2 Samuel

Chapitre 17

Le service

Le roi, comme nous l’avons vu, avait renvoyé Tsadok, Abiathar et Hushaï à Jérusalem, pour les y employer à son service. Les démonstrations de dévouement ne suffisent pas, quelque précieuses qu’elles soient au cœur du maître, et ne sont que le prélude du service. Il en est de même pour nous, chrétiens; et, comme Hushaï et les sacrificateurs, il ne nous est pas loisible de choisir le lieu, ni la manière dont nous le servirons; c’est à lui à les déterminer. Il s’agissait ici d’annuler le conseil d’Akhitophel, d’empêcher que ce faux prophète ne réussît à ruiner la cause de David.

Dans les v. 1-4, nous découvrons le dessein caché de l’ennemi: il en veut à David. Il estime avec raison que, ce dernier supprimé, tout s’écroulera et que le peuple deviendra la proie d’Absalom. «Je frapperai le roi seul; et je ramènerai à toi tout le peuple» (v. 2). Ainsi agit le prince des ténèbres: tout son effort tend à supprimer Christ. Il a ameuté, dans ce but, le monde contre Lui, mais à la croix, au lieu de gagner la partie, il l’a perdue, et son pouvoir a été brisé. Mais il ne se tient pas pour battu. Il ameutera plus tard, au moment qu’il croira favorable, les rois de la terre pour briser le joug de Christ. Alors «celui qui habite dans les cieux se rira d’eux, le Seigneur s’en moquera» (Ps. 2).

La parole d’Akhitophel parut «bonne aux yeux d’Absalom et aux yeux de tous les anciens d’Israël» (v. 4), convaincus de l’excellence du moyen proposé par cet homme. Comment se fait-il donc qu’Absalom se décide à appeler aussi Hushaï, l’Arkite, pour l’entendre? Comment se fait-il qu’après l’avoir entendu, Absalom et tous les hommes d’Israël disent: «Le conseil d’Hushaï, l’Arkite, est meilleur que le conseil d’Akhitophel»? (v. 14). C’est que Dieu dirige les circonstances, les décisions des hommes et leurs appréciations, tout en un mot, comme il l’entend et pour accomplir ses desseins. À considérer les choses du dehors, Dieu semble indifférent à ce qui se passe; le mal triomphe, le mal domine, les hommes surpassent les imaginations de leur cœur; mais Dieu est caché derrière la scène, Dieu, auquel rien ne peut résister et auquel Satan même sert d’instrument. Pour nous la puissance de Satan est formidable, pour Dieu elle est moins que le fétu de paille qu’un léger souffle emporte. «Le Dieu de paix», est-il dit, «brisera bientôt Satan, sous vos pieds». Ce n’est ni le puissant Créateur ni le Dieu de vengeance, qui brise cette puissance formidable; c’est le Dieu de paix. Cet acte ne lui coûte aucun effort; il brise paisiblement cet ennemi sous les pieds de ses saints

Le bon parfum du service est répandu partout dans ce chapitre. Chacun concourt à cette activité, dans le but de donner au maître la place qui lui revient et que des méchants lui ont enlevée. Hushaï, l’ami de David, est le premier au danger, mais aussi le premier instrument de la victoire. Les sacrificateurs sont les premiers confidents. Leurs fils, Jonathan et Akhimaats, portent le message qui doit sauver David et sa troupe. Une simple et obscure servante (v. 17) s’emploie à le leur faire parvenir. La femme de Bakhurim, tout aussi obscure, aussi peu nommée que la Marie de Matt. 26:6-13, aussi respectueuse qu’elle du domaine que Dieu a confié à sa responsabilité, une femme qui garde la maison, accomplit son service envers les envoyés et leur ménage une cachette que l’ennemi ne peut découvrir. Son service est une «bonne œuvre» envers David, quoiqu’il ait les deux messagers pour objet immédiat. Il y a là une chaîne ininterrompue de service concourant au même but. Un chaînon manquant, David deviendrait la proie d’Absalom. Le dévouement de la pauvre servante a tout autant de valeur pour le roi que le beau désintéressement de Hushaï. Aucun n’est méprisable et les plus humbles auront peut-être la meilleure place, quand il sera dit: «Celui-ci et celui-là sont nés en elle» (Ps. 87:5). «En quelque lieu que cet évangile soit prêché», dit le Seigneur, «dans le monde entier ce que cette femme a fait sera aussi publié en mémoire d’elle» (Matt. 26:13).

Non seulement les différents services, quels qu’ils soient, forment un tout, parce qu’ils n’ont qu’un but et un objet; il est encore digne de remarque que le service de l’un appelle, pour ainsi dire, le service de l’autre. D’un bout à l’autre de ce récit, chaque agent se met à l’œuvre, suscité par l’agent précédent. Souvent, en des moments de lassitude et de découragement spirituel, nous nous plaignons du peu d’empressement de ceux qui nous succèdent à servir efficacement le Seigneur, à risquer quelque chose, confort, gain, réputation, pour maintenir vis-à-vis du monde les droits de notre Maître. De telles plaintes sont sans efficace, et ressemblent fort au cri d’Élie: «Je suis resté moi seul!» Ce que nous avons à faire, c’est de redoubler de zèle, d’un zèle sans défaillance pour servir le Bien-aimé. Comme les ondes du son, de la lumière et de la chaleur, l’ébranlement s’en fera bientôt sentir au-delà de notre sphère restreinte.

David averti, tout son peuple passe le Jourdain, sans qu’il en manque un seul1. Grâce au service, le vrai peuple de Dieu met une barrière entre lui et l’ennemi. Akhitophel, blessé dans son orgueil, mais surtout appréhendant le triomphe final de David, s’ôte la vie, se précipitant dans le jugement éternel pour échapper à la vengeance future! (v. 23).

1 Nous retrouvons ici l’image du résidu fuyant Jérusalem, poursuivi par le dragon, la Bête et le faux prophète, et gardé hors des limites d’Israël, malgré le fleuve débordant, sans que tombe un seul cheveu de leur tête (Apoc. 12:16).

David, poursuivi par Absalom, arrive à Mahanaïm. C’est là que Jacob, revenant de son exil, rencontra l’armée de Dieu pour le garantir des entreprises d’Ésaü. C’est là que David, reprenant sous la discipline le chemin de l’exil, se trouve sous la même égide. Combien rassurant pour l’âme! Nos circonstances peuvent changer: que ce soit la force ou la faiblesse, le creuset ou la restauration de l’âme; dans l’un ou l’autre cas, le danger restant le même, qu’il vienne d’un Ésaü ou d’un Absalom, les ressources de notre Dieu restent immuables.

Amasa remplace Joab à la tête de l’armée du fils rebelle. Il était cousin de Joab par les femmes, mais aussi par le déshonneur de sa mère. Joab, nous le verrons, ne pardonne jamais rien, ni une tache sur sa famille, ni sa place usurpée, ni le danger d’une compétition pour le commandement suprême.

À Mahanaïm, nous trouvons le service envers le peuple de David, comme auparavant envers le roi lui-même. Il est touchant de voir un même zèle amener trois personnages si différents de position, de nationalité, de caractère. Un objet d’intérêt commun fait tomber toutes les barrières. Shobi, l’Ammonite, fils de Nakhash, frère de ce Hanun qui avait outragé les envoyés de David (10), homme de race royale, est associé avec Makir, fils d’Ammiel, de Lodebar, simple serviteur de Saül et jadis gardien du pauvre Mephibosheth (9:4). Barzillaï, le Galaadite, de Roguelim, se joint à eux; il avait l’autorité de l’âge et le prestige des grandes richesses (19:32); mais l’âge n’arrête pas son service, et toutes ses richesses sont employées à entretenir le roi et son peuple. Le peuple attire tout spécialement la sympathie de ces hommes: «Le peuple a faim, et il est fatigué, et il a soif dans le désert» (v. 29). Rien ne leur coûte, quand il s’agit des compagnons du roi fugitif; ils agissent par la foi; leur intérêt n’entre pas même en ligne de compte dans leur service. L’autorité de l’un, l’activité de l’autre, les richesses et la considération du troisième, sont mis aux pieds de David, représenté par ses compagnons. Tous ces hommes désirent, comme Abigaïl, laver les pieds des serviteurs de leur seigneur, et cet abaissement n’en est pas un, car il exalte et glorifie un David abaissé aujourd’hui, mais établi demain en gloire au-dessus de tous les rois de la terre.