2 Samuel

Chapitre 4

Ish-Bosheth

Ce chapitre est le dernier de ceux qui racontent les préludes de la royauté de David. Satan, le séducteur, ne se décourage pas dans son œuvre malfaisante contre l’oint de l’Éternel et, repoussé une première fois, ne craint pas de revenir à la charge. Au chap. 1, il avait offert la couronne à David par le moyen d’un Amalékite. Selon l’homme, il eût été fort naturel de la recevoir, mais David ne peut accepter un don quelconque de la main d’un ennemi. Sa foi triomphe. Il punit «celui qui était, à ses propres yeux, un messager de bonnes nouvelles». «Je le saisis», dit-il «et le tuai à Tsiklag, lui donnant ainsi le salaire de sa bonne nouvelle» (4:10). Refoulé ainsi, l’ennemi ne craint pas de reprendre l’offensive. Dans l’intervalle David avait reçu, de la main de Dieu, la royauté sur Juda (chap. 2). Mais, quant à la royauté sur Israël (chap. 3), il est tenté par les propositions d’Abner qui se présentent d’une manière insidieuse, en sorte que le roi est moins préparé à y résister. Nous avons vu que Dieu intervient et le délivre, en se servant de l’iniquité de Joab. Ainsi l’alliance avec les onze tribus, fruit des plans de l’homme, est réduite à néant. Ce n’est pas de ce côté que David peut attendre la couronne.

Cependant le danger n’est pas écarté, car le grand séducteur ne se lasse point. Deux hommes méchants et criminels assassinent le fils de Saül que David lui-même appelle «un homme juste1» (v. 11). Baana et Récab apportent au roi la tête d’Ish-Bosheth et lui ouvrent, par leur crime, le chemin du règne sur tout Israël: «Voici la tête d’Ish-Bosheth, fils de Saül, ton ennemi, qui cherchait ta vie; et l’Éternel a donné en ce jour au roi, mon seigneur, d’être vengé de Saül et de sa race» (v. 8). Au lieu d’accepter leur offre, David, saint dans ses voies, juge le mal, le hait et s’en sépare.

1 Ish-Bosheth était un homme juste en contraste avec ces méchants. David ne veut pas dire qu’il fût juste devant Dieu, mais nous voyons ici, encore une fois, la grâce de David qui reconnaît toujours le bien chez ses ennemis. Grande leçon pour nous.

Le bras de la chair était indispensable à Ish-Bosheth. Lors du meurtre d’Abner, «ses mains furent affaiblies, et tout Israël fut troublé» (v. 1) car le fils de Saül avait «un grand homme» pour soutien de son trône, et tout s’écroule quand cet appui lui manque. Il n’en était pas ainsi de David. L’expérience lui avait fait connaître ce que valait l’homme et ce que Dieu valait. Cette expérience, il est vrai, se renouvelle souvent dans la vie du croyant. Quand tous les appuis naturels, ceux même que Dieu nous avait donnés, nous manquent, nous restons dans la faiblesse la plus absolue. C’est une leçon que nous devons apprendre, parce que, comme chrétiens, nous mettons souvent notre confiance en des fondements qui peuvent être ébranlés. Alors notre foi est mise à l’épreuve, et il s’agit de savoir si Dieu nous suffit comme ressource.

Nous faisons ainsi l’expérience mentionnée au Ps. 30:7. «Moi, j’ai dit dans ma prospérité: Je ne serai jamais ébranlé». David était un homme de foi qui avait appris beaucoup de choses pendant les épreuves du premier livre de Samuel. Mais lorsqu’il écrit ce psaume 30, «pour la dédicace de la maison», toutes les expériences du premier livre étaient déjà passées. «Éternel! par ta faveur tu as donné la stabilité et la force à ma montagne» (v. 8). Ce n’est pas la montagne de Sion, la montagne de Dieu, qui «ne peut être ébranlée», mais il parle ici de lui-même et des ressources humaines qui lui appartenaient de la part de Dieu. Or si ces ressources nous font défaut, quel sera l’état de notre âme! Nos mains seront-elles affaiblies comme celles d’Ish-Bosheth, ou bien jouirons-nous d’une paix stable, d’une ferme assurance? Combien souvent, hélas! nous devons répondre: «Tu as caché ta face, j’ai été épouvanté» (v. 7).

Quelles que soient nos difficultés, nous avons à veiller à ce qu’elles n’influencent pas l’état de nos âmes. Si la foi est en activité, on refuse de chercher du secours dans les circonstances extérieures. C’est ainsi que David dit au Ps. 11:1: «Je me suis confié en l’Éternel; — pourquoi dites-vous à mon âme: Oiseau, envole-toi vers votre montagne?» Quand nous traversons des épreuves, le monde nous dit: Va chercher ton secours dans ta montagne; sers-toi des ressources que tu as en réserve dans ce monde. La foi répond avec David: Non, car il n’y a pas de fondement ici-bas qui ne soit détruit, mais «l’Éternel est dans le palais de sa sainteté; l’Éternel a son trône dans les cieux;» c’est là que je me réfugie.

À Tsiklag, David dans l’angoisse «se fortifie en l’Éternel, son Dieu» (1 Sam. 30:6). Ish-Bosheth ne connaissait pas cette ressource. Dans les jours heureux où la faveur de Dieu a donné de la stabilité et de la force à notre montagne, il nous faut chercher soigneusement et journellement la vraie source de la force, afin de n’être pas, si les difficultés surgissent, comme des oiseaux craintifs emportés, on ne sait où, par le vent d’orage, mais afin de savoir nous réfugier, dans le mauvais jour, auprès de Celui qui rassemble ses poussins sous ses ailes, à l’ombre desquelles nous chanterons de joie! (Ps. 63:8).

Par le meurtre d’Ish-Bosheth, Récab et Baana fraient à David le chemin de la royauté. La question se posait s’il lui était loisible d’en profiter. Un sens spirituel plus exercé lui aurait fait refuser, dans le chapitre précédent, l’alliance que lui proposait Abner. Il comprend ici que non seulement il ne peut employer l’aide humaine qui s’offre à lui, mais encore qu’il doit la refuser comme offerte par Satan. C’est ce que nous devons faire, quand le monde s’offre à nous secourir.

Cette histoire nous montre que Dieu se sert de tout pour accomplir ses desseins de grâce envers David: d’Abner, de Joab, de Récab et de Baana. Certes il les désapprouve, mais sa providence fait concourir à ses voies le mal lui-même. Le mal sera jugé, mais aura servi aux conseils de Dieu. La croix n’est-elle pas, par excellence, la preuve de sa manière d’agir?

Et maintenant, si Dieu emploie ces moyens, ai-je, moi, le droit de m’en servir! Nullement, car Dieu est souverain, et moi, je ne le suis pas. Lui, peut se servir du mal, de Satan lui-même, comme il l’entend; moi, je suis un être placé sous Sa dépendance, et je dois obéir. L’obéissance me fait marcher dans le chemin que la parole de Dieu me révèle, chemin de sainteté qui me sépare du mal et du monde. Quand le monde vient m’offrir ses services, je les refuse, car j’ai affaire à Dieu. «L’Éternel est vivant, qui a racheté mon âme de toute détresse...» (v. 9). Tel est Celui dans lequel je me confie. Je ne veux rien recevoir du monde, parce que je dépends de l’Éternel.

En un temps de réveil qui n’est pas loin du nôtre, réveil gâté, dès son origine, par des doctrines antiscripturaires qui portent encore aujourd’hui leurs tristes fruits, mais où Dieu agissait cependant pour la conversion des âmes, quelqu’un disait à un serviteur de Dieu: Pourquoi ne vous associez-vous pas à cette activité? N’est-il pas évident que Dieu agit ici par son Esprit? L’autre répondit ces mots, qui, sans doute, ne furent pas compris: «L’esprit souffle où il veut, mais, moi, je dois obéir». Cette réponse illustre ce que nous venons de dire. Dieu est souverain; Lui seul peut se servir du mal, mais moi, je n’ai pas d’autre fonction que de m’en retirer.

Ce mélange du bien et du mal est comme un ruisseau qui charrie des eaux malsaines. Boirai-je de cette eau qui m’empoisonnera? Je ne le puis, mais ce ruisseau est conduit jusqu’au fleuve qui l’emploie. Le fleuve est une large voie qui reçoit l’eau des ruisseaux les plus bourbeux pour la conduire à la mer. Il en est ainsi des voies de Dieu; elles se servent des éléments les plus disparates pour alimenter la vaste mer de ses conseils. La mer se charge d’engloutir, de déposer dans ses profondeurs, de juger, en un mot, tout élément impur, en sorte qu’il ne monte d’elle qu’une eau pure vers le ciel où le soleil l’attire. C’est le travail de la mer et du soleil, et non pas le nôtre.

Mais David aurait pu raisonner ainsi: en permettant ce meurtre, la providence de Dieu agit pour me donner le trône, je suis donc libre de l’accepter de la main des meurtriers. Il se serait trompé, car même la providence de Dieu nous place au milieu de circonstances où notre foi est mise à l’épreuve, afin que nous n’acceptions pas les choses en présence desquelles nous sommes amenés. Nous avons l’exemple de Moïse à la cour du Pharaon. La Providence ne l’y avait pas amené pour accepter cette position et jouir «des délices du péché», mais afin que, le moment venu, il eût à s’en retirer par la foi. Sa foi fut ainsi mise en exercice et, placé entre l’adoption de la fille du Pharaon et l’affliction avec le peuple de Dieu, il n’hésita pas à choisir la seconde.

De même ici, les circonstances semblent ouvrir à David l’accès au trône que Dieu veut lui donner. Il repousse avec indignation toute complicité avec le mal et ordonne l’exécution des coupables. Ces leçons ont une grande importance pour nous, car nous sommes continuellement aux prises avec les mêmes principes. Si Dieu nous place ici-bas dans une position facile, il n’a pas pour but de nous y établir, mais que notre foi apprenne à briser ces liens et, libre d’entraves, les quitte avec joie pour aller au-devant du Seigneur. Sachons donc, quand le mal se présente à nous sous une forme quelconque, le juger comme David, le rejeter ouvertement, et n’avoir aucune communion avec lui.

L’acte de David, à la fin de ce chapitre, était donc selon les pensées de Dieu. «David commanda à ses jeunes hommes, et ils les tuèrent et leur coupèrent les mains et les pieds, et les pendirent au réservoir de Hébron» (v. 12). David, possédant l’autorité, devait l’exercer en sainteté et en justice, en sorte que ce châtiment terrible servît d’exemple.

Ce chapitre nous offre encore un enseignement, qu’il est utile de ne pas omettre, parce que, malgré ses expériences personnelles, David reste, jusqu’au chap. 11, un type de Christ. Le fait dont je parle, c’est qu’avant d’obtenir la royauté sur toutes les tribus, David est méconnu de tous, que personne n’apprécie son cœur.

Beéroth était une ville des Gabaonites, reçus autrefois (Jos. 9) dans l’alliance du peuple d’Israël. Beéroth était comptée comme appartenant à Benjamin (v. 2), tribu de Saül, l’ardent ennemi de David. «Les Beérothiens s’enfuirent à Guitthaïm, et ils y ont séjourné jusqu’à aujourd’hui» (v. 3). La cause de leur fuite n’est pas positivement mentionnée, mais ce fait est mis en rapport avec Baana et Récab, fils d’un Beérothien. Nous pouvons en conclure que le récit de la fuite est anticipé, et qu’elle n’eut lieu qu’après le jugement prononcé par David sur les meurtriers. Alors tous les Beérothiens prennent peur et s’enfuient à Guitthaïm.

C’est que ces hommes méconnaissaient David. Ils supposaient que le roi nourrissait des désirs de vengeance et chercherait à la satisfaire en les rendant solidaires du meurtre commis par des citoyens de Beéroth. S’ils avaient connu David, ils se seraient plutôt réfugiés auprès de lui en se confiant à sa grâce. C’est l’attitude du monde envers le Seigneur Jésus. Ne pouvant avoir confiance en un cœur qu’il ne connaît pas et redoutant son jugement, il préfère le fuir, que d’entrer en contact avec Lui. Dans la parabole des talents, l’esclave qui avait enfoui son talent dans la terre méconnaissait de même ce Maître plein de grâce, quand, appelé à lui rendre compte de sa gestion, il lui dit: «Maître, je te connaissais, que tu es un homme dur» (Matt. 25:24).

Au v. 4, un fait qui suivit la mort de Saül, nous reporte encore plus en arrière. La nourrice de Mephibosheth s’enfuit, portant dans ses bras cet enfant de cinq ans; l’histoire est la même que celle des Beérothiens: toujours cette méconnaissance du fils d’Isaï, toujours ce sentiment si naturel au cœur de l’homme. David, apprenant la mort de Saül et de Jonathan, avait mené deuil et prononcé sur eux une complainte, mais il ne vient pas à la pensée de cette pauvre femme qu’il puisse ne pas exercer de vengeance sur le fils de son ami. Elle fuit au lieu de courir à celui qui avait juré à Jonathan et même à Saül, qu’il n’éteindrait point leur race. Elle ne se fie pas plus à l’amour et à la parole certaine de David, que les pécheurs ne se fient à la grâce et à la parole de Christ. La conséquence fut que Mephibosheth «tomba et devint boiteux». David le retrouve plus tard, affligé et infirme par suite du manque de foi de cette femme, qui n’avait pas profité du moment favorable pour confier son fardeau aux mains de l’ami de Jonathan.

Récab et Baana ignorent aussi celui dont le cœur repousse le mal. Ils se précipitent dans la ruine pour avoir méconnu la sainteté de l’oint de l’Éternel. Ils pensent pouvoir s’approcher de lui avec leur péché, sans que David l’abhorre et repousse ces mains souillées du sang d’un juste.

De fait, il n’y a que les siens qui puissent le connaître et s’approcher de Lui en toute confiance, sachant que sa bonté demeure à toujours et que ses promesses sont certaines.

Tes paroles, toujours fidèles,
Seigneur, ne passeront jamais,
Et mon âme qui croit en elles
N’a rien à craindre désormais!