2 Samuel

Chapitre 12

Pardon, Discipline et Restauration

Un certain temps s’était écoulé depuis la faute de David. La guerre contre Ammon, commencée au chapitre précédent qui, à lui seul, embrasse les événements de près d’une année, cette guerre continuait encore. Le siège de Rabba n’était pas achevé, et nous savons qu’à cette époque, le siège d’une ville pouvait durer des années. Pendant toute cette période, la conscience de David était restée muette, quoique son péché fût sur lui, et le fruit de sa transgression devant ses yeux.

L’Éternel intervient alors, après avoir longtemps attendu la repentance; Nathan le prophète, porteur de sa parole, vient de sa part réveiller l’âme du roi. — Comme ce chapitre diffère du 7°! En un temps de prospérité et de joie, tout entier au service de l’Éternel, David n’avait qu’une pensée: bâtir une maison à son Dieu. Une première fois, le Seigneur lui avait envoyé Nathan pour lui annoncer que le moment n’en était pas venu, mais aussi pour lui ouvrir les trésors de sa grâce, car son but était de réjouir l’âme de David. Aujourd’hui la scène a changé. Le prophète lui est envoyé pour le placer dans la lumière d’un Dieu saint et juste, dont les yeux sont trop purs pour voir le mal et qui doit le juger.

Nathan parle en parabole, et David aveuglé ne voit pas que ce récit le concerne. Il y avait, dit le prophète, deux hommes dans une ville, l’un riche, l’autre pauvre; l’un possédant du gros et du menu bétail, l’autre, une seule petite brebis qu’il chérissait. Un voyageur entra chez l’homme riche qui, pour épargner son propre bétail, prit la brebis de l’homme pauvre et l’apprêta pour l’homme qui était venu chez lui.

Ayons l’œil sur un tel voyageur, car nous sommes tous exposés à recevoir sa visite dans nos maisons. Assurément, quand il se présente, mieux vaut lui fermer la porte. Ce voyageur, c’est la convoitise, une convoitise passagère, non pas de celles qu’on loge et nourrit habituellement chez soi. Ce voyageur était entré chez le roi, sachant qu’il y trouverait de quoi se nourrir. Nos cœurs aussi, contiennent toujours les éléments voulus pour succomber aux tentations de Satan. David, oubliant la dépendance de Dieu, avait cru pouvoir se reposer, au lieu de servir et de combattre. Ces éléments suffisaient pour que le voyageur se fît ouvrir la porte, et marquât son passage de désordres et de ruines.

«La colère de David s’embrasa fort contre l’homme; et il dit à Nathan: L’Éternel est vivant, que l’homme qui a fait cela est digne de mort; et il rendra la brebis au quadruple, parce qu’il a fait cette chose-là et qu’il n’a pas eu de pitié» (v. 5, 6). Le cœur, la conscience de David sont en mauvais état et cependant son jugement reste juste. Quoiqu’étant lui-même sous le joug du péché, il le juge sévèrement chez les autres. Quand il ne s’agit pas de nous-mêmes, nous avons souvent un discernement clair et complet du mal chez autrui, sans que nos propres cœurs soient jugés (Matt. 21:41).

«Et Nathan dit à David: Tu es cet homme!» Quel subit effondrement! David a prononcé sa propre sentence; il est digne de mort! Ce coup atteint nécessairement son cœur, mais il descend jusqu’aux couches profondes de sa conscience. Placé soudain dans la lumière, un pécheur qui ne connaît pas Dieu peut être convaincu, avoir la bouche fermée, sans que cette conviction pénètre plus avant, mais, pour l’enfant de Dieu, un tel état ne peut être que momentané.

L’Éternel rappelle maintenant à David tout ce qu’il a fait pour lui: «Je t’ai oint pour roi sur Israël, et je t’ai délivré de la main de Saül, et je t’ai donné la maison de ton seigneur, et les femmes de ton seigneur dans ton sein, et je t’ai donné la maison d’Israël et de Juda; et si c’était peu, je t’eusse ajouté telle et telle chose» (v. 7, 8). Les trésors de ma grâce étaient à toi, et tu as péché en présence de mon amour! «Pourquoi as-tu méprisé la parole de l’Éternel, en faisant ce qui est mauvais à ses yeux?» En quoi l’avait-il donc méprisé? Dieu l’avait comblé de bénédictions, et il leur avait préféré la satisfaction de ses convoitises!

Le même jugement est prononcé contre Éli (1 Sam. 2:30), parce qu’il avait honoré ses fils plus que Dieu. Il craignait l’Éternel, mais l’avait méprisé en laissant ses fils fouler aux pieds son sacrifice et son offrande qu’il avait commandé de faire dans sa demeure. Aussi l’Éternel lui dit: «Ceux qui me méprisent seront en petite estime». Nous trouvons la même vérité en Luc 16:13: «Nul serviteur ne peut servir deux maîtres; car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre: vous ne pouvez servir Dieu et les richesses». Avoir comme objets de convoitise les choses que ce monde peut offrir, c’est mépriser Dieu. L’âme s’en doute généralement fort peu, mais Dieu l’estime ainsi. «Parce que tu m’as méprisé», répète-t-il au v. 10.

David avait préféré le péché à Dieu. Quelle chose affreuse! Nos consciences ne nous disent-elles rien! Chaque cœur naturel a des convoitises qui l’attirent. Par «convoitises», il ne faut pas entendre seulement les souillures du monde, mais «la convoitise des yeux, la convoitise de la chair, l’orgueil de la vie», la vanité, les plaisirs, l’ambition. Ces choses trouvent un facile accès dans le cœur du chrétien, et combien de jours et d’années se passent souvent sans que nous leur fermions la porte? Chaque fois que nous l’ouvrons à cet hôte, nous méprisons le Seigneur lui-même. De là le jugement de Dieu sur son serviteur.

Les grâces accordées à David, étaient terrestres; les nôtres sont «des bénédictions spirituelles dans les lieux célestes en Christ». Ces choses ont-elles un tel prix pour nos cœurs, qu’ils n’aient plus aucun asile à offrir «au voyageur»? La discipline et le jugement du Seigneur tomberont sur nous, dans la mesure où nous accueillons ou rejetons cet hôte.

Le prophète annonce à David trois choses: «L’épée ne s’éloignera pas de ta maison, à jamais». Dieu n’a pas révoqué cette parole de sang. Puis (v. 11, 12): Tu as semé pour la chair, tu en récolteras la corruption. Ces deux choses qui, dès l’origine, ont caractérisé le monde assujetti au péché (Gen. 6:11), allaient devenir les hôtes habituels de la maison du pauvre roi coupable.

Avant de nous exposer au gouvernement de Dieu en discipline, souvenons-nous que ce gouvernement est inflexible. Nous ne pouvons éviter les conséquences de nos actes, de notre conduite; toute la parole de Dieu nous le prouve. La première épître de Pierre nous montre que, même sous l’économie de la grâce, les principes du gouvernement de Dieu sont immuables. Sans doute, l’âme d’un chrétien qui tombe doit être restaurée, mais dans ce monde il n’est pas délivré des conséquences de son acte.

David en a fait l’amère expérience jusqu’au bout de sa carrière, quoique son âme, pleinement restaurée, ait pu recommencer à chanter sur la harpe les «doux cantiques d’Israël». La discipline elle-même devient alors un thème nouveau pour célébrer les richesses de la grâce.

Nathan ne dit qu’un mot: «Tu es cet homme», pour convaincre David. Celui-ci ne dit qu’un mot en la présence de Dieu: «J’ai péché contre l’Éternel». Quand l’âme a vu cela, elle a fait un pas immense. Lorsqu’un chrétien est tombé et que Dieu a mis à nu son péché, l’on trouve habituellement chez lui la confession de sa faute: «J’ai péché». Mais qu’importe cela, une fois ce péché mis en lumière? David dit: «J’ai péché contre l’Éternel», non pas: J’ai péché contre Urie, ou contre la femme d’Urie. Nos péchés contre les autres peuvent nous être pardonnés par ceux que nous avons offensés; nous pouvons remédier, dans une certaine mesure, à nos péchés contre nous-mêmes, mais qu’avons-nous à dire, quand nous avons péché contre l’Éternel? On dit: «J’ai péché»; on est honteux de son péché, parce que les hommes le voient, mais c’est autre chose quand on est convaincu que ce qu’on a fait a été «mauvais aux yeux de l’Éternel».

Ayant produit cette conviction complète de péché, Dieu ne fait pas attendre longtemps son pauvre serviteur coupable. Il ne lui dit de nouveau qu’une parole: «Aussi l’Éternel a fait passer ton péché». Il ne dit pas: L’Éternel fera, mais «a fait passer ton péché». Il s’était occupé à l’avance du péché de son serviteur; il a pourvu à ce qu’il fût ôté de dessus lui et qu’il n’en fût plus question devant Dieu. C’est ce que nous trouvons à la croix de Christ.

Nathan dit ensuite à David: «Tu ne mourras pas; toutefois, comme par cette chose tu as donné occasion aux ennemis de l’Éternel de blasphémer, le fils qui t’est né mourra certainement. Et Nathan s’en alla dans sa maison» (v. 14, 15). «Tu as donné occasion aux ennemis de l’Éternel de blasphémer». Telle est la conséquence que le monde tire de nos fautes. Satan emploie chacun de nos péchés pour produire, dans le cœur des hommes, une aversion ouverte contre Dieu et contre Christ. Voilà, dit le monde, où les conduit leur religion; et Dieu est blasphémé. Satan excite les convoitises chez un chrétien, non seulement pour pouvoir l’accuser, mais pour produire chez les hommes témoins de sa chute, de l’aversion contre Christ, afin qu’ils ne se tournent pas vers Lui pour obtenir le salut.

La violence et la corruption dans sa maison avaient été annoncées à David comme fruit de son péché. La troisième chose est la mort de son enfant. La mort s’abat, non pas sur lui, coupable, mais sur son fils chéri. Il faut que le jugement de Dieu atteigne, d’une façon visible et immédiate, aux yeux de tous, la maison du roi. L’enfant tombe malade: le pauvre père est dans l’affliction, le jeûne, les supplications. S’il était possible que Dieu lui fît grâce! Non, la discipline doit avoir son cours. Quel supplice pour ce cœur, dont la tendresse était extrême, devant la victime innocente de sa faute!

L’enfant meurt. David se lève de terre, se lave, s’oint d’huile et change de vêtements. C’est comme un nouvel homme, commençant une nouvelle carrière. Il entre dans la maison de l’Éternel et se prosterne. Est-ce pour mener deuil? Non, mais pour reconnaître la justice, la sainteté, l’amour de Dieu, la revendication de son caractère dans la discipline. David se relève restauré; il peut entrer dans sa maison et se faire servir à manger. Après s’être courbé devant Dieu, il est en chemin pour retrouver la communion avec Lui.

Ses serviteurs lui disent: «Qu’est-ce que tu fais? Tu as jeûné et tu as pleuré à cause de l’enfant, pendant qu’il était en vie; et quand l’enfant est mort, tu te lèves et tu manges». David répond: «Tant que l’enfant vivait encore, j’ai jeûné et j’ai pleuré, car je disais: Qui sait: l’Éternel me fera grâce, et l’enfant vivra? Mais maintenant qu’il est mort, pourquoi jeûnerais-je? Pourrais-je le faire revenir encore? Moi, je vais vers lui, mais lui ne reviendra pas vers moi» (v. 21-23). «Je vais vers lui». David est satisfait maintenant de porter, jusqu’au bout de sa carrière, le sceau de cette discipline dont la mort de son fils est le témoin. «Lui ne reviendra pas vers moi». Cette joie ne peut être la part de David, mais il accepte comme nécessaire, le chemin de la mort, dans lequel il aura à marcher désormais pour retrouver son fils.

Le roi peut maintenant consoler Bath-Shéba. La grâce coule de nouveau vers lui. Il a un fils qu’il nomme Salomon (le pacifique) et que Dieu fait appeler par Nathan du nom de «Jedidia» (le bien-aimé de l’Éternel). La grâce introduit Bath-Shéba, que sa souillure empêchait d’avoir part aux bénédictions, dans la lignée du Messie (Matt. 1:6). Elle devient la mère du roi de paix et de gloire. La grâce aime à se montrer envers des êtres déchus qu’elle associe à Christ, pour manifester dans les siècles à venir qu’elles sont ses «immenses richesses».

Pour se rendre compte de la manière dont l’âme de David fut restaurée, il est nécessaire de considérer le Ps. 51. D’autres Psaumes font allusion aux mêmes circonstances, mais, selon notre habitude, nous ne citons dans ces méditations que les Psaumes, dont le titre fait allusion aux événements qui les ont occasionnés. Tel est le Ps. 51: «Psaume de David; lorsque Nathan le prophète vint à lui, après qu’il fut entré vers Bath-Shéba». Ce Psaume, prophétique comme tous les Psaumes, dépasse de beaucoup les circonstances de la vie de David. Ainsi: «Fais du bien, dans ta faveur, à Sion; bâtis les murs de Jérusalem» (v. 18), a trait à des événements futurs. La «coulpe du sang» n’est pas seulement le meurtre d’Urie, mais celui du Messie. David lui-même, comme nous le verrons dans la suite de cette histoire, est le type du résidu de Juda, placé sous la colère gouvernementale de Dieu. Ce même Psaume peut aussi être employé dans la prédication de l’Évangile pour décrire l’état d’un pécheur, revenant à Dieu, comme le fils prodigue, et disant: «J’ai péché contre le ciel et devant toi»; mais, ce que nous cherchons ici, ce sont les sentiments individuels produits dans l’âme du croyant, privé de la communion par sa chute, et ayant perdu la joie de son salut.

Deux pensées dominent dans le cœur de David au début de ce Psaume; la première, c’est que la grâce est la seule ressource de sa transgression (v. 1); la seconde, qu’il a péché contre Dieu seul (v. 4) (parole sortie, comme nous l’avons vu, de la bouche de David en présence du prophète), «afin que tu sois justifié quand tu parles, trouvé pur quand tu juges». J’ai péché, dit le roi, en sorte que la justice contre le péché soit manifestée. Ô Dieu! tu trouves moyen, par mon péché, de te justifier toi-même. Tu te justifies en montrant que tu ne supportes pas le péché. Pour moi, c’est la condamnation absolue, mais toi, tu sauras en tirer ta gloire! Ce sont là des sentiments dignes d’un saint que Dieu amène jugé et humilié en sa présence.

Ensuite le Psaume nous montre trois états du cœur chez le croyant restauré. Ces trois états et leurs conséquences sont dépeints dans les trois divisions de ce Psaume.

(v. 2-8). Premier état du cœur, décrit par ces mots: «Voici, tu veux la vérité dans l’homme intérieur, et tu me feras comprendre la sagesse dans le secret de mon cœur». «La vérité dans le cœur», Dieu veut tout d’abord la produire, en nous introduisant devant Lui quand nous avons péché. Souvent l’âme juge un acte et ne va pas plus loin, mais ce n’est pas encore toute la vérité dans le cœur. David juge son acte: «Car je connais mes transgressions, et mon péché est continuellement devant moi» (v. 5); mais il juge encore son état: «Voici, j’ai été enfanté dans l’iniquité, et dans le péché ma mère m’a conçu» (v. 7). Il ne lui suffit pas de juger son péché; il juge le péché en lui, ce qu’il a été dès sa naissance. Il ne se contente pas de dire: «J’ai outragé Dieu», mais il remonte à la source de cet outrage et comprend que la raison de tout ce mal était dans son cœur. La sagesse consiste à discerner ces choses.

(v. 9-15). La vérité dans le cœur a porté ses fruits: un second état du cœur en est la conséquence: «Crée-moi un cœur pur, ô Dieu! et renouvelle au dedans de moi un esprit droit» (v. 10). De quelle manière ce cœur pur pouvait-il être produit? «Purifie-moi du péché avec de l’hysope, et je serai pur; lave-moi, et je serai plus blanc que la neige» (v. 9). Il parle de l’hysope avec lequel on faisait aspersion du sang sur le lépreux, puis du lavage d’eau. Sous la loi, à chaque péché, l’aspersion du sang devait être renouvelée; pour nous, le sacrifice a été offert une fois pour toutes; mais en outre, l’âme du croyant a besoin continuellement du lavage d’eau par la Parole, appliqué par notre Souverain Sacrificateur aux souillures contractées pendant la marche: «Lave-moi, et je serai plus blanc que la neige». — Mais, pour avoir un cœur pur, il faut autre chose que notre purification personnelle: «Cache ta face de mes péchés, et efface toutes mes iniquités» (v. 11); il est nécessaire que Dieu lui-même ne s’en souvienne plus. Pour un saint de l’Ancien Testament, ce n’était pas une chose faite, et nous ne pourrions nous exprimer de la même manière que ce v. 11; mais, quand nos cœurs ont été purifiés de toute iniquité, nous nous présentons devant Dieu avec la conscience qu’il ne s’en souvient plus. La conséquence en est le retour de la joie du salut, et l’esprit d’affranchissement qui nous soutient.

Aux v. 16-21, nous trouvons un troisième et dernier état de cœur, état qui, depuis sa chute et son relèvement, caractérisera désormais David jusqu’à la fin de sa carrière. «Les sacrifices de Dieu sont un esprit brisé. Ô Dieu! tu ne mépriseras pas un cœur brisé et humilié» (v. 19). Ce qui le brise, c’est de se trouver en présence de «la coulpe du sang» (v. 16), de penser qu’il a versé le sang du juste Urie, image prophétique du sang de Christ versé par Israël, et qui reste sur ce peuple et ses descendants jusqu’au moment où le résidu retournera à Lui, le cœur brisé et humilié. Nous aurons, par la suite, à revenir sur ce sujet; mais n’oublions pas que Dieu nous discipline pour nous amener, par degrés, du cœur vrai et du cœur pur, au cœur brisé, seule condition qui nous convienne en présence de la croix, seul sacrifice que Dieu accepte avec celui de la louange (v. 17), seul état du cœur qui ne nous expose pas à des chutes nouvelles.