Daniel

Chapitre 12

La détresse dont le prophète parle au commencement de ce chapitre n’est pas une chose postérieure et distincte des conflits décrits à la fin du chapitre précédent, mais, comme il le dit lui-même, elle a lieu «en ce temps-là». En sorte qu’avec les derniers événements du chapitre 11 nous sommes réellement arrivés au terme de la période la plus avancée dont il soit fait mention en Daniel. On a souvent fait la remarque que Daniel n’entre jamais dans le règne de la gloire, mais nous y amène juste à la porte. Il nous montre ce qui l’introduira, nous décrit, sans beaucoup de détails, l’exécution du jugement qui le précède; il nous parle du Royaume des cieux qui doit remplir toute la terre, mais il n’en fait pas la description. Le peuple des saints, comme il appelle les Juifs, possédera le royaume sur l’ensemble de ce qui est sous les cieux. Il est vrai que, par d’autres auteurs inspirés, l’Esprit de Dieu était déjà entré plus pleinement dans le sujet du règne du Messie sur Israël, et de la portion bénie de ce peuple; et qu’après la captivité, il allait encore utiliser d’autres instruments pour faire des prédictions sur ce même sujet. Ces nouvelles communications prophétiques que le Saint Esprit avait dans sa pensée étaient d’une importance particulière, parce qu’il savait bien que plusieurs supposeraient que le retour des Juifs de la captivité de Babylone, était l’accomplissement de la prophétie. Aussi, il a été pris beaucoup de peine dans quelques-unes des dernières prophéties, pour montrer que rien n’était plus éloigné de la réalité, et que la bénédiction d’Israël était encore à venir. Les Juifs sont décrits dans une condition misérable, après leur retour de Babylone, et l’Esprit de Dieu renvoie à un avenir lointain, la période où Israël sera réellement délivré et béni selon la pensée de Dieu. Le retour passé n’était qu’un gage de la pleine restauration que Dieu leur destinait. Mais Daniel n’entre pas dans ce temps de bénédiction. Il vous amène jusqu’à l’entrée, et s’arrête. Son sujet particulier était «les temps des nations», et c’est là ce qui fait le caractère remarquable de sa prophétie. Il est simplement un prophète de la captivité, et de sa fin.

Le chapitre 12 est relatif à ce qui se passe entre le jugement des Gentils, et l’introduction des Juifs dans la bénédiction qui est la leur. Le chapitre précédent nous a fait voir «le roi» et sa méchanceté, en terre sainte, et nous a aussi entretenus des rois du nord et du midi. Quelque grande qu’ait pu être temporairement la puissance du grand chef du nord contre la terre sainte, cependant «il viendra à sa fin, et il n’y aura personne pour le secourir». Telle est sa fin misérable.

Mais maintenant s’élève une question intéressante: Quelle sera en ce temps la condition d’Israël? la réponse se trouve dans les premiers versets de notre chapitre. «En ce temps-là se lèvera Micaël, le grand chef, qui tient pour les fils de ton peuple». C’est de ce peuple que Daniel était occupé. Il n’avait aucune idée de ce que nous appelons aujourd’hui les chrétiens ou l’Église, — aucune idée qu’il vînt un temps, déjà arrêté dans les conseils de Dieu, où il n’y aurait plus de différence entre Juifs et Gentils, et où les uns et les autres seraient formés, sur la base de la foi en un Christ crucifié, pour être un seul corps par le Saint Esprit envoyé du ciel. Tout cela aurait été des nouveautés pour Daniel, et le Seigneur ne lui donne jamais d’anticiper un pareil état de choses. Aucune prophétie, ni dans Daniel ni chez d’autres, ne le révèle, quoique plusieurs signalent certaines particularités maintenant réalisées, comme nous voyons en Romains 9 et 10, etc.

L’expression «ton peuple» désigne simplement et uniquement, le peuple juif. Daniel s’y intéressait profondément et avec raison, comme le doit un vrai Israélite sensible à la gloire de Dieu en relation avec Son peuple. En conséquence, l’Esprit de Dieu lui communique que, dans ce temps-là, il y aurait un tournant dans l’histoire d’Israël. Au lieu d’un simple contrôle Providentiel, comme, par exemple, la résistance de Micaël à tel ou tel chef, il y aurait ce fait important, que Micaël tiendrait ferme pour les Juifs, prenant en mains leur cause, et abattant leurs adversaires; mais même alors, cela ne se ferait point sans une lutte terrible. Leur défense constituait sa tâche habituelle. Mais alors il se lèvera pour achever les grands desseins de Dieu relativement à la terre dans la délivrance des Juifs.

«Et ce sera un temps de détresse tel, qu’il n’y en a pas eu depuis qu’il existe une nation jusqu’à ce temps-là. Et en ce temps-là ton peuple sera délivré: quiconque sera trouvé écrit dans le livre». C’est l’information importante qui distingue aussitôt les temps antérieurs d’avec cette nouvelle période où Micaël tient ferme pour le peuple. Bien loin que jusqu’à ce jour il y ait eu délivrance, la détresse qui tomba sur les Juifs sous Titus, fut plus terrible que celle qui les avait atteints sous Nebucadnetsar. Que devons-nous donc en conclure? que ce temps de détresse est encore à venir. L’Esprit de Dieu décrit ce qui doit attendre une réalisation future: du fait que dans le passé, rien n’y correspond, il faut que son application soit future. Et de fait, nous n’avons qu’à jeter les yeux sur Jérusalem et sur la condition actuelle des Juifs pour voir qu’il en est réellement ainsi. Est-ce qu’ils sont délivrés? Bien au contraire, il n’y a pas de contrée sous le ciel qui, d’une manière ou d’une autre, ne rende témoignage qu’ils se trouvent dans un état de dégradation, et hors du pays de beauté, sur lequel les yeux du Seigneur reposent continuellement. Mais leur misère doit dire à ceux qui ont des oreilles pour entendre, que Jérusalem doit encore être appelée le trône de l’Éternel; que toutes les nations doivent être rassemblées vers ce trône à Jérusalem, au nom de l’Éternel; que les Gentils ne marcheront plus selon l’obstination de leur mauvais cœur; que la maison de Juda marchera avec la nation d’Israël, les deux étant établies et réunies en paix et en amour dans le pays que Dieu a donné en héritage à leurs pères

Certains acceptent bien de regarder comme futur ce dont il est question ici, mais ils prétendent que ce doit être pris dans un sens spirituel, et qu’il faut l’entendre de l’Église et du peuple de Dieu d’aujourd’hui. Mais, pour réfuter une telle manière de voir, il suffit d’abord de répondre que nous avons eu une longue prophétie apportée par l’ange à Daniel, accompagnée de la déclaration positive qu’il s’agissait de ce qui arriverait à son peuple aux derniers jours. Ce fait seul exclut absolument de pareilles idées. Remarquez ensuite que d’un bout à l’autre de la prophétie, il n’est parlé de personne sauf des Juifs, comme les objets de l’intérêt de Dieu jusqu’à ce temps-là. Le sujet en question, c’est la terre sainte et les conflits entre le nord et le midi dans lesquels elle est impliquée. Le christianisme ne connaît pas de terre sainte. Ce n’est rien d’autre que du judaïsme ou du paganisme que de regarder un lieu comme plus sacré qu’un autre, maintenant que la pleine lumière du christianisme est venue. Mais s’il existe un pays glorieux dans le dessein de Dieu, c’est bien celui d’Israël. Seulement il perd ce caractère durant le temps de l’appel des Gentils. Nous sommes dans le temps de la révélation des choses célestes et non des choses terrestres. Et c’est pourquoi, tout ce qui était saint auparavant, à un point de vue purement terrestre, a disparu pour le moment, éclipsé par une dispensation plus brillante! Maintenant Dieu a d’autres desseins en vue. En rejetant son Messie, l’ancien peuple a manifesté fausseté et impiété. Tant qu’ils n’auront pas été amenés à Jésus comme nation, ou (selon les paroles de l’Apocalypse) tant qu’ils n’auront pas été amenés «à garder les commandements de Dieu, et à avoir le témoignage de Jésus Christ», — tant qu’un résidu n’aura pas obtenu une sorte de connaissance divine de Christ, Dieu ne le reconnaîtra point. En attendant, Il s’est tourné vers une autre œuvre, celle de la formation de l’Église, à laquelle il n’est fait ici aucune allusion. C’est une vérité bénie, que Dieu est allé vers les Gentils en riche miséricorde; mais de quelle consolation cela eût-il été quant à ce qui pesait si lourdement sur le cœur du prophète? Au contraire, dans ce passage, tout est parfaitement convenable et clair, du moment que nous comprenons que cette prophétie fait la description de l’état de son propre peuple et de son passage à travers la scène terrible dont il est question ici, la veille de sa délivrance, une délivrance de Dieu. «Ce sera un temps de détresse tel, qu’il n’y en a pas eu depuis qu’il existe une nation jusqu’à ce temps-là. Et en ce temps-là ton peuple sera délivré: quiconque sera trouvé écrit dans le livre».

Je désire faire voir que ce n’est pas là le témoignage d’un écrivain sacré seulement, mais celui de plusieurs. Prenez le prophète de douleurs, Jérémie, chapitre 30. Nous y trouvons une allusion manifeste à la grande détresse de Jacob, suivie de sa puissante délivrance (v. 4): «Et ce sont ici les paroles que l’Éternel a dites touchant Israël et touchant Juda». Qui peut contester le sens de cela? «Car ainsi dit l’Éternel: Nous entendons la voix de la frayeur; il y a la peur, et point de paix. Demandez, je vous prie, et voyez si un mâle enfante. Pourquoi vois-je tout homme tenant ses mains sur ses reins comme une femme qui enfante, et pourquoi tous les visages sont-ils devenus pâles?» C’est un état de choses qui dépasse tout ce qu’on aurait pu attendre raisonnablement en temps ordinaire: les hommes remplis de l’angoisse la plus profonde, peinte à même leurs visages, et leur courage envolé en présence d’une terrible détresse. Le verset 7 l’explique: «Hélas! que cette journée est grande! Il n’y en a point de semblable»; comme en Daniel, c’est un temps sans précédent. «Et c’est le temps de la détresse pour Jacob, mais il en sera sauvé». Jacob, «ce vermisseau de Jacob» (És. 41:14), est le nom dont se sert le Saint Esprit pour désigner le peuple considéré dans sa faiblesse, comme Israël est son nom en rapport avec sa puissance. C’est le temps de la détresse pour Jacob, mais il en sera sauvé. Jusque là c’est le même fil de pensées qu’en Daniel, selon l’Esprit. Il s’agit d’Israël et de Juda désignés par le nom exprimant leur faiblesse, en tant qu’exposés à toute sorte de calamités du dehors. C’est un jour de détresse sans pareille, et l’Israël de ce jour-là en sera délivré.

Si je voulais parcourir Ésaïe, je pourrais montrer la même chose du commencement à la fin, seulement d’une manière plus diffuse. Je n’ai pas besoin de m’arrêter à des passages si bien connus (chapitres 1, 2, 10, 14, 17, 22, 24-35, 49-66).

Mais dira-t-on: Avez-vous quelque témoignage tiré du Nouveau Testament? Vous avez cité des passages de l’Ancien Testament, pouvez-vous nous montrer quelque chose dans le Nouveau qui donne une lumière de Dieu, pleine et croissante, à travers Son Fils bien-aimé? La pensée peut surgir, et cela a eu lieu, que le christianisme met les Juifs entièrement de côté non seulement pour la présente dispensation, mais pour toujours; de telle sorte que, dit-on, nous devrions voir dans l’expression «le peuple» simplement un type de ceux que Dieu forme pour sa louange. Notre Seigneur décide lui-même de cette question en Matthieu 24. Il nous montre que c’est la destinée d’Israël que Daniel décrit, et qu’il ne faut l’appliquer à aucun autre peuple sous le soleil. C’est là leur portion propre, tant pour les douleurs que pour les délivrances. Les disciples avaient demandé (v. 3): «Dis-nous quand ces choses auront lieu, et quel sera le signe de Ta venue et de la consommation du siècle». Observez ici que la consommation «du siècle» est la seule vraie signification du terme original. Cela ne se rapporte point à la catastrophe finale de ce monde envisagé comme système matériel, mais à une certaine dispensation qui suit son cours dans le monde, lequel a un nom tout à fait différent (cosmos). Le Seigneur avertit les disciples qu’ils étaient en danger d’être séduits: qu’il viendrait des personnes qui prétendraient être le Christ, qu’il y aurait des troubles extérieurs, que Son témoignage ne devait aucunement changer le cours ordinaire des affaires humaines, car nation s’élèvera contre nation, et royaume contre royaume; et que, pour ce qui regarde l’état physique du monde, il y aurait des famines, des pestes, et des tremblements de terre. Il ne fait là que les préparer à une crise terrible à venir. «Mais toutes ces choses sont un commencement de douleurs». «Alors ils vous livreront pour être affligés, et ils vous feront mourir; et vous serez haïs de toutes les nations à cause de Mon nom».

Jusqu’au verset 15, nous avons des déclarations générales. Ensuite, le Seigneur restreint tout à coup la scène à Jérusalem et à la Judée. Il ne poursuit pas l’exposé de la prédication de l’Évangile du royaume à travers tout le monde, mais il limite Ses regards à cette petite bande de terre où habitait le peuple de Dieu, et à cette ville près de laquelle Il était en train de prononcer cette prophétie. «Quand donc vous verrez l’abomination de la désolation, dont il a été parlé par Daniel le prophète, établie dans le lieu saint (que celui qui lit comprenne) etc.». Nous trouvons dans ces paroles une exhortation positive à regarder au livre dont nous sommes en train d’être occupés. Dans cette partie de Son discours, le Seigneur parlait du même sujet que Daniel dans sa prophétie. «Alors que ceux qui sont en Judée s’enfuient dans les montagnes».

Je demande: y a-t-il aucune incertitude sur le sens de ces versets? Y a-t-il aucun doute sur ce que signifie cette expression «le lieu saint»? Est-elle jamais employée pour désigner autre chose que le sanctuaire de Dieu à Jérusalem? Dans l’Écriture, le lieu saint, en tant qu’une place identifiée sur la terre, est invariablement le centre juif de l’adoration de Dieu. L’abomination de la désolation signifie une idole qui amènera la désolation sur les Juifs. Lors donc que cette idole dont a parlé le prophète Daniel, sera placée dans le temple, ceux qui font cas de Christ devront prendre la fuite. Il n’y a pas un mot des Gentils ici, — pas une allusion à l’Église de Dieu en tant que telle. Les personnes pieuses, des personnes juives, dans leur propre ville, sont averties de s’enfuir dans les montagnes de Judée du voisinage dès qu’elles verront cette idole. «Malheur à celles qui sont enceintes et à celles qui allaitent en ces jours-là! et priez que votre fuite n’ait pas lieu en hiver, ni un jour de sabbat». Ce n’est pas du tout une scène chrétienne, mais purement juive. Les chrétiens observent le jour du Seigneur. C’est le grand symbole de notre reconnaissance du Christ ressuscité, et de notre bénédiction en Lui; mais le sabbat était un signe entre Dieu et Israël.

«Car alors [dit le Seigneur] il y aura une grande tribulation, telle qu’il n’y en a point eu depuis le commencement du monde jusqu’à maintenant, et qu’il n’y en aura jamais». Plusieurs, je le sais, appliquent ceci à la destruction de Jérusalem par Titus, et aux grandes calamités qui fondirent alors sur les Juifs. Mais il y a une différence essentielle à ne pas négliger. Le peuple juif n’a pas été délivré alors. Tandis que lors de l’accomplissement de la prophétie de Daniel, ce peuple est, et doit être délivré — non pas ultérieurement, mais en ce temps-là. Si Daniel est un vrai prophète (personne n’en doutera s’il révère le Seigneur et pèse justement les mots), sa prophétie ne peut pas avoir échoué, mais elle reste à accomplir. Notre Seigneur cite nettement et positivement précisément cette prophétie, spécifiquement ce chapitre 12 que nous étudions maintenant. Et que rattache-t-Il à la délivrance d’Israël? Sa propre venue du ciel comme Fils de l’homme. Qui peut dire qu’elle a déjà eu lieu? Bien loin que les Romains aient été renversés au temps de Titus, ils purent réduire les Juifs en esclavage. Ces derniers ne furent point alors délivrés, et, jusqu’à ce jour, ils n’ont jamais plus été les maîtres de leur propre temple, ni pu demeurer dans leur propre pays, même comme de simples particuliers. S’il y a une race plus proscrite que d’autres dans la terre sainte, c’est la race juive. Les Turcs, ses possesseurs actuels, l’ont possédée pendant de nombreuses et longues années; et tous, soit les Croisés, soit les Sarrazins, se sont accordés à en exclure les Juifs. De sorte que jusqu’ici il ne s’est rien passé de tel que la venue du fils de l’homme pour délivrer Israël. Micaël ne s’est pas encore tenu pour eux en ce sens du verset 1.

Ainsi, ce que j’ai montré d’après l’Ancien Testament est amplement confirmé par le Nouveau. Tous les prophètes les uns après les autres présentent le même tableau, c’est-à-dire un temps de détresse, comme il n’y en a jamais eu auparavant, suivi immédiatement par une délivrance telle qu’il n’en a encore jamais été accordé de pareille à Israël. Il est parfaitement clair, comme nous croyons tous que ces prophéties sont de Dieu, qu’il ne s’agit que d’attendre le temps auquel il convient à Dieu de les accomplir à la lettre. Comme notre Seigneur le déclare dans ce même chapitre 24 de Matthieu: «Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point» (v. 35). Ce n’est pas seulement vrai quant à leur teneur générale, mais il ne passera pas un seul iota ou un seul trait de lettre, que tout ne soit accompli1.

1 Romains 11 développe la pensée que Dieu a chassé Son peuple parce qu’Il est en train, en grâce, de compléter la période en blanc [parenthèse, ou intervalle de discontinuité] de leur rébellion contre le Seigneur Jésus et l’Évangile. C’est le temps de la greffe des Gentils. Car non seulement Dieu est capable de greffer les branches naturelles sur leur propre olivier, mais quand la plénitude des Gentils sera entrée, tout Israël sera sauvé, selon la prophétie qui le dit clairement. Ils deviennent les objets de la grâce divine à la fin; seulement, dans leur cas, ce sera dans leur propre pays. «Le Libérateur viendra de Sion, etc. ».

S’il en est ainsi, nous possédons une clé importante pour l’intelligence de la prophétie de Daniel. Si prochaine que fût la destruction de Jérusalem par les Romains, le Seigneur porte positivement ses regards vers un autre temps. Et c’est d’autant plus remarquable qu’un des évangélistes nous annonce la destruction de Jérusalem par les Romains, tout en la distinguant de cette période future de détresse. La principale référence positive de la prophétie à la ruine de Jérusalem par l’armée romaine, se trouve en Luc 21. Et voyez quelle différence de langage: «Quand vous verrez Jérusalem environnée d’armées». Pas un mot de l’abomination de la désolation établie dans le lieu saint. Luc passe complètement par-dessus et introduit ce dont Matthieu ne parle pas: Jérusalem environnée d’armées. «Quand vous verrez Jérusalem environnée d’armées, sachez que sa désolation est proche. Alors, que ceux qui sont en Judée s’enfuient dans les montagnes; et que ceux qui sont au milieu de Jérusalem s’en retirent etc.» (v. 20). C’est-à-dire, que le Seigneur prescrit exactement la même ligne de conduite aux Juifs qui sont dans Jérusalem, soit à l’approche du sac de la ville par les Romains (comme en Luc), soit lors de la future désolation qui doit tomber sur elle (comme en Matthieu). Jusque là il y avait analogie entre les deux événements: les gens pieux devaient s’enfuir, ne pas se confier en de vaines espérances de délivrance par quelque prétendu Messie, mais ils devaient savoir de la bouche du Seigneur lui-même que Jérusalem devait tomber entre les mains des Gentils. Si quelqu’un voulait échapper, il fallait qu’il sortît de Jérusalem. «Et que ceux qui sont dans les campagnes n’entrent pas en elle». Peu importe, ce qu’on peut leur dire sur la nécessité de célébrer leur fête, leur sécurité est d’éviter Jérusalem. Il n’y a pas encore de délivrance pour Israël. «Car ce sont là des jours de vengeance; afin que toutes les choses qui sont écrites soient accomplies».

Luc ne dit pas, notons-le, que c’est là le temps de détresse comme il n’y en a pas eu depuis le commencement du monde. Les expressions sont de la plus singulière exactitude. Luc présente d’abord la destruction de Jérusalem par Titus, et Matthieu ne parle que du dernier siège avant la délivrance des Juifs. «Car ce sont là des jours de vengeance, afin que toutes les choses qui sont écrites soient accomplies. Mais malheur à celles qui sont enceintes et à celles qui allaitent en ces jours-là! car il y aura une grande détresse sur le pays et de la colère contre ce peuple. Et ils tomberont sous le tranchant de l’épée, et seront menés captifs parmi toutes les nations». Ce n’était donc pas là le temps de détresse de Jacob où il serait délivré. Au temps dont parle Luc, au lieu de délivrance, ils tombent seulement dans les détresses d’une captivité après les détresses de la guerre.

«Et Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations jusqu’à ce que les temps des nations soient accomplis». C’est ce qui s’accomplit dans le temps actuel. «Les temps des nations» continuent encore jusqu’à ce jour. Les Gentils ont constamment dominé, et sur toute la face de la terre les Juifs n’ont pas obtenu un pays ou une ville qu’ils puissent dire à eux. Qui possède leur ville et leur pays? Les Gentils. «Les temps des Gentils» ne sont point expirés. «Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations jusqu’à ce que les temps des nations soient accomplis». Les Gentils en sont les maîtres, et comme tels, ils la fouleront jusqu’à ce que les temps assignés soient accomplis — et non pas pour toujours. Il n’est dit nulle part que cet état de choses doit aller jusqu’à la fin du temps. Au contraire, la domination gentile sur les Juifs est près de son terme: le verset suivant nous l’enseigne.

Nous avons déjà vu un énoncé très régulier, très méthodique des malheurs qui devaient tomber sur Jérusalem. Les temps des Gentils ont continué à courir depuis Titus jusqu’à aujourd’hui. Mais au verset 25, commence la scène finale, la seule chose dont il soit question en Matthieu 24, à partir du verset 15 — et cela suite à la question des disciples: «Quel sera le signe de ta venue et de la consommation du siècle?» Mais en Luc, ils demandent simplement: «Quel sera le signe quand ces choses (c’est-à-dire la destruction du temple) devront arriver?» En rapport avec cette question, le Seigneur leur annonce la venue des Romains, et ensuite, descendant le cours du temps des Gentils, Il continue jusqu’à la fin. Mais Matthieu se renferme dans ce qui est relatif à la fin, en réponse à la question selon que lui la rappelle. Telle est la raison toute simple de la différence de langage entre les deux évangélistes, et rien de plus beau que la manière dont la vérité s’en dégage. Après ceci, nous avons en Luc les grands événements marquant la fin des temps des nations. «Et il y aura des signes dans le soleil et la lune et les étoiles, et sur la terre une angoisse des nations en perplexité devant le grand bruit de la mer et des flots, les hommes rendant l’âme de peur et à cause de l’attente des choses qui viennent sur la terre habitée, car les puissances des cieux seront ébranlées. Et alors on verra le fils de l’homme venant sur une nuée avec puissance et une grande gloire». Tout ceci est bien distinct du siège passé (sous Titus).

Ceux qui, par une interprétation figurée, appliquent Matthieu 24 à la destruction de Jérusalem par Titus, sont obligés de faire de cette venue du ciel du Fils de l’homme, une simple figure représentant l’action Providentielle de Dieu, par le moyen de Titus, pour écraser les Juifs. Mais Luc 21 réfute complètement une pareille idée. En effet l’Esprit de Dieu y fait voir que Jérusalem a été prise, et que les temps Gentils continuent de courir: c’est quand ils arrivent à leur terme que le Fils de l’homme vient sur les nuées du ciel, avec puissance et grande gloire — des centaines d’années après Titus. La scène finale est introduite comme terminant les temps des Gentils, ou comme étant la conséquence du fait qu’ils ont pris fin.

Mais il y a plus. «Et quand ces choses commenceront à arriver, regardez en haut, et levez vos têtes, parce que votre rédemption approche». Et puis, un peu plus loin (v. 32), nous trouvons cette expression remarquable: «En vérité, je vous dis que cette génération ne passera point que tout ne soit arrivé». C’est un usage erroné de ce terme qui conduit à passablement de confusion sur le sujet. Quand est-ce que la phrase «cette génération» arrive dans le récit? C’est après que le Fils de l’homme est déjà venu avec puissance et avec gloire — et non pas lorsqu’on a vu Jérusalem environnée d’armées. Cette circonstance est importante pour aider à déterminer le vrai sens de l’expression. Si par ces mots «cette génération» il fallait entendre la durée d’une vie d’homme, ils n’occuperaient pas dans la prophétie une place convenable. Le sens banal aurait pu être raisonnable si l’expression avait été placée au moment où il est question des armées assiégeant Jérusalem. Mais l’expression n’a pas de sens, si on la place après l’accomplissement des temps des nations. De sorte que, si on donne une acception temporelle à cette expression «cette génération», il faut évidemment qu’elle embrasse une étendue d’au moins dix-huit siècles. Quelle est donc sa force véritable? Elle signifie — comme souvent dans l’Écriture — cette race d’Israël qui rejette Christ, et non une simple période de temps. L’Écriture l’emploie dans un sens moral pour décrire une race qui agit d’une façon particulière, bonne ou mauvaise. Voici comment s’exprime Moïse en faisant des reproches au peuple: «Ils se sont corrompus... c’est une génération tortue et perverse... Et il a dit, je leur cacherai ma face, je verrai quelle sera leur fin, car ils sont une génération perverse» (Deutéronome 32:5, 20). Ici, très évidemment, c’est de leur condition morale comme peuple, qu’il s’agit, et non du temps où cela a été manifesté.

Nous trouvons dans les Psaumes une clé supplémentaire pour trouver la signification propre de ce terme. Au Psaume 12, par exemple, on lit: «Toi, Éternel! tu les garderas, tu les préserveras de cette génération à toujours» (v. 8). Si par le terme «génération» il fallait simplement entendre une durée de trente ou quarante années, quel serait le sens de ces mots «à toujours»? Il ne s’agit pas du tout d’une durée de quelques années, mais de l’état moral d’un peuple, et du peuple d’Israël. Pareillement la portée des paroles de Luc est tout à fait manifeste. «Cette génération ne passera point que tout ne soit arrivé». Ce que veut dire le Seigneur, c’est que la race d’Israël continuera encore dans l’incrédulité et le rejet de Christ. C’est comme s’il disait: Je vais vous préparer pour cette vérité terrible, que cette génération qui rejeta Christ doit continuer jusqu’à ce que toutes ces choses soient accomplies. Or, en dehors de la prophétie, jamais on n’aurait pu prévoir un tel fait. On aurait pu supposer, au contraire, que, pendant que le christianisme s’étendait sur toute la terre et faisait des conquêtes en tout lieu, s’il devait y avoir une nation qui, plus qu’une autre, dût être amenée sous l’autorité de Christ, ce devait être Israël, bien-aimé à cause des pères. Mais non. Les Juifs doivent poursuivre dans la même incrédulité. Il peut bien y avoir parmi eux une lignée de fidèles, mais la génération méchante que Christ dénonce, ne passera pas jusqu’à ce que tout soit accompli. Et qu’est-ce qui suivra? Ce sera, selon l’expression des Psaumes, «la génération à venir». Israël sera né de nouveau, — un cœur nouveau lui sera donné. Il sera alors le peuple qui loue l’Éternel.

Cela concorde parfaitement avec le reste de l’Écriture. Le Seigneur avait représenté Israël sous la figure d’un figuier stérile, et en conséquence, il avait prononcé une malédiction sur cet arbre. Lorsqu’il est dit, dans un des évangiles, que ce n’était pas encore la saison des figues, cela signifie que le temps de leur maturité ou de leur récolte n’était pas encore arrivé. En conséquence les figues n’auraient pu être enlevées de l’arbre. Si cet arbre en avait porté, les figues auraient dû être là. C’est simplement lorsque les figues n’étaient pas encore mûres, que notre Seigneur vint chercher du fruit; mais il n’y en pas eu. Il y avait abondante profession — des feuilles, mais pas de fruit. C’est pourquoi il dit: Que désormais personne ne mange jamais de fruit de toi» (Marc 11:14). Telle est, en figure «cette génération». Mais comment concilier cela avec le fait qu’Israël doit être bientôt à la gloire du Seigneur? Israël doit naître de nouveau. «Cette génération-là» ne produira jamais de fruit pour le Seigneur: elle doit être détruite sous le jugement de Dieu, et une nouvelle race naîtra. Le type du passé nous donne une figure frappante de l’avenir.

D’après ces prophéties, que nous venons de considérer, deux tirées de l’Ancien Testament et deux du Nouveau, il est clair que le temps de détresse dont parle Daniel est entièrement futur; et que Luc distingue expressément une période d’angoisse considérable juste sur le point de survenir, et qui est en effet survenue à Jérusalem, d’avec une période finale de détresse, beaucoup plus profonde et encore à venir. Nous revenons maintenant à Daniel, avec la lumière que nous avons recueillie d’autres passages des deux Testaments donnant une parole de Dieu qui montre positivement et précisément qu’Israël doit traverser un océan de détresse inouïe, mais qu’il doit en être délivré. Au fond, c’est l’événement précurseur de leur grand salut de la part de Dieu.

Mais il restait encore une question sans réponse. Aussi important que ce fût pour Daniel de savoir que ses compatriotes seraient infailliblement délivrés, il restait cette autre question: — Quelle sera la condition des Juifs ne se trouvant point alors dans le pays? Qu’adviendra-t-il de ceux qui, n’étant ni à Jérusalem ni en Judée, ne sont point, par conséquent, les objets immédiats de la délivrance que Dieu y opère? Le deuxième verset du chapitre donne la réponse. «Et plusieurs qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour l’opprobre, pour être un objet d’horreur éternelle». On applique ordinairement ce passage à la résurrection du corps, et il est vrai que l’Esprit applique à cette résurrection-là, la figure employée ici. Mais on peut voir qu’ici, elle n’a pas le moindre rapport avec une résurrection corporelle, ni la nôtre, ni celle d’Israël. Comme cela peut sembler difficile à plusieurs, je dois prouver par l’Écriture, que le Saint Esprit utilise la résurrection comme une figure d’une heureuse restauration du sein d’un état de ruine.

Ésaïe 26 nous présente ce que personne, je pense, ne mettra en doute, un tableau de la détresse d’Israël — sa détresse sous ses dominateurs Gentils. Il est dit au verset 13: «Éternel, notre Dieu, d’autres seigneurs que toi ont dominé sur nous: par toi seul nous ferons mention de ton nom». Cela ne se rapporte point à l’Église, quoiqu’on nous en fasse si souvent l’application. Nous n’avons point eu d’autres seigneurs sur nous — mais les Juifs en ont eu. Ils ont été sous des maîtres pendant des milliers d’années, et ils y sont encore. «Par toi seul nous ferons mention de ton nom. Les morts ne vivront pas, les trépassés ne se relèveront pas». Ces seigneurs qui avaient domination sur eux ont disparu, ils sont morts et ne ressusciteront pas. Peut-il être question là de la résurrection dans le sens littéral? Si cela était, ils devraient ressusciter comme les autres. Il est clairement parlé de ce qu’ils périssent dans ce monde. En d’autres termes, l’Esprit leur applique la figure de la résurrection. Ils sont loin, ils ne seront plus seigneurs sur Israël. «Car tu les as visités, et tu les as exterminés, et tu as détruit toute mémoire d’eux. Tu as augmenté la nation, ô Éternel; tu as augmenté la nation; tu as été glorifié». Qui peut douter que ce passage parle d’Israël seulement? «Tu l’avais éloignée jusqu’à tous les bouts de la terre». Pourrait-on dire cela de l’Église? Lorsque l’Évangile s’étend sur tout le monde, c’est l’efficace de l’amour dans les hommes — l’activité de la grâce de Dieu qui circule partout. Il n’en est pas de même avec Israël. Ils ont une ville centrale où, s’ils avaient été fidèles, Dieu les auraient maintenus; de sorte que leur dispersion aux bouts de la terre était l’effet d’un jugement divin qui les avait frappés, et non pas une mission d’amour. «Éternel, dans la détresse ils t’ont cherché; ils ont épanché leur prière à voix basse, lorsque tu les as châtiés». Tel est l’effet de la discipline. Israël s’humilie. Celui qui s’est engraissé et avait regimbé, est maintenant repentant, et l’Éternel prête l’oreille à sa confession, et regarde à son angoisse. «Comme une femme enceinte, près d’enfanter, est dans les douleurs et crie dans ses peines, ainsi nous avons été devant toi, ô Éternel». Et puis, au verset 19, l’Éternel répond: «Tes morts vivront, mes corps morts se relèveront». Il les revendique comme étant siens, même s’ils ont tant péché et s’ils se sont trouvé dans une condition si déplorable et si dégradée. «Mes corps morts se relèveront». Remarquez ce qui suit, en le rapprochant de Daniel: «Réveillez-vous et exultez avec chant de triomphe, vous qui habitez dans la poussière; car ta rosée est la rosée de l’aurore, et la terre jettera dehors les trépassés».

Peut-on douter, si l’on a suivi les raisons qui viennent d’être avancées, que l’Esprit ne parle point ici de l’Église, mais bien d’Israël, en contraste avec ses dominateurs Gentils, maintenant effondrés, et qui ne reprendront jamais plus la domination? Israël, au contraire, quoique réduit à la plus triste condition, était seulement comme le corps mort que le Seigneur revendique comme sien, et, à ce titre, comme appartenant au Seigneur, il se relèvera. La résurrection du corps, du mort, est une vérité bénie et fondamentale qui sous-tend l’imagerie prophétique et est impliquée en elle. Mais le passage parle de la nation comme devant se relever, spirituellement selon Dieu, et en tant que nation; le chapitre suivant (Ésaïe 28) qui est la conclusion de ce passage, le rend encore plus évident. Utilisez et appliquez l’Écriture autant que vous voulez, faites-en votre sujet de joie, mais ne niez pas la force première et directe de ce qu’elle dit.

Revenant maintenant à Daniel, voyez toute la lumière ainsi jetée sur le passage. Non seulement il y aura délivrance en terre sainte pour les Juifs témoins de tous les conflits entre l’Antichrist et le roi du nord, mais aussi pour beaucoup de Juifs endormis (c’est-à-dire qui n’ont pas encore été manifestés sur la scène, qui ont été à l’écart des troubles de leur nation, qui sont restés dans une obscurité totale, — comme dormant dans la poussière de la terre, pour ainsi dire). «Et plusieurs qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour l’opprobre, pour être un objet d’horreur éternelle». Cela prouve clairement que ce n’est point la résurrection des justes, parce que lorsqu’elle aura lieu, personne ne se relèvera pour l’opprobre et pour l’horreur éternelle. Le passage n’a absolument aucun rapport avec la résurrection corporelle, celle-ci ne faisant que fournir une figure pour exprimer le rétablissement national d’Israël (Israël est représenté comme dormant dans la poussière afin d’exprimer la profondeur de son état de dégradation). L’heure était arrivée maintenant où il allait se réveiller et éclater en chant de triomphe, selon les paroles d’Ésaïe.

Mais il nous faut arriver à un autre passage, peut-être le plus clair de tous sur le sujet que nous considérons. Il se trouve dans la prophétie d’Ézéchiel, où la même figure est employée dans une prédiction très claire de la restauration d’Israël. Ésaïe les appelait un corps mort, et parlait d’eux comme dormant dans la poussière, d’où ils devaient se réveiller. Daniel aussi appelait le changement opéré dans leur état «un réveil de leur sommeil dans la poussière». Ézéchiel va plus loin encore, et les représente non pas seulement comme morts, mais comme ensevelis dans leurs tombeaux. Or, s’il peut être prouvé que ce passage n’est point relatif à une résurrection corporelle littérale, mais bien à une restauration nationale d’Israël, la chaîne de preuves entre tous ces passages sera complète. Il en est ainsi, je n’en doute pas. Dans cette prophétie d’Ézéchiel, en effet, nous ne sommes pas réduits à en chercher le sens dans le contexte, mais il y en a une interprétation divine. Nous n’avons pas seulement la prophétie, mais nous avons la prophétie expliquée, et l’explication de la prophétie donnée à et par Ézéchiel exclut toute pensée autre que celle que je me suis efforcé d’établir devant vous. Au commencement du chapitre 37, nous trouvons une plaine pleine d’ossements très secs. «Et il me dit: Fils d’homme, ces os revivront-ils? Et je dis: Seigneur Éternel! tu le sais. Et il me dit: Prophétise sur ces os, et dis-leur: Os secs, écoutez la parole de l’Éternel. Ainsi dit le Seigneur, l’Éternel, à ces os: Voici, je fais venir en vous le souffle, et vous vivrez. Et je mettrai sur vous des nerfs, et je ferai venir sur vous de la chair, et je vous recouvrirai de peau; et je mettrai en vous le souffle, et vous vivrez; et vous saurez que je suis l’Éternel. Et je prophétisai selon qu’il m’avait été commandé; et comme je prophétisais, il y eut un bruit, et voici, il se fit un mouvement, et les os se rapprochèrent, un os de son os. Et je vis, et voici, il vint sur eux des nerfs et de la chair, et de la peau les recouvrit par dessus; mais il n’y avait pas de souffle en eux» (v. 3-8). Quelqu’un peut-il sérieusement penser que c’est là la manière dont l’Église ressuscitera d’entre les morts? Y a-t-il une âme abusée au point de voir dans ces paroles une description de la manière dont nos corps doivent ressusciter? Des os venant ensemble d’abord; ensuite la chair et la peau qui les recouvrent; puis la respiration mise en eux? Un esprit sobre peut-il prétendre que ce tableau a pour but premier de figurer l’œuvre de l’évangile dans la vivification des âmes? Si oui, que signifient les os d’abord, etc.?

«Et il me dit: Prophétise au souffle, prophétise, fils d’homme, et dis au souffle: Ainsi dit le Seigneur, l’Éternel: Esprit viens des quatre vents, et souffle sur ces tués, et qu’ils vivent. Et je prophétisai selon qu’il m’avait commandé; et le souffle entra en eux, et ils vécurent, et se tinrent sur leurs pieds, — une immense armée. Et il me dit: Fils d’homme, ces os sont toute la maison d’Israël» (v. 9-11). Quoi de plus simple que l’explication que Dieu donne de la vision? Il l’applique à toute la maison d’Israël, quoique, sans aucun doute, ce fût la vision d’une résurrection. Ézéchiel vit les os revivre, et les hommes se tenir sur leurs pieds. Mais voilà, Dieu est en train de nous donner le sens réel et l’application propre de cette vision. Pour la résurrection du corps, nous la trouvons pleinement ailleurs, dans le Nouveau Testament, par exemple, et aussi dans Job. Les Évangiles, les Actes, les Épîtres, l’Apocalypse nous présentent la résurrection tant des justes que des injustes — une résurrection bienheureuse pour les uns, et une autre résurrection ayant de terribles conséquences de malheur pour ceux à qui elle s’applique. Mais ici nous avons le même Dieu se servant de la résurrection comme d’une figure pour décrire la bénédiction qu’Il va faire venir sur le peuple d’Israël. En Luc 15 encore, la même figure de la résurrection est appliquée à la conversion du fils prodigue: «Mon fils, que voici, était mort, et il est revenu à la vie, il était perdu, et il est retrouvé». Paul emploie encore cette même figure pour nous présenter la bénédiction résultant bientôt pour le monde, du rétablissement d’Israël: «Quelle sera leur réception, sinon la vie d’entre les morts?» (Romains 11:15). Je maintiens donc que, pour ce passage, il n’y a pas d’autre interprétation portant l’empreinte de l’Esprit de Dieu. On peut s’en servir pour prêcher l’Évangile, ou en faire une application figurée, et je n’ai pas d’objection à un tel usage. Mais la parole de Dieu nous fournit à la fois la vision et son interprétation, et j’ai autant de raisons de croire l’une que l’autre. Dieu déclare qu’elle signifie la maison d’Israël; en conséquence elle ne signifie point la résurrection des corps. Lorsque les hommes ressusciteront d’entre les morts, au sens propre et littéral, il n’y aura rien comme la maison d’Israël parmi les ressuscités. La résurrection met fin à toutes les relations tenant au temps et au monde. Il en résulte que ce que nous avons ici est tout simplement une figure tirée de la résurrection, et appliquée au futur rétablissement d’Israël — qui sera alors une nation sainte, mais bien une nation.

«Ces os sont toute la maison d’Israël. Voici, ils disent: Nos os sont desséchés, et notre attente a péri; nous sommes retranchés! C’est pourquoi prophétise, et dis-leur: Ainsi dit le Seigneur, l’Éternel: Voici, j’ouvrirai vos sépulcres, et je vous ferai monter hors de vos sépulcres, mon peuple, et je vous amènerai dans la terre d’Israël». Rien ne saurait être plus clair, et tout le chapitre confirme ce même témoignage. Mais il y a plus que cela: «Et vous saurez que je suis l’Éternel, quand j’aurai ouvert vos sépulcres, et que je vous aurai fait monter hors de vos sépulcres, mon peuple. Et je mettrai mon Esprit en vous, et vous vivrez, et je vous placerai sur votre terre; et vous saurez que c’est moi, l’Éternel, qui ai parlé et qui l’ai fait, dit l’Éternel». Ce qui suit jette encore plus de lumière là-dessus. Une autre vision se rattache à celle-ci. Le prophète reçoit l’ordre de prendre deux bâtons et de les joindre l’un à l’autre, exprimant, par cet acte symbolique, un autre côté de la bénédiction réservée à Israël. Si tout Israël devait être tiré hors de ses sépulcres, les douze tribus auraient encore pu former deux parties séparées comme autrefois. Mais maintenant survient une condition nouvelle pour nous montrer qu’à la résurrection d’Israël, leurs intérêts, autrefois divergents, fusionneront à nouveau. Cela ne se rapporte en rien à l’Église, ni à notre état, quand nous serons ressuscités des morts. Nous ne serons point plantés dans le pays d’Israël sous David comme notre roi. Lors même que nous prendrions David comme type de Christ, tel n’est point le genre de relation qui est nôtre. Nous sommes le corps et l’épouse de Christ, — nous ne sommes pas simplement un peuple sur lequel règne un roi.

Ainsi le rapprochement de ces diverses portions de la parole de Dieu, fournit une preuve solide que le passage de Daniel dont nous sommes occupés se rapporte uniquement à Israël. Et comme le premier verset nous présente la délivrance des Juifs dans leur pays au temps de leur plus rude détresse, de même le deuxième verset nous montre ce qui est la clé pour l’intelligence de tant de prophéties, — la sortie de la race des Juifs des lieux où ils se cachent, et de leur profonde dégradation, état exprimé par leur sommeil au sein de la poussière et la manière dont ils en relèvent. Mais qu’il s’agisse de ceux qui se trouvent dans le pays, ou de ceux qui sortent de la poussière de la terre, ou d’entre les Gentils, personne ne sera délivré, excepté ceux qui sont les objets des conseils de Dieu, c’est-à-dire qui seront «trouvés écrits dans le livre». Quelques-uns peuvent se réveiller, comme l’exprime la figure, pour prendre leur part dans la grande lutte de la fin, mais n’étant pas enregistrés dans le livre de Dieu, ils seront abandonnés à l’opprobre et à l’horreur éternelle. Pour les autres, ce n’est pas simplement une délivrance nationale, mais bien davantage. Ceux qui seront délivrés seront véritablement nés de Dieu. À leur relèvement s’attache un caractère spirituel, aussi bien qu’un caractère national.

Mais poursuivons rapidement le reste de notre chapitre. L’Esprit de Dieu nous fait voir que plusieurs parmi eux auront une maturité remarquable. Ce sont ceux qui sont dits être «sages». «Et les sages brilleront comme la splendeur de l’étendue». Ceux-là auront été distingués dans un temps de détresse parmi les Juifs. «Et ceux qui ont enseigné la justice à la multitude, comme les étoiles, à toujours et à perpétuité». Il n’est pas question du succès qu’ils ont obtenu; l’idée n’est point s’ils les ont réellement amenés ou non à la justice, mais que seulement ceux qui ont instruit la multitude ou la masse des Juifs, sont promis à la bénédiction. Ils peuvent n’avoir obtenu que de maigres résultats, mais la question est de savoir s’ils ont travaillé pour Dieu, et maintenu les droits de Sa vérité. Le même terme hébreu traduit ici par «ont enseigné la justice» se trouve dans d’autres parties de l’Écriture, où il signifie sans aucun doute «justifier». Les traducteurs anglais, jugeant avec juste raison que l’expression «justifier» ne serait pas convenable dans une phrase qui décrit l’action de l’homme, tandis que la justification appartient certainement à Dieu, l’ont remplacée par celle de «tourner vers la justice». Mais je préfère traduire «enseigner la justice». Il semblerait donc qu’il y aura certains Juifs ayant montré, comparativement, un haut degré d’intelligence de la pensée de Dieu. Ils sont appelés «les sages». Mais outre ces intelligents, il y en aura d’autres qui, mus par l’énergie spirituelle, comme nous avons vu, sortiront pour enseigner la masse des Juifs, déjà tombés, ou tombant plus tard, sous la puissance de l’Antichrist. L’expression «la multitude» est une expression technique en Daniel, pour désigner la masse incrédule parmi le peuple juif, ou ceux qui sont perdus. Ceux qui enseigneront la justice à la multitude, brilleront comme des étoiles à toujours et à perpétuité.

Je saisis cette occasion pour dire que c’est là le véritable sens d’un verset d’Ésaïe 53 (v. 11), qui a singulièrement tourmenté les critiques: «Par sa connaissance mon serviteur juste enseignera la justice à un grand nombre». Beaucoup de chrétiens l’ont sans doute rattaché avec celui-ci de l’épître aux Romains «par l’obéissance d’un seul, beaucoup seront constitués justes» (5:19). Mais il n’y aucun rapport quelconque entre les deux pensées. Prenez-le comme suggéré par le passage de Daniel, et tout est clair. Je n’ai pas le moindre doute que tel est son vrai sens. Il est question d’instruire dans la justice, et le sujet, là, n’est pas la justification. Dans le cas du Seigneur, naturellement l’instruction sera parfaite, mais même là, ceux qui sont l’objet de son activité, sont désignés par l’expression «les plusieurs» [= la multitude] comme en Daniel. Ici nous trouvons que ces âmes pieuses, parmi les Juifs, possèdent une certaine connaissance de la vérité divine, et instruisent la masse dans la justice. Il ne sera pas question en ce jour-là de montrer ou de prêcher la grâce. Ils instruiront dans la justice. Il se peut qu’ils diffuseront les pensées bénies de Dieu en rapport avec Israël, mais ils instruiront dans la justice. Le sens de «justifier» ne serait point correct, aussi bien si nous regardons à ceux qui instruisent ou à ceux qui sont instruits. Nous pourrions peut-être le comprendre de l’action du Seigneur en Ésaïe 53. Mais même pour ce cas-là, demandez à n’importe qui ce qu’il faut entendre par «justifier plusieurs par Sa connaissance», et vous verrez qu’il faudra aller loin pour avoir une réponse plausible. Quelques défenseurs de cette interprétation, tâchent de comprendre le verset comme s’il y avait «par la connaissance de Lui», mais cela ne tient pas. Le vrai sens est que le Seigneur emploiera sa connaissance comme moyen d’en instruire plusieurs. En Ésaïe et en Daniel, il est question d’instruire dans la justice, et non pas de justifier ni d’amener à la justice.

Au verset suivant (v. 4), nous trouvons un principe important sur lequel il faut dire quelques mots. «Et toi, Daniel, cache les paroles et scelle le livre jusqu’au temps de la fin. Plusieurs courront çà et là et la connaissance sera augmentée». Daniel est ainsi informé que les choses qu’il avait vues, et les communications qu’il avait entendues, tout en étant de Dieu sans aucun doute, n’allaient pas servir dans le temps présent. Tout devait rester un livre scellé jusqu’à un jour lointain, en un mot, jusqu’au temps de la fin. Dans un verset plus bas (v. 8), Daniel pose la question: «Quelle sera l’issue de ces choses?» Et la réponse est: «Va Daniel; car ces paroles sont cachées et scellées jusqu’au temps de la fin. Plusieurs seront purifiés et blanchis et affinés; et les méchants agiront méchamment, et aucun des méchants ne comprendra; mais les sages comprendront». Ce langage montre clairement que l’intelligence des paroles de Dieu est une affaire spirituelle, et non simplement une affaire de capacité intellectuelle. Si c’était affaire de capacité intellectuelle, les méchants pourraient comprendre autant que les justes. Or il est expressément déclaré qu’aucun méchant ne comprendra, mais seulement les sages, c’est-à-dire ceux qui ont de l’intelligence et dont il a été question plus haut.

Remarquez comme cela a de l’importance. Au dernier chapitre de l’Apocalypse, nous voyons qu’il est parlé au prophète Jean, à la fin de sa prophétie. C’est un contraste très frappant avec ce qui est dit à Daniel. Celui-ci, dans son dernier chapitre, reçoit l’ordre de tout cacher et sceller jusqu’au temps de la fin. Au contraire, dans le dernier chapitre de l’Apocalypse, il est dit à Jean de ne pas sceller «les paroles de la prophétie de ce livre, parce que le temps est proche». En d’autres termes, il y a un parfait contraste entre les injonctions faites à l’un et à l’autre prophète. 

Pour le prophète juif tout est scellé jusqu’au temps de la fin. Pour le prophète chrétien, rien n’est scellé, tout est ouvert. D’où cela vient-il? La réponse est que l’Église — le chrétien — est toujours censée être au temps de la fin. Le don du Saint Esprit a tout changé. À partir de ce moment, rien n’est resté scellé pour le chrétien. Toute la pensée de Dieu, Ses affections, Ses conseils, et même Ses secrets quant au monde, tout ce qui se trouve dans les Écritures de vérité lui est accessible par la puissance de Dieu. Le chrétien, même le plus faible, le plus ignorant, a le Saint Esprit faisant en lui sa demeure. C’est pourquoi, en écrivant aux petits enfants, l’apôtre Jean leur dit-il: «Vous avez l’onction de la part du Saint, et vous connaissez toutes choses» (1 Jean 2:20). Toute la science du monde ne peut jamais rendre capable de comprendre la Bible; tandis que si quelqu’un est né de Dieu, il peut comprendre tout ce que Dieu révèle; il a seulement besoin d’être conduit en avant, et instruit plus parfaitement. L’Apôtre ne parle point des connaissances actuelles du petit enfant, qui pouvaient être fort succinctes. En qui donc nous glorifions-nous, et devons-nous nous glorifier? En Dieu qui nous a conféré un aussi merveilleux privilège. Seul celui en qui l’Esprit de Dieu habite a, par là, la capacité divine d’entrer dans les choses de Dieu. Il a seulement besoin, quand l’occasion est là, d’être dépendant de Dieu, et de croire Sa parole, et ce qui est de Dieu sera manifesté et démontré être divin.

Cela se rattache au fait que l’Esprit de Dieu est donné à l’Église dans un sens particulier, que même les prophètes ne connaissaient pas. Car quoiqu’ils eussent l’Esprit pour les inspirer, comme naturellement nous ne l’avons pas, nous avons cependant le Saint Esprit demeurant toujours en nous. L’une des conséquences en est que nous avons l’intelligence spirituelle, «la pensée de Christ» qu’ils ne possédaient pas. C’est à cause de cela, comme vous pouvez vous en rappeler, que l’Esprit de Dieu en 1 Pierre 1, met en contraste la condition actuelle du chrétien avec celle des saints et des prophètes eux-mêmes, dans l’Ancien Testament. Il nous les montre «recherchant quel temps ou quelle sorte de temps l’Esprit de Christ qui était en eux indiquait, rendant par avance témoignage des souffrances qui devaient être la part de Christ et des gloires qui suivraient; et il leur fut révélé que ce n’était pas pour eux-mêmes mais pour vous, qu’ils administraient ces choses, qui vous sont maintenant annoncées par ceux qui vous ont annoncé la bonne nouvelle par l’Esprit Saint envoyé du ciel». C’est-à-dire que nous sommes placés dans la connaissance et la jouissance actuelles de choses dont il leur fut déclaré qu’elles ne les concernaient point, mais qu’elles nous concernaient nous, qui appartenons au Nouveau Testament. C’est là un point de haute importance. Ils possédaient la promesse, et c’était pour eux le salut. Mais nous avons beaucoup plus: nous avons la bénédiction positive et accomplie — la rédemption, non pas simplement promise, mais réalisée. Et maintenant, le chrétien, délivré par la grâce de toute incertitude quant à ses péchés, est libre d’entrer dans les choses bénies de Dieu, et il a le Saint Esprit pour connaître toutes choses. En conséquence, Dieu dit maintenant: Il ne faut pas sceller le livre. La fin est moralement arrivée, et c’est dans le temps de la fin que nous sommes envisagés. C’est pourquoi nous attendons la venue du Seigneur à tout moment. Là où prévaut la pensée juive, les gens ont toujours devant eux, comme préalable, la perspective d’un temps de grande détresse. Ils ne voient point que Dieu a un dessein à l’égard d’Israël, et parallèlement un autre envers l’Église; que lorsqu’Il nous aura retirés à notre place propre dans la gloire céleste, Il s’occupera à nouveau des Juifs. Et ce sont eux, non pas nous, qui doivent traverser la grande tribulation, et voir les signes définis à l’avance comme proclamant la venue prochaine du Fils de l’homme sur la terre.

Cela sert aussi à expliquer comment il se fait que nous pouvons comprendre ces prophéties. Daniel ne le pouvait pas, selon qu’il le dit ici: «J’entendis, mais je ne compris pas. Et je dis: Mon seigneur, quelle sera l’issue de ces choses? Et il dit: Va, Daniel; car ces paroles sont cachées et scellées jusqu’au temps de la fin». Puis arrive le christianisme, et aucune de ces paroles n’est plus cachée — elles sont toutes ouvertes. La fin du monde, il est dit que nous y sommes: comme il est écrit (1 Corinthiens 10:11): «Ces choses... ont été écrites pour nous servir d’avertissement, à nous que les fins des siècles ont atteints». Et c’est toujours ainsi. Christ, en la consommation des siècles, a été manifesté une fois pour l’abolition du péché par son sacrifice (Hébreux 9:26). L’Église est toujours supposée être à la fin, et, par l’efficace de l’Esprit, elle anticipe le résidu pieux et intelligent. En effet, l’Église commença par un résidu de Juifs ayant foi en leur Messie. C’est ainsi que la Pentecôte commença par ce qui sera vrai de nouveau, après que nous aurons été enlevés au ciel. Car lorsque Dieu aura transporté les saints et que le temps de la fin sera littéralement venu, il y aura une fois de plus un résidu de Juifs fidèles.

Pour ce qui est des «jours» dont il est parlé à la fin du chapitre, de quoi s’agit-il? Il est dit au verset 11. «Et depuis le temps où le sacrifice continuel sera ôté et où l’abomination qui désole sera placée, il y aura 1290 jours». Auparavant, il avait été dit dans le verset 7, par l’homme vêtu de lin, que ce serait «jusqu’à un temps, à des temps, et une moitié de temps» — c’est-à-dire 1260 jours. Le verset 11 ajoute 30 jours à ces 1260 jours, soit un mois de plus. Ensuite au verset 12, nous trouvons encore une durée supplémentaire. «Bienheureux celui qui attend et qui parvient à 1335 jours!» C’est-à-dire qu’il est encore ajouté un mois et demi. De sorte que nous avons d’abord, 1260 jours; puis 1290 jours, et enfin 1335 jours. Quelle est, pouvons-nous demander, la signification de cela? et quel est le point de départ du décompte de ces jours? La réponse est: «Depuis le temps où le sacrifice continuel sera ôté et où l’abomination qui désole sera placée» (v. 11).

Et maintenant je voudrais faire une remarque qui a quelque importance, comme rattachant ensemble tout ce qui a été dit, et présentant une preuve concluante en faveur de la vérité de l’interprétation de cette prophétie. Il s’agit du verset que notre Seigneur lui-même citait en Matthieu 24:15: «Quand donc vous verrez l’abomination de la désolation, dont il a été parlé par Daniel le prophète, établie dans le lieu saint (que celui qui lit comprenne), alors que ceux qui sont en Judée s’enfuient dans les montagnes». La question est: où Daniel parle-t-il de cela? Je réponds: au verset 11 de ce chapitre. C’est le seul verset qui réponde parfaitement à celui de Matthieu.

Il nous est déclaré qu’à partir de ce moment-là, il doit y avoir 1290 jours, puis une autre période de 45 jours, et alors la pleine bénédiction. Est-ce que cela a eu lieu? Si vous l’appliquez à quelque chose qui soit passé, comme par exemple, à la destruction de Jérusalem par Titus, et si vous ajoutez 1335 jours depuis le temps où les Romains prirent la ville, la bénédiction est-elle réellement arrivée? Peu importe comment vous prenez les jours. Imaginez qu’ils représentent 1335 années depuis cette destruction de Jérusalem: trouvez-vous à leur terme la bénédiction des Juifs et la bénédiction des saints, conformément à la parole de Dieu que nous lisons ici? Rien de pareil. Qu’en conclure alors, sinon que vous avez pris une date fausse comme point de départ du calcul. «L’abomination qui désole» n’est pas encore arrivée; quand elle le sera dans le sens qu’ont les paroles du Seigneur, il suivra une période de 1335 jours, après lesquels viendra la pleine bénédiction.

Mais encore un mot au sujet de ces différents nombres de jours: d’abord les 1260 jours, puis les 1290, et ensuite enfin, les 1335. Je pense que la raison en est que la bénédiction d’Israël ne sera pas introduite tout d’un coup. Le premier grand changement sera lors de la destruction du «roi». Elle a lieu à l’expiration des 1260 jours. Mais comme nous le voyons au chapitre 11, après «le roi» c’est le tour du roi du nord, avec lequel il faut aussi en finir. Par conséquent, il y a un nouveau délai. Mais je ne puis dire si elle coïncidera avec les 30 jours de plus (ou 1290), ou bien avec les 45 jours suivants (1335). Ce dont, toutefois, nous pouvons être assurés, c’est que les 1335 jours nous mènent jusqu’à l’accomplissement de l’œuvre entière; et je suis enclin à penser que la destruction du roi du nord est l’un des derniers, sinon le dernier, de tous ces actes de jugement qui doivent s’accomplir avant que commence l’époque de la bénédiction. Il est dit en Ésaïe 10:12: «Et il arrivera que, quand le Seigneur aura achevé toute son œuvre contre la montagne de Sion et contre Jérusalem, je visiterai le fruit de l’arrogance du cœur du roi d’Assyrie et la gloire de la fierté de ses yeux». Ces paroles me semblent indiquer que c’est le dernier acte de jugement du Seigneur en rapport avec la bénédiction d’Israël. Après la destruction de l’Antichrist il y aura un ou deux brefs intervalles durant lesquels le Seigneur renverse encore Ses ennemis et ceux d’Israël. «Bienheureux celui qui attend et qui parvient à 1335 jours».

Maintenant je ferme ce livre, en priant le Seigneur de le rendre aussi réellement profitable qu’il est intéressant. Un de ces fruits les plus bénéfiques aura été celui-ci — de délivrer les enfants de Dieu de l’idée que l’Église est tout. Ce n’est pas l’ordre véritable. En juger ainsi, c’est tomber dans la même sorte de méprise que les anciens astronomes, quand ils considéraient la terre comme le centre du système du monde, parce qu’elle était le lieu où ils vivaient. C’est là ce qui perd l’homme: il se fait le centre de ses pensées. On commet la même erreur en théologie. Parce que nous sommes dans l’Église, on en fait la pensée centrale de l’Écriture, alors que c’est Christ qui en est cette pensée centrale. Il est le centre de la bénédiction céleste, et l’Église est alentours de lui; Il est le centre de la bénédiction juive, et les Juifs sont alentours de Lui. Que ce soit dans les cieux ou sur la terre, Christ est donc le cœur de toutes les pensées de Dieu et des moyens de bénédiction. C’est quand nous tenons nos cœurs fixés sur Lui, qu’il y a paix, progrès et bénédiction abondante. La raison pour laquelle très souvent les âmes n’ont pas la paix, c’est qu’elles sont occupées d’elles-mêmes, et qu’elles ne trouvent pas ce qu’elles pensent devoir être dans un chrétien. Tandis que si je regarde à Christ, il n’y a point de difficulté. La question devient alors: Christ mérite-t-il qu’un être tel que moi soit sauvé? Puis-je répondre qu’Il ne le mérite pas? Il en résulte que je suis heureux, et Dieu peut m’employer à son service. Mais si je suis dans l’anxiété au sujet du salut de ma propre âme, comment pourrais-je être occupé au service des autres? Nous n’en aurons jamais fini avec le moi, jusqu’à ce que Christ soit devenu pour nous le centre de toute chose. Puisse-t-il l’être réellement! Il est le centre de toutes les pensées de Dieu en amour et en justice, aussi bien qu’en gloire.