Amos

Chapitre 1:1-2

L’Éternel rugit

«Les paroles d’Amos, qui était d’entre les bergers de Thekoa, qu’il a vues touchant Israël, aux jours d’Ozias, roi de Juda, et aux jours de Jéroboam, fils de Joas, roi d’Israël, deux ans avant le tremblement de terre» (v. 1).

Amos était de Thekoa, ville de Juda, fortifiée comme beaucoup d’autres par Roboam, lors de la scission du royaume de Salomon (2 Chron. 11:6). Josaphat avait jadis remporté la victoire sur Moab, Édom et les fils d’Ammon, vers le désert de Thekoa, et ce souvenir pouvait se présenter à l’esprit du prophète, appelé à prononcer le jugement de ces mêmes peuples (1:11, 13; 2:1). Thekoa est situé à 16 kilomètres de Jérusalem et à 8 kilomètres au sud de Bethléem, donc en plein territoire de Juda et de Benjamin. On voit en Jérémie 6:1, que Thekoa ou plutôt Beth-Hakkérem, montagne qui domine cette localité, était un des postes qui signalaient, par un feu, l’approche de l’ennemi. Amos se tient là, pour ainsi dire, surveillant de tous côtés les ennemis qui ont empiété sur l’héritage d’Abraham et assiègent les frontières d’Israël; il annonce leur sort, et c’est de là qu’il est ensuite envoyé à Béthel pour prophétiser contre Éphraïm (7:14, 15).

Amos était «d’entre les bergers de Thekoa». Nous trouvons à diverses reprises, dans sa prophétie, des images empruntées à sa profession, à ses troupeaux, aux luttes du berger avec les bêtes sauvages et à sa vie journalière (1:2; 3, 4, 12; 4, 1; 6:12, etc.). La vocation d’Amos est mentionnée en deux mots, mais l’Esprit de Dieu montre sa souveraineté dans ce choix. Comme il avait pris David d’auprès des parcs de brebis pour l’établir comme Conducteur de son peuple, et plus tard de pauvres pêcheurs qui devinrent ses apôtres, il fait du berger Amos le prophète d’Israël. Cette distinction réduit à néant les prétentions humaines à occuper le service de Dieu. Amos dira plus tard: «Je n’étais pas prophète, et je n’étais pas fils de prophète» (7:14). Il ne l’était ni de vocation, ni de naissance: Tout ordre, établi de Dieu, ayant fait faillite en Israël et en Juda, l’Éternel choisit lui-même son instrument et se plaît à prononcer des oracles par la bouche d’un humble berger. Une telle manière d’agir convient à un temps de ruine où des Amatsia (7:10-17) prétendent en imposer au «voyant» de par leur fausse autorité sacerdotale. Dieu revendique alors la libre action de son Esprit. Les révélations de l’Éternel ont lieu par la bouche de cet homme simple: ses «paroles», il les a «vues»; et ses vraies visions, plus tard, il les proclame.

Le sujet principal de la prophétie d’Amos est Israël. Ce terme désigne en premier lieu les dix tribus (2:6), puis le peuple tout entier, y compris Juda (3:1, 2), enfin les dix tribus, représentant moralement l’ensemble du peuple devant Dieu. Juda lui-même, la tribu du prophète, est aussi mentionné à part comme objet du jugement, car, possédant plus de privilèges qu’Éphraïm, il avait commis les mêmes infidélités (2:4); mais c’est pour les dix tribus que l’heure du châtiment est proche; elle avait sonné dans le prophète Osée, contemporain et successeur d’Amos. En Amos le jugement se rapporte davantage à l’état moral du peuple qu’à des transgressions particulières; mais, quand le jugement s’abat sur les nations, dans les deux premiers chapitres, Juda et Israël y étant compris, leurs transgressions sont mentionnées spécialement.

Le «tremblement de terre» est la date mémorable de la prophétie d’Amos. Nous ne voyons pas que le prophète ait prédit que ce séisme aurait lieu, mais il est pour lui le symbole du jugement qui devait, sous peu, atteindre son peuple. Cet événement a donc un caractère moral, aussi Amos abonde-t-il en images relatives à ce phénomène. Il le représente comme un char faisant craquer le sol sous le fardeau des gerbes, au moment de la moisson. L’homme le plus agile ne réussit pas à l’éviter (2:13-16). Les cornes de l’autel tombent à terre, les maisons et les palais sont renversés, les murailles fendues, et les hommes lancés à travers leurs brèches; c’est une subversion semblable à celle de Sodome et de Gomorrhe (3:14, 15; 4:3, 11; 6:11). Dans ce bouleversement, les eaux de la mer sont versées sur la face de la terre (5:8; 9:6). En un instant le pays tremble, comme les eaux du Nil montent et s’abaissent en une saison (8:8; 9:5)1; le linteau de la porte et ses bases sont ébranlés et tombent sur la tête des hommes (9:1). Mais un jour viendra où toutes ces ruines seront réparées (9:11).

1 La crue du Nil atteint les neuf dixièmes du volume ordinaire de ce fleuve.

Le tremblement de terre du règne d’Ozias est mentionné en Zacharie 14:5 qui l’assimile au grand événement du dernier jour, quand la montagne des Oliviers sera fendue sous les pieds du Seigneur pour mettre en fuite les oppresseurs du Résidu captif à Jérusalem. La prophétie d’Amos n’a pas cette portée future, car elle prédit les jugements prochains qui atteindront le peuple. Il est cependant à remarquer qu’en Zacharie comme en d’autres passages, la mention d’un tremblement de terre ne signifie pas, comme en Amos, des jugements sans mélange, mais des jugements dont peut sortir la délivrance. C’est ainsi qu’en Matthieu 27 le tremblement de terre ouvre les sépulcres et délivre les saints; c’est ainsi qu’en Actes 16:26 il met en liberté Paul et Silas et produit la conversion du geôlier; et nous dirons que même en Amos, s’il remplit le livre de ses ruines, il est l’avant-coureur d’une délivrance finale, présentée au dernier chapitre.

«Et il dit: L’Éternel rugit de Sion, et de Jérusalem il fait entendre sa voix; et les pâturages des bergers mènent deuil, et le sommet du Carmel est séché» (v. 2).

Cette expression: «L’Éternel rugit de Sion» est d’une grande importance et caractérise toute la prophétie d’Amos. L’Éternel y est représenté comme le «lion de la tribu de Juda» rugissant parce qu’il a une proie (cf. 3:4) qu’il dévorera; ce lion de Juda dominera sur Jérusalem, lieu où la grâce royale sera reconnue à la fin. Joël, parlant du jour de l’Éternel dans la vallée de Josaphat, se sert exactement des mêmes termes: «L’Éternel rugira de Sion, et de Jérusalem il fera entendre sa voix, et les cieux et la terre trembleront (Joël 3:16); seulement Joël annonce les jugements futurs qui introduiront le règne millénaire du Fils de David Amos, comme nous l’avons dit, ne va pas si loin il annonce des jugements prochains; le lion de Juda rugit au jour même de sa prophétie. Amos commence et Joël finit; les jugements qu’il annonce sur les nations, puis sur Juda et Éphraïm sont près de s’exécuter et ont un caractère gouvernemental. Seulement le juste gouvernement de Dieu n’est pas la fin de ses voies envers les nations: il reste encore son juste jugement, le jugement national définitif et c’est de ce dernier que Joël nous entretient comme tant d’autres prophètes qui nous parlent du «jour de l’Éternel». Au contraire, la vision d’Amos s’arrête aux calamités qui fondront dans un avenir très rapproché sur les nations et sur le peuple d’Israël, et montre les causes spéciales qui les ont rendues nécessaires. C’est ainsi qu’en Amos, le Pharaon, l’Assyrien, Babylone, sont successivement et à divers intervalles la verge de l’Éternel pour châtier tous ces peuples1, tandis que la dernière scène de Joël ne présente rien de semblable, mais montre l’Éternel en personne, exécutant le jugement final, et brisant définitivement l’Assyrien après s’être servi de lui comme d’une verge contre Israël.

1 Cela n’exclut nullement le fait qu’on verra renaître et jouer un rôle dans les scènes de la fin, toutes les nations qui environnent Israël. C’est ce que l’on voit en Joël où Tyr, Sidon, la Philistie, Édom reparaissent pour le jugement du grand jour dans la vallée de Josaphat. Amos ne va pas jusque-là.

Ce que nous venons de dire est d’une grande importance pour nous. Les jugements que nous voyons aujourd’hui s’abattre sur la terre ne sont pas les jugements de la fin. En Amos nous avons affaire à une prophétie maintenant accomplie; tel est, sauf au dernier chapitre, le caractère très spécial de notre prophète. Nous y trouvons des avertissements dont l’accomplissement présage un jour futur et en affirme d’avance la terrible réalité. Il en est de même pour nous aujourd’hui! Si «la fin n’est pas encore», que sera-t-elle pour l’injuste et le pécheur?

En Joël les cieux et la terre trembleront quand l’Éternel fera entendre sa voix; en Amos le tremblement de terre du v. 1 caractérise seul, comme nous l’avons déjà noté, toutes les scènes qui se déroulent sous nos yeux. Ici les conséquences du rugissement sont locales: «Les pâturages des bergers mènent deuil, et le sommet du Carmel est séché». Cette image correspond à ce que le berger Amos avait sous les yeux. Quand les jugements de Dieu s’exécutent, plus d’occupations paisibles où l’âme des simples se complaît; adieu les pâturages du désert de Juda, familiers aux bergers de Thekoa, et ceux du Carmel où les brebis paissent à l’ombre des forêts. Le vent de la colère de l’Éternel a passé sur les uns, et desséché même le Carmel ombreux. Nous rencontrons les mêmes images au chapitre 25 du prophète Jérémie. Après avoir annoncé (v. 15-29) le jugement prochain, par Babylone, sur toutes les nations mentionnées par Amos et sur d’autres encore, il parle du rugissement de l’Éternel, de sa demeure sainte, du cri et des hurlements des pasteurs, dont les pâturages sont dévastés et les parcs paisibles désolés devant l’ardeur de la colère de l’Éternel (v. 30-38). Ce passage a donc beaucoup de rapport avec les versets que nous venons de considérer.