Daniel

Chapitre 3

Les chapitres compris entre le chap. 2 et le 7 sont consacrés au récit de faits historiques, et peuvent donc sembler à première vue dénués de caractère prophétique. Mais il faut nous rappeler que l’Écriture a en général un but infiniment plus vaste que le simple récit de circonstances, aussi instructives et importantes soient-elles moralement. Cela est vrai de toute la Bible. Prenez un livre quelconque, la Genèse par exemple. Bien que ce soit évidemment un livre historique, et l’un des livres de la Bible dont les récits soient les plus simples, on aurait cependant tort de nier qu’il renferme une perspective s’étendant jusque dans l’avenir le plus lointain. Dans le Nouveau Testament, l’Esprit de Dieu se réfère à de multiples reprises aux événements les plus significatifs qui s’y trouvent.

C’est ainsi que, pour l’épisode où intervient Melchisédec, nous voyons la portée que lui donne le Saint Esprit dans l’épître aux Hébreux, et d’autres portions de l’Écriture y font aussi allusion. Un sacrificateur-roi, deux caractères souvent réunis dans ces jours-là, rencontre Abraham à son retour de la défaite des rois; il apporte aux vainqueurs des rafraîchissements convenables, prononce une bénédiction au nom de Celui dont il était sacrificateur, et reçoit des dîmes, de la part même d’Abraham. Souvenons-nous que la parole de Dieu parle de ce fait comme figurant un vaste changement déjà opéré, et en annonçant un encore plus grand, le jour de Christ étant, je le crois, sa véritable portée. Dans l’épître aux Hébreux, où se trouve discuté le sujet de la sacrificature de Christ comme s’exerçant maintenant dans le ciel, il est fait simplement allusion à quelques traits importants de ce type, mais sans en faire d’application. Le but principal du Saint Esprit y est de montrer dans les Écritures juives l’existence d’une sacrificature de caractère plus élevé que celle d’Aaron, — une sacrificature qui n’était ni reçue d’un prédécesseur ni transmise à un successeur. Je me réfère à cela simplement pour montrer que l’Écriture attribue une valeur typique (cela ne veut-il pas dire prophétique?) à ce qui pourrait sembler n’être que le simple récit d’un événement historique.

Tel est le caractère des faits décrits dans le livre de Daniel, c’est ce que je prétends. En effet, déjà dans des livres tels que la Genèse ou l’Exode, où l’histoire inspirée est écrite de manière simple et dont la prophétie n’est ni l’objet direct, ni la caractéristique spécifique, de multiples épisodes sont utilisés par le Nouveau Testament pour préfigurer les biens à venir; s’il en est déjà ainsi pour de tels livres, combien plus pour un livre prophétique comme celui de Daniel, est-il évident d’admettre que non seulement les visions ont un caractère directement prophétique, mais aussi les récits d’actions qui leur sont rattachés, sont empreints du même esprit. Il serait facile de trouver ailleurs des exemples analogues. Arrêtons-nous un moment à la prophétie d’Ésaïe. Après une longue série d’accents prophétiques, il y a une pause. Ce qui suit est le récit d’événements historiques bien connus: l’invasion et la destruction de l’Assyrien, et pour ce qui concerne Ézéchias: sa maladie et sa guérison, le miracle opéré dans le pays et la visite des ambassadeurs du roi de Babylone. Puis la prophétie recommence et poursuit son cours. Il serait facile de prouver que les faits racontés sur Sankhérib et Ézéchias ont un rapport précis et riche en instructions avec les prophéties au milieu desquelles ils sont insérés. De sorte que, les considérer simplement comme des faits placés dans une telle relation pour des raisons historiques et séparant les deux moitiés du livre entre elles sans autre raison profonde, ce serait les dépouiller de l’essentiel de leur valeur. Est-ce trop hardi de poser comme vérité générale applicable à toute la parole de Dieu, que l’Écriture ne doit pas être rabaissée au niveau d’une simple narration des faits qu’elle rapporte? mais que ces faits ont été expressément choisis dans la sagesse de Dieu et ont été donnés de manière ordonnée pour représenter les terribles voies de l’homme et de Satan, ainsi que les scènes glorieuses aux yeux de Dieu lui-même, lesquelles doivent à nouveau avoir lieu dans un jour futur. Et s’il en est ainsi des portions purement historiques de la parole de Dieu, à combien plus forte raison cela doit-il être vrai d’un livre prophétique tel que celui de Daniel.

La preuve que cette manière de voir est juste, apparaîtra de façon beaucoup plus évidente au cours de l’étude des événements tels qu’ils sont rapportés ici. Nous verrons alors quelle est la relation et la portée spéciales de ces chapitres beaucoup mieux que par des présomptions plus élaborées pouvant être déduites d’autres parties de la parole de Dieu. Il s’agit et doit s’agir du plus puissant témoignage au sens réel de l’Écriture. Il en est de la vérité révélée comme de la lumière. Elle n’a pas besoin d’être éclairée du dehors pour nous faire connaître ce qu’elle signifie, mais c’est elle qui s’éclaire elle-même. Il n’est nullement nécessaire de se munir d’une torche ou d’un flambeau pour pouvoir découvrir la lumière du jour. Le soleil qui n’a besoin d’aucune aide pour éclairer, éclipse entièrement toutes ces lumières artificielles; il brille par lui-même et domine sur le jour. Il en est ainsi pour tout homme capable de voir: la vérité se recommande à lui d’elle-même. Il possède ce que l’évangéliste Luc appelle «un cœur honnête», et ce que d’autres passages nomment «un œil simple». Partout où la vérité est réellement amenée à agir sur un homme ouvert à la recevoir comme la précieuse lumière de Dieu en Christ, ils se répondent mutuellement l’un à l’autre. Le cœur est préparé pour elle et la désire; et quand la vérité se fait entendre, ce cœur s’incline, la reçoit et en jouit. Mais quand, au contraire, le cœur est occupé de lui-même ou du monde, aucune vérité ne peut le faire plier. La volonté de l’homme est à l’œuvre, et elle est constamment une ennemie invariable de Dieu. Aussi est-il dit (Jean 3) que personne ne peut voir ni entrer dans le royaume de Dieu, s’il n’est né de nouveau — né d’eau et de l’Esprit. C’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait un travail direct et positif du Saint Esprit, s’occupant de l’âme, la jugeant et lui communiquant une nouvelle nature ayant autant d’affinité pour les choses de Dieu que la vieille vie en a pour les choses du monde. L’Esprit agit sur la nouvelle créature et lui donne l’intelligence; et la vérité, nous pouvons le dire, constitue sa nourriture naturelle.

C’est pourquoi je n’ai aucun doute que, dans ce troisième chapitre de Daniel, aussi bien que dans les trois chapitres suivants, nous trouverons que chacun d’eux a ses traits particuliers; et que ces traits n’ont pas simplement pour but de présenter ce qui se passait dans les jours de Daniel, mais qu’ils ont été enregistrés par le prophète, afin de présenter à la fois le cours de l’histoire déjà écoulé, et la destinée future des grandes puissances Gentiles. Nous devons les considérer à la lumière des prophéties qui les encadrent — et non les prendre, comme des faits notés au hasard par n’importe qui. En un mot, Dieu les a donnés ici en les rattachant de la manière la plus intime à la prophétie où nous les rencontrons.

Au chapitre second, nous voyons Dieu agir, dans sa souveraineté, avec un homme suscité d’entre les Gentils pour être le ministre de son autorité. Cette dernière s’exerce sous une forme nouvelle, du fait que le peuple d’Israël et ses rois se sont montrés eux-mêmes définitivement indignes du dessein et de la vocation de Dieu. Là-dessus, Dieu introduit le système impérial de gouvernement dans le monde. Il ne s’agissait pas simplement d’une nation à laquelle il serait accordé de grandir en puissance et d’être la terreur de ses voisins, ou de constituer un exemple béni des voies de Dieu. Il est permis à un dirigeant de devenir le maître du monde, — son seul souverain; non pas seulement un roi puissant quant à lui-même, mais un dominateur des rois qui ne sont plus que ses subordonnés ou ses satellites. Cet état de choses commença avec Nebucadnetsar, et caractérise l’empire Gentil. On pourrait objecter que nous ne voyons aujourd’hui aucun pouvoir de ce type. Cela est vrai. Un pareil pouvoir impérial n’existe pas dans le monde; et il n’y en a pas eu depuis la chute de Rome, quoique plusieurs y aient aspiré. Mais leur entreprise a échoué. Le livre de l’Apocalypse nous signale cette suspension du pouvoir impérial. Autrefois, durant les jours de la Rome impériale, il existait un tel souverain, et il avait les rois pour serviteurs. Mais aujourd’hui nous nous trouvons dans l’intervalle où tout cela a cessé. Néanmoins ce système doit revivre, et c’est, je le crois, un grand événement réservé au monde du temps actuel. Il prendra les hommes par surprise, et quand il sera accompli, il sera le moyen de concentrer la puissance de Satan, et d’actionner ses plans relativement à la terre.

Tout cela est pour nous d’un intérêt bien sérieux. Nous sommes proches de la crise de l’histoire du monde; et ceux-là mêmes qui attendent des signes reconnaissent que nous approchons de la fin d’une époque, et aussi de la fin des temps des Gentils. La réorganisation de l’empire n’est pas très lointaine. Et c’est une chose bien solennelle de se souvenir que, lorsqu’il sera rétabli, ce ne sera pas une simple répétition du passé, mais il y aura un développement de la puissance de Satan d’une manière encore jamais vue. «Dieu leur envoie une énergie d’erreur pour qu’ils croient au mensonge, afin que tous ceux-là soient jugés qui n’ont pas cru la vérité, mais qui ont pris plaisir à l’injustice» (2 Thess. 1:11-12). Il est possible qu’un grand nombre de mes frères chrétiens se mettent à crier que mes propos ne sont pas charitables. La parole de Dieu est pourtant plus sage que les hommes. Ce n’est pas une pensée personnelle, ni d’un autre homme. Nul n’aurait pu tirer de son esprit une pareille perspective; mais Dieu l’a révélée avec la plus grande clarté. On peut alléguer les œuvres merveilleuses de Dieu opérées ces derniers temps, dans tel ou tel pays éloigné, ainsi que la réponse de bénédiction qui leur fait écho, pour ainsi dire, dans des zones plus rapprochées de nous. Mais tout cela ne contredit en rien ce qui a été dit. Lorsqu’on approche du moment où va s’accomplir un changement profond, on voit toujours ces deux choses allant ensemble: d’un côté, la puissance générale du mal s’accroît, et l’orgueil de l’homme s’enfle à un degré inouï; d’un autre côté, l’Esprit de Dieu travaille avec énergie afin de gagner des âmes à Christ, et de séparer ceux qui doivent être préservés de la destruction qui doit nécessairement frapper le péché et l’orgueil. C’est pourquoi, lorsqu’on approche d’une crise du mal, je crois que dans l’intervalle d’attente qui précède immédiatement le jugement, nous devons nous attendre à cet accroissement de bénédiction de la part de Dieu.

Mais arrivons à ce qui forme le sujet direct du chapitre. La puissance impériale se trouve entre les mains des Gentils; et la première chose qu’il nous en est dit, c’est qu’elle est employée pour établir l’idolâtrie, ou plutôt qu’il en est fait un abus pour revêtir l’idolâtrie d’une splendeur sans pareil dans l’ancien monde. Une considération bien humiliante, c’est le rapport manifeste qui existe entre la statue d’or que Nebucadnetsar fit dresser dans la plaine de Dura, et la statue qu’il avait contemplée dans ses visions de nuit. Il est vrai que la statue qu’il fit n’était pas une représentation exacte de celle qu’il vit. Cependant n’est-il pas grave de constater que, pour autant que l’Écriture nous l’apprenne, la première chose que fit Nebucadnetsar fut de donner ordre de dresser une statue d’or, afin que tous les peuples, nations et langues se prosternent devant et l’adorent? Une chose au moins est nette: que la tête d’or de la grande statue eût suggéré cette pensée ou non, dans tous les cas elle ne l’avait pas empêchée. Au contraire, nous voyons ici l’effroyable usage que Nebucadnetsar fait de l’autorité mise entre ses mains par Dieu. En voici, je pense, la raison: Nebucadnetsar était un homme ayant autant de sagesse selon la chair que de volonté propre. Il occupait bien évidemment une position que jamais homme n’avait occupée auparavant, étant non seulement le souverain d’un vaste royaume, mais le maître absolu de beaucoup de royaumes; ces derniers parlaient des langues diverses, et avaient toutes sortes d’habitudes et de politiques contraires. Comment fallait-il se comporter avec toutes ces différentes nations? Par quel moyen pourrait-on les maintenir et les gouverner sous un seul chef? Il existe une influence plus puissante et plus efficace qu’aucune autre, une influence qui, si elle est commune à tous, unit étroitement les hommes entre eux; mais qui, si elle est discordante, range au contraire avec plus de force que toute autre, peuple contre peuple, maison contre maison, enfants contre parents et parents contre enfants, et même maris et femmes l’un contre l’autre. Il n’existe pas de dislocation sociale comparable à celle issue de la différence de religion. Aussi, pour échapper à un si grand péril, l’union dans la religion fut la mesure que le diable insinua à l’esprit politique du Chaldéen, comme étant le lien le plus sûr de son empire. Il fallait qu’il exerçât une influence religieuse commune à tous, afin de souder ensemble les cœurs de tous ses sujets. Selon toute probabilité, c’était à son avis une nécessité politique. Que tous les sujets de l’empire soient unis dans un culte, que tous les cœurs s’unissent dans un même acte d’adoration en se prosternant devant un seul et même objet, et l’on posséderait quelque chose qui entretiendrait l’espérance et fournirait l’occasion de consolider en un tous ces fragments épars.

Suivant cette pensée, il conçoit le projet d’une magnifique statue d’or, dans la plaine de Dura, près de la capitale de l’empire; et c’est là qu’il invite tous les principaux, les satrapes, les préfets, les gouverneurs, les grands juges, les trésoriers, les conseillers, les légistes et tous les magistrats des provinces, tous ceux qui étaient revêtus de quelque autorité, à venir assister à la dédicace de la statue. Il l’environne aussi de tout ce qui pouvait attirer la nature et agir sur les sens. Toutes les sortes de musique doivent contribuer à la scène. Quand on entendrait le son du cor, de la flûte, de la cithare, de la sambuque, du psaltérion, de la musette etc., ce serait, pour les représentants de cet immense royaume, le signal à l’ouïe duquel il fallait «se prosterner et adorer la statue d’or que Nebucadnetsar avait dressée». Tout ce que peut faire l’homme, c’est une idole; il ne peut même pas découvrir le vrai Dieu. S’il s’agit d’obtenir l’hommage du monde, la seule chose capable d’entraîner les hommes sur une grande échelle, doit être quelque chose de cette création, quelque chose adapté à la nature de l’homme tel qu’il est. Vous ne pouvez unir les cœurs qui sont vrais avec ce qui est faux. Mais si le vrai Dieu est mis dehors, Satan est là pour trouver quelque chose qui, introduit par l’autorité de l’homme, peut tout commander, sauf un consensus général. Tel fut le cas ici. En conséquence, l’autorité de l’empire fut mise en avant, et tous reçurent ordre d’adorer la statue d’or sous peine de mort. «Quiconque ne se prosternera pas et n’adorera pas, sera jeté à l’heure même au milieu d’une fournaise de feu ardent. (v. 6).

«C’est pourquoi, au moment même où tous les peuples entendirent le son du cor, de la flûte, de la cithare, de la sambuque, du psaltérion, et toute espèce de musique, tous les peuples, peuplades et langues, se prosternèrent et adorèrent la statue d’or que Nebucadnetsar, le roi, avait dressée» (v. 7).

Mais il y en eut quelques-uns qui se tinrent à l’écart de cette foule idolâtre, bien peu, hélas! bien que, sans doute, il y en eut d’autres cachés. Nous osons dire qu’il y en eut un qui n’est point mentionné ici — Daniel lui-même. Quoi qu’il en soit, ses trois compagnons n’assistaient point à cette fête idolâtre, et leur absence les fit mal voir des autres, d’autant plus que leur position élevée dans la province de Babylone, les exposait davantage à l’attention publique. Naturellement ils furent signalés au déplaisir du roi. «À cause de cela, en ce même moment, des hommes chaldéens s’approchèrent et accusèrent les Juifs». Ensuite ils rappellent au roi le décret promulgué, et ajoutent: «Il y a des hommes juifs, que tu as établis sur les services de la province de Babylone, Shadrac, Méshac et Abed-Nego: ces hommes ne tiennent pas compte de toi, ô roi; ils ne servent pas tes dieux, et la statue d’or que tu as dressée ils ne l’adorent pas. Alors Nebucadnetsar, en colère et en fureur, commanda d’amener Shadrac Méshac et Abed-Nego, etc.».

Or, ceci apparaît comme un fait d’une très grande importance. Le Gentil se sert de son pouvoir pour mettre en place une religion liée à la politique de son royaume, une religion ayant un objectif terrestre et immédiat. Dans un tel environnement, on ne peut pas laisser la religion entre Dieu et la conscience. Il ne s’agit plus de savoir si on a une conviction réelle sur Dieu et sur Sa vérité, et il n’y a plus de liberté pour juger l’imposture. Le culte imaginé par le roi Gentil est imposé à ses sujets sous peine de mort.

Certaines choses peuvent, pour un temps, mettre obstacle à l’effet résultant naturellement de ce qu’on condamne la volonté du monde en matière de religion. Tel a été le cas depuis quelque temps. Chacun sait que durant les cinquante dernières années et plus, il s’est développé un certain système d’opinions généralement connu sous le nom de libéralisme. Ce système s’est emparé de l’esprit des hommes. Il ne respecte en aucune façon ni Dieu ni Sa Parole — en tant que Parole de Dieu. Son leitmotiv, ce sont les droits de l’homme. Sa vertu cardinale, c’est la liberté pour tous de penser, d’agir et d’adorer comme il plaît. Aussi longtemps qu’il est permis à cette idée des droits de l’homme d’avoir cours, la miséricorde de Dieu s’en sert pour fournir aux chrétiens qui ont de la conscience pour Lui, une occasion de suivre tranquillement leur chemin et d’adorer Dieu selon Sa volonté. Et comme on ne peut pas contester que ce droit d’adorer selon Sa volonté, Dieu le revendiquait sur Son propre peuple, et que Sa volonté révélée peut seule les diriger justement, de même, en tant que Père, il cherche maintenant des enfants qui l’adorent en esprit et en vérité. Celui qui est renouvelé dans son cœur et dans sa conscience prend plaisir à Sa volonté, et trouve sa principale bénédiction ici-bas à l’exalter. Pour le croyant, cette volonté est plus impérative que l’absolutisme du roi païen. Le libéralisme n’aime vraiment pas ce droit exclusif revendiqué sur la conscience. Cependant il a amené du calme dans le monde, et le plein exercice de son autorité en matière de religion est mis en sourdine pour le moment. Car, hormis des exceptions temporaires, on ne peut nier que partout où une religion est introduite par le monarque pour la conduite de son royaume, il n’est admis ni différence, ni contradiction, ni compromis, et il ne peut en être autrement, sinon l’objectif pour lequel on impose la religion serait manqué. Mais agir ainsi, c’est combattre contre Dieu. Le monarque lui-même peut avoir une conscience, et, naturellement, il est tenu d’adorer Dieu suivant Sa volonté. Mais se servir de l’autorité du royaume pour contraindre les autres, c’est nier pratiquement le contrôle direct de Dieu sur la conscience individuelle. Quand Dieu établit sa loi en Israël, toute âme était tenue d’y obéir. L’évangile agit et l’Église repose sur une base entièrement différente.

La leçon que nous avons ici, c’est que voici le tout premier usage que fit le Gentil de l’autorité que Dieu lui avait donnée: il chercha à mettre en place sa propre religion, et à l’imposer à l’ensemble de ses sujets. En d’autres termes, toute son autorité reçue de Dieu, fut employée à nier le vrai Dieu et à imposer l’obéissance universelle à l’égard de son idole, avec la perspective d’une mort effroyable comme salaire immédiat de la désobéissance. C’est là la grande caractéristique du premier des empires Gentils.

Mais l’iniquité de l’homme et toute la ruse de Satan n’aboutissent qu’à mettre en vue les fidèles. Le roi commande de les jeter dans la fournaise de feu ardent. Il commence sans doute par leur adresser une remontrance, et leur offre une occasion de fléchir: «Est-ce à dessein, Shadrac, Méshac et Abed-Nego, que vous ne servez pas mon dieu, et que vous n’adorez pas la statue d’or que j’ai dressée? Maintenant, si, au moment où vous entendrez le son du cor, de la flûte, de la cithare, etc... vous êtes prêts à vous prosterner et à adorer la statue que j’ai faite...; mais si vous ne l’adorez pas, à l’instant même vous serez jetés au milieu de la fournaise de feu ardent. Et qui est le Dieu qui vous délivrera de ma main?» (v. 15). Il est bien solennel de voir combien fut passagère l’impression produite sur l’esprit du roi. Le dernier fait mentionné, avant qu’il dresse cette statue, c’est qu’il tomba sur sa face devant Daniel, lui rendant tous les honneurs divins. Il était même allé jusqu’à dire: «En vérité, votre Dieu est le Dieu des dieux et le Seigneur des rois, et le révélateur des secrets, puisque tu as pu révéler ce secret» (2:47). Mais ce fut tout autre chose, quand il vit son pouvoir contesté et sa statue méprisée, malgré la fournaise de feu ardent.

C’était très bien de reconnaître Dieu au moment où il lui révélait un secret. Le chapitre 2 le reconnaît pleinement. Et là, Daniel représente ceux qui ont la pensée de Dieu, qui marchent dans Sa crainte: «Le secret de l’Éternel est pour ceux qui le craignent».

Mais Dieu avait délégué la puissance au chef des Gentils, Nebucadnetsar. Et maintenant que ces hommes ont l’audace de braver les conséquences de leur refus d’obéir, plutôt que d’adorer la statue, il est rempli de fureur et sa colère s’exhale en paroles de mépris contre Dieu lui-même: «Qui est le Dieu», ose-t-il dire, «qui vous délivrera de ma main?» Cela devenait donc une question entre lui, que Dieu avait établi, et Dieu lui-même.

Mais voici un trait magnifique et des plus bénis. Ce n’est pas la manière de Dieu, dans le temps actuel, d’opposer la force à la force. Sa manière n’est pas d’agir en destruction des Gentils, même quand ils abusent de leur pouvoir contre Dieu qui leur a confié l’autorité. J’invite mes lecteurs à réfléchir sérieusement à cela, car je crois que c’est une chose pratique fort importante. Shadrac, Méshac et Abed-Nego ne prennent nullement une place de résistance à Nebucadnetsar et à sa méchanceté. Nous savons que plus tard la conduite du roi fut tellement mauvaise que Dieu le dépouilla de toute gloire pendant longtemps, et le priva même d’intelligence humaine. Ces hommes pieux ne prétendent point qu’il est un faux roi, parce qu’il établit et impose l’idolâtrie. Pour le chrétien, la question n’est point de savoir ce qu’il en est des rois, mais de savoir comment on doit soi-même se comporter. Le chrétien n’a pas à se mêler des affaires des autres; il est appelé à marcher dans la confiance en Dieu, la patience et l’obéissance. Dans la majeure partie des obligations quotidiennes, il nous est possible d’obéir à Dieu tout en obéissant aux lois du pays où nous demeurons. Cela peut se faire en tout pays. Même si on se trouve dans un pays papiste, je crois qu’en général on peut obéir à Dieu sans désobéir aux lois du pays. Il peut être nécessaire quelquefois de se cacher. Par exemple si une procession passe et qu’on exige une marque de respect pour l’hostie, il faut éviter d’avoir l’air d’insulter les sentiments des gens, tandis que, d’un autre côté, on ne peut manifester aucune approbation à leur faux culte.

Il est très important de se rappeler que le gouvernement est établi et reconnu de Dieu, et que, par conséquent, il a droit à l’obéissance du chrétien, où qu’il se trouve. Cette question est traitée dans l’une des épîtres du Nouveau Testament, celle-là même qui expose plus que toute autre les fondements, les caractères et les effets du christianisme par rapport à l’individu. Je fais allusion à l’épître aux Romains, la plus complète des épîtres de Paul. Nous y trouvons en premier lieu, l’exposé complet de la condition de l’homme, puis la rédemption qui est en Jésus Christ. Les trois premiers chapitres sont consacrés au sujet de la ruine de l’homme; les cinq suivants à la rédemption que Dieu a opérée en réponse à la ruine de l’homme. Puis, dans les trois chapitres qui suivent, on a le cours des dispensations de Dieu, — c’est-à-dire ses voies avec Israël et avec les Gentils, ordonnées suivant une immense perspective. Vient alors la partie pratique de l’épître, ou du moins la partie renfermant les exhortations et les préceptes: d’abord, au chapitre 12, les relations des chrétiens entre eux, puis à la fin du chapitre après une transition progressive, les relations des chrétiens avec leurs ennemis; et ensuite avec les autorités qui existent (Rom. 13:1). Il semble que le but de cette expression «les autorités qui existent» est d’englober toutes les formes de gouvernement sous lesquelles les chrétiens peuvent être placés. Leur devoir est d’être soumis, non pas seulement à un roi, mais aussi à toute forme de souveraineté; non pas seulement à un gouvernement existant depuis longtemps, mais aussi à un gouvernement nouvellement établi. L’affaire du chrétien est de montrer du respect à tous ceux qui sont constitués en autorité, de rendre l’honneur à qui l’honneur est dû, ne devant rien à personne, sinon d’aimer. Ce qui donne une telle force à ces exhortations, c’est que l’empereur de l’époque était l’un des pires et des plus cruels qui aient jamais occupé le trône des Césars. Malgré cela, il n’est fait aucune réserve, et aucune qualification n’est requise pour l’autorité; il n’y a non plus aucun sous-entendu (bien au contraire) laissant entendre que les chrétiens auraient à obéir si les ordres de l’empereur sont bons, et qu’ils seraient libérés de leurs obligations si les ordres sont mauvais. Le chrétien est appelé à obéir — non pas toujours dans le cas de Néron, ou de Nebucadnetsar, mais toujours à Dieu. Il s’ensuit qu’il n’y a réellement pas le moindre fondement pour accuser de rébellion une personne pieuse. Je sais bien que rien ne préservera à coup sûr un chrétien d’avoir mauvaise réputation. Il est naturel pour le monde de dire du mal de quelqu’un qui appartient à Christ — à Celui qu’ils ont crucifié. Mais le principe que nous venons de voir préserve l’âme qu’une telle accusation ait aucun fondement réel. L’obéissance à Dieu reste entière; mais je suis tenu d’obéir aux «autorités qui existent», dans tout ce qui ne contredit pas mon obéissance à Dieu, aussi éprouvant que cela puisse être.

Les lumières de ces Juifs fidèles étaient beaucoup plus restreintes que celles que les chrétiens devraient posséder maintenant: ils n’avaient que la révélation de Dieu comme la portion d’Israël. Mais la foi comprend toujours Dieu: qu’il y ait peu ou beaucoup de lumière, elle cherche et trouve les directions de Dieu. Or, l’exercice de foi de ces hommes était très simple. Le décret rendu par l’empereur était incompatible avec le fondement de toute vérité — le seul vrai Dieu. La vocation d’Israël avait expressément pour but de maintenir que c’était l’Éternel le seul vrai Dieu, et non pas les idoles. Voilà un roi qui leur commandait de se prosterner et d’adorer une statue. Ils n’osent pas pécher; ils doivent obéir à Dieu plutôt qu’à l’homme. Il n’est dit nulle part que nous devons désobéir à l’homme. Dieu doit être obéi quel que soit le canal par lequel une chose est commandée; c’est toujours à Dieu qu’on doit obéir. Si je fais une chose, aussi juste soit-elle en elle-même, simplement d’après le principe que j’ai le droit de désobéir à l’homme en certaines circonstances, au fond, je ne fais que choisir le moindre de deux maux. Pour un chrétien, le principe est de ne jamais faire le mal du tout; il peut se tromper, je ne le nie pas; mais je ne comprends pas un homme qui poserait tranquillement en principe qu’il doit accepter un mal quelconque. C’est là une idée païenne. Un idolâtre, privé de la lumière révélée de Dieu, ne pouvait en savoir davantage. On trouve pourtant des chrétiens se servant de la confession du misérable état de l’Église comme d’une excuse pour persévérer dans un mal reconnu, disant: «De deux maux nous devons choisir le moindre»! — Mais je maintiens que, quelque soient les difficultés rencontrées, il y a toujours un chemin selon Dieu où la piété peut marcher. Alors comment se fait-il que je trouve des difficultés dans la pratique? C’est parce que je veux m’épargner moi-même. Si je fais un compromis même mineur avec le mal, l’autoroute des aises et de l’honneur est ouverte devant moi; mais du coup, je mets Dieu de côté, et je me place sous la puissance de Satan. C’était précisément le conseil que Pierre donnait à notre Seigneur qui lui parlait de sa mort prochaine: «Dieu t’en préserve, cela ne t’arrivera point!»

Il en est de même pour le chrétien. En consentant à un petit mal, en faisant un compromis avec sa conscience, en évitant l’épreuve que l’obéissance à Dieu amène toujours, on peut sans doute échapper en grande partie à l’inimitié du monde, et gagner ses louanges parce qu’on se fait du bien à soi-même. Mais si l’œil est simple, Dieu a des droits, et il faut que ces droits soient toujours respectés dans l’âme, et y aient la première place. Si on exige de moi quelque chose qui amène à un compromis avec Dieu, il me faut alors obéir à Dieu plutôt qu’à l’homme. Partout où ce principe est tenu fermement, le chemin est parfaitement clair. Il se peut qu’il y ait du danger, voire même que la mort nous regarde en face, comme dans cette occasion. Le roi fut enflammé de colère de ce que ces hommes osaient lui dire: «Nebucadnetsar, il n’est pas nécessaire que nous te répondions sur ce sujet». Pas besoin de lui répondre! Et de quoi donc était-il besoin? C’était une affaire qui regardait Dieu: la leur était de rendre les choses de César à César, et les choses de Dieu à Dieu. Ils étaient dans l’esprit même de cette parole de Christ avant qu’elle ait été prononcée. Ils avaient marché dans le respect de leurs devoirs à la place assignée par le roi: on ne les accusait de rien à cet égard. Mais il s’élevait maintenant une question touchant leur foi profondément, et ils le ressentaient. C’était la gloire de Dieu qui était en cause, et ils se confiaient en Lui.

En conséquence, ils disent: «Notre Dieu que nous servons peut nous délivrer de la fournaise de feu ardent». Combien cela est beau! En présence du roi, qui n’avait jamais pensé qu’à se servir lui-même, et qui ne voyait personne d’autre méritant d’être servi, ils disent: «Notre Dieu que nous servons». Auparavant, ils avaient servi fidèlement le roi, parce qu’ils avaient toujours servi Dieu; et ils ont encore à servir Dieu, même si cela leur donne l’apparence de ne pas servir le roi. Mais ils ont confiance en Dieu. «Il nous délivrera de ta main, ô roi!» Ce n’était pas simplement la vérité d’une manière abstraite: c’était la foi. «Il nous délivrera». Mais il y a encore mieux: «Sinon, sache, ô roi, que nous ne servirons pas tes dieux, et que nous n’adorerons pas la statue d’or que tu as dressée». Même si Dieu n’agit pas en puissance pour nous délivrer, c’est Lui que nous servirons; nous ne voulons point servir les dieux de ce monde. Oh! cher lecteur, quelle dignité la foi au Dieu vivant donne à l’homme qui marche avec elle! Ces hommes étaient à ce moment-là l’objet de toute l’attention de l’empire babylonien. Et la statue, alors? Elle était oubliée. Nebucadnetsar lui-même se trouvait impuissant en présence de ses captifs d’Israël. Ils étaient là, calmes, nullement intimidés, alors que le roi lui-même montrait sa faiblesse. Car quelle faiblesse plus évidente que de se laisser aller à une fureur qui change l’apparence du visage et qui fait proférer des menaces manquant entièrement leur but? On chauffa la fournaise sept fois plus que d’habitude. Les hommes forts servant le roi pour y jeter les trois fidèles furent dévorés eux-mêmes par les flammes.

Une fois ce forfait accompli, voici apparaître une nouvelle merveille sous les yeux du roi. Ce n’était pas une vision, mais la puissance manifeste de Dieu. Quelle misérable vanité pour ce roi de dégainer l’épée contre Dieu! Au milieu de la fournaise de feu ardent s’offre soudain un spectacle saisissant. Tout étonné, le roi «se leva précipitamment et prit la parole et dit à ses conseillers: N’avons-nous pas jeté au milieu du feu trois hommes liés? Ils répondirent et dirent au roi: Certainement, ô roi! Il répondit et dit: Voici, je vois quatre hommes déliés, se promenant au milieu du feu, et ils n’ont aucun mal». Que pouvait-on dire de la puissance de Nebucadnetsar maintenant? À quoi servait-il d’être le plus puissant monarque du monde, et d’être entouré de tout ce qui constituait l’élite de sa force et de la grandeur de son empire? On avait lié ces hommes, on les avait jetés au milieu de la fournaise de feu ardent, dans la condition apparemment la plus misérable de tout le royaume. Et le voilà obligé de contempler leurs liens brûlés, et eux-mêmes rendus libres par ce qui devait être leur perdition. Mais il y a plus encore: un autre personnage était visible, et tout ce que Nebucadnetsar peut en dire, c’est qu’il est Fils de Dieu. «Voici, je vois quatre hommes déliés...et l’aspect du quatrième est semblable à un fils de Dieu».

De la même manière que Dieu pouvait employer la bouche d’un Balaam, ou d’un Caïphe, pour dire la vérité, bien qu’ils n’y pensaient guère et qu’ils n’avaient pas communion avec Lui dans la vérité, ainsi aussi cette expression du roi «un fils de Dieu» était, ici, particulièrement appropriée. Nous ne pouvons pas supposer que Nebucadnetsar avait l’intelligence de sa signification; néanmoins, il y avait en elle une convenance frappante. Il aurait pu employer d’autres titres; il aurait pu dire «le fils de l’homme», comme on le voit dans cette prophétie, ou bien «le Très-Haut», ou d’autres encore. Mais l’expression «Fils de Dieu» semble parfaitement convenir à cette scène; c’est pourquoi je pense qu’il est évident que c’est la puissance souveraine de l’Esprit de Dieu qui amena le roi à s’en servir. Dans le Nouveau Testament, où toute la vérité est exprimée clairement, nous voyons notre Seigneur Lui-même se référer à ces deux titres qui se trouvent tous deux en Daniel: Fils de l’homme et Fils de Dieu. Fils de l’homme est le titre de Christ dans sa gloire judiciaire: en tant qu’il est Fils de l’homme, tout jugement lui est donné (Jean 5:22, 27). En tant que Fils de Dieu, Il donne la vie, Il vivifie au milieu de la mort; en tant que Fils de Dieu, Il délivre ceux qui étaient liés, et «si le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres». Ce verset de Jean 8 me semble le commentaire doctrinal de la scène qui est devant nous. Le Fils était là, et Il rendait libre les prisonniers. L’homme les avait liés, avait essayé d’exécuter sa menace de vengeance contre quiconque reconnaîtrait le vrai Dieu. Et ces trois hommes avaient tout risqué pour la vérité de Dieu lui-même, contre tous ses rivaux et toutes les statues possibles; alors Dieu était intervenu en leur faveur, les délivrant puissamment. Non seulement le roi orgueilleux reconnaît que sa parole a été changée, mais il associe leurs noms avec le Dieu Très-Haut, qui n’a point honte d’être appelé leur Dieu (Héb. 11:16).

La domination Gentile n’a pas fini pour autant. Je crois que sa fin amènera la même scène avec autant de force que jamais. Le livre de l’Apocalypse démontre que le dernier grand monarque Gentil se servira de toute l’autorité de son gouvernement pour imposer ce qu’on peut appeler la «religion» de cette époque. Et alors Dieu déploiera Sa puissance miraculeuse pour préserver Ses témoins pour la tâche qu’il leur aura confiée. Il est possible que certains aient à souffrir jusqu’à la mort; Dieu peut en effet agir de diverses manières. Mais l’Apocalypse nous apprend qu’il y aura des personnes préservées malgré la puissance imposant l’idolâtrie aux derniers jours.

Lorsque ces choses auront lieu, nous ne serons plus sur la scène. Aussi, la mention des Juifs au temps de la dernière grande tribulation est-elle bien significative. Tandis que, à la fin, les hommes en général seront forcés de reconnaître le vrai Dieu, il y aura auparavant une persécution terrible; on saura ce que c’est que de «glorifier Dieu au milieu des flammes», selon une expression positivement employée à l’égard du résidu juif dans les derniers jours. La main de Dieu opérera des merveilles, mais ce sera envers les Juifs et non envers les chrétiens. Pour ce qui nous concerne, la tribulation est notre part normale et constante dans le monde. Le Nouveau Testament le démontre du début à la fin. Rien de plus clair que le Saint Esprit ne reconnaît jamais le chrétien en aucune manière, sinon comme séparé du monde, — objet de son animosité et de sa persécution, rejeté, méprisé, inconnu du monde. Telle est la place que nous reconnaît la parole de Dieu. C’est aux chrétiens à rendre compte pourquoi ils l’ont perdue; car il est manifeste que la position que je viens de décrire ne s’applique en aucune manière au temps actuel. Le monde est-il devenu meilleur, ou bien les chrétiens sont-ils devenus plus mauvais? Que la conscience réponde, et si elle est droite, le Seigneur s’en servira comme d’un moyen pour nous ramener à la position que nous n’aurions jamais dû abandonner. Nous sommes encore dans le temps de la suprématie des Gentils, et de l’obéissance comme place du chrétien. Car le plus souvent, ce sur quoi le pouvoir insiste, c’est ce que le chrétien peut lui rendre en toute liberté. Mais quand il y a opposition entre l’autorité du monde et celle de Dieu, nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, quelles qu’en soient les conséquences. Obéir est la seule chose que Dieu reconnaisse dans les Siens.

Chacun des chapitres suivant a une relation étroite et toujours croissante avec le cours du développement de l’empire Gentil. Mais il suffit de faire ressortir le fait que l’idolâtrie — la religion mondaine, ou une religion conçue pour être pratiquée par tous et imposée sous peine de mort — est le premier grand trait de l’empire Gentil dont il soit fait mention, et qui l’imprégnera plus ou moins, en totalité. De même que l’idolâtrie a été imposée par le premier empire, ainsi en sera-t-il à la fin de notre époque. Le livre de l’Apocalypse nous montre la dernière phase du dernier empire Gentil, et nous y voyons que, comme il a commencé, ainsi il finira: la contrainte exercée ici par le chef de l’empire pour obliger tous ses sujets à se courber et à adorer en vue de son propre affermissement, c’est la même chose qui réapparaîtra à la fin.

Mais il y a encore une autre analogie. Dieu a eu ses témoins à cette époque. Et comme ce furent les Juifs qui résistèrent alors à l’idolâtrie gentile, ce sont aussi eux qui reviendront sur la scène des voies de Dieu, et ils seront spécialement les témoins que Dieu honorera. Ce résidu d’Israël marqué par la justice, a été représenté par les disciples aux jours du ministère terrestre de notre Seigneur. Ils seront une semence pieuse attachée au Seigneur et aimant son nom, et ceci parce qu’ils auront saisi le Messie, — bien qu’avec plus ou moins de lumière. Ils seront trouvés attendant le retour du Seigneur pour prendre en mains son royaume, après la disparition de l’Église proprement dite de la scène des voies de Dieu sur la terre.

Ainsi donc, de même que l’autorité des Gentils commença par l’idolâtrie imposée à tous, et de même que les seuls témoins pour Dieu se trouvèrent parmi les Juifs, ainsi aussi à la fin, l’idolâtrie réapparaîtra, et Dieu aura de nouveau un résidu fidèle au sein de ce pauvre peuple — un témoignage pour Lui-même au milieu de l’apostasie.

Mais j’espère entrer plus dans les détails en étudiant les chapitres suivants. Souvenons-nous que ce que nous venons de considérer n’est pas simplement pour cette époque-là, et ne concerne pas seulement les témoins de ce jour-là. Si Dieu veut avoir alors un peuple fidèle parmi les Juifs, puissions-nous, nous qui sommes chrétiens, ne pas être désobéissants à la vision céleste! (Actes 26:19). Nous avons devant nous des perspectives plus brillantes qu’aucune de celles que Daniel a vues. Il n’a pas eu le privilège de voir Jésus couronné de gloire et d’honneur, à cause de la passion de la mort (Héb. 2:9). Il pouvait bien, d’un côté, rendre témoignage au rejet du Messie, et d’un autre côté, à sa domination universelle et éternelle. Mais pour nous maintenant, entre ces deux grandes gloires de Christ, l’une passée, l’autre future, nous connaissons des gloires autres et plus élevées en Lui; et nous Le connaissons Lui-même, en qui toutes ces bénédictions sont réunies comme en un trésor. Nous savons qu’il est le vrai Dieu et la vie éternelle (1 Jean 5:20), et que nous sommes nous-mêmes bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Lui (Éph. 1:3). Nous sommes appelés hors de ce monde pour Le suivre, devant bientôt partager sa gloire céleste. Il n’y a plus qu’ «un peu de temps, et celui vient, viendra, et il ne tardera point» (Héb. 10:37). Et s’il en est ainsi, combien ne devons-nous pas nous tenir à part de ce présent siècle mauvais? Combien ne devons-nous pas nous préserver des efforts qu’il fait pour avoir l’air de respecter le nom de Jésus? Hélas! comme il arrive souvent que les gens restent à se demander, embarrassés, où est le monde et qu’est-ce qu’il est! En vérité, poser cette question est une triste preuve qu’on est tellement mêlé au monde qu’on ne sait pas la réponse. Que le Seigneur nous fasse la grâce de n’avoir aucune hésitation pour savoir ce qu’est le monde et où nous en sommes. Le Juif était obligé d’y entrer l’épée à la main pour exécuter le jugement. Mais telle n’est pas la place du chrétien, car il a débuté avec l’épée tirée contre Christ, Christ lui-même acceptant le coup. Nous, nous avons débuté avec la croix, et nous devons poursuivre avec, attendant la gloire du Seigneur Jésus Christ. Toute notre bénédiction est fondée sur la croix, et toutes nos espérances se concentrent sur la gloire de Christ et Son retour pour nous.

Que le Seigneur nous accorde de pouvoir vivre ainsi dans une connaissance croissante de la Personne bénie à qui nous avons à faire et à qui nous appartenons. Alors, quels que soient les dangers et les épreuves, nous y serons toujours en la compagnie du Fils de Dieu.

Puissions-nous connaître toujours plus ce que c’est que de marcher avec Christ dans la liberté et dans la joie. De cette manière, nous aurons toujours Christ avec nous à l’heure du besoin.