Amos

Chapitre 4

Ici nous entendons pour la seconde fois (v. 1; voyez 3:1): «Écoutez cette parole». Le prophète ne s’adresse plus à la famille entière d’Israël, comme au v. 1 du chap. 3, mais aux dix tribus et à la montagne de Samarie. Il descend, pour ainsi dire, de son observatoire élevé de Thekoa, entre sur le territoire d’Éphraïm et prophétise à Béthel:

«Écoutez cette parole, vaches de Basan, qui êtes sur la montagne de Samarie, qui opprimez les chétifs, qui écrasez les pauvres, qui dites à vos maîtres: Apporte, afin que nous buvions! Le Seigneur, l’Éternel, a juré par sa sainteté, que, voici, des jours viennent sur vous, où il vous enlèvera avec des hameçons, et votre postérité avec des haims de pêche. Et vous sortirez par les brèches, chacune droit devant elle, et vous serez lancées vers Harmon, dit l’Éternel» (v. 1-3).

La première comparaison est tirée des images si fréquentes chez Amos, suggérées par les troupeaux. Les «vaches de Basan» ne sont point, comme quelques-uns ont pensé, les femmes de Samarie, en contraste avec les «taureaux de Basan», image de la force brutale; mais elles représentent ici un troupeau de choix engraissé dans les plantureux pâturages du plateau de Basan, au-delà du Jourdain. Leur nourriture est l’oppression des chétifs et l’écrasement des pauvres. Les maîtres qui les paissent, leurs rois, leur fournissent de quoi satisfaire leur soif de bien-être. Je crois que l’ivrognerie, si souvent signalée comme une des plaies d’Éphraïm, n’est pas exclue de cette image (voyez pour notre prophète 2:8; 5:11; 6:6). Tout ce passage se rapporte à la prospérité matérielle de Samarie et aux excès qui l’accompagnent, mais ce bien-être est acquis aux dépens des chétifs et des pauvres qu’elle opprime. En petit, cette histoire d’Israël est une figure de l’histoire du monde à la veille de sa ruine finale. De plus en plus l’ambition des hommes et de leurs gouverneurs tend aujourd’hui vers la prospérité matérielle. Un gouvernement qui satisfait à cette demande: «Apporte, afin que nous buvions» est le bienvenu de son peuple. Les riches eux-mêmes forment des «trusts» pour acquérir des milliards, ruinent toutes les petites industries et les empêchent de vivre. Les États font des efforts immenses et soutenus pour acquérir la prépondérance industrielle sur les autres nations et empêcher leur développement. Avec la prospérité matérielle, les excès, l’immoralité augmentent et se multiplient. La réforme morale est, malgré les apparences, entièrement étrangère à l’esprit des hommes, car «la crainte de Dieu n’est pas devant leurs yeux». L’Éternel rugit de Sion, et en un instant toute cette prospérité est frappée de mort. La sainteté de Dieu n’a pu supporter plus longtemps toute cette injustice. N’est-ce pas un exemple frappant de ce qui nous arrive aujourd’hui? Les jours sont venus: l’épouvante tombe sur le troupeau affolé, qui sort en masse par les brèches, dans une confusion inexprimable, ne sachant où son chemin le conduit. Ici survient une autre image, fréquente dans les prophètes pour indiquer le résultat des invasions de l’ennemi: les hameçons pour prendre chaque poisson et l’amener à la mort, les haims de pêche (d’autres traduisent les crocs) pour les réduire en captivité. «Harmon» n’a pas été identifié et a donné lieu à beaucoup de commentaires; je pense qu’il indique le lieu où la population de Samarie va être transportée.

«Venez à Béthel, et péchez! À Guilgal, multipliez la transgression! Apportez le matin vos sacrifices, tous les trois jours vos dîmes; et faites fumer du pain levé en sacrifice d’actions de grâces; et publiez des offrandes volontaires, annoncez-les! Car c’est ainsi que vous aimez à faire, fils d’Israël, dit le Seigneur, l’Éternel» (v. 4, 5).

Avec la satisfaction de leurs convoitises, un second trait les caractérise: leur religion. Ce qui la rend plus odieuse, c’est qu’ils en ont gardé la forme extérieure. Béthel, où Dieu s’était révélé à Jacob, où Jacob, près d’y retourner, avait enterré toutes les idoles de sa famille (Gen. 35:1-5); Béthel, lieu dont l’idolâtrie avait été bannie, était devenue le lieu du veau associé par Jéroboam 1er, au nom de l’Éternel! Ce spectacle n’est-il pas, dans une mesure, celui qu’offre la chrétienté? Elle a gardé l’apparence extérieure du culte de Dieu, en y introduisant ses idoles. Guilgal, où la chair avait été jugée et retranchée, offrait le même culte hybride; l’homme y apportait son impureté et ses transgressions! À jour fixe il venait offrir à Dieu des sacrifices et des dîmes, et faisait fumer du pain levé, un culte dans la chair, au lieu des pains sans levain d’une vie sainte, consacrée à l’Éternel. Il publiait des offrandes volontaires, pour s’acquérir devant le monde un renom de piété, car il n’avait aucune pensée de les offrir à Dieu.

Les jugements de Dieu étaient la conséquence de cette fausse religion; la famine, la sécheresse, atteignaient un homme et épargnaient son voisin, preuve évidente que ces plaies ne pouvaient être attribuées au hasard, mais à Dieu lui-même qui les infligeait. La perte de leurs récoltes, une peste pareille à la plaie d’Égypte qui était tombée jadis sur leurs ennemis, un renversement comme la subversion de Sodome et de Gomorrhe, les avaient visités; un tison sauvé de l’incendie, misérable reste, déjà à moitié consumé, leur restait encore (v. 4-11). «Et vous n’êtes pas revenus à moi, dit l’Éternel!» Cinq fois ce terme douloureux de reproche se répète. Rien n’avait pu les amener à la repentance. Ils n’avaient pas entendu l’appel: «Écoutez cette parole», n’avaient pas compris que Dieu leur parlait par ces événements, et ne s’étaient pas convertis. Le monde d’aujourd’hui est-il meilleur qu’Israël? La chrétienté a-t-elle prêté l’oreille à tant d’avertissements partiels qui se répétaient, au cours des années? Il a fallu, comme jadis, que «le lion rugît». Si le berger arrache encore quelques restes à l’ennemi, si le sauveteur retire encore quelque tison de l’incendie, l’ensemble de la nation ne revient pas à Dieu. Que lui sera-t-il fait et quel sera son sort? il ne lui reste qu’une chose: «Prépare-toi à rencontrer ton Dieu. Car voici, Celui qui forme les montagnes et qui crée le vent, et qui déclare à l’homme quelle est sa pensée, qui de l’aube fait des ténèbres, et qui marche sur les lieux hauts de la terre — l’Éternel, le Dieu des armées, est son nom!» (v. 12, 13). Quel sera, dans ce moment-là, le sort des hommes? Israël avait-il pu supporter, malgré toute sa préparation, la présence de Dieu assis sur le Sinaï? (Ex. 19:11, 15). Épouvantés et tout tremblants, ils auraient voulu que la parole ne leur fût pas adressée! Lorsqu’ils se préparent à le rencontrer, leur sentence est déjà prononcée d’avance. Dieu les jugera non seulement d’après leurs actes, mais d’après l’état de leur cœur, lui qui en connaît les intentions et qui «déclare à l’homme quelle est sa pensée»; et quand ce jour se lèvera pour Israël, pour l’homme, ce sera l’aube des ténèbres éternelles (voyez Joël 2:2).