Daniel

Chapitre 7

Nous arrivons maintenant à la seconde grande division du livre. L’Esprit de Dieu ne nous y présente pas simplement l’histoire ou les visions de personnages païens, Nebucadnetsar et d’autres, mais les communications faites au prophète lui-même de la part de Dieu. De là vient que le sujet prédominant des pensées de l’Esprit est ce qui est relatif aux Juifs, objets de la faveur spéciale de Dieu à cette époque là, et plus particulièrement ce que Dieu tient en réserve pour eux pour le jour de la bénédiction qui est bien proche. Daniel était le canal approprié pour de telles révélations. En conséquence, l’Esprit reprend le sujet des quatre grands empires Gentils, aussi bien que celui du cinquième empire, le royaume des cieux, qui doit être introduit par le Seigneur Jésus. Mais les choses sont présentées ici d’un point de vue différent, quoiqu’en parfaite harmonie avec ce qui précède. Ici ce n’est point une grande statue commençant par ce qui est splendide, l’or et l’argent, et descendant par une détérioration manifeste et progressive au ventre et aux cuisses d’airain, puis aux jambes et aux pieds d’argile. Ici nous avons des bêtes sauvages féroces. Elles représentent bien les mêmes puissances, mais sous un autre angle. La statue convenait fort bien pour une présentation faite au grand chef de l’empire Gentil, de leurs mutations et relations respectives; mais maintenant, voici le point de vue de Dieu sur ces mêmes puissances, ainsi que leurs relations avec son peuple.

Cette simple considération nous donne la clé des différentes manières selon lesquelles ces puissances sont dépeintes. Dans les détails, nous trouverons la sagesse habituelle de ce qui procède de la pensée de Dieu.

Dans sa vision, le prophète voit une masse d’eau agitée par les vents des cieux. De cette mer troublée sortent quatre bêtes sauvages, successivement; car il est évident qu’il en est des empires présentés ici comme de ceux figurés par les métaux du chapitre 2: ils ne sont pas contemporains, mais ils se succèdent l’un à l’autre pour gouverner le monde, selon la providence de Dieu. «La première était comme un lion, et elle avait des ailes d’aigle». Sans aucun doute, nous avons là l’empire de Babylone. Ce n’est pas non plus nouveau de voir le Saint Esprit appliquer à Nebucadnetsar la figure d’un lion ou celle d’un aigle. Jérémie l’avait déjà fait: «Le lion est monté de son fourré, et le destructeur des nations s’est mis en chemin» (Jérémie 4:7). Ézéchiel, comme Jérémie, l’a aussi représenté sous la figure d’un aigle. En Jérémie 49:19, 22, il est même mentionné à la fois sous l’image du lion et de l’aigle. Dans la vision de Daniel, le Saint Esprit réunit les deux figures dans un même symbole pour représenter d’une manière appropriée ce que l’empire babylonien était dans la pensée de Dieu.

Mais, outre ces symboles de la grandeur et de la rapidité des conquêtes qu’allait faire la bête babylonienne, nous trouvons dans la description du prophète l’indice d’un changement remarquable qui allait affecter cette bête, et dont, humainement parlant, on ne voyait alors aucun indice. Mais tout est découvert aux yeux de Dieu, et son intention, en donnant la prophétie, est que son peuple voie à l’avance ce qu’il voit lui-même. Dans la parfaite sagesse et la parfaite bonté de sa nature, Dieu a trouvé bon d’accorder une mesure de connaissance de l’avenir selon qu’il juge convenable à sa gloire; et un enfant obéissant écoute et garde la parole de son Père.

Puis il fait connaître au prophète l’humiliation qui devait atteindre l’empire de Babylone. Il n’allait pas être entièrement détruit comme nation, mais sous peu, il allait perdre sa position de puissance dirigeante dans le monde. C’est le sens des ailes arrachées à la bête, laquelle se dresse ensuite sur ses pieds comme un homme, ce qui lui ôte sa force, bien sûr. Si une telle attitude est parfaitement adaptée pour l’homme, il est évident que, pour une bête féroce, c’est plutôt une humiliation. En harmonie avec cela, nous lisons aussi qu’«un cœur d’homme lui fut donné». C’est une sorte de contraste avec ce qui arriva à Nebucadnetsar, à qui fut donné un cœur de bête. Ce roi orgueilleux ne regardait pas vers Dieu, ce qui est évidemment le devoir sacré de toute âme d’homme. Celui qui ne reconnaît pas que Dieu lui a donné l’existence, veille sur lui et le comble de bienfaits chaque jour, celui-là n’est pas proprement un homme. Dieu réclame l’obéissance de la conscience, et cela seul peut opérer la conversion du cœur. Nebucadnetsar nous montre l’homme occupé de lui-même. Le don même que Dieu lui avait fait de la domination universelle avait été perverti par la puissance de Satan, au point que c’était son moi qui était le centre de ses pensées, non pas Dieu. Selon l’expression vigoureuse de l’Écriture, son cœur n’était pas un cœur d’homme, regardant en haut, et reconnaissant un Être au-dessus de lui; mais c’était un cœur de bête, regardant en bas, et ne cherchant que son plaisir et la satisfaction de ses instincts. Tel était le cas de Nebucadnetsar, et c’est pourquoi il fut l’objet personnel d’un jugement très solennel. Mais la miséricorde de Dieu intervint après un certain temps d’humiliation, et il fut restauré comme roi. C’était là un signe avant-coureur de la condition où les puissances Gentiles allaient être réduites pour n’avoir pas reconnu le vrai Dieu; mais c’était aussi un témoignage à leur restauration et à leur bénédiction futures, lorsque, bientôt, ces puissances reconnaîtront le royaume des cieux. Dans le cas de notre chapitre, le lion tomba dans un état de faiblesse après avoir eu la puissance comme bête. Cela eut lieu effectivement quand Babylone perdit sa suprématie dans le monde, ce qui semble bien être le sens de la dernière partie du verset. Nous avons donc d’abord Babylone dans la plénitude de sa puissance, et ensuite le grand changement opéré à son égard lorsqu’elle fut dépouillée de l’empire du monde.

Au verset suivant (v. 5), vous trouvez une description de l’empire des Perses qui avait été représenté dans la grande statue par «la poitrine, et les bras d’argent». «Et voici une autre, une seconde bête, semblable à un ours, et elle se dressait sur un côté». Trait remarquable qui, à première vue, peut ne pas paraître bien clair, mais qui se trouve expliqué par cette considération que ce n’était pas un empire aussi uniforme que celui de Babylone. Il était composé de deux peuples réunis sous un seul chef. Voici un autre trait remarquable: celui de ces deux royaumes qui était inférieur à l’autre prédomina. Les Perses prévalurent sur les Mèdes. C’est ainsi que nous avons vu, dans le chapitre 5, Darius le Mède prendre le royaume; mais Cyrus lui succéda bientôt, et à partir de ce moment ce furent toujours les Perses qui gouvernèrent, non pas les Mèdes.

Ceci est donc une nouvelle preuve de ce que nous avons dit plus haut, que nous n’avons réellement aucun besoin de l’histoire pour comprendre la prophétie. C’est pour avoir méconnu cette vérité, que beaucoup de gens sont plongés dans l’incertitude. Nous pouvons recourir à l’histoire comme par hommage rendu à la prophétie; mais la confirmation par l’histoire de l’accomplissement de la prophétie est une chose très différente de son interprétation. La prophétie, comme toute l’Écriture, n’est expliquée que par l’Esprit de Dieu; Lui n’a pas besoin de laisser la Parole écrite ni de recourir à l’aide de l’homme pour expliquer ce qu’il a inspiré. Il n’y a que l’Auteur de l’Écriture qui soit réellement capable de l’expliquer. Je ne devrais pas avoir besoin d’insister sur cela, vu que c’est un principe de vérité élémentaire, mais aujourd’hui, on n’a jamais eu autant besoin d’insister sur les principes élémentaires de la vérité.

L’Écriture nous fournit donc ici ce fait manifeste que, tandis que le second empire se composait de deux parties, et que les Mèdes formaient la branche la plus ancienne de l’empire, c’est néanmoins Cyrus le Perse qui allait prédominer. C’était là le côté sur lequel la bête se tenait. «Elle avait trois côtes dans sa gueule, entre ses dents»; signe bien clair, à mon avis, de la rapacité extraordinaire qui a caractérisé l’empire Perse. Si nous voyions devant nous différents animaux selon un panorama, et que l’un d’eux soit représenté en train de dévorer beaucoup de proies, n’aurions nous pas tout de suite à l’esprit l’idée d’un appétit singulièrement vorace? Tels étaient les Perses, qui eurent maintes fois à tenir tête à des soulèvements causés par leurs extorsions et leur cruauté. Il est vrai que, par leur moyen, la providence de Dieu opéra en faveur des Juifs; mais cela ne faisait qu’un contraste d’autant plus marqué avec leurs habitudes ordinaires; tandis que les Perses étaient extrêmement durs envers les autres peuples, ils se montrèrent doux et favorables à l’égard d’Israël; mais, je le répète, ce n’était qu’une exception. En général, leur vrai caractère était bien dépeint par l’image d’une bête féroce et avide. C’est ce qu’on a avec l’ours ayant trois côtes dans sa gueule, entre les dents — une illustration directe de ses penchants voraces. «Et on lui dit ainsi: Lève-toi, mange beaucoup de chair». Ces paroles expliquent la vision; elles sont une allusion évidente à leurs habitudes pillardes.

En troisième lieu, vient un léopard avec quelques traits remarquables, bien qu’il ne faille pas chercher de la régularité ou de l’homogénéité dans les descriptions. Chaque figure illustre certaines vérités; mais si on veut harmoniser formellement tous les détails, on n’y arrive pas. Ainsi, pour ce léopard, rien dans la nature n’y ressemble; mais Dieu emprunte à diverses choses existant séparément des traits qu’Il combine pour donner une idée de ce qu’était ce nouvel empire. Aussi, tandis que le léopard est déjà remarquable par son agilité dans la poursuite de ses proies, il est rajouté, en vue de faire penser à quelque chose d’extraordinaire, qu’il avait «quatre ailes d’oiseau sur son dos». Si jamais il y a eu un cas où l’impétuosité du courage dans la poursuite de grands desseins ait été unie à la rapidité d’exécution de conquêtes en série, c’est à coup sûr dans l’histoire d’Alexandre le Grand qu’on le trouve. Le royaume grec ou macédonien porte un caractère de rapidité qu’aucun autre n’a jamais eu; c’est pour cette raison qu’il est symbolisé d’un côté par le léopard et de l’autre par les quatre ailes d’oiseau.

Mais de plus, «la bête avait quatre têtes; et la domination lui fut donnée». Ce trait ne nous montre pas simplement Alexandre, mais aussi ses successeurs. Les quatre têtes signalent la division de son royaume en quatre parties après sa mort. Nous avons donc ici des symboles de l’empire grec non seulement dans son état d’origine, mais aussi dans ses états ultérieurs. C’était vraiment l’empire lui-même qui était divisé en quatre. Il n’y a pas eu exactement quatre parties seulement, car à un certain moment, les généraux d’Alexandre se sont divisés, et six d’entre eux régnèrent sur six parties différentes; mais peu à peu elles se ramenèrent à quatre. Nous l’apprenons par le chapitre suivant, et nous n’avons nul besoin de recourir à l’histoire pour cela.

Sans aucun doute, tout ce qui est fait ou science doit confirmer la parole de Dieu; mais en face d’eux, cette parole n’a pas à prouver qu’elle est divine. Autrement, qu’adviendrait-il de ceux qui ne comprennent rien à la science ou à l’histoire? Les personnes qui s’adonnent beaucoup à l’une ou à l’autre en vue de confirmer les Écritures, n’ont jamais glané que de misérables épis, en comparaison de la moisson si riche qu’on peut faire dans l’Écriture. C’est tout autre chose, si se nourrissant de la Parole, et croissant dans la connaissance de l’Écriture, on est placé devant ce que les hommes en disent au cours de l’accomplissement de nos obligations. Il n’y a rien, même dans les découvertes les plus récentes de la science, qui ne rende involontairement hommage à l’Écriture. Le croyant qui se base fermement sur l’Écriture, qui compte sur Dieu et fait usage de tous les moyens de Sa parole et de Son Esprit, a un réel avantage: sa confiance est en Dieu, et non dans les découvertes ou les pensées des hommes. L’homme qui cherche ici-bas est exposé à toute l’incertitude et à tous les brouillards de ce bas monde. Mais celui qui s’éclaire à la lumière de la parole de Dieu, possède un soleil plus brillant qu’en plein midi; aussi ne court-il pas le risque de s’égarer, pour autant qu’il reste soumis à cette lumière. Et l’Esprit de Dieu peut et veut produire en nous cette soumission. De fait, nous errons tous plus ou moins; mais la faute n’en est point à quelque défaut entachant la parole de Dieu, ni à quelque manque de puissance du Saint Esprit pour enseigner. Toutes nos erreurs proviennent du manque d’une foi simple en la perfection de l’Écriture et en la direction bénie de l’Esprit qui aime à nous conduire dans toute la vérité.

Avec le verset suivant (v. 7), commence une autre vision; car les six premiers versets constituent une même section ou vision, et les deux sont introduites par les mêmes mots: «Je vis dans les visions de la nuit». Daniel contemple d’abord les quatre bêtes d’une manière générale; et si quelques détails sont donnés, c’est sur les trois premières. Mais la quatrième est évidemment celle qui occupait d’une façon plus particulière la pensée du Saint Esprit, et en conséquence le prophète y revient: «Après cela je vis dans les visions de la nuit, et voici une quatrième bête, effrayante et terrible et extraordinairement puissante, et elle avait de grandes dents de fer». Ici, évidemment, la prophétie nous donne une figure du quatrième empire, ou empire romain. Je ne veux pas aborder maintenant les nombreuses preuves qui l’établissent. Parmi les lecteurs de ces pages, il ne s’en trouvera guère pour combattre la pensée que les quatre empires bien connus correspondent à la statue du chapitre 2 et aux bêtes du chapitre 7. Quelques-uns l’ont bien nié, mais c’est une idée tellement bizarre, qu’il n’y a pas lieu de s’y arrêter.

Ceci étant admis, la quatrième bête représente donc ouvertement l’empire romain. Ce qui le caractérise sous le rapport politique, c’est une force à laquelle rien ne résiste. Il est figuré par un monstre sans pareil dans la nature. L’Apocalypse nous le décrit plus complètement, parce que l’empire romain étant établi alors, et sa destinée future menant jusqu’à la fin du temps, il devenait l’objet exclusif de l’attention — c’était véritablement la bête. C’est pourquoi le chapitre 13 nous en fournit une description, et nous l’y trouvons représenté comme «un léopard, ses pieds comme ceux d’un ours, et sa bouche comme la bouche d’un lion». Et cette créature composite se distingue encore (v. 1) par le fait qu’elle a sept têtes et dix cornes, et sur ses cornes dix diadèmes. C’était la puissance sous laquelle, en ce même temps, Jean souffrait dans l’île de Patmos; et comme de plus grandes souffrances étaient en réserve pour le peuple de Dieu, ainsi que des blasphèmes contre Dieu, nous ne nous étonnons pas d’avoir une description détaillée de cette puissance.

Elle apparaît ici comme «une quatrième bête, effrayante et terrible et extraordinairement puissante, et elle avait de grandes dents de fer: elle dévorait et écrasait; et ce qui restait, elle le foulait avec ses pieds». Autrement dit, c’était une puissance sans pareil pour faire des conquêtes et s’agrandir, et pour fouler et gâter pour les autres ce qu’elle n’incorporait pas à sa propre substance. «Elle était différente de toutes les bêtes qui étaient avant elle». Cet empire maintenait un sentiment profond de la volonté de l’homme — de la volonté du peuple; il combinait certains éléments républicains avec un despotisme de fer aussi absolu qu’aucun despotisme ayant jamais dominé dans ce monde. Chacun de ces deux principes, l’élément despotique et l’élément républicain fonctionnaient de manière distincte, mais en harmonie apparente.

Mais ce n’est pas tout. La bête a un autre caractère très marqué: «elle avait dix cornes». Il n’en était pas ainsi dans les autres empires. Après la mort de son fondateur, l’empire grec se partagea progressivement entre quatre chefs; mais le trait particulier de l’empire romain, c’est d’avoir dix cornes. Il n’y a pas à chercher de développement historique dans cette vision, autrement les dix cornes ne seraient pas apparu dans la bête romaine quand le prophète la vit pour la première fois: en fait ce n’est qu’après plusieurs siècles d’existence comme empire que Rome a eu plus d’un chef. Il est évident que l’Esprit de Dieu, dès la toute première apparition de la bête, introduit ses caractères de la fin, non point ceux de son commencement. Elle était forte et orgueilleuse, elle dévorait, elle foulait à ses pieds ce qui restait, elle était différente de toutes les autres. Rome a pu réaliser tous ces traits sous le règne des Césars; mais alors, elle n’avait pas dix cornes. Impossible de prétendre les trouver avant la dislocation de l’empire; et après, l’empire romain a plutôt cesser d’exister pour parler avec exactitude. Le titre d’empereur a pu être maintenu, mais c’était une coquille vide. Comment pourrait-on considérer cette prophétie comme accomplie, puisqu’aussi longtemps que l’empire a existé dans sa forme non divisée, il n’y a pas eu de cornes, et qu’inversement, l’empire, comme tel, a cessé d’exister une fois qu’il s’est disloqué en plusieurs royaumes distincts? Comment concilier ces deux faits? Car il ressort clairement de ce que nous lisons ici qu’une bête est tout autre chose qu’une corne. La bête représente l’unité impériale. Or à Rome, tant que l’empire a subsisté, il n’y a pas eu dix cornes, et lorsque les royaumes distincts sont apparus, l’unité impériale a disparu.

Comment se fait-il donc que la prophétie réunit ces deux choses? À mon avis, l’Esprit de Dieu visait à l’avance la dernière phase de l’empire romain, quand ces deux traits apparaîtront de nouveau, mais cette fois, réunis. Cette dernière phase se termine par un jugement divin, selon qu’il est écrit un peu plus bas: «Je vis jusqu’à ce que les trônes furent placés1, et que l’Ancien des jours s’assit. Son vêtement était blanc comme la neige, et les cheveux de sa tête, comme de la laine pure; son trône était des flammes de feu; les roues du trône, un feu brûlant». Il est évident que nous avons là une figure de la gloire divine dans l’exercice du jugement; ce n’est pas simplement quelque voie de la providence de Dieu sur la terre, mais c’est bien le processus de jugement que Dieu va mettre en place. «Un fleuve de feu coulait et sortait de devant lui. Mille milliers le servaient, et des myriades de myriades se tenaient devant lui. Le jugement s’assit, et les livres furent ouverts». Quelque soit la période à laquelle on estime que ces choses auront lieu, il est manifeste qu’il s’agit de jugement divin. «Je vis alors, à cause de la voix des grandes paroles que la corne proférait, — je vis jusqu’à ce que la bête fut tuée; et son corps fut détruit et elle fut livrée pour être brûlée au feu». La corne à laquelle il est fait ici allusion est la onzième, celle qui s’éleva parmi les dix. C’était cette petite corne qui commença par de petits commencements; puis, d’une manière ou de l’autre, elle trouva le moyen d’arracher trois des premières cornes, et ultérieurement, elle devint le guide et le gouverneur de la bête tout entière. «Je vis alors, à cause de la voix des grandes paroles que la corne proférait», non pas «jusqu’à ce que la corne fut renversée», mais «jusqu’à ce que la bête fut tuée». De sorte que cela implique que cette petite corne était parvenue à gouverner toute la bête.

1 traduction confirmée par les meilleures traductions anciennes et modernes

Le verset que nous avons sous les yeux montre qu’un jugement divin et destructif devait atteindre cette petite corne et la bête. Ce jugement a-t-il eu lieu? Évidemment non. Il est manifeste, en effet, que, dans tout ce qui est arrivé à l’empire romain dans les siècles passés, on ne voit rien d’autre que le cours ordinaire des choses dans la marche et le déclin d’une grande nation. Les hordes barbares le déchirèrent, et des royaumes distincts se formèrent; mais c’est d’une tout autre choses que la prophétie nous parle: elle annonce un jugement qui s’exécutera sur la bête d’une manière entièrement différente de ce qui a eu lieu pour les autres bêtes; ce jugement sera même en contraste avec celui des autres bêtes. «Je vis jusqu’à ce que la bête fut tuée; et son corps fut détruit et elle fut livrée pour être brûlée au feu. Quant aux autres bêtes, la domination leur fut ôtée; mais une prolongation de vie leur fut donnée, jusqu’à une saison et un temps». Autrement dit, il existe encore maintenant des restes des Chaldéens, ou des races ainsi appelées; la Perse est restée un royaume, et ces dernières années les Grecs en ont aussi constitué un. Ces pays existent donc, mais non pas dans la forme de puissance impériale; ce sont des ethnies qui représentent plus ou moins ces anciens empires, mais leur étendue est moindre, et ils n’ont plus la domination qu’avaient ces empires. Tel est le sens du verset 12. La domination leur a été ôtée comme gouverneurs du monde; mais «une prolongation de vie leur fut donnée, jusqu’à une saison et un temps».

Il en est bien autrement pour le dernier empire quand arrive l’heure de son jugement. Les trois premiers, nous l’avons vu, perdent leur dignité impériale; mais, on peut dire qu’ils existent encore. En ce qui concerne le quatrième empire au contraire, la fin de sa domination et sa destruction ont lieu en même temps. «La bête fut tuée; et son corps fut détruit et elle fut livrée pour être brûlée au feu».

Qui peut mettre en doute qu’il s’agit là de la même scène que celle du chapitre 19 de l’Apocalypse, où nous lisons: «Et je vis la bête, et les rois de la terre, et leurs armées assemblées pour livrer combat à celui qui était assis sur le cheval et à son armée». Le prophète-apôtre était arrivé au temps de la dernière bête: les trois autres étaient antérieures dans la révélation divine; elles avaient eu leur jour, et il ne restait plus que la dernière. Par conséquent, quand Jean dit: «la bête», nous devons comprendre «l’empire romain». Cette bête donc et les rois de la terre font la guerre au Seigneur. «Et la bête fut prise, et le faux prophète qui était avec elle, qui avait fait devant elle les miracles par lesquels il avait séduit ceux qui recevaient la marque de la bête, et ceux qui rendaient hommage à son image. Ils furent tous deux (remarquez cela) jetés vifs dans l’étang de feu embrasé par le soufre». Or ceci est très remarquable, parce que l’étang de feu de l’Apocalypse correspond en Daniel au jugement du feu brûlant le corps de la bête; seulement l’Apocalypse nous expose la chose d’une manière plus complète; ce n’était pas un simple contrôle exercé sur les circonstances, mais un acte de la puissance divine qui les jette tout droit dans l’enfer, sans qu’un jugement préalable soit nécessaire; car ce qu’il en était d’eux était parfaitement clair. Pris sur le fait en train de s’opposer ouvertement au Seigneur de gloire, ils sont jetés dans l’étang de feu. A-t-on jamais rien vu de semblable avec l’empire romain? Bien sûr que non. Quoi donc? L’empire romain a disparu; car voilà mille ans et plus que c’en est fini de son existence, sauf sous forme d’un titre insignifiant que les ambitieux se sont disputés. Plusieurs royaumes distincts se sont substitués à l’unité de l’empire romain.

Mais que trouvons-nous ici? La réapparition de l’empire romain. Et cela s’accorde parfaitement avec d’autres parties de la parole de Dieu. Il y a en Apocalypse une expression remarquable à laquelle on a fait allusion plus d’une fois. C’est en Apocalypse 17, v. 8 et suivants: «la bête qui était, et qui n’est pas, et qui sera présente». Je ne sais pas comment des traducteurs ont pu dire: «Et qui toutefois est». Cette expression n’a même pas de sens, et la pensée réelle de l’Écriture est particulièrement simple. Il n’y a aucune énigme à chercher ici. L’empire romain devait avoir trois phases: d’abord sa forme impériale originelle, lorsque Jean souffrit sous le dernier des Césars. Ensuite, son état de non existence, à partir du cinquième siècle, quand les Goths, les Vandales, etc., amenèrent sa dissolution: c’est sa condition actuelle. Mais il reste une troisième phase, la dernière, sous laquelle il doit être en opposition ouverte contre Dieu et contre l’Agneau. Telle est la destinée future de l’empire romain. Il doit être reconstitué, et surgir de nouveau en tant qu’empire, et dans cette dernière condition, il combattra contre Dieu, pour sa ruine. Et remarquez comment cela laisse place libre pour le point que je désirais éclaircir. Nous n’aurions pas pu trouver dans le passé les dix cornes, pas plus que la bête; mais nous le pouvons dans l’avenir, et c’est ce que présente la scène d’Apocalypse 17: «Les dix cornes que tu as vues sont dix rois qui n’ont pas encore reçu de royaume». Mais, est-il ajouté, «ils reçoivent pouvoir, comme rois, une heure avec la bête». De telle sorte que lors de la réapparition de la bête, on lui verra ce trait singulier: malgré une grande tête de l’unité impériale, cela n’exclura pas pour autant des royaumes distincts. On trouvera encore les rois de France, d’Espagne, etc. Qu’on ne suppose point que parler ainsi, c’est vouloir faire le prophète. Le vrai moyen d’être gardé d’une telle présomption, c’est d’étudier la prophétie. En étudiant la prophétie, on apprend ce que Dieu déclare; en faisant le prophète, on ne fait qu’émettre ses propres pensées. Dans le passage qui nous occupe, il ne s’agit ni d’un empire sans les dix rois, ni de dix rois sans l’empire, mais la combinaison de ces deux choses. On y trouve l’unité impériale qui correspond à la bête, en même temps que ces rois distincts; c’est leur coexistence qui forme le trait caractéristique de l’empire romain en sa dernière phase: c’est vers cela que tout tend aujourd’hui.

Le prophète vit la dernière condition de l’empire avec ses dix cornes: «Je considérais les cornes, et voici une autre corne, petite, monta au milieu d’elles, et trois des premières cornes furent arrachées devant elle. Et voici, il y avait à cette corne des yeux comme des yeux d’homme, et une bouche proférant de grandes choses». Certains ont eu l’habitude d’appliquer tout ceci au pape. Sans aucun doute, le pape était extrêmement opposé à quiconque appréciait la parole de Dieu. Mais nous devons toujours prendre garde, lorsque nous lisons l’Écriture, de ne pas trop chercher à appliquer la parole de Dieu à ce qui se rencontre sur notre chemin, ou à ce que nous pouvons juger être extrêmement mauvais, — comme le pape et le papisme le sont bien certainement. Il nous faut toujours rechercher soigneusement ce que Dieu veut dire dans Sa parole. Il est vrai qu’il y a une analogie notable entre la papauté et la petite corne. Il peut avoir été l’intention de Dieu qu’à certaines époques, ses enfants souffrant de la papauté trouvent quelque secours et quelque encouragement dans cette interprétation de l’Écriture. Ce changement des saisons et de la loi en particulier, dont parle le verset 25, aussi bien que les grandes paroles et la persécution des saints, peuvent avoir eu un accomplissement dans ce qu’a fait la papauté, notamment ses canons, ses bulles et son influence politique. Mais il reste toujours à demander si c’est là la complète signification et la portée propre de la prophétie.

Prenez, par exemple, Matthieu 24: On y trouve le commencement de douleurs; puis l’abomination de la désolation établie dans le saint lieu, et un avertissement à fuir Jérusalem; une tribulation sans pareille, etc. Je puis comprendre que tout cela peut trouver une application, dans une mesure, lors de la destruction de Jérusalem par Titus. Mais qui dira que cet événement est tout ce que le discours de notre Seigneur avait en vue, et en réalise la pleine signification? Il est impossible de le penser, pour peu qu’on examine attentivement ce chapitre. Lorsque Dieu donne une prophétie, il permet très souvent qu’il y ait une sorte de prélude à son accomplissement; mais nous ne devons jamais y voir l’achèvement de la prophétie. L’empire romain est tombé, et de sa chute surgit une puissance, nouvelle et singulière, pleine de prétentions religieuses, et s’élevant contre Dieu. Soutenir que c’est là le plein accomplissement de la prophétie, serait une aussi grande erreur que de supposer que Dieu n’y a jamais fait aucune allusion. Il devait y avoir l’Islam en Orient, et la papauté en Occident; mais la question revient toujours: Est-ce là tout le message du Saint Esprit? Je dis non, pour la raison déjà donnée, que si l’on considère l’histoire de la papauté, la bête avait disparu lorsque le pape a pris place.

Il y a plus encore: le pape n’a jamais acquis trois des dix royaumes. Il a pu recevoir le patrimoine de Pierre, mais il est toujours resté politiquement un petit pouvoir, avec un territoire minime. Au lieu d’acquérir trois des dix royaumes, toute son importance est issue de la séduction spirituelle qu’il a exercée sur les âmes des hommes. Il ressort donc clairement de ce que nous venons de dire que le Pape n’a jamais eu une puissance, petite dans ses commencements, puis s’élevant et renversant trois puissances plus grandes, pour acquérir par là toute leur domination. Ainsi donc, quoiqu’il existe quelque ressemblance entre le pape et la petite corne, il y a assez de différence pour décider qu’elles sont tout à fait distinctes.

L’empire existe dans la plénitude de sa force au temps où apparaissent les dix cornes et la petite corne. Plus tard, cette dernière s’agrandit et gouverne la bête tout entière. À l’opposé, le pape a perdu depuis longtemps la moitié de son influence en Europe, et il a été dépouillé de la majeure partie de ses possessions italiennes; nul ne peut dire quel sera le résultat de tout le travail qui se fait maintenant dans les faits et dans les idées.

La puissance que nous présente ici la prophétie est une puissance très forte qui assujettit les dix cornes. L’Apocalypse nous apprend que l’ensemble des dix rois s’accordent pour donner leur puissance et leur force à la bête. Dieu abandonne tout parce que c’est le temps où il y aura une énergie d’erreur, et où les hommes croiront au mensonge. On peut en conclure, non pas que ceci est sans rapport avec la papauté, mais plutôt que son plein accomplissement est encore futur. L’Écriture est claire que l’empire romain, qui a cessé, réapparaîtra, et sera un instrument du faux prophète pour donner son support à la dernière grande entreprise de Satan contre le Seigneur Jésus Christ.

Nous lisons dans Daniel que cette petite corne renverse trois puissances. Son caractère moral nous est ensuite décrit. Elle a des yeux semblables aux yeux d’un homme, et une bouche qui profère de grandes choses. C’est un personnage remarquable par son immense intelligence — non pas par sa force brutale. La description qui nous en est faite contraste avec celle que l’Écriture nous donne du Seigneur, et de l’Agneau immolé caractérisé par sept cornes et sept yeux — c’est-à-dire la perfection de l’intelligence et de la puissance. Il n’en est pas ainsi de la bête. Extérieurement, la puissance a l’air beaucoup plus grande. Elle a dix cornes au lieu de sept, un monstre au lieu d’une perfection. C’est une sorte d’exagération grotesque de la puissance et de la sagesse de Christ que s’arrogera ce méchant, animé par Satan. Vient alors sa destruction à cause de ses terribles blasphèmes contre Dieu.

Voilà maintenant une nouvelle vision (v. 13, 14) en contraste avec les puissances représentées par les bêtes féroces. C’est un personnage «comme un fils d’homme»; cela rappelle la pierre d’apparence insignifiante du chapitre 2, qui frappa la grande statue, et la réduisit en pièces, de la tête aux pieds. Ici le «Fils de l’homme vint avec les nuées des cieux, et il avança jusqu’à l’Ancien des jours, et on le fit approcher de Lui». L’Ancien des jours représente Dieu comme tel, «celui qui est haut élevé et exalté, qui habite l’éternité» (És. 57:15). Dans l’Apocalypse, ces deux gloires [de fils d’homme et d’Ancien des jours] sont réunies en un dans la personne de Christ. Le chapitre 1 d’Apocalypse nous montre quelqu’un comme le Fils de l’homme; mais lorsque nous arrivons à la description de sa personne, quelques-uns de ses traits sont exactement les mêmes que ceux attribués ici à l’Ancien des jours, dont il est dit que son vêtement était blanc comme la neige, et les cheveux de sa tête étaient comme de la laine blanche, etc. Le prophète juif voit Christ simplement comme homme; le prophète chrétien le voit comme homme, mais aussi comme Dieu.

«Et on lui donna la domination, et l’honneur, et la royauté, pour que tous les peuples, les peuplades et les langues, le servissent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et son royaume, un royaume qui ne sera pas détruit». Le royaume ne lui sera point ôté, et un autre royaume ne succédera point au sien. Ce sera un royaume éternel, au sens qu’il durera autant que le monde; car, au sens strict, il ne s’agit pas d’une scène éternelle. Les prophètes juifs montrent le millénium; mais ils ne révèlent pas, comme le Nouveau Testament, ce qui sera lorsque toutes choses auront été assujetties à Dieu, au Père lui-même, quand Dieu sera tout en tous. Ceci était tenu en réserve pour un autre temps, et l’Apocalypse en assure le suivi de la manière la plus bénie au ch. 21 v. 1-8.

Précisément, à ce sujet, remarquez, un point de quelque importance. La dernière partie du chapitre comprend des explications; mais nous ne devons jamais supposer que les explications fournies par l’Écriture se bornent simplement à ce qui a déjà été communiqué. Ainsi font les hommes dans leurs ouvrages, mais les explications que Dieu donne apportent toujours quelque vérité nouvelle. C’est là une considération importante. Pour ne pas l’avoir compris, on a supposé que le royaume de Christ était simplement la domination conférée aux saints. Il doit y avoir le royaume du Fils de l’homme et le royaume de son peuple; mais assurément il faut bien nous garder de croire que cela signifie le règne des saints dans un sens figuré, à l’exclusion du Fils de l’homme. L’explication introduit les saints, ce que la vision ne fait pas. Si vous réduisez l’explication à l’équivalent de la vision, vous ne faites rien moins que nier le règne personnel de Christ. Mais le principe est aussi faux que la déduction qu’on en tire.

Au verset 17, la personne à laquelle s’adresse le prophète lui dit: «Ces grandes bêtes, qui sont quatre, sont quatre rois qui surgiront de la terre». Leur origine était purement terrestre. Il n’y a pas la moindre contradiction entre cette origine terrestre et ce dont nous informe le verset 2, savoir qu’elles montaient de la mer. La raison pour laquelle elles sont dites s’élever de là, c’est que la mer est le symbole d’une masse d’hommes en état d’anarchie politique. Les empires s’élèvent du sein de telles conditions troublées et agitées des peuples. Voyez-en un exemple dans l’empire français. Une révolution avait renversé l’ancien système de gouvernement; vint ensuite un état de grande confusion semblable à celui de la mer bouleversée par les vents, et il en sortit un empire. Les quatre grands empires ont eu une telle origine; ils sont sortis d’un état de choses pareil dans le monde. C’est aussi, à très peu de chose près à la même époque qu’il faut faire remonter leurs commencements à tous quatre. Sans doute il y eut une différence immense, quant au degré du développement, entre les peuples de l’Orient et ceux de l’Occident. Comparativement, les puissances occidentales étaient seulement au berceau; mais on pouvait remonter au commencement de toutes ces diverses puissances, essentiellement à la même date, et au même état de confusion et d’anarchie. Il semble que ce soit là le sens du fait qu’elles venaient de la mer.

Mais le verset 17 nous apprend qu’elles s’élèvent sur la terre. Elles n’ont pas une origine céleste. La mer indiquait simplement qu’elles surgissaient d’un état préalable de trouble et de confusion dans la société: telle était leur origine sous le rapport des voies de la providence de Dieu. Mais ce verset-ci envisage leur origine morale comme étant purement terrestre, en contraste avec le Fils de l’Homme qui vient avec les nuées du ciel. Ce qui est dit dans le verset suivant, 18, rend cela encore plus manifeste: «Et les saints des lieux très hauts recevront le royaume, et posséderont le royaume à jamais, et aux siècles des siècles». Cette expression «les lieux très hauts» a donné naissance à celle des «lieux célestes» que l’on trouve dans le Nouveau Testament. Elle est la même, soit qu’il s’agisse de nos bénédictions («bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ» en Éphésiens 1:3), soit qu’il s’agisse des ennemis dans les «lieux célestes» (Éphésiens 6:12). Les saints des lieux célestes, c’est-à-dire probablement les saints de Dieu en connexion avec les lieux célestes, recevront le royaume. C’est là que se trouve le contraste. S’agissant des quatre grandes puissances, ce qu’on pouvait en dire, quant à leur origine politique, c’est qu’elles s’élevaient d’un état de choses confus et désordonné dans le monde [la mer, 7:3]; ou, quant à leur origine morale, qu’elles n’étaient pas du ciel [de la terre, 7:17]. D’un autre côté, vous avez dans «les saints des lieux célestes» ceux qui sont destinés à recevoir le royaume qu’ils posséderont à toujours.

Cette considération ajoute une vérité importante au fait que le Fils de l’Homme obtient le royaume. Lorsque la domination lui est donnée, il ne prendra pas le royaume tout seul: tous ceux qui, dans tous les âges, auront attendu ce royaume, viendront avec lui. Ce sera le temps où il manifestera ses saints ressuscités, le temps où Abraham, Énoch, David, tous ceux qui, quels qu’ils soient, l’auront connu par la foi, seront là dans leurs corps changés et glorifiés, et ils régneront avec lui. «Ne savez-vous pas, dit l’apôtre, que nous jugerons le monde?» Il doit s’agir clairement du royaume du Fils de l’Homme. En effet, s’il n’était question que d’aller au ciel pour être avec Christ, ce ne serait point juger le monde. Ainsi même s’il vrai que nous irons au ciel, ce n’est pas tout. «Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges?» Si nous ne l’avons pas appris, d’où cela vient-il? Le royaume a été oublié, si cette vérité n’a pas été l’objet de notre attente. Et remarquez son importance pratique. Le fait même que vous ne la connaissez pas prouve qu’il vous manque quelque chose dont Dieu fait grand cas. Comment Dieu s’en sert-il dans la première épître aux Corinthiens? Il s’en sert pour reprocher aux saints le fait de porter leurs différends devant le monde. Ne savez-vous pas, leur dit-il en raisonnant avec eux, que vous êtes appelés à cette place de dignité? Ce n’est pas simplement que vous l’aurez bientôt; mais Dieu veut la faire connaître de manière certaine à la foi, dès maintenant. Comme un héritier d’un royaume est instruit et préparé pour le trône qu’il doit occuper, de même Dieu éduque ses saints maintenant pour avoir part au royaume du monde qui, de droit, appartient à Christ. C’est une vérité de Dieu révélée que le royaume du monde sera celui de notre Seigneur et de Son Christ; mais quand il régnera, les saints régneront aussi.

Qui sont les saints des lieux célestes? Ceux dont le cœur est en haut avec Christ — ceux qui seront convertis avant que Christ vienne et qu’il gouverne un peuple rassemblé sur la terre — ceux qui dans les âges passés sont morts en Christ, ou qui maintenant attendent Christ — ceux aussi qui passeront par la grande tribulation. Tous ceux-là sont des saints des lieux très hauts. Ils sont en contraste avec d’autres; car lorsque Christ viendra pour régner, il y aura des saints qui seront bénis sur la terre. Ce sera là aussi une grande moisson, et le Seigneur introduira ces saints dans toutes les bénédictions promises pour son royaume. Mais quant à nous, nous sommes choisis en Christ avant la fondation du monde, et nous régnerons au-dessus de la terre. Ce royaume-là est distingué du royaume et de la domination sous tous les cieux. Il y a une certaine classe de saints qui se trouvent dans les cieux, mais il est parlé d’une autre qui est ici-bas. Le royaume sera donné au peuple des saints des lieux très hauts. Ce peuple comprend une partie des personnes sur lesquelles les saints régneront. «Ne savez-vous pas, dit l’apôtre Paul en insistant là-dessus, que les saints jugeront le monde?» Et en conformité avec cette déclaration, nous avons dans cette prophétie «le peuple des saints des lieux très hauts» comme une classe particulière.

Ce chapitre renferme beaucoup de détails dans lesquels je ne suis pas entré. Je dois pourtant dire quelques mots de la description de la conduite perverse de la petite corne, quoique ce ne soit pas dans l’ordre. Nous lisons au verset 20 qu’elle «avait des yeux, et une bouche proférant de grandes choses, et dont l’aspect était plus grand que celui des autres. Je regardais; et cette corne fit la guerre contre les saints, et prévalut contre eux, jusqu’à ce que l’Ancien des jours vint, et que le jugement fut donné aux saints des lieux très hauts, et que le temps arriva où les saints possédèrent le royaume». Puis, dans un récit ultérieur, il est ajouté (v. 25) que cette petite corne «proférera des paroles contre le Très-haut, et il consumera les saints des lieux très hauts» (il s’agit de persécutions), «et il pensera changer les saisons et la loi, et elles seront livrées en sa main jusqu’à un temps et des temps et une moitié de temps».

Il est nécessaire de comprendre ce que fera la petite corne. Le sens de ce que nous venons de lire est que le personnage en question détruira le culte juif tel qu’il existera alors sur la terre. L’expression «les saisons» signifie les jours solennels ou les fêtes de ce culte. La petite corne les changera, comme fit Jéroboam: «elles seront livrées en sa main, etc.». On a souvent supposé que le mot «elles» désignait les saints; mais c’est une erreur complète. Ce sont «les saisons et la loi» qui seront livrées en sa main pour un certain temps de durée limitée. Dieu la laissera aller son train. Elle pensera à le faire. Et le fait qu’elles seront livrées en sa main, montre qu’elle réussira pour un temps à accomplir ses désirs. Mais Dieu ne veut jamais livrer ses saints dans les mains de ses ennemis, même pour un temps aussi court. Il les garde toujours dans ses mains à Lui. Job ne fut jamais davantage dans les mains de Dieu que lorsque Satan désira l’avoir pour le cribler comme le blé. Les brebis sont dans les mains du Père et du Fils, et jamais personne ne pourra les en arracher. Il n’y a pas trace dans la Parole de l’idée que Dieu puisse les laisser ou les oublier. Il s’agit tout simplement ici des arrangements extérieurs relatifs au culte, dont les Juifs seront les représentants sur la terre, et que Dieu laissera tomber pour un temps sous la coupe de ce personnage. Car il est manifeste qu’en ce temps-là, il y aura des saints juifs qui confesseront Dieu, et Jésus aussi, en quelque mesure, comme il est dit (Apocalypse 14): «Ici est la patience des saints; ici sont ceux qui gardent les commandements de Dieu et la foi de Jésus». Ces saints seront dans une position toute particulière: ils feront une sorte de combinaison de garder la loi, en reconnaissant Jésus dans une certaine mesure. C’est pendant cet état de choses qu’ils tomberont sous la coupe de cette petite corne «jusqu’à un temps et des temps et une moitié de temps» — c’est-à-dire, pour une période de trois ans et demi qui se terminera par la venue de Christ en jugement.