Daniel

Chapitre 2

Avant d’entrer dans mon sujet, je désire signaler une preuve évidente de ce que le chapitre 1 a un caractère d’introduction. Le dernier verset (v. 21) nous apprend que Daniel fut là jusqu’à la première année du roi Cyrus. Il en résulte que le chapitre 1 n’a pas simplement pour but de donner un récit de certaines circonstances préalables aux différentes révélations ou événements divers se succédant dans ce livre, mais il s’agit bien de nous montrer la préparation de la place que Daniel devait occuper. Après quoi, par ce v. 21 le livre nous mène jusqu’à la fin. Cela nous montre le maintien de Daniel pendant toute la durée de la monarchie babylonienne, et même au début de celle des Perses. Cela ne veut point dire que Daniel vécut seulement jusqu’à la première année du roi Cyrus, car la dernière partie du livre contient une vision encore postérieure. Le fait est simplement constaté, qu’il était en vie au commencement de la nouvelle dynastie. On verra aussi que la fin du dernier chapitre forme une conclusion tout aussi convenable du livre, et, à ce titre, fait le pendant du chapitre premier, envisagé comme préface.

Encore une remarque générale avant d’aller plus loin. Le livre se divise en deux volumes ou sections à peu près égales. La première partie se rapporte aux grandes puissances Gentiles, aux traits caractérisant leur conduite extérieure, et finalement au jugement de tout cet état de choses. Elle va jusqu’à la fin du chapitre 6. La seconde partie va du chapitre 7 jusqu’à la fin du livre. Elle ne nous donne pas l’histoire extérieure des quatre empires Gentils, mais ce qui, dans leur histoire, intéresse plus particulièrement le peuple de Dieu. Cette distinction est marquée de manière évidente par le fait que la première partie ne se compose pas de visions vues par Daniel: les seules visions proprement dites qui s’y trouvent, furent contemplées par Nebucadnetsar. Il y en a une au chapitre 2, et ensuite une autre, d’un caractère différent, au chapitre 4; les chapitres 3, 5 et 6 contiennent le récit d’événements en rapport avec la condition morale des deux premières monarchies; mais rien de tout cela ne fut révélé à Daniel en premier, et ce n’est pas non plus lui qui eut les visions. Au contraire, la seconde partie du livre se compose exclusivement de communications accordées au prophète lui-même. Et c’est là que nous trouvons, non pas simplement des choses propres à frapper l’esprit naturel, mais les secrets de Dieu concernant et intéressant particulièrement Son peuple, avec bien des détails par conséquent. La preuve externe de cette différence entre ces deux grandes sections de Daniel, c’est que le chapitre 6 qui termine la première section nous mène de nouveau jusqu’à la fin: «Et ce Daniel prospéra pendant le règne de Darius et pendant le règne de Cyrus, le Perse» (6:28). Ceci est d’autant plus remarquable que le chapitre suivant revient en arrière au temps de Belshatsar: «La première année de Belshatsar, roi de Babylone, Daniel vit un songe et des visions de sa tête, etc..». Ceci se passait longtemps avant Cyrus le Perse. Ensuite nous lisons au chapitre 8: «La troisième année du règne de Belshatsar», et au chapitre 9: «La première année de Darius, fils d’Assuérus». Jusque là tout se suit régulièrement. Puis nous arrivons au chapitre 10: «La troisième année de Cyrus, roi de Perse, une chose fut révélée à Daniel, etc.».

Ainsi, la première partie du livre de Daniel (ch. 1 à 6) nous mène jusqu’à la fin, d’une manière générale; et la deuxième (ch. 7 à 12) de même, dans un ordre semblable; elles se distinguent l’une de l’autre, non pas seulement par cet arrangement extérieur, mais surtout par la différence morale déjà expliquée: l’une s’occupe de l’aspect extérieur de l’état de choses, et l’autre de son caractère intérieur, moral. Si on a lu Matthieu 13, on sait bien que cette manière de traiter un sujet n’est pas isolée dans la Parole de Dieu. En effet, ce chapitre présente un exposé ordonné du royaume des cieux, dans une suite de quelques paraboles dont la première est une sorte d’introduction au sujet. Or, si vous prenez les six autres paraboles (car il y en a juste sept en tout), vous verrez qu’elles se répartissent en deux séries de trois paraboles chacune, la première série ayant trait à l’aspect extérieur du royaume, et la dernière série à des relations plus intimes et plus cachées.

C’est exactement ce que nous avons en Daniel. D’abord l’histoire extérieure qui se poursuit jusqu’à la fin; ensuite vient l’histoire intérieure, ou ce qui avait un intérêt particulier pour ceux qui avaient l’intelligence des voies de Dieu. Cette remarque suffit pour montrer que le livre de Daniel est caractérisé par la méthode divine à laquelle on s’attend normalement pour la Parole de Dieu. Toutes les œuvres de Dieu, et plus particulièrement sa Parole, portent l’empreinte d’un dessein profond. En effet, le doigt de Dieu lui-même se montre à l’évidence sur ce qu’il a fait; cependant la mort est entrée, et la créature a été assujettie à la vanité. De là proviennent les gémissements de la création inférieure; et plus on monte sur l’échelle de la vie animale, plus la misère est intense. L’homme a davantage conscience de la misère que son péché a amenée dans le monde et sur la création dont il a été fait le seigneur; et il est aussi plus capable de la ressentir. Mais quant à la Parole de Dieu, quoiqu’on y trouve des fautes d’inadvertance des copistes et traducteurs, ce ne sont pour la plupart que de petites taches. Elles peuvent éventuellement obscurcir un peu sa pleine lumière, mais elles sont insignifiantes par rapport à l’éclat manifeste de ce que Dieu donne, même au moyen de la version la plus imparfaite. Selon qu’elle a passé dans les mains des hommes, nous découvrons plus ou moins de cette faiblesse inhérente aux vases terrestres; mais, par la grande miséricorde de Dieu, il reste toujours en elle une abondante lumière pour toute âme honnête.

Mais abordons la première grande scène du livre. Elle nous montre comment la sagesse du monde fait entièrement défaut. À la cour de Babylone, on prenait soin d’une façon peu ordinaire d’avoir des hommes instruits en toute sorte de sagesse et de connaissance. Le temps était venu maintenant de mettre cette sagesse à l’épreuve. Pendant que le grand roi Gentil se livrait sur son lit à la méditation, il plut à Dieu de lui donner une vision de l’histoire future du monde: d’un côté cela satisfaisait son désir de contempler sans voile le cours ultérieur des âges; et de l’autre côté, il lui fallu ressentir la parfaite impuissance de toutes les ressources humaines. C’était l’occasion, pour Dieu, de manifester et Sa propre puissance et la parfaite sagesse dont même un pauvre captif pouvait devenir le canal. C’est là un exemple éclatant des voies de Dieu. Voilà ces Juifs qui étaient tombés en la main de ce roi orgueilleux: ce dernier pouvait supposer que, si Dieu était pour eux, ils n’auraient pas pu en arriver là. Mais si le peuple de Dieu est coupable, il n’est personne dont Dieu mette autant en évidence les fautes. Comment connaissons-nous les fautes d’Abraham, ou de David? C’est Dieu seul qui nous les apprend. Il aime trop les siens pour cacher leurs fautes. Cela fait partie de son gouvernement moral d’être le dernier à voiler ou à laisser voiler ce qui Lui déplaît en ceux qu’Il aime le mieux. Prenez une famille bien gouvernée. L’amour conduit-il à dissimuler la faute d’un enfant quand l’enfant doit la ressentir? — il faut qu’il sente que c’est une nécessité pour être heureux. Il en est de même pour le peuple de Dieu. Israël l’avait abandonné, avait renié sa relation avec Lui, et Dieu fait voir qu’il ressent leur péché et qu’il faut qu’ils le ressentent aussi. Il cessa pour un temps de les reconnaître pour Son peuple, et les balaya loin du pays où Il les avait plantés; et maintenant ils étaient les esclaves des Gentils.

Mais il faut que leur vainqueur apprenne à son tour qu’après tout, la pensée et le cœur de Dieu étaient avec les pauvres captifs. La puissance de Dieu pouvait se trouver avec le Gentil pour un temps; mais les affections et les secrets de Dieu étaient avec les siens, même à l’heure de leur extrême abaissement.

Les circonstances au moyen desquelles cela fut manifesté illustrent les voies de Dieu d’une manière frappante. Le roi fait un songe et celui-ci sort de sa mémoire. Il convoque ses sages et les invite à faire connaître ce songe et à en donner l’interprétation. Mais en vain. Ils sont tellement frappés eux-mêmes de ce qu’il y a de déraisonnable dans cette demande, qu’ils disent qu’ «il n’existe personne qui puisse l’indiquer devant le roi, excepté les dieux, dont la demeure n’est pas avec la chair» (2:11). Il était impossible de satisfaire le désir du roi. Tout se montrait dans sa réalité, et leur sagesse se révélait indisponible là où on en avait besoin. La nouvelle du décret ordonnant la mise à mort des sages de Babylone arrive à Daniel. Il va trouver Arioc, et le prie de lui donner du temps. Mais remarquez ceci — c’est une caractéristique de la foi — il met sa confiance en Dieu. Pour promettre de donner l’interprétation du songe, il n’attend pas d’avoir la réponse de Dieu. Il promet sur le champ. Il se confie en Dieu: c’est là la foi — une conviction fondée sur le caractère de Dieu tel qu’on le connaît. Le secret de l’Éternel est pour ceux qui le craignent (Ps. 25:14), et Daniel craignait l’Éternel. C’est pourquoi aussi il n’eut point peur du décret. Il savait que Dieu qui avait donné le songe, pouvait en donner le souvenir. En même temps, il n’a pas la moindre prétention de fournir lui-même la réponse. Ainsi, deux grandes choses se trouvent manifestées en Daniel: d’abord, sa confiance que Dieu révélerait la chose au roi; secondement, sa confession que lui ne pouvait pas la révéler. Il rentre chez lui, et fait connaître l’affaire à ses compagnons. Il désire qu’ils implorent aussi «de la part du Dieu des cieux ses compassions au sujet de ce secret». Il attache la plus grande valeur aux prières de ses frères, — les témoins avec lui-même du vrai Dieu à Babylone. Il a la joie de les voir fléchir les genoux devant Dieu, prenant aussi cette même place lui-même. Mais comme c’était lui, Daniel, qui avait spécialement la foi, c’est lui que Dieu honore en donnant la révélation qu’il attendait: «Alors le secret fut révélé à Daniel dans une vision de la nuit».

Et maintenant il ne se hâte pas d’aller directement vers le roi, ni même auprès de ses compagnons, pour leur dire que Dieu lui avait fait connaître le songe. La première chose qu’il fait c’est d’aller vers Dieu. Le Dieu qui a révélé le secret est Celui que Daniel confesse aussitôt. Il prend la place d’un adorateur. Et, permettez-moi de le dire, c’est là le grand but de toutes les révélations de Dieu. Ne supposez pas ce grand but soit de me faire connaître mon péché, et un Sauveur qui satisfait à tous les besoins de mon âme. Ce que Dieu opère par Son Esprit dans Ses saints, n’est pas simplement la connaissance de la délivrance de l’enfer ou le devoir de marcher comme Ses enfants. Il y a quelque chose de plus élevé encore. Dieu fait des Siens Ses adorateurs. Et s’il existe un point sur lequel les enfants de Dieu manquent plus que sur d’autres, c’est bien celui de la réalisation de leur position d’adorateurs.

Or, Daniel l’avait compris. Tout jeune qu’il était, il avait bien saisi la pensée de Dieu, et c’est ici que nous trouvons ce beau trait de caractère. Dans son effusion de louange, il célèbre les voies de Dieu, non pas tant en relation avec Sa puissance, quoiqu’il soit vrai que «c’est lui qui change les temps et les saisons, qui dépose et établit les rois, etc.». Mais le point sur lequel son cœur s’arrête spécialement est ceci: «Il donne la sagesse aux sages et la connaissance à ceux qui connaissent l’intelligence». J’attire votre attention sur ces paroles. Il est parfaitement vrai que le Seigneur regarde avec compassion les ignorants, et qu’il manifeste Sa bonté à ceux qui n’ont point d’intelligence. Mais Daniel parle de Ses voies envers ceux dont le cœur est tourné vers lui; et pour ceux-ci, le principe du Seigneur est: «À celui qui a, il sera donné, et à celui qui n’a pas, cela même qu’il a lui sera ôté». Dans les choses de Dieu, rien de plus dangereux que de s’arrêter tôt dans le chemin où l’on apprend Ses voies. Ce qui porte les âmes à s’arrêter sur ce chemin, c’est la conscience que la vérité a des conséquences trop pratiques; et elles les redoutent. Car la vérité de Dieu n’est pas simplement affaire de connaissance, mais elle se vit; et l’âme recule instinctivement à cause des sérieuses conséquences présentes que la vérité entraîne. Daniel avait l’œil simple, et, en conséquence, tout son corps était plein de lumière. C’est là le secret réel pour progresser. Que seulement nos désirs soient tournés vers Dieu, et nos progrès seront sûrs et durables.

Daniel va alors trouver Arioc, et lui dit: «Ne détruis pas les sages de Babylone; conduis-moi devant le roi, et j’indiquerai au roi l’interprétation». Arioc l’amène donc au roi, en hâte, et lui dit: «J’ai trouvé un homme des fils de la captivité de Juda, qui fera connaître au roi l’interprétation». Le roi lui demande s’il est vrai qu’il puisse faire connaître le songe et son interprétation. La réponse de Daniel est très belle. L’humilité accompagne toujours une connaissance réellement profonde des voies de Dieu. Il n’y a pas d’erreur plus grande, ni plus dépourvue de fondement, que de supposer que l’intelligence spirituelle enfle. La connaissance peut enfler, — la simple connaissance. Mais je parle de cette intelligence spirituelle quant à la Parole, qui découle du sens de l’amour de Dieu, et qui cherche à se répandre pour ainsi dire, précisément parce que c’est un amour divin. Daniel commence alors par faire voir l’impossibilité pour les sages, enchanteurs, devins et augures de révéler le songe au roi. «Mais», ajoute-t-il, «il y a un Dieu dans les cieux qui révèle les secrets et fait savoir» (il ne dit même pas «à Daniel», mais) «au roi Nebucadnetsar ce qui arrivera à la fin des jours». Il désirait que Nebucadnetsar connût l’intérêt que Dieu lui portait. «Toi, ô roi... tes pensées, sur ton lit, sont montées dans ton esprit, ce qui doit arriver ci-après; et celui qui révèle les secrets te fait savoir ce qui va arriver». Mais ces paroles ne lui suffisent point; il continue: «Et quant à moi, ce n’est pas par quelque sagesse qui soit en moi plus qu’en tous les vivants, que ce secret m’a été révélé: c’est afin que l’interprétation soit connue du roi, et que tu connaisses les pensées de ton cœur».

Ensuite, il en vient au songe: «Toi, ô roi, tu voyais, et voici une grande statue: cette statue était grande, et sa splendeur, extraordinaire; elle se tint devant toi, et son aspect était terrible». Il avait contemplé le déroulement de l’histoire de l’empire, non pas simplement par fragments successifs, mais comme un tout. La dernière partie du livre nous donne d’une manière plus précise la succession des différentes puissances, ainsi que les détails de leur conduite envers le peuple de Daniel: mais voici l’histoire générale de l’empire Gentil.

«La tête de cette statue était d’or pur; sa poitrine et ses bras d’argent; son ventre et ses cuisses, d’airain». Autrement dit, il y avait une détérioration au fur et à mesure que les empires s’éloignaient de la source de la puissance. C’était Dieu qui avait donné la puissance impériale à Nebucadnetsar. Aussi ce qui est le plus rapproché de la source, est vu comme cette «tête d’or». Dans une certaine mesure, il y a davantage de l’homme dans l’empire Perse, «la poitrine et les bras d’argent», métal inférieur; et ainsi de suite jusqu’aux jambes, qui étaient de fer, et les pieds, en partie de fer et en partie d’argile. Il est tout à fait évident d’après ceci, qu’il y a avilissement graduel à mesure que l’on s’éloigne du moment où Dieu avait conféré le pouvoir.

Mais il est bon de poser maintenant un ou deux principes que je crois importants dans l’étude des parties prophétiques de l’Écriture. Une maxime largement répandue, même parmi les chrétiens, veut que la prophétie doit être expliquée par l’événement, — que l’histoire est le vrai interprète de la prophétie, — que, lorsque les visions prophétiques ont été réalisées sur la terre, les faits expliquent les visions. C’est là un principe entièrement faux, qui ne renferme pas une bribe de vérité. On confond l’interprétation de la prophétie avec la confirmation de sa vérité. Quand une prophétie est accomplie, naturellement son accomplissement en confirme la vérité, mais c’est tout différent du fait de l’expliquer. La vraie intelligence d’une prophétie est tout aussi difficile après qu’avant l’événement. Prenons, par exemple, les 70 semaines de Daniel. Ce chapitre a donné lieu à des controverses et des disputes sans fin, même parmi les croyants. On admet généralement que cette prophétie est entièrement accomplie (ce qui est faux), et néanmoins, on ne s’accorde nullement sur sa signification.

De même avec la prophétie d’Ézéchiel, il y a une difficulté provenant d’une toute autre source. La première partie d’Ézéchiel se trouvait accomplie dans les voies de Dieu avec Israël dans ce temps là; elle recouvre le temps où Daniel vivait. Mais son accomplissement ne l’explique point: de fait, cette portion est plus obscure que les derniers chapitres qui ne sont pas encore accomplis.

Qu’est-ce donc qui explique la prophétie? Ce qui explique toute l’Écriture: l’Esprit de Dieu et seulement lui. Sa puissance est capable de faire comprendre toutes les parties de la Parole de Dieu. Quelqu’un demandera-t-il si j’entends par là qu’il est sans importance de connaître les langues ou de comprendre l’histoire, etc.? Je réponds que ma pensée n’est pas de soulever de problème sur le fait d’apprendre: c’est utile à sa place. Mais je nie que l’histoire soit l’interprète de la prophétie ou de quelque portion que ce soit de l’Écriture. S’il se trouve des chrétiens qui connaissent l’histoire du monde, ou les langues originales de l’Écriture, c’est avec Christ — non point avec ce qu’ils savent ou apprennent — qu’a affaire leur intelligence spirituelle. D’ailleurs, même si l’on est chrétien, il ne s’ensuit pas nécessairement que l’on comprenne l’Écriture. On connaît Christ, sinon on ne serait pas chrétien. Mais entrer réellement dans la pensée de Dieu et dans l’intelligence de l’Écriture, suppose qu’on soit en garde contre le moi, qu’on désire la gloire de Dieu, qu’on ait une pleine confiance dans Sa Parole, et qu’on se tienne dans la dépendance du Saint Esprit. L’intelligence de l’Écriture n’est pas un simple processus intellectuel. Si un homme n’avait pas d’esprit, il ne pourrait rien comprendre: mais l’esprit n’est que le vase (l’instrument), — il n’est pas la puissance. La puissance, c’est le Saint Esprit agissant sur et par le vase (l’instrument). Mais il faut que ce soit le Saint Esprit qui fasse connaître les choses de Dieu (1 Cor. 2:11), comme il est dit: «Ils seront tous enseignés de Dieu» (Jean 6:45).

Il y a de grandes différences dans la nature des enseignements qui se donnent, parce qu’il y aussi beaucoup de différences dans la mesure de dépendance vis-à-vis de Dieu. Il faut bien se pénétrer de ce que l’intelligence de l’Écriture dépend beaucoup plus de l’état moral — de l’œil simple attaché sur Christ — que de ce qui tient aux facultés intellectuelles. Le Saint Esprit ne peut jamais nous donner quelque chose qui dispense de la nécessité de dépendre de Dieu et de nous attendre à Lui.

Comment devons-nous donc interpréter la prophétie? Elle est entièrement indépendante de l’histoire; elle fut donnée pour être comprise avant qu’elle devint histoire. Ceci est vrai, et il faut que tous le sachent. La majeure partie de la prophétie a trait à des jugements terribles, qui doivent tomber à la fin de la période présente. Que vont faire ceux qui n’en tirent pas profit jusqu’à ce que les faits annoncés aient eu lieu? C’est grave de la mépriser! Le croyant qui comprend la prophétie, possède un secours spécial, dont est privé celui qui la néglige.

Nous partons donc du grand principe que c’est le Saint Esprit qui nous rend capables de lire la prophétie en nous y faisant voir qu’elle intéresse la gloire de Dieu et est rattachée à Christ dont l’exaltation est encore à venir, et dont la gloire remplira les cieux et la terre, tous les usurpateurs et tous ceux qui prétendent avoir des droits étant renversés. Partant donc de ce grand principe, considérons la scène que nous offre ce chapitre comme déroulant devant nous le cours des événements du monde jusqu’au temps de la révélation de la gloire de Christ. Voyons d’abord la position des diverses parties. On avait d’un côté le roi le plus orgueilleux du monde. Il était sorti à la tête d’armées victorieuses, avant la mort de son père, avant d’être entré proprement en pleine possession de l’empire de Babylone. Et voilà que, maintenant, il lui a ouvert une sphère de domination dépassant probablement ses aspirations les plus ambitieuses. Il apprend ici avec certitude que c’est Dieu lui-même, dans sa providence, qui l’a placé dans cette position.

Mais il y a plus encore: il contemple, déployé devant lui et dessiné à grands traits, tout le tableau du monde Gentil, — ainsi que les traits principaux de son histoire depuis ce temps-là jusqu’au jour de gloire et de jugement à venir. À côté de la gloire de Babylone, il voit s’élever une autre puissance voisine à laquelle la prophétie avait fait déjà allusion, de sorte qu’il y avait bien peu de difficulté — au moins pour certains — à comprendre ce qui lui était signifié par cette prophétie. Le prophète Ésaïe, cent cinquante ans avant la naissance de Cyrus, n’avait pas seulement parlé, sous la direction du Saint Esprit, de la nation et du roi des Mèdes et des Perses, mais il avait nommé Cyrus par son nom.

Venait ensuite la prédiction d’un autre empire, qui n’était alors qu’au stade de l’enfance, ou ne consistait qu’en de nombreuses tribus distinctes sans cohésion — je veux dire les Grecs ou les Macédoniens. Mais plus remarquable encore, était le royaume sur lequel l’Esprit de Dieu s’arrête surtout, qui n’existait alors qu’en germe, et dont le roi de Babylone ne connaissait probablement même pas le nom. Quoique destiné à jouer le rôle le plus considérable jamais échu à un royaume dans l’histoire du monde, c’était alors un royaume tout à fait obscur. Il était engagé tant au dedans, qu’avec ses voisins, dans des querelles des plus mesquines, sans la moindre pensée d’étendre sa domination de façon universelle. Il est donc d’autant plus merveilleux de considérer ce grand roi, et le serviteur de Dieu qui se tenait devant lui, lui révélant l’histoire du monde.

«Toi, ô roi, tu es le roi des rois, auquel le Dieu des cieux a donné le royaume, la puissance, et la force, et la gloire». Il ne s’agissait pas de ses propres prouesses, ni d’une sagesse particulière qu’il possédât. S’il avait été permis à Nebucadnetsar d’emmener ces captifs, de triompher de la puissance de l’Égypte lui disputant la suprématie du monde, c’était le Dieu des cieux qui le lui avait donné. «Et partout où habitent les fils des hommes, les bêtes des champs et les oiseaux des cieux, il les a mis entre tes mains et t’a fait dominer sur eux tous. Toi, tu es cette tête d’or». C’est évidemment la monarchie babylonienne qui est ainsi désignée. Dieu y avait fait référence par le moyen d’Ésaïe; et Jérémie, contemporain de Daniel, avait placé devant lui non seulement la durée de la monarchie babylonienne, mais aussi la succession de ses rois. Il devait y avoir Nebucadnetsar, et son fils, et le fils de son fils. Ceci eut un accomplissement remarquable. Ainsi, pour comprendre la prophétie, nous n’avons pas besoin de recourir à autre chose qu’à l’Écriture. C’est le juste emploi spirituel de ce que renferme la Parole de Dieu qui nous y donne accès; et je bénis Dieu de ce qu’il en est ainsi. Si un homme même très simple étudie la Bible avec zèle dans sa langue maternelle, et s’il est dirigé par l’Esprit de Dieu, il possède les éléments et la puissance d’une vraie interprétation. Mais il est tout aussi certain que, dès qu’un homme essaie de trouver une interprétation çà et là, à l’aide de l’histoire, des antiquités, des journaux et que sais-je, il ne fait que se séduire lui et ceux qui l’écoutent (1 Tim. 4:16). Telle est la sentence morale et universelle prononcée par Dieu sur l’âme qui cherche la clé des secrets de Dieu dans ce qui est de l’homme. Je dois trouver cette clé de la part de Dieu lui-même, en me servant convenablement de ce qui est dans Sa propre Parole.

J’ai eu la curiosité d’examiner Josèphe, ancien écrivain juif, dont l’histoire est lue et estimée partout; et trouvant dans la version ordinaire quelques singularités, j’ai consulté l’original grec de son ouvrage, et y ai trouvé le même sens étrange. Il affirme que la tête d’or signifie Nebucadnetsar et les rois qui ont été avant lui! C’est un manque complet d’intelligence de ce que dit la Parole de Dieu. On s’égare toujours lorsqu’on s’écarte de l’Écriture et qu’on se laisse aller à ses propres pensées. L’existence d’un empire de Babylone n’apparaît pour la première fois que dans la personne de Nebucadnetsar, qui inclut, en quelque sorte, ses successeurs: «Tu es cette tête d’or». Aucune mention quelconque n’est faite des rois qui avaient été avant lui. Jusqu’au temps de Nebucadnetsar, il n’avait jamais été accordé à Babylone de posséder l’empire du monde. C’était donc lui, et nullement ses prédécesseurs, qui constituait la tête d’or. C’est en lui que la position impériale de Babylone a trouvé son commencement.

En Jérémie, nous ne trouvons pas seulement la déclaration de l’époque des 70 ans de captivité au ch. 25; mais un peu plus loin, ch. 27, la suite des rois est mentionnée: «Et toutes les nations le serviront, lui, et son fils et le fils de son fils, jusqu’à ce que vienne le temps de son pays aussi». Or, il arriva qu’après que son fils Évil-Merodac eut été retranché, celui qui prit le trône fut le mari de la fille de Nebucadnetsar appelé à cette dignité non par l’ordre de succession, mais par réclamation du peuple de Babylone. Cet homme régna un certain temps, et après lui régna son fils, qui, par conséquent, était le fils de la fille de Nebucadnetsar, et non le fils de son fils. Jusque là, il pouvait sembler que la prophétie avait donc failli. Mais pas du tout. Quelques mois après, le petit-fils de Nebucadnetsar fut appelé au trône. «L’Écriture ne peut être anéantie». Elle avait dit: «Nebucadnetsar, son fils et le fils de son fils», et ce fut ainsi. Avec Belshatsar, petit-fils de Nebucadnetsar, toute la chose prit fin. Pour cette affaire donc, l’Écriture fournit les éléments essentiels. Et c’est ainsi que fait la prophétie: elle explique l’histoire, et ce n’est jamais l’histoire qui interprète la prophétie. Celui qui comprend la prophétie peut découvrir l’histoire; mais la connaissance de l’histoire ne rendra jamais capable d’expliquer la prophétie. Elle peut confirmer la vérité d’une prédiction à quelqu’un qui doute, pour autant qu’elle soit claire. C’est ainsi, dans le cas de l’histoire de la prise de Jérusalem, telle qu’elle se trouve dans les guerres de Josèphe, si cette histoire est vraie, elle coïncide bien sûr avec le récit inspiré de Luc. Mais il est de toute évidence que si j’ai foi en la Parole de Dieu, je trouve beaucoup plus de certitude dans ce qu’elle me dit sur cet événement. En un mot, le fait que la prophétie soit prononcée avant l’événement ne joue pas. L’œil de Dieu contemplait tout, tout le long du déroulement de l’histoire de l’empire Gentil; et le langage est aussi clair dans les prophéties de Daniel que dans les écrits des historiens grecs et latins1. Et cela est tellement vrai que des hommes qui n’ont aucune sympathie pour les choses de Dieu, même incrédules, sont obligés de reconnaître que tout ce qu’il y a de clair sur ce sujet est en harmonie avec ce que Daniel avait dit, des centaines d’années avant les événements.

1 «Les quatre empires sont aussi nettement dessinés, et les armées romaines invincibles sont aussi clairement décrites dans les prophéties de Daniel que dans les histoires de Justin et de Diodore». — Gibbon.

«Et après toi s’élèvera une autre royaume, inférieur à toi». Inférieur non pas tellement quant au territoire, mais quant à la splendeur, et peut-être surtout par l’introduction d’un contrôle en dehors du souverain, au lieu que celui-ci agisse avec la profonde conviction de détenir son autorité directement de Dieu. Darius (ch. 6) prit l’avis de sujets sans scrupules, et en souffrit amèrement. S’il avait eu le sens de sa responsabilité directe vis-à-vis de Dieu, il aurait évité le piège. Évidemment, les hommes répugnent au pouvoir absolu, principalement à cause de l’absence de contrôle lorsqu’il est aux mains d’un homme faible et errant. Mais supposez que le dépositaire d’une telle autorité réunît en sa personne toute sagesse et toute bonté, rien alors ne saurait être plus heureux qu’un tel pouvoir. C’est précisément ce qui aura lieu sous le règne du Seigneur Jésus Christ, où toute l’autorité sera remise en Ses mains, tout sera béni et conforme à la volonté de Dieu, et où la volonté contraire des hommes ne sera que rébellion, et attirera la malédiction.

Ce qui semble confirmer cette idée, c’est que, lorsque nous descendons au troisième empire, l’empire macédonien, dont Alexandre le Grand fut le fondateur, nous y trouvons un homme qui n’agissait pas simplement d’après l’avis de ses sages, mais qui était contrôlé par ses généraux dans l’exercice de son pouvoir. De fait, ce royaume devint une espèce de gouvernement militaire — quelque chose de moins respectable que l’intervention aristocratique des Mèdes et des Perses, et leurs lois inflexibles.

Nous descendons ensuite beaucoup plus bas encore, et nous trouvons un quatrième royaume représenté par le fer: «Et le quatrième royaume sera fort comme le fer. De même que le fer broie et écrase tout, et que le fer brise toutes ces choses, il broiera et brisera». Ici, la force constitue le grand trait caractéristique du royaume, et la qualité du métal est en harmonie avec cette idée. Mais c’est un métal de l’espèce la plus commune, nullement un métal précieux. Peut-être en est-il ainsi parce l’empire romain se distinguait en ceci que c’était le peuple qui gouvernait, au moins nominalement. Même les empereurs les plus despotiques prétendaient toujours, en théorie au moins, consulter le peuple et le sénat. Même sous l’empire, les Romains conservaient encore le simulacre de leur vieille constitution républicaine; tandis qu’en fait le gouvernement ne consistait qu’en un individu qui s’était revêtu lui-même de tout pouvoir réel.

Tout le déroulement de l’empire est donc esquissé devant nous dans le chapitre que nous étudions. Mais peut-être demandera-t-on: comment savez-vous ces choses? il n’est pas dit que le second empire représente la Médie et la Perse, ni que le troisième soit la Macédoine, ni le quatrième Rome. Oui, je pense que cela est dit. Il est possible que cela ne soit pas dit ici, mais l’Écriture n’attache pas toujours la clé exactement à la porte. Il n’est pas fréquent de trouver l’explication d’un passage juste dans le verset suivant. Dieu veut que nous connaissions Sa Parole pour être familiarisés avec tout ce qu’Il a écrit, et être assurés que tout est très bon. Instruire dans l’Écriture même un enfant inconverti, est une chose toujours extrêmement précieuse. Il en est alors comme d’un feu bien arrangé: une seule étincelle suffit pour le mettre en flamme. Les chrétiens ne sauraient mettre assez de soin, assez de persévérance et de zèle à élever leurs enfants dans une parfaite connaissance de la parole de Dieu.

Mais pour en revenir à la lumière que fournit l’Écriture, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin que ce livre de Daniel pour trouver les noms de ces empires. Au chap. 5 v. 28, nous lisons: «Pérès: Ton royaume est divisé, et donné aux Mèdes et aux Perses». Il y a là immédiatement la réponse. Nous voyons l’empire babylonien chanceler, et sur le point d’être détruit. Nous apprenons que les Mèdes et des Perses lui succèdent. Rien de plus simple et de plus certain. Les seules personnes qui, à ma connaissance, aient jamais trouvé quelque difficulté sur ce point, étaient des savants s’efforçant de prouver que l’empire de Babylone recouvrait aussi la Perse, de manière à faire de la Grèce le second empire, de Rome le troisième, et le quatrième devant être une puissance antichrétienne distincte et entièrement future. D’autres savants ont soutenu que le royaume d’Alexandre était une chose, et celui de ses successeurs une autre totalement différente, et ils constituaient, de fait, l’un le troisième empire, et l’autre le quatrième, en sorte même qu’ils font de la cinquième monarchie (celle de la «pierre» — 2:44-45) quelque chose de passé ou présent. De semblables méprises n’auraient jamais été commises si on avait lu et pesé l’Écriture sans système préconçu. Quant au croyant, au lieu de voir dans l’histoire un sujet de perplexité, il prend sa Bible, et trouve toute la solution avant de quitter la prophétie elle-même. Car il est clair selon Dan. 8:20-21, que l’empire des Mèdes et des Perses réunis cède la place à l’empire grec, avec sa division en quatre parties à la mort d’Alexandre. À celui-ci succède à son tour le quatrième empire, ou empire romain, dont le trait particulier est sa division en dix royaumes distincts dans sa dernière période (chap. 7). En a-t-il jamais été ainsi avec les successeurs d’Alexandre? Son royaume fut divisé en quatre, jamais en dix. La prophétie explique donc l’histoire, tandis que l’usage habituel de l’histoire fait par l’étude simpliste n’a pour résultat que d’obscurcir l’éclat de la parole de Dieu. Mais commençons d’abord par comprendre cette parole, et alors, si nous regardons l’histoire, nous trouverons qu’elle a un rôle de témoignage humain et confirme de sa faible voix le témoignage divin. Elle doit agir ainsi. Par conséquent, celui qui ne connaît pas l’histoire se trouve sur une base au moins aussi bonne que les savants — sauf que ceux-ci trouvent des difficultés — et il n’est pas perplexe comme ceux qui regardent à travers le brouillard de leurs propres spéculations.

Le troisième royaume possède un trait que le second n’a pas. Il devait dominer «sur toute la terre». De quelle manière remarquable ceci fut accompli avec l’empire macédonien ou grec! Quoique Cyrus fût un grand conquérant, toutes ses conquêtes restèrent dans la région où il habitait; il en soumit toutes les parties, tant au nord de la Médie et de la Perse qu’au sud et à l’ouest; tout ceci est vrai; mais Cyrus ne dépassa jamais, que je sache, les bornes de l’Asie.

Mais nous voyons maintenant un royaume caractérisé par la rapidité extraordinaire de ses conquêtes. On peut défier tout l’univers de tous les temps d’en produire un qui accomplisse cette prophétie comme l’a fait l’empire d’Alexandre. Dans l’espace de quelques années, cet homme extraordinaire inonda comme un fleuve et subjugua presque tout le monde connu d’alors. Il se plaignit même, comme chacun le sait, de n’avoir point d’autre monde à conquérir. C’est là un commentaire frappant de ce que nous avons ici. Avons-nous besoin de recourir à l’histoire pour cela? Point du tout; ce livre même nous fournit toute l’explication. Au chap. 8:20-21, nous apprenons que le troisième empire est l’empire grec. «Le bélier que tu as vu, qui avait deux cornes, ce sont les rois de Médie et de Perse». Ceci confirme aussi ce que j’ai dit plus haut à propos du second royaume. Mais pendant que ce bélier était là, arrive tout à coup un bouc brutal, ayant entre ses yeux une corne de grande apparence. Avec cette seule corne qu’il portait sur la tête, il heurte contre le bélier qui représente ces rois de Médie et de Perse. C’est là le troisième royaume qui devait «dominer sur toute la terre». Comment se nomme-t-il? Le verset 21 donne la réponse: «Le bouc velu, c’est le roi de Javan (Grèce); et la grande corne qui était entre ses yeux, c’est le premier roi». Nous n’avons pas besoin de l’histoire pour expliquer la prophétie. Nous trouvons ici la réponse claire et positive de la Parole de Dieu sur l’identité du troisième royaume, et toutes les recherches que vous pouvez faire dans l’histoire ne feront que la confirmer; mais vous n’en avez pas besoin. Si vous vous fondez sur la Parole de Dieu, vous êtes sur une base à laquelle rien dans l’histoire ne saurait porter atteinte, pas même un instant. Dieu qui fournit le seul récit certain, fait voir lui-même que l’empire médo-perse est suivi de l’empire grec. L’unique grande corne de ce dernier est brisée, et «quatre cornes de grande apparence s’élevèrent à sa place, vers les quatre vents des cieux». À la mort d’Alexandre, son royaume fut divisé en quatre grandes parties, pour lesquelles se battirent ses généraux. Ceci souligne une petitesse relative des successeurs d’Alexandre. C’est lui qui était la grande corne, le premier roi et le représentant du troisième royaume.

La question suivante est celle-ci: qu’est-ce qui vient après? Quel autre grand empire devait succéder, le dernier avant que Dieu établisse Son royaume? L’histoire de l’Ancien Testament se clôt avant le commencement du troisième empire. Les derniers faits constatés historiquement se trouvent dans le livre de Néhémie, pendant que le monarque perse était encore le grand roi, c’est-à-dire pendant que le second empire avait encore la suprématie. Mais quand l’histoire du Nouveau Testament commence, qu’y trouve-t-on? Je n’ai qu’à lire le commencement de l’évangile de Luc, et j’y vois la mention d’un autre grand empire dominant à cette époque. «Or il arriva, en ces jours-là, qu’un décret fut rendu de la part de César Auguste, portant qu’il fût fait un recensement de toute la terre habitée». J’ai là tout d’un coup le quatrième royaume, sans avoir besoin de recourir à l’histoire pour le trouver. Il y a un quatrième royaume, et la Parole de Dieu me montre qu’il est universel; il impose aux hommes du monde entier de se faire enregistrer, et Dieu prend soin qu’il y ait un constat légal de naissance de son Fils.

Le quatrième empire annoncé par la prophétie était donc l’empire romain. Recevant ceci de l’Écriture1, je puis m’adresser à l’histoire pour savoir ce que fut l’empire Romain qui écrasa la puissance de la Grèce. Ils réussirent d’abord à obtenir que les Grecs se joignent à eux pour battre les Macédoniens, et ils se retournèrent ensuite contre les Grecs et les abattirent peu à peu.

1 Je ne doute pas que l’expression «les navires de Kittim» (Dan. 11:30) désigne la puissance navale de Rome qui intervint contre Antiochus Épiphane. Mais comme cette allusion est moins explicite que les passages de Luc 2:1; 3:1; 20:22-25; Jean 11:48; 19:15, j’ajoute la preuve tirée du Nouveau Testament.

Dans la suite, les Romains étendirent leurs conquêtes sur toute l’Asie. Qu’en dit Dieu? «Le quatrième royaume sera fort comme le fer. De même que le fer broie et écrase tout, et que le fer brise toutes ces choses, il broiera et brisera». Si on fait appel à l’histoire, peut-on voir les choses avec plus de clarté? Où trouvera-t-on une description de cet empire aussi exacte que celle donnée ici par Dieu? Un historien bien connu traitant des quatre empires, les a décrits en se servant des images si vivantes tirées précisément de ces symboles du prophète Daniel. Il ne pouvait pas trouver de figures plus adéquates que celles que l’Esprit de Dieu avait déjà consacrées à leur usage, quoique ce ne fût point, comme chacun le sait, par défaut d’imagination, ni par désir d’accréditer l’Écriture.

Cependant ce n’est pas tout ce que Dieu nous fournit sur ce sujet. «De même que le fer broie et écrase tout, et que le fer brise toutes ces choses, il broiera et brisera». Jamais description ne fut plus exacte. Je pourrais citer des passages des anciens écrivains romains montrant qu’eux-mêmes ont parlé de leur propre empire et de sa politique en termes à peu près identiques.

Mais il y avait quelque chose qu’ils ne pouvaient pas dire et qui dépassait toute prévision humaine. Cette puissance qui se distinguait au-dessus de toutes les autres par sa force renversant tout opposant, tout en ayant de la bonté pour ceux qui se courbaient devant elle, cette même puissance est ainsi décrite: «Et selon que tu as vu les pieds et les orteils en partie d’argile de potier et en partie de fer, le royaume sera divisé». Les Romains ne nous disent pas cela. Le témoignage de l’histoire n’est pas toujours fidèle. Ceux qui décrivent l’action diplomatique de leur propre pays ne sont en général guère fiables. Ils sont aussi prompts à dissimuler les menaces de déclin qu’à se vanter de tout ce qui prouve leur audace, leur force et leur gloire. Mais Dieu nous dit tout; et sa parole nous enseigne que le même empire qui devait être si célèbre par sa force stupéfiante, allait aussi présenter la plus grande faiblesse intrinsèque: «Et il y aura en lui de la dureté du fer, selon que tu as vu le fer mêlé avec de l’argile grasse; et quant à ce que les orteils des pieds étaient en partie de fer et en partie d’argile, le royaume sera en partie fort et sera en partie fragile. Et selon que tu as vu le fer mêlé avec de l’argile grasse, ils se mêleront à la semence des hommes, mais ils n’adhéreront pas l’un à l’autre, de même que le fer ne se mêle pas avec l’argile».

Le fer était l’élément d’origine; l’argile fut ajouté après, et n’appartenait pas proprement à la grande statue en métal: c’était un élément étranger. Quand et d’où vint-il? Je crois qu’en se servant de cette figure de l’argile, l’Esprit de Dieu n’a pas en vue l’élément romain primitif qui avait la force du fer, mais fait plutôt allusion aux hordes barbares qui firent irruption ultérieurement, affaiblissant la puissance romaine et formant peu à peu des royaumes autonomes. Je ne peux cependant que présenter cette pensée comme étant mon sentiment propre, fondé sur l’usage général du langage et des idées de l’Écriture. Nous avons ici ce qui n’était pas proprement et primitivement romain, mais a été introduit d’ailleurs; c’est le mélange de deux éléments qui est source de faiblesse, et conduit finalement à des divisions. Ces hordes de barbares qui s’introduisirent au début par la force, prétendaient être non pas les vainqueurs des Romains, mais leurs hôtes; et à la fin ils s’établirent en dedans des limites de l’empire. C’est là ce qui conduisit ultérieurement à la division de l’empire en plusieurs royaumes distincts et indépendants, lorsque la puissance et l’orgueil de la Rome impériale furent brisés. Plus tard, Charlemagne nourrit le désir d’un empire universel, et il y travailla dur; mais ce fut un échec, et tout ce qu’il rassembla durant sa vie fut partagé à sa mort. Un autre homme de nos jours a fait la même tentative: je parle, on le comprend, du captif de Sainte-Hélène. Il avait à cœur la même monarchie universelle. Quel fut le résultat? Ses succès furent encore plus éphémères. Tout ce qu’il construisit fut ramené à ses éléments d’origine avant qu’il ait rendu le dernier soupir. Et il continuera d’en être généralement ainsi jusqu’au moment dont parle ce chapitre, et dont le livre de l’Apocalypse traite plus à fond.

Voici, je crois, ce que l’Écriture enseigne sur ce sujet. Avant la fin de notre temps, il s’opérera une union des plus remarquables entre ces deux éléments apparemment contradictoires — un chef universel de l’empire, et, à côté, des royaumes distincts et indépendants, chacun ayant son propre roi; mais au-dessus de tous ces rois, il y aura un homme qui sera empereur. Jusqu’à ce que ce temps vienne, tous les efforts faits en vue d’unifier les divers royaumes seront un échec complet. Même à cette époque-là, ce ne sera point par une fusion en un seul royaume que s’opérera leur réunion, mais chaque royaume indépendant aura son propre roi, quoique tous seront assujettis à une tête unique. Dieu a dit qu’ils seront divisés. C’est donc ceci qui nous est montré. «Ils n’adhéreront pas l’un à l’autre, de même que le fer ne se mêle pas avec l’argile». Et si jamais une partie du monde a représenté ce système incohérent de royaumes, c’est bien l’Europe moderne. Tant que le fer a prédominé, il n’y a eu qu’un empire; mais ensuite est venue l’argile, un élément étranger. En vertu du fer, il y aura une monarchie universelle; tandis qu’en vertu de l’argile, il y aura des royaumes distincts.

«Et dans les jours de ces rois, le Dieu des cieux établira un royaume qui ne sera jamais détruit; et ce royaume ne passera point à un autre peuple; il broiera et détruira tous ces royaumes, mais lui, il subsistera à toujours» (v. 44). Remarquez ces mots «dans les jours de ces rois». C’est une réponse catégorique à ceux qui ont voulu voir dans cette portion de la prophétie la naissance du Christ et l’introduction de ce qu’ils appellent le royaume de la grâce. Au temps dont il est question ici, l’empire est disloqué et divisé. Était-ce le cas, quand le Seigneur est né? Pouvait-on dire de cette époque: «Dans les jours de ces rois»? Pas du tout. Rome était alors au sommet de sa puissance: on ne pouvait voir la moindre brèche dans tout l’empire. Il n’y avait qu’un dirigeant et qu’une volonté dominante. Ce n’était donc pas «dans les jours de ces rois». À quoi ce verset fait-il donc allusion? Je crois qu’il a trait à la dernière scène de l’empire romain, non pas le temps où Christ est né, mais celui où Dieu introduira de nouveau le premier-né dans le monde (Héb. 1:6) — non pas le temps où le Seigneur Jésus a été introduit comme le Nazaréen pour souffrir et mourir, mais le temps où Il viendra avec la puissance divine pour exercer le jugement. L’expression «la pierre détachée sans mains», quoiqu’en un sens elle Lui soit toujours applicable, ne s’appliquera réellement et parfaitement qu’à ce moment-là. Nous en avons ici l’interprétation. Elle ne se rapporte pas tant à la personne de Christ qu’au royaume que le Dieu des cieux établira en Lui et par Lui. Sans doute Christ est la pierre; mais c’est une pierre de jugement qui anéantit les royaumes de la terre. Qui peut le nier? «La pierre s’est détachée de la montagne sans mains et a broyé le fer, l’airain, l’argile, l’argent et l’or». Il en résulta l’effondrement de toute la statue. Cela a-t-il eu lieu à la naissance de Christ? Christ attaqua-t-il l’empire romain? L’a-t-il détruit? Bien au contraire, Christ a été mis à mort, et ce fut le gouverneur romain qui fut l’instrument officiel de Sa crucifixion. Bien loin d’avoir frappé la statue, c’est plutôt la statue qui L’a frappé. Une telle interprétation ne mérite pas qu’on s’y arrête.

La pierre frappe la statue aux pieds dont les orteils étaient en partie de fer et en partie d’argile — c’est-à-dire l’empire romain dans sa dernière condition. L’empire se divise, puis la pierre le frappe. Ce n’est pas une action en grâce, mais en jugement. Ce n’est point un semeur qui sème de la semence pour produire la vie, et encore moins du levain se diffusant lui-même dans certaines limites. Son coup tombe sur la statue et la détruit, la faisant voler en éclats. Il est évident qu’il ne s’agit pas de la première venue de Christ. Sa naissance est entièrement passée sous silence dans la mesure où elle a eu lieu durant le cours de l’empire romain, et non pas comme agent de sa destruction. Ce qui aura vraiment affaire à l’empire romain, c’est la venue du Seigneur Jésus Christ en un temps encore à venir.

Mais dira-t-on: comment cela peut-il se faire puisqu’il n’y a pas d’empire romain maintenant? Mais permettez-moi de demander: en quoi cela prouve-t-il qu’il ne doit pas y en avoir un plus tard? Pouvez-vous prouver que l’empire romain ne doit pas revivre? Ce que je trouve dans ce passage, c’est que le fer, l’argile, l’airain, l’argent et l’or sont réduits en pièces ensemble, et deviennent comme la balle sur l’aire de battage en été.

En outre, l’Apocalypse nous dit que la bête qui représente la puissance impériale de Rome est caractérisée de façon remarquable comme «la bête qui était, et n’est pas, et sera présente»1 (Apoc.17:8). Il suit de ce passage que la bête, ou l’empire qui existait du temps de l’apôtre Jean, devait passer par un état de non existence, puis réapparaître, en montant du puits de l’abîme. En d’autres termes, ce sera la puissance de Satan qui opérera la réunion des fragments qui reconstituent l’empire romain. Il est remarquable selon ce chapitre, que lorsque la bête réapparaît, il y aura dix rois s’accordant pour donner leur pouvoir à «la bête», ou à la personne suscitée par Satan pour organiser et gouverner l’empire. Ce personnage se servira de sa grande puissance contre Dieu et contre l’Agneau; toute apparence de christianisme sera détruite, l’idolâtrie sera restaurée, et l’Antichrist établi. Alors, c’est comme si Dieu disait: Je ne veux plus supporter cela; Mon heure est venue. Le Seigneur Jésus se lèvera de sa séance à la droite de Dieu, et exécutera le jugement sur ces vils apostats.

1 Ce dernier terme «qui sera présente», est incontestablement la bonne leçon, d’après les meilleurs textes critiques. Il n’y a absolument aucun doute là-dessus. Quiconque connaît l’Apocalypse ne le contestera point.

«Et dans les jours de ces rois, le Dieu des cieux établira un royaume... il broiera et détruira tous ces royaumes, mais lui, il subsistera à toujours». La première action de cette pierre est de détruire. Il n’est pas question de sauver des âmes: il s’agit de jugement et de destruction. Christ renverse des royaumes et tout ce qui s’élève contre le vrai Dieu.

Mais il y a ici une difficulté pour comprendre comment il se fait que, lorsque ce coup destructeur est porté, l’or, l’argent et l’airain soient tous mélangés ensemble avec le fer et l’argile — comme si ces empires successifs subsistaient ensemble à la fin. La vérité est que, quoique Babylone, par exemple, eût perdu sa position impériale, elle subsistait de manière subordonnée aux puissances lui ayant succédé; et il en a été ainsi pour chacun des empires suivants, jusqu’à celui de Rome (comp. Dan. 7:11-12). Ainsi, lorsque s’accomplira le jugement final du quatrième empire, il y aura encore, distincts de lui, des représentants de ses trois prédécesseurs. Ceci rend évident que, par le dernier empire, il faut entendre exclusivement l’Occident, et non pas ce qui a appartenu aux empires précédents.

Ainsi c’est le grand siège de la civilisation moderne (c’est-à-dire les dix royaumes de la bête) qui sera le théâtre de cette effroyable apostasie. Et Dieu le permettra dans ses voies de sagesse en jugement, parce que les hommes n’auront point reçu l’amour de la vérité pour être sauvés. Dieu leur enverra une énergie d’erreur pour croire au mensonge, «afin que tous ceux-là soient jugés qui n’ont pas cru à la vérité, mais qui ont pris plaisir à l’injustice» (2 Thess. 2:11-12). Je ne doute point que telle soit l’histoire future du monde: cela repose sur l’autorité de la parole de Dieu. Cette prophétie remarquable nous fait assister aux tout premiers commencements de la puissance impériale, et nous montre finalement le jugement de ce monde aux derniers jours, avant que Dieu établisse Son royaume: dans ce jugement, Dieu s’occupera des vivants, non pas seulement des morts. «Il jugera en justice la terre habitée, par l’Homme qu’Il a destiné à cela, de quoi il a donné une preuve certaine à tous, l’ayant ressuscité d’entre les morts» (Actes 17:31).