2 Samuel

Chapitre 24

Morija1

1 2 Chron. 3:1.

Le second livre de Samuel se termine par la plus merveilleuse révélation de l’œuvre rédemptrice qui ait été donnée sous l’économie de la loi.

La Parole nous dit que «la colère de l’Éternel s’embrasa de nouveau contre Israël» (v. 1). Elle ne nous révèle pas à quelle occasion, mais nous avons vu, au chap. 21, que des faits, passés depuis longtemps, restaient présents devant Dieu, quand il s’agissait du châtiment ou de la discipline de son peuple. David fut l’instrument de ce châtiment: «Dieu incita David contre Israël, disant: Va, dénombre Israël et Juda». Nous trouvons en 1 Chron. 21:1, que, comme dans le cas de Job, Satan fut l’agent employé contre le peuple et pour séduire David. «L’accusateur des frères» aurait voulu que Dieu maudît le peuple et son prince; il ne pouvait savoir que Dieu l’emploierait comme serviteur involontaire de ses desseins pour la bénédiction finale et le triomphe de ses élus.

On pourrait se demander en quoi le dénombrement du peuple était si contraire aux pensées de l’Éternel, car, dès la sortie d’Égypte, plusieurs dénombrements des hommes valides d’Israël avaient été ordonnés et approuvés de Dieu.

Le premier dénombrement qui soit mentionné (Ex. 38:25-27), avait pour but de recueillir l’argent (se montant à un béka par tête) destiné à former les bases des colonnes du tabernacle; il avait donc lieu pour l’Éternel et en vue de son culte. Le second dénombrement (Nombres 1:2, 3) était destiné à établir le nombre des hommes propres pour la guerre, au moment où Israël allait entrer en conflit avec l’ennemi. La chose était selon Dieu; il fallait que chaque Israélite, depuis vingt ans et au-dessus, comprît sa responsabilité personnelle dans les combats de l’Éternel1. La Parole mentionne un troisième dénombrement (Nombres 26:2, 52-65) de ceux qui étaient propres au service militaire, en vue du partage du pays. Ici encore, le dénombrement était de toute importance, car chaque famille voyait augmenter on diminuer son héritage en Canaan, suivant le nombre de ses fils.

1 Un recensement supplémentaire fut ordonné (Nombres 3:40) au sujet des premiers-nés, depuis l’âge d’un mois et au-dessus. Les Lévites leur furent substitués pour appartenir à l’Éternel. Ceux qui dépassaient le nombre des Lévites durent être rachetés, et l’argent du rachat fut remis à Aaron et à ses fils.

Le dénombrement de notre chapitre n’avait aucun de ces caractères. Le tabernacle étant bâti, Lévi substitué aux premiers-nés, l’héritage conquis en grande partie, restaient les hommes propres pour la guerre, mais Dieu «avait délivré David de la main de tous ses ennemis» (22:1). Qu’avait-il besoin de prendre connaissance du nombre de ses guerriers! Son but, il le dit à Joab, était de «savoir le nombre du peuple» (v. 2). À l’instigation de Satan, le cœur de ce roi pieux subissait sur la fin de sa vie, une tentation très contraire à son caractère. David avait toujours été un homme humble devant l’Éternel (2 Sam. 7:18) et devant les hommes (1 Sam. 26:20). Il semblait qu’il ne fût pas obligé de se mettre en garde contre l’orgueil. Autrefois, la convoitise des yeux et de la chair l’avait entraîné, et il en avait été sévèrement puni; maintenant tenté par l’orgueil de la vie, il ne résiste pas au désir de se rendre compte de ses propres forces, afin de savoir en quelle mesure il peut s’appuyer sur elles. Le châtiment l’atteint pour lui apprendre qu’il ne peut et ne doit compter que sur Dieu seul.

Joab blâme son maître. Cet homme qui ne s’était jamais jugé, condamne l’homme de Dieu. La parole du roi lui «était une abomination» (1 Chron. 21:6). Quelle honte pour un David d’être repris par un Joab! On ne peut découvrir qu’une seule cause à la répugnance de ce dernier à obéir aux ordres du roi. Il n’y avait ni profit à tirer de cet acte, ni avantage à braver Dieu. Joab ne l’avait jamais fait que lorsqu’il pouvait y trouver son compte et que ses intérêts étaient en jeu. Pourquoi donc David commettrait-il cette action profane et inutile!

Le désir du roi prévaut. Pendant plus de neuf mois, Joab et les chefs de l’armée s’emploient au dénombrement, et pendant ces neuf mois la conscience de David ne parle pas; mais, dès qu’il a obtenu le fruit de son désir, il lui trouve une saveur amère. Tant de peine dépensée pour un objet si misérable! Et encore y manquait-il quelque chose, car Lévi et Benjamin n’avaient pas été dénombrés [1 Chr. 21:6]. Devant ce résultat incomplet, David devait sentir doublement la folie de sa poursuite.

Nous faisons les mêmes expériences que lui. Satan nous leurre par des convoitises. Jamais la possession de leur objet ne peut rassasier le cœur d’un enfant de Dieu, parce qu’il ne peut faire taire sa conscience. L’homme du monde n’y trouve pas plus de satisfaction que le chrétien, mais il se met à la poursuite d’objets nouveaux par lesquels il espère combler le vide qu’il ressent. Il se réveille épouvanté, les mains vides, le cœur vide, image de la misère morale, ayant perdu la communion avec Dieu et la jouissance du ciel et n’ayant pas gagné celle de la terre. Sa conscience le reprend, et il vient à Dieu plein de repentance. Ah! combien David désirerait maintenant effacer ces neuf mois funestes! Il ne le peut. Alors il saisit la seule ressource qui lui reste et s’adresse à l’Éternel: «J’ai grandement péché dans ce que j’ai fait; et maintenant, ô Éternel, fais passer, je te prie, l’iniquité de ton serviteur, car j’ai agi très follement» (v. 10). Il avait vu, dans une autre occasion, combien il en coûtait d’offenser la sainteté de Dieu. Un nouveau jugement allait-il tomber sur lui! Les conséquences de son acte lui font peur, mais trop tard; elles auraient dû l’épouvanter avant qu’il s’engageât dans ce chemin. Sa repentance ne peut pas rendre le mal moins coupable et moins digne de jugement; elle ne peut pas expier son péché, ni le délivrer de ses conséquences. Que reste-t-il donc à David! À subir le jugement qu’il aurait voulu éviter.

Mais ici sa foi se montre. L’Éternel, par la bouche de Gad, met devant lui trois choses; il choisit la dernière. L’épée de l’Éternel, cette épée à deux tranchants, est plus rassurante pour lui que l’épée de l’homme, parce qu’il connaît Dieu. N’a-t-il pas appris, dans sa longue carrière de douleurs, d’épreuves et de combats, que «les compassions de l’Éternel sont grandes»! (v. 14). Il se remet entre les mains de la justice, parce qu’il la sait inséparable de la miséricorde. David est dans une «grande détresse» (v. 14), comme le résidu d’Israël à la fin, mais il sait qu’il peut compter sur la grâce de Dieu (conf. 12:13).

La peste sévit; l’ange a frappé du nord au midi, de Dan à Beër-Shéba (v. 15), dans toute la sphère du dénombrement (conf. v. 7); il arrive à Jérusalem, étend son épée sur la ville bien-aimée (1 Chron. 21:16). À ce moment, «Dieu se repent» et arrête la main de l’ange. Il ne l’arrête pas à cause de la repentance de David, mais à cause de sa propre repentance. Son jugement cède le pas à sa grâce, sans que ni l’un ni l’autre soit affaibli ou sacrifié.

Mais auparavant David intervient comme intercesseur et comme arbitre entre Dieu et le peuple: «Voici, moi j’ai péché, et moi j’ai commis l’iniquité; mais ces brebis, qu’ont-elles fait? Que ta main, je te prie, soit sur moi et sur la maison de mon père» (v. 17). Il prend le jugement sur lui et se met à la brèche, afin que les brebis soient épargnées; il se charge du péché et de l’iniquité — mais hélas! ce péché était son péché, ce jugement, il l’avait mérité. Un autre, un seul arbitre, a porté nos péchés sans en avoir aucun et, les faisant siens, a mis sa vie pour ses brebis, en disant: «Si donc vous me cherchez, laissez aller ceux-ci» (Jean 18:8).

Maintenant un troisième grand fait se présente. Le premier était la grâce, le second, l’intervention d’un arbitre entre Dieu et les hommes, le troisième est le sacrifice. C’est la miséricorde d’un côté, le sacrifice de l’autre, qui arrêtent le jugement définitif, et le vrai arbitre peut se lever et dire: «J’ai trouvé une propitiation» (Job 33:24). Jérusalem, la cité de la grâce, est épargnée, mais elle ne peut l’être que par le sacrifice expiatoire offert à Morija, dans l’aire d’Ornan, le Jébusien (2 Chron. 3:1).

Morija était le lieu historique où Abraham avait offert Isaac1 (Gen. 22:2). C’est en cette montagne de l’Éternel qu’il «y a été pourvu». Combien plus, quand le péché d’Israël et de son roi avait suscité contre le peuple le jugement de l’Éternel! Il y était pourvu maintenant par un sacrifice qui ne coûtait rien au peuple, mais dont David payait le prix complet. Il y a été pourvu d’une manière bien plus parfaite en cette même montagne où Jésus a été crucifié pour nous.

1 Le fait a été contesté par la critique moderne, mais ses objections sont sans valeur.

Dieu qui avait autrefois pourvu à la victime pour l’holocauste, accepte le sacrifice, après en avoir prévu l’efficacité, et ainsi la grâce souveraine, régnant en justice, manifestée comme telle sur la croix, devient le moyen d’approche pour Israël. L’ancien tabernacle est délaissé avec son autel; l’arche seule reste sur la montagne de Sion. Un nouvel ordre de choses commence. Le système de la loi est laissé de côté comme suranné; la libre grâce qui pourvoit au sacrifice, vaut mieux que tout ce que l’homme pourrait offrir. C’est là que l’Éternel répond aux besoins de tout pauvre pécheur, là aussi que le croyant sacrifie et adore (conf. 1 Chron. 22:1). Ce n’est plus le tabernacle de Moïse, mais l’aire d’un Jébusien, étranger aux promesses, qui devient le lieu de rencontre entre Dieu et son peuple!