Apocalypse

Chapitre 12

«Et un grand signe apparut dans le ciel: une femme revêtue du soleil, et la lune sous ses pieds». Il ne faut pas s’imaginer que lors de l’accomplissement de la prophétie, on voit cela littéralement. Un tel système d’interprétation est une source féconde en erreurs. La femme est vue dans le ciel, pour montrer que ce n’est pas simplement l’histoire de ce qui va se passer sur la terre qui nous est présentée, mais que tout est contemplé dans la pensée de Dieu; en haut, par conséquent. La femme représente ce que sera Israël sur la terre; elle est le symbole du peuple élu, considéré comme corps, dans l’état de choses futur que Dieu a le dessein d’établir ici-bas.

Elle est «revêtue du soleil»: au lieu d’être, comme actuellement, dans un état de désolation, foulé aux pieds par les nations, Israël sera revêtu de l’autorité suprême. «Et la lune sous ses pieds»; c’est, je le pense, une allusion à l’ancienne condition de ce peuple, lorsqu’il était sous le joug des ordonnances légales, qui ne le régiront plus, mais lui seront assujetties. On voit aisément combien la lune est une image propre à représenter le système mosaïque, qui, consistant en ombres et figures, ne faisait que réfléchir la lumière d’un état de choses bien autrement glorieux. Or, pendant le millénium, ce système ne sera pas entièrement mis de côté, comme il l’est maintenant dans le christianisme; il réapparaîtra, mais en occupant une place subordonnée, ainsi que le montre la prophétie d’Ézéchiel. «Et sur la tête une couronne de douze étoiles», symbole qui indique avec évidence que l’autorité humaine en matière d’administration lui appartiendra ici-bas. Ainsi nous voyons l’autorité suprême, aussi bien que l’autorité dérivée ou subordonnée, attachées à la femme, c’est-à-dire à Israël selon la pensée de Dieu. Israël est donc clairement l’instrument dont Dieu se servira pour accomplir ses magnifiques desseins à l’égard de la terre. C’est ainsi que Dieu l’envisage et nous le présente ici. Quel complet et merveilleux changement pour ce peuple!

Mais ce n’est pas tout. «Et étant enceinte, elle crie étant en mal d’enfant et en grand tourment pour enfanter». Le jour de joie et de triomphe où s’accompliront les desseins de Dieu n’est pas encore arrivé; ce jour où, selon Ésaïe, Sion a enfanté avant qu’elle ait été en travail et «avant que les douleurs lui soient venues, elle a donné le jour a un enfant mâle». La faiblesse et la souffrance existent encore pour elle, mais la délivrance est assurée, et la fin des tribulations est garantie par la parole de l’Éternel.

«Et il apparut un autre signe dans le ciel: et voici, un grand dragon roux, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes». C’est Satan, comme nous le voyons plus loin, revêtu des attributs qui caractérisent l’ennemi le plus acharné qu’Israël ait jamais rencontré, et qui a remporté le plus d’avantages sur lui; car, quelle qu’ait pu être la tyrannie de Nebucadnetsar, il est certain que la puissance romaine a foulé sous ses pieds et écrasé Jérusalem avec une cruauté bien autrement terrible et prolongée. La signification de ce double symbole est ainsi rendue d’autant plus frappante. Israël n’est pas encore délivré, mais le prophète montre ce qu’il est dans la pensée de Dieu, et quelle sera un jour sa position. Puissant encouragement quand l’on considère par où il doit passer avant que tout ne soit réalisé! Mais avant que cela ne s’effectue, nous voyons l’ennemi sous son caractère de pouvoir rebelle et apostat.

Le dragon a sept têtes: c’est la plénitude de l’autorité en matière de gouvernement. Il a dix cornes; ce n’est pas quelque chose de complet, mais qui en approche; c’est une très grande somme de puissance dans les instruments mis en œuvre en Occident. Ce qui est humain n’est jamais complet. Dieu donne à la femme douze étoiles, tandis que le dragon n’a que dix cornes. Les sept têtes nous offrent, comme je le suppose, une succession complète des diverses formes de gouvernement; mais Dieu ne permet pas qu’il y ait là cette plénitude du pouvoir administratif que nous voyons appartenir à la femme. L’ordre sera parfait quand, dans le siècle à venir, le Seigneur Jésus prendre en main le gouvernement de la terre. Lui-même dit à ses apôtres: «En vérité, je vous dis, que vous qui m’avez suivi, — dans la régénération, quand le fils de l’homme se sera assis sur le trône de la gloire, vous aussi vous serez assis sur douze trônes, jugeant les douze tribus d’Israël» (Matt. 19:28). Telle est la place spéciale d’honneur et de confiance destinée aux douze apôtres de l’Agneau.

«Et sa queue entraîne le tiers des étoiles du ciel». C’est là ce qui semble indiquer que la troisième partie, dont il a été question aux chapitres 8 et 9, se rapporte à l’empire romain. Par là, il faut entendre ce qui est proprement romain, c’est-à-dire la partie occidentale de l’Europe et non ce que les Romains possédèrent de plus, la Grèce, par exemple, et ce qu’ils conquirent de la Babylonie, de la Perse et de la Médie. Ces dernières contrées sont l’Orient. C’est dans la partie occidentale de l’Europe que la puissance du dragon se fait particulièrement sentir.

«Et sa queue entraîne le tiers des étoiles du ciel, et elle les jeta sur la terre. Et le dragon se tenait devant la femme qui allait enfanter, afin que, lorsqu’elle aurait enfanté, il dévorât son enfant. Et elle enfanta un fils mâle, qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer; et son enfant fut enlevé vers Dieu et vers son trône». Il y a ici plusieurs points qui demandent une explication. En premier lieu, la pensée qui prévaut généralement est que la femme représente l’Église. Une simple remarque suffit pour renverser cette fausse notion. L’Église n’est jamais présentée dans l’Écriture comme une mère; bien moins encore pourrait-elle être la mère de Christ qui, évidemment, est le fils mâle. Sous l’image d’une femme, l’Église est la fiancée de Christ, tandis qu’Israël, comme corps, peut en réalité être envisagé symboliquement comme ayant enfanté Christ; qui, en effet, est issu des Juifs selon la chair (Rom. 9:5). Que Christ soit le fils mâle, c’est ce que prouvent clairement les Écritures. «Un enfant nous est né, un Fils nous a été donné», s’écrie Ésaïe (chap. 9:6); et le Psaume 2 nous montre que Celui qui n’est pas seulement l’enfant d’Israël, mais qui est aussi reconnu et honoré de Dieu comme le Fils, doit gouverner les nations avec une verge de fer.

La femme représente donc Israël selon la pensée de Dieu; Israël comme corps, comme ensemble complet; et le fils mâle est, sans nul doute, le Seigneur Jésus. Cela posé, nous pouvons comprendre la signification et la portée de la scène où nous sommes introduits.

Je ferai remarquer une autre chose. Bien qu’il me paraisse évident que Christ est le fils mâle né d’Israël, il peut y avoir, à première vue, pour quelques esprits, une certaine difficulté à comprendre comment la naissance de Christ est introduite dans ce chapitre. Pour résoudre la question, remarquons, comme je l’ai déjà expliqué, que l’Esprit de Dieu ne continue pas ici à présenter le cours des événements à venir. Il retourne en arrière, et rien ne limite jusqu’à quelle époque. Il n’y a dans cette portion du livre aucune date qui puisse servir à fixer le moment où a lieu la naissance du fils mâle. Mais pourquoi, demandera-t-on encore, est-il question ici de cette naissance, puisque c’était un fait bien connu et proclamé depuis longtemps, par la prédication de l’évangile et l’enseignement chez les chrétiens, que notre Seigneur était né, avait vécu et était monté au ciel? Pourquoi la présenter d’une façon si extraordinaire dans la prophétie? La raison en est, me semble-t-il, que Dieu voulait, sans la mentionner distinctement, rappeler, mystiquement et d’une manière frappante, la naissance de Christ, en la rattachant à son enlèvement au ciel et vers son trône. Cela se lie avec la réouverture des voies de Dieu envers les Juifs et leur restauration définitive comme nation.

Il est donc clair que Dieu ne dispose pas ici les sujets relativement au temps, mais selon leur relation avec Christ leur centre. Jean va bientôt après entrer dans la description des scènes finales: auparavant, il nous montre le conseil de Dieu à l’égard d’Israël. C’est ce qui conduit à faire voir l’opposition acharnée du diable quant à l’accomplissement de ce conseil, car c’est ce que l’adversaire redoute le plus. Satan met dans sa résistance à Christ toute la ténacité possible, toute la haine et l’orgueil imaginables. Il reconnaît en Christ celui qui l’a écrasé, et qui est le libérateur de l’homme et de la création; de là l’antagonisme constant qui existe entre lui et le Fils de Dieu. Il y a plus: Satan s’élève contre la relation de Christ, avec le pauvre peuple d’Israël, voué au mépris.

Néanmoins, avant que Dieu ne prenne ouvertement en main la cause d’Israël, nous trouvons ce fait remarquable, que Christ est enlevé vers Dieu et vers son trône. Aucune mention n’est faite de sa vie, ni même de sa mort et de sa résurrection; il semblerait, d’après ce passage, que le Seigneur est monté au ciel aussitôt après sa naissance. Tout est présenté ici à un point de vue entièrement mystique. Ce n’est en aucune manière de l’histoire, ni anticipée, ni en fait. Si c’eût été un sommaire historique, nous y aurions vu indiqués les grands événements de la vie du Seigneur, que nous avons mentionnés, et sur lesquels repose toute espérance pour l’univers. Tout cela est entièrement passé sous silence, et à mon sens, pour nous apprendre, comme le fait aussi la prophétie de l’Ancien Testament, comment le Seigneur et son peuple sont enveloppés, pour ainsi dire, dans le même symbole. De même aussi, mais d’une manière encore plus intime, ce qui est dit de Christ s’applique-t-il au chrétien.

D’après ce principe, je considère l’enlèvement du fils mâle vers Dieu et vers son trône, comme comprenant en soi l’enlèvement de l’Église. La raison pour laquelle cela est introduit ici, dépend de cette vérité que Christ et l’Église sont un, et ont une destinée commune. Puisqu’il est monté au ciel, l’Église aussi doit y être ravie. «Ainsi aussi est le Christ», dit l’apôtre Paul, en parlant de l’Église, car, dans ce passage, il s’agit du corps plutôt que de la tête, et Paul ne dit pas: «Ainsi aussi est l’Église», mais «ainsi aussi est le Christ». C’est suivant la même ligne de pensées que Jean, dans la prophétie, nous montre le fils mâle placé au ciel dans un lieu complètement en dehors des atteintes de Satan. S’il en est ainsi, ce fait se rapporte d’une manière remarquable à ce qui a déjà été affirmé quant à la structure du livre: il y a un nouveau commencement, en rapport avec l’objet spécial que le Saint Esprit a en vue dans cette dernière partie.

Avant tout, Jean a montré le dessein général de Dieu quant aux Juifs. En cela l’ordre est strictement gardé. Nous aurions pu penser que la voie la plus naturelle était d’établir d’abord le fait que le fils mâle avait été enlevé; mais non: Dieu produit et décrit toujours les choses suivant la méthode la plus sage et la meilleure. Christ étant issu d’Israël, il fallait d’abord montrer sa relation avec Israël. Le second fait est l’opposition du diable aux conseils de Dieu; l’obstacle qui est mis pour un temps à leur accomplissement, fournit au Seigneur lui-même l’occasion de prendre sa place dans le ciel, et plus tard à l’Église de l’y suivre. Ensuite revient sur la scène l’intention du Seigneur d’agir pour l’exécution de ses desseins quant à Israël et à la terre. En résumé donc, la première partie de ce chapitre est une représentation mystique de la relation du Seigneur avec Israël, et de sa translation en dehors de la scène, ceci étant l’effet de l’antagonisme de Satan; mais cela donne, pour ainsi dire, occasion à Dieu, de lier à cette disparition de Christ dans le ciel, le fait que l’Église l’y suit au temps convenable; car l’Église est unie à Christ. On voit ainsi que l’enlèvement du fils mâle n’est pas un simple fait historique. L’ascension de Christ est introduite ici, parce qu’elle renferme comme conséquence l’enlèvement subséquent de l’Église, pour qu’elle soit où il est, son corps formant avec lui un seul et même homme mystique devant Dieu, «la plénitude de celui qui remplit tout en tous».

Ce qui précède étant bien compris, le sujet tout entier se trouve considérablement éclairci. «Elle enfanta un fils mâle qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer». Il n’y a pas la moindre difficulté à appliquer ces paroles au fils mâle, envisagé non personnellement et seul, mais mystiquement; d’autant que cette même promesse est faite à l’église de Thyatire, ou plutôt aux fidèles qui s’y trouvent. Le Seigneur dit expressément qu’à celui qui vaincra, il donnera autorité sur les nations, et qu’il les paîtra avec une verge de fer, selon que lui-même l’a reçu de son Père (Apocalypse 2). Cela ne confirme-t-il pas pleinement ce que nous avons avancé? «Et la femme s’enfuit dans le désert, où elle a un lieu préparé par Dieu, afin qu’on la nourrisse là mille deux cent soixante jours».

Au v. 7 s’ouvre une nouvelle scène. Ce ne sont plus les conseils de Dieu ou des principes vus dans sa pensée; nous en venons à des faits positifs, d’abord dans le ciel, puis, plus tard, nous voyons les effets et les changements qui en résultent sur la terre.

«Il y eut un combat dans le ciel: Michel et ses anges combattaient contre le dragon. Et le dragon combattait, et ses anges; et il ne fut pas le plus fort, et leur place ne fut plus trouvée dans le ciel. Et le grand dragon fut précipité, le serpent ancien, celui qui est appelé diable et Satan, celui qui séduit la terre habitée tout entière, — il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui. Et j’ouïs une grande voix dans le ciel, disant: Maintenant est venu le salut et la puissance et le royaume de notre Dieu et le pouvoir de son Christ, car l’accusateur de nos frères, qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit, a été précipité; et eux l’ont vaincu à cause du sang de l’Agneau et à cause de la parole de leur témoignage; et ils l’ont pas aimé leur vie, même jusqu’à la mort. C’est pourquoi réjouissez-vous, cieux et vous qui y habitez». D’après ces paroles, il est évident qu’il se trouve, à ce moment, dans le ciel, des personnes qui y habitent et qui sympathisent profondément avec leurs frères qui souffrent sur la terre. C’est un fait incontestable; et, bientôt après, Satan perd cette faculté qu’il avait eue précédemment de se présenter devant Dieu comme l’accusateur des frères. Plus jamais il ne doit recouvrer cette haute position de puissance, et ne remplira plus le ciel de ses amers reproches et de ses accusations contre les saints de Dieu.

«Malheur», est-il ajouté, «malheur à la terre et à la mer, car le diable est descendu vers vous, étant en grande fureur, sachant qu’il a peu de temps». Cela lie clairement l’expulsion de Satan de sa place dans les lieux célestes, avec la dernière crise par laquelle doivent passer les Juifs et les gentils à la fin du siècle; et nous en donne la raison cachée. Pourquoi cet extraordinaire déchaînement de persécutions? Pourquoi cette action effrayante de Satan ici-bas, pour une courte période, durant trois ans et demi avant la fin? C’est que Satan ne peut plus accuser en haut; en conséquence, il fait ici-bas tout le mal qu’il lui est possible. Il est précipité sur la terre et ne rentrera plus jamais dans les cieux. Bientôt après, il sera banni de la terre, comme nous le verrons, et renfermé dans l’abîme, et enfin, quoiqu’il doive être «délié pour un peu de temps», sa ruine finale et irrémédiable arrivera, car alors il sera précipité, non dans l’abîme, mais dans l’étang de feu, d’où nul ne revient jamais.

Voilà ce que Dieu nous révèle quant à ses voies envers celui qui, du commencement à la fin, se montre le grand ennemi des hommes.

Depuis le v. 13, l’histoire se poursuit sur la terre: «Et quand le dragon vit qu’il avait été précipité sur la terre, il persécuta la femme qui avait enfanté le fils mâle. Et les deux ailes du grand aigle furent données à la femme, afin qu’elle s’envolât dans le désert, en son lieu, où elle est nourrie un temps, et des temps, et la moitié d’un temps, loin de la face du serpent». Ainsi la femme reçoit, non la puissance pour résister à Satan et combattre contre lui, mais les moyens de fuir rapidement sa violence, et de se mettre à l’abri de sa persécution. C’est ce qui est figuré par les deux ailes du grand aigle, dont le vol énergique présente une image vivante d’une fuite procurée par des instruments puissants.

Nous voyons alors l’ennemi, dont Dieu a déjoué les desseins, faire d’autres efforts. «Et le serpent lança de sa bouche de l’eau, comme un fleuve, après la femme, afin de la faire emporter par le fleuve». Il tente de soulever celles des nations qui sont dans un état de désorganisation, pour accabler les Juifs, mais c’est en vain; «la terre», ce qui, à cette époque, se trouve sous un gouvernement stable, «vint en aide à la femme, et la terre ouvrit sa bouche et engloutit le fleuve que le dragon avait lancé de sa bouche. Et le dragon fut irrité contre la femme, et s’en alla faire la guerre contre le résidu de la semence de la femme, ceux qui gardent les commandements de Dieu et qui ont le témoignage de Jésus». Par ces derniers, il faut entendre ceux des Juifs qui seront remarquables par la puissance de leur témoignage. La femme représente ce peuple sous l’idée la plus générale. Le résidu de la semence est la portion qui rend témoignage. Tous les Juifs de cette époque, comprenons-le bien, n’auront pas la même puissance spirituelle: il y aura des différences. Quelques-uns seront plus énergiques et plus intelligents que les autres. Satan les haïra d’autant plus, et s’efforcera de détruire ceux qui maintiendront plus particulièrement le témoignage de Jésus.