtra et honorera ceux qui seront ainsi fidèles.

Veuille le Seigneur nous délivrer de cet esprit d’incrédulité qui nous porterait à juger sur la vue de nos yeux, plutôt que par la lumière de sa Parole immuable!