Ésaïe

Henri Rossier

Introduction

Nul n’était plus qualifié que H. Rossier, dont, entre beaucoup d’autres écrits dus à sa plume, les travaux sur les livres prophétiques ont été en bénédiction à tant de croyants, pour donner une exposition méthodique du plus important des prophètes. Il en avait préparé les matériaux dans les dernières années de sa longue carrière (1835-1928), mais n’avait pu procéder à la rédaction définitive. Les notes retrouvées dans ses carnets offrent un tel intérêt qu’il a paru bon de les publier, en ne se permettant que les retouches indispensables, sans tenter une mise au point que l’auteur seul aurait été à même d’effectuer. Tel quel, ce travail sera, nous en avons la confiance, d’une précieuse utilité au lecteur désireux d’entrer plus avant, avec le secours du Seigneur, dans l’intelligence de la prophétie (2 Pierre 1:19). (Éditeur)

 

Avant-propos

Il ne s’agit pas d’autre chose, dans cet ouvrage, que de donner une vue aussi claire que possible de la prophétie d’Ésaïe et d’en faire comprendre la division de façon un peu détaillée, mais non pas d’en tirer les trésors infinis d’ordre spirituel et moral qui y sont contenus. Néanmoins cet exposé, en apparence sec et froid, a dans le fond une importance véritable, car aucune partie de la Parole de Dieu n’a été attaquée par les rationalistes plus que ce prophète, dans sa structure et dans sa forme. Ils l’ont disséqué jusqu’à ne pas lui laisser une portion intacte, ne voyant dans la première partie que transpositions dans l’ordre des chapitres, attribuant la deuxième partie à un autre auteur, qu’ils appellent le grand inconnu, ou au contraire la rapportant à au moins deux auteurs différents, etc.1

1 Il n’est pas sans intérêt de noter ici que le rouleau complet d’Ésaïe en hébreu, une des pièces les plus remarquables des «manuscrits de la mer Morte» découverts en 1947 dans la grotte d’Aïn-Feshka, près de Qumran, et qui date au moins du 1er siècle avant J. C., donne de ce prophète un texte identique, à d’insignifiantes variantes près, au texte massorétique du 10° siècle après J. C., sur lequel ont été faites nos traductions modernes. Il ne présente aucun indice qui autorise à le répartir entre deux ou plusieurs livres d’auteurs différents. (Éditeur)

Nous sommes convaincus que l’exposé pur et simple du sujet doit suffire pour prouver au chrétien qui désire étudier la prophétie sous l’enseignement de l’Esprit de Dieu combien ces assertions et ces attaques sont mal fondées, pour montrer l’ordre divin qui règne dans ce Livre comme dans toutes les parties de la Parole, enfin pour faire ressortir la puissance de l’inspiration de notre prophète. Cette inspiration rompt toutes les barrières que la raison humaine voudrait lui opposer et ne se laisse pas endiguer dans les misérables canaux qu’elle prétend lui creuser, mais comme un vaste fleuve elle se répand librement, fertilisant le sol partout où atteignent ses eaux.

Ajoutons qu’il n’y aura aucun profit à lire cet ouvrage sans lire et méditer au fur et à mesure chaque paragraphe du texte biblique. Comme nous n’avons jamais cessé de le faire, nous recommandons la traduction de J. N. Darby comme la meilleure, et cela d’autant plus que les divisions qu’elle indique pour Ésaïe, soit en chapitres soit en paragraphes, nous apparaissent comme les seules valables.

 

Préface

1° Quelques remarques préliminaires sur l’objet de la prophétie ne seront pas inutiles.

Cet objet est multiple.

  1. En premier lieu la prophétie prononce le jugement du mal sur ceux qui le produisent, et qu’elle condamne.
  2. Elle est un encouragement pour les fidèles, ceux qui, au milieu de la ruine du peuple, constituent le Résidu. Elle montre à ce Résidu qu’à la suite de ces jugements il y aura restauration pour lui.
  3. La prophétie est un appel à la repentance, car, si elle met en évidence le mal existant et si elle en annonce le jugement, celui-ci n’est pas encore exécuté.
  4. La prophétie est la révélation du moyen que Dieu emploiera pour délivrer. Ce moyen se résume dans le seul nom de Christ. Toutes les voies de Dieu aboutissent à Lui.
  5. La prophétie nourrit la foi en montrant dans la gloire du Messie le remède à tout mal.

 

2° Les prophètes prennent pour point de départ le fait qu’Israël est le peuple terrestre de Dieu, engagé envers Lui par l’alliance contractée en Sinaï, mais choisi et acquis avant cette alliance. Aussi rappellent-ils avant toute chose les exigences de la loi (cf. Ésaïe 1:16, 17), dans son esprit et dans sa lettre. Ils mettent en relief les manquements du peuple, dont l’infidélité rend plus éclatante encore la fidélité de l’Éternel à ses promesses, de sorte que la restauration est le fait de la grâce, de même que les jugements purificateurs qui amènent cette restauration.

 

3° Rappelons que les livres prophétiques se rangent en deux catégories. L’une comprend les prophètes qui ont parlé quand Israël était encore reconnu de Dieu, l’autre ceux qui ont été suscités quand il n’est plus reconnu comme son peuple. Dans la première catégorie, le grand ennemi est l’Assyrien, dans la seconde c’est Babylone, «tête d’or» de la domination des nations asservissant le peuple dont Dieu dit: «Lo-Ammi» (pas mon peuple).

À la première catégorie appartiennent Ésaïe, Jérémie, et parmi les petits prophètes Osée, Joël, Amos, Jonas, Michée, Nahum, Habakuk, Sophonie. À la seconde, Daniel, Abdias, Aggée, Zacharie, Malachie. Ézéchiel pourrait être considéré comme prenant place entre les deux.

 

4° Ésaïe, donc, a parlé quand l’Éternel reconnaissait encore son peuple. Mais son long ministère (60 ans environ, entre 760 et 700 ans avant J. C.) se déroule à l’époque où Dieu met fin au royaume d’Israël, alors que Juda subsistera encore plus d’un siècle.

Il est le plus ample des prophètes. Tous les grands sujets de la prophétie s’y trouvent: les jugements sur Israël et sur les nations, verges de Dieu mais orgueilleux oppresseurs du peuple qu’Il châtie par elles; — le Résidu selon l’élection de la grâce (Rom. 11:5; 9:29); — la Rédemption; — les délivrances; le Messie; — le règne millénaire, fruit de la grâce et du salut.

 

5° Comme nous le verrons, maints événements annoncés par le prophète ont eu lieu, tandis que d’autres sont encore à venir, mais les faits déjà arrivés ne sont après tout qu’un accomplissement partiel; ils parlent à l’avance de l’aboutissement final des voies de Dieu, vers lequel il faut toujours regarder. Nous chercherons à indiquer cette relation entre la prophétie annoncée par Ésaïe et déjà accomplie, soit pour le prophète soit pour nous, — et la prophétie non encore accomplie. C’est là une des grandes difficultés de l’interprétation, mais elle disparaît entièrement quand on maintient qu’«aucune prophétie de l’Écriture ne s’interprète d’elle-même» (ou: n’est d’une interprétation particulière), selon 2 Pierre 1:20.

Ésaïe est pour nous l’illustration la plus éclatante de cette vérité. Tous les événements actuels sont pour ainsi dire entremêlés en apparence dans les événements futurs.

 

6° Le livre d’Ésaïe est formé de deux parties (chapitres 1 à 35 et chapitres 40 à 66) séparées par ce qu’on peut appeler un intermède historique (chapitres 36 à 39).

La première partie embrasse toute la prophétie des derniers jours quant à Israël et aux nations qui entrent en contact avec lui. Israël n’étant pas encore déclaré Lo-Ammi, c’est l’Assyrien qui est son ennemi en vue. Suscité le premier, l’Assyrien sera jugé en dernier, toutes les autres nations le seront avant lui. Cette première partie nous conduit à la bénédiction millénaire sous le règne du Messie.

C’est de ce dernier, de sa venue, de son sacrifice, de son règne en gloire, que traite la deuxième partie. L’Éternel entre en discussion avec Israël au sujet de ses péchés, l’idolâtrie d’abord, puis le rejet de ce Messie auquel Dieu donnera gloire et puissance. Par lui le peuple sera restauré et aura part à sa gloire, la bonté de l’Éternel le recevant finalement.

L’intermède des ch. 36 à 39 illustre, par les événements arrivés aux jours du prophète, la prophétie future dont ils fournissent pour ainsi dire le canevas en présentant l’attaque de l’Assyrien, sujet capital de la prophétie d’Ésaïe, point culminant du tumulte des rois de la terre contre l’Éternel et son Oint, suivi de la délivrance du Résidu.