2 Samuel

Chapitre 10

Hanun

La grâce de David ne s’adresse pas au résidu juif seulement. Au chap. 10, il la présente à des gentils rebelles. Moab et Ammon, descendants de Lot, formaient presque un seul peuple, ayant été de tout temps alliés, ensemble et avec les ennemis d’Israël, pour nuire au peuple de Dieu. «L’Ammonite et le Moabite n’entreront pas dans la congrégation de l’Éternel; même leur dixième génération n’entrera pas dans la congrégation de l’Éternel, à jamais; parce qu’ils ne sont pas venus à votre rencontre avec du pain et de l’eau, dans le chemin, lorsque vous sortiez d’Égypte, et parce qu’ils ont loué à prix d’argent contre toi, Balaam, fils de Béor, de Pethor, en Mésopotamie, pour te maudire. Mais l’Éternel, ton Dieu,... a changé pour toi la malédiction en bénédiction, car l’Éternel, ton Dieu, t’a aimé» (Deut. 23:3-5). Telle est l’ordonnance de Dieu à leur égard. Israël ne devait jamais chercher leur paix ni leur prospérité; et cependant David désire gagner par sa grâce, si ce n’est ce peuple comme tel, du moins le cœur du chef de la nation en lui apportant des consolations.

Il en sera de même à la fin des temps: la grâce de Dieu, apportée par le règne du Christ, sera offerte aux nations. Des messagers seront envoyés pour engager les gentils à se soumettre. Une grande multitude d’entre eux trouvera aisé le joug du fils de David; d’autres, comme Hanun, refuseront de rien accepter de Lui.

Mais cette histoire, comme celle de Mephibosheth, nous parle d’autre chose encore que du règne futur de Christ et de sa grâce offerte aux nations de la fin. Nous y trouvons aussi les voies de Dieu pour le temps actuel.

«David dit: J’userai de bonté envers Hanun, fils de Nakhash, comme son père a usé de bonté envers moi» (v. 2). Nous n’avons aucune raison de penser que ce Nakhash ne soit pas le même qui nous est présenté au premier livre de Samuel, ch. 11, et dont l’orgueil et la fureur désiraient se satisfaire en crevant l’œil droit de tous les habitants de Jabès de Galaad, pour jeter l’opprobre sur Israël. Dieu les délivra par la main de Saül, mais nous voyons combien cet homme méchant et sanguinaire était ennemi du peuple de Dieu, et son caractère naturel fait ressortir d’autant plus ce que notre chapitre dit de lui.

«Son père a usé de bonté envers moi». La Parole n’en dit rien dans le récit des pérégrinations de David; le premier livre des Chroniques n’en fait aucune mention. L’histoire, en un mot, ne s’en souvient pas — mais David, type de Christ, se souvient d’un acte de bonté de la part de cet homme qui devait le haïr comme futur roi d’Israël. En un temps où l’oint de l’Éternel était rejeté, ce Nakhash (Dieu avait en tout cas la haute main dans tous ses actes) lui avait montré de la bienveillance.

Il peut arriver que le monde, qu’un homme appartenant au monde ennemi du peuple de Dieu, fasse une chose pour Christ, laisse parler son cœur, pour offrir quelque secours à ceux qui représentent ici-bas le Seigneur Jésus. Cet homme peut oublier son acte, le monde aussi peut l’oublier; il n’est consigné nulle part, mais le Seigneur ne l’oublie pas. Un tel homme n’en reçoit pas au ciel une récompense, mais les yeux, le cœur, les pensées du Seigneur Jésus sont attirés vers lui; il ne veut pas rester le débiteur de celui qui, bien qu’ennemi dans le fond, a fait quelque chose pour Lui. «David l’envoya consoler par ses serviteurs au sujet de son père». Nakhash était mort; il avait été, sans doute, un bon roi pour son peuple, et Hamm, son fils et son successeur, affligé de cette grande perte, avait besoin d’être consolé. David pense à lui.

Il en est de même aujourd’hui. Le Seigneur n’oublie rien, et en échange d’un acte de bonté à son égard, accompli par un homme méchant, il lui envoie de quoi le rendre heureux. Ce sont des consolations, des choses qui peuvent réconforter l’âme sur laquelle pèse la douleur introduite dans le monde par le péché. David connaissait les besoins de Hanun; il savait pouvoir les remplacer par des sentiments de douceur et de joie. Il ne lui envoie ni présents, ni richesses, ni honneurs, mais ce qui vaut infiniment mieux, de quoi le consoler. Il l’envoie par ses serviteurs; recevoir ceux-ci, c’était le recevoir lui-même.

Il en est ainsi de l’Évangile annoncé au monde. Combien il est encourageant de penser que le Seigneur a les yeux sur chacun et qu’il n’oublie pas les cœurs des pécheurs, portés vers Lui, ne fût-ce qu’un seul moment, pour leur offrir ses bénédictions, à eux et à leurs enfants.

Quel bonheur pour Hanun, s’il avait compris les intentions du roi. La grâce est toujours le caractère de David. Elle fait de lui le type remarquable du Seigneur Jésus, sans parler de ses souffrances et de ses afflictions. Ne l’a-t-il pas montrée, cette grâce, dans le cours même de ce livre, en présence du triste sort de Saül, du sort tragique d’Abner et d’Ish-Bosheth? David n’a que du bien à dire de ses ennemis; il oublie leur animosité et leurs outrages; son cœur noble et large s’élève au-dessus de toute considération personnelle pour ne considérer ses adversaires qu’à la pure lumière de la grâce. C’est ainsi que Jésus envoie à ses pires ennemis l’heureux message du salut!

Hanun ne le reçoit pas. S’il avait été seul, peut-être son cœur eût-il été touché; il ne chasse pas immédiatement les messagers, mais il est mal conseillé; les chefs des Ammonites excitent sa défiance: «N’est-ce pas pour reconnaître la ville, et pour l’explorer, et pour la détruire, que David t’a envoyé ses serviteurs?» Combien, lorsque Jésus n’est pas connu, ces suggestions réussissent aisément! Ces gens, disent-ils, sont des hypocrites; leur but est de nous faire la guerre.

Ah! que de fois, par ces insinuations, les serviteurs du Seigneur ont été arrêtés dans leur œuvre pour gagner des âmes à Christ!

Le monde a plus de confiance dans l’opinion de ses conseillers que dans le message de Christ, et ces derniers feront tout pour détourner de l’Évangile ceux des leurs qui auraient quelque inclination à le recevoir. De la défiance à l’outrage il y a moins de distance qu’il ne semblerait.

«Hanun prit les serviteurs de David, et fit raser la moitié de leur barbe, et fit couper leurs vêtements par le milieu jusqu’au bas des reins, et les renvoya» (v. 4). C’était la plus grande ignominie qu’on pût infliger aux ambassadeurs d’un roi. Il leur fallait traverser le territoire d’Hanun, déshonorés, à demi-nus, objets de risée et de moqueries. Est-il étonnant qu’ils fussent «très confus»? David envoie à leur rencontre pour leur dire: «Habitez à Jéricho jusqu’à ce que votre barbe ait poussé; alors vous reviendrez» (v. 5).

Le dernier message de grâce — et combien Hanun se doutait peu que ce fût le dernier — a été repoussé. La conséquence en est un jugement terrible qui commence dans ce chapitre et continue dans les suivants, jugement sans pitié, produit par l’indignation pour l’outrage fait à la grâce.

Quand les fils d’Ammon virent qu’ils s’étaient mis en mauvaise odeur auprès de David, ils «envoyèrent, et prirent à leur solde des Syriens de Beth-Rehob et des Syriens de Tsoba, vingt mille hommes de pied, et le roi de Maaca avec mille hommes, et ceux de Tob, douze mille hommes. Et David l’apprit, et il envoya Joab et toute l’armée, les hommes forts» (v. 6, 7).

On outrage le Seigneur Jésus et l’on a peur de Lui; on se montre son ennemi et, voulant éviter le jugement, l’on fait une confédération pour lui résister. «Pourquoi s’agitent les nations, et les peuples méditent-ils la vanité? Les rois de la terre se lèvent, et les princes consultent ensemble contre l’Éternel et contre son Oint. Rompons leurs liens, et jetons loin de nous leurs cordes! Celui qui habite dans les cieux se rira d’eux, le Seigneur s’en moquera. Alors il leur parlera dans sa colère, et, dans sa fureur, il les épouvantera: et moi, j’ai oint mon roi sur Sion» (Ps. 2:1-6). Les événements se développent rapidement dans le monde. Le moment n’est pas éloigné où la confédération des peuples parlera ainsi contre l’Oint de l’Éternel. Malheur à eux! Le moment n’est pas loin non plus où l’Éternel se moquera d’eux et où il exaltera, par son jugement, Celui qu’il a oint roi sur Sion.

Nous retrouvons ici, chez David, quelques signes de faiblesse. N’aurait-il pas dû se mettre à la tête de son armée au lieu de la confier à Joab? Il semble que cette vie de luttes continuelles lui pesait un peu, et qu’il pensait pouvoir remettre à d’autres la conduite de la guerre, pour s’accorder un peu de repos.

Les fils d’Ammon sortent pour faire face à l’armée d’Israël, tandis que les nations alliées cherchent à la tourner. Joab combine habilement son plan de bataille. Plaçant son frère Abishaï contre les Ammonites, lui-même fait face aux Syriens. Il dit à son frère: «Si les Syriens sont plus forts que moi, tu me seras en aide; et si les fils d’Ammon sont plus forts que toi, j’irai pour t’aider». Joab ajoute: «Sois fort, et fortifions-nous à cause de notre peuple et à cause des villes de notre Dieu; et que l’Éternel fasse ce qui est bon à ses yeux» (v. 11, 12). Commençons par être forts, dit Joab. Combattons pour l’honneur de notre nation, et à cause des villes de notre Dieu. Voilà ce que nous avons à faire, et que l’Éternel fasse ensuite ce qu’il jugera bon; nous ne refusons pas son aide. C’est un peu la devise du monde: Aide-toi, le ciel t’aidera. La piété de Joab ne dépasse pas ce niveau.

Joab remporte la victoire, mais une victoire inutile. Les fils d’Ammon et les Syriens s’enfuient; les premiers rentrent dans leur ville. Ils sont plus battus que vaincus ou faits prisonniers. La bataille est sans fruit; c’est à recommencer. David avait remis aux mains de l’homme ce que Dieu lui avait confié. La leçon est pleine de mansuétude, car David ne subit pas de défaite; mais l’enseignement du Seigneur le fait rentrer dans le vrai chemin.

Les Syriens se rassemblent de nouveau; alors «David assembla tout Israël, et passa le Jourdain, et vint à Hélam; et les Syriens se rangèrent en bataille contre David, et se battirent avec lui. Et les Syriens s’enfuirent devant Israël; et David tua aux Syriens sept cents chars et quarante mille cavaliers, et il frappa Shobac, chef de leur armée, et il mourut là. Et tous les rois qui étaient serviteurs d’Hadarézer virent qu’ils étaient battus devant Israël, et ils firent la paix avec Israël, et le servirent. Et les Syriens craignirent d’aider encore aux fils d’Ammon». C’est une victoire réelle et complète, si complète que les rois se soumettent à Israël.

David devait tirer instruction d’un tel fait. Il s’était soustrait à sa responsabilité, mais maintenant il avait appris à l’école de Dieu le danger de cette abstention.

Restent les fils d’Ammon; la tâche est plus difficile, nous allons le voir. Mais nous assisterons aussi aux terribles expériences de David pour n’avoir pas appris, une fois pour toutes, la leçon que le Seigneur lui donnait d’une manière si miséricordieuse.