2 Rois

Chapitre 5

Naaman

La scène change. Pendant l’apostasie de la nation, Élisée s’occupe des gentils et devient le moyen de leur salut et de leur purification. Si le chapitre 2 est comme le résumé typique de toute l’histoire future d’Israël, ne perdons jamais de vue que les récits subséquents, si pleins d’actualité pour nos cœurs et nos consciences, sont en même temps des «écrits prophétiques», dont l’application typique ne peut être négligée. À un moment donné, quand l’Esprit prophétique aura réuni autour du nom du Messie, le résidu fidèle d’Israël, les nations, représentées ici par Naaman, seront forcées de rechercher le peuple de Dieu qu’elles avaient opprimé. Elles n’auront pas d’autre ressource que le Dieu d’Israël, pour être guéries de leur lèpre et de leur souillure. Les croyants de la fin, ces captifs des nations, comme la petite fille d’Israël, dont parle notre chapitre, leur montreront le chemin de la guérison, les adresseront au prophète, aux oracles de Dieu donnés au peuple, leur feront connaître l’Éternel, Dieu d’Israël, comme leur unique moyen de salut. Cet immense événement prophétique nous est présenté sous l’image d’un seul homme. Naaman, comme jadis, lors de la conquête de Canaan, une seule femme, Rahab, était l’image de l’admission des gentils parmi le peuple de Dieu. La raison en est que ce sujet n’est encore dévoilé qu’incidemment, et pour ainsi dire mystérieusement, dans l’histoire du peuple d’Israël et de ses rois. Les prophètes le développent plus tard en son entier. Pour le moment, il est intercalé à sa place dans le récit de la carrière d’Élisée. Le rôle futur des nations n’étant qu’indiqué ici, nous n’y insisterons pas davantage1.

1 Indiquons aussi qu’en Luc 9:27, Naaman est un exemple de la grâce dépassant les limites étroites d’Israël, ne reconnaissant plus les droits de l’ancien peuple de l’Éternel, et agissant envers les gentils sur le pied de l’élection, L’histoire de Naaman correspond donc aussi à nos bénédictions actuelles.

Reprenons maintenant en détail ce récit, si souvent commenté, si précieux pour présenter l’Évangile aux âmes, mais où nous nous appliquerons à faire ressortir les vérités qui nous ont frappés personnellement.

«Naaman, chef de l’armée du roi de Syrie, était un grand homme devant son seigneur, et considéré, car par lui l’Éternel avait délivré les Syriens; et cet homme était fort et vaillant, mais lépreux». Naaman était un héros selon le monde; ses grandes qualités lui avaient acquis un nom parmi les hommes. Ceux-ci dressent des statues aux hommes qui les dépassent. Il était en haute estime auprès de son roi et jouissait de la considération de son peuple. Sa vaillance et sa force étaient connues de tous; bien plus, il avait été un instrument providentiel entre les mains de l’Éternel, comme libérateur de sa nation. Que lui manquait-il? Rien, dirait le monde; tout, répond le croyant. Les dons les plus remarquables de l’homme, la position la plus élevée qu’il puisse atteindre, les avantages les plus grands auxquels il puisse prétendre, sont gâtés, annulés par une seule chose, le péché. Cet homme était lépreux; sa personne portait une souillure manifeste. À quoi lui servaient les insignes de sa dignité, toute la gloire extérieure de sa puissance, sinon à faire ressortir l’abjection dans laquelle sa maladie l’avait plongé? Des vêtements somptueux sur un cadavre mettent en relief la corruption qu’ils recouvrent. Pouvait-il avoir un moment de vraie satisfaction avec la lèpre qui rongeait ses chairs et le vouait, en fin de compte, à une mort certaine? Heureux ceux qui, comme Naaman, ont conscience de leur état devant Dieu! Trop souvent les hommes se contentent de se cacher à eux-mêmes et aux autres, en couvrant leur souillure de vains oripeaux, et vont ainsi, fermant les yeux sur leur état, au-devant d’un sort inexorable.

Quel contraste entre la petite fille d’Israël (v. 2) et cet homme! Pauvre être insignifiant aux yeux du monde, séparée de ses appuis naturels et de toutes les bénédictions appartenant au peuple de Dieu, captive et esclave de la femme de Naaman, se tenant, dans cette humble position, devant sa maîtresse, tandis que lui pouvait lever la tête avec orgueil devant son roi! Qu’avait donc cette enfant? Le monde dit: Rien; le croyant répond: Tout! Elle connaissait le prophète et la puissance de la parole de Dieu dont il était la bouche. «Oh», dit-elle, «si mon seigneur était devant le prophète qui est à Samarie!» Se plaint-elle de son sort? Elle n’y pense même pas, possédant un trésor que son bonheur est de pouvoir communiquer. Sa foi ne connaît aucune incertitude, et c’est toujours le caractère de la foi. Que Naaman puisse être mis en contact avec le prophète, elle sait «qu’il le délivrera de sa lèpre». Cette enfant est une vraie évangéliste. L’évangéliste ne peut sauver un pécheur, mais il peut lui montrer le chemin du salut; il s’intéresse à son sort, et l’amour est son mobile pour agir. Il n’a pas d’yeux pour lui-même, quelque méprisables que puissent être ses propres circonstances, mais, possédant un bonheur qu’il met au-dessus de tout, il comprend la misère des autres et leur offre avec une entière conviction ce qui peut les rendre heureux. «Plût à Dieu», disait l’apôtre au roi Agrippa, «que tu devinsses de toute manière tel que je suis, hormis ces liens».

Bien plus encore que cette petite fille dont il se servait, Dieu lui-même s’intéressait à Naaman. Ne l’avait-il pas employé à son insu (v. 1), pour accomplir ses desseins? Seulement jusqu’ici Naaman ne connaissait pas Dieu, il avait donc tout à apprendre. Mais les paroles de l’enfant trouvent un écho dans son cœur, répondent à sa misère secrète, éveillent un désir dont peut-être il se rendait compte à peine, tout en n’ignorant pas son état. Sa première pensée est de s’adresser à son seigneur qui saura peut-être lui ouvrir le chemin de la délivrance.

«Va», dit le roi de Syrie, «et j’enverrai une lettre au roi d’Israël». Le monarque, complètement étranger aux ressources divines, veut traiter de roi à roi le salut de son serviteur; exemple frappant de l’inintelligence du monde. Il ne lui vient pas même à la pensée que Dieu puisse faire quelque chose; comme il est sans Dieu dans le monde, sa seule ressource est l’homme. La lettre qu’il écrit au roi d’Israël en fait foi. «Voici, je t’ai envoyé Naaman, mon serviteur, afin que tu le délivres de sa lèpre» (v. 6).

Naaman lui-même ignore complètement le moyen par lequel il peut être guéri: «Il alla, et prit en sa main dix talents d’argent, et six mille pièces d’or, et dix vêtements de rechange». Tout cela n’a rien qui doive étonner, venant d’un gentil idolâtre, mais que dire du roi d’Israël, aussi étranger que ceux des nations aux ressources qui sont à sa portée dans son royaume? Joram, comme nous l’avons vu, possédait une espèce de religion nationale qui, sans être le culte de Baal, ne valait guère mieux. La religion du vrai Dieu n’avait pas plus de prise sur sa conscience, qu’elle n’en avait sur son collègue de Syrie. Élisée n’avait pas égard à lui, et le lui avait fait savoir dans une occasion précédente (3:14). Joram lit la lettre, déchire ses vêtements, et s’écrie: «Suis-je Dieu, pour faire mourir et pour faire vivre, que celui-ci envoie vers moi pour délivrer un homme de sa lèpre?» Dieu a la main en cela et met le témoignage dans la bouche de ce roi impie, que Celui qui fait mourir et vivre, Dieu seul peut accomplir une telle œuvre. Que peut l’homme, en effet, contre la puissance de la mort, ou pour donner la vie? La preuve que l’Éternel possédait ces deux pouvoirs avait été déjà livrée au milieu d’Israël; la Sunamite avait appris à le connaître sous ces deux caractères, par le moyen du grand prophète Élisée. Il en est de même aujourd’hui. Ce monde a été le théâtre d’une puissance qui abolit la mort, conséquence du péché, et communique une vie de résurrection par l’homme envoyé du ciel à cet effet.

Pas plus que le roi de Syrie, le pauvre roi d’Israël ne sait adresser Naaman au prophète qui a fait de si grandes choses dans son propre pays. Une petite fille esclave en savait beaucoup plus que lui; elle s’intéressait à Naaman, ce que Joram ne pouvait faire; sympathisant à son misérable état, auquel le roi était indifférent, elle connaissait la ressource, ignorée du roi qui l’avait cependant à sa portée.

Élisée apprend que le roi a déchiré ses vêtements en signe de désespoir. C’est alors et pas avant, que Dieu intervient, car, pour manifester sa gloire, il veut que l’impuissance de l’homme soit bien constatée. «Pourquoi as-tu déchiré tes vêtements? Qu’il vienne, je te prie, vers moi, et il saura qu’il y a un prophète en Israël»; parole propre à atteindre la conscience du roi en le condamnant. Savait-il à qui adresser Naaman? Se doutait-il qu’il y eût un prophète en Israël, et n’était-il pas responsable de cette ignorance? Sa profession sans vie l’exposait bien plus au jugement de Dieu que l’ignorance d’un monarque idolâtre. Mais la parole du prophète va à une autre adresse et donne la connaissance du vrai Dieu à un malheureux qui l’ignore et y trouvera son salut. Elle condamne le roi d’Israël et apporte la grâce à Naaman. «Il saura», dit Élisée.

Ce grand homme ne sait rien encore. Il vient au prophète «avec ses chevaux et avec son char», témoins de la puissance de l’homme, et se tient «à l’entrée de la maison d’Élisée», attendant de lui les signes d’une déférence à laquelle il a droit selon le monde. Mais ni sa puissance, ni sa dignité, ni ses mérites, n’ont aucune valeur, s’il s’agit d’entrer en rapport avec Dieu, et c’est la première leçon qu’il lui faut apprendre.

«Et Élisée envoya vers lui un messager, disant: Va, et lave-toi sept fois dans le Jourdain, et ta chair redeviendra saine, et tu seras pur» (v. 10). Le prophète, au lieu de venir en personne, lui envoie un message; il en est de même aujourd’hui de la Parole écrite. Ce message est pleinement suffisant pour guérir la lèpre. La Parole, étant la révélation de toutes les pensées de Dieu, contient mille autres choses que ce message, mais celui-ci, adressé à l’homme pécheur, n’en contient qu’une et des plus simples, le remède contre le péché, et il n’y en a pas d’autre. «Va, et lave-toi sept fois dans le Jourdain». Cet ordre réduit à néant toutes les pensées de Naaman. Il se met en colère, s’en va... peu s’en faut qu’il ne rentre dans son pays aussi lépreux qu’il en était sorti. C’est qu’il pensait que le prophète ferait de grandes choses pour le chef de l’armée de Syrie. «Il sortira sans doute, et se tiendra là, et invoquera le nom de l’Éternel, son Dieu, et il promènera sa main sur la place malade et délivrera le lépreux». Combien d’actes successifs n’accomplirait-il pas, selon Naaman, pour arriver au résultat désiré! Rien de semblable; le message est de la plus grande simplicité. Le prophète n’a pas besoin de venir en personne; sa parole a la même valeur que lui, car elle est la parole de Dieu. Bien plus, le remède n’est pas à trouver: il existe. C’est le fleuve du pays de Canaan dont la vertu coule toujours sans interruption, et qui est à la disposition d’un lépreux qui s’y plonge. Naaman pensait: «Le prophète fera»; Élisée lui envoie dire: «Dieu a fait». «Va, et lave-toi»: il ne fait appel qu’à la foi. Naaman doit croire ce que Dieu lui dit... Est-ce parce que la chose est compréhensible? Elle ne l’est pas. — Parce qu’elle est possible? pas davantage, mais parce que Dieu l’a dite. Cela déroute toutes les idées de l’homme quant au salut. N’en était-il pas de même quand Jésus disait à l’aveugle-né: «Va, et te lave au réservoir de Siloé»?

Qu’est-ce donc que ce Jourdain, dans lequel on est purifié et où l’on acquiert comme une nouvelle naissance? Nous l’avons vu dans le cours de nos méditations, le Jourdain, c’est la mort, mais la mort avec Christ, par laquelle il nous faut passer pour être délivrés du péché. Il faut que toute la plénitude de cette mort (de là, se laver sept fois), nous soit appliquée dans ce but; il nous faut y avoir trouvé la fin de nous-mêmes, en sorte que nous puissions dire avec l’apôtre: «Je suis crucifié avec Christ». Naaman désirait autre chose, mais si Dieu avait fait ce que pensait Naaman, il aurait donné du crédit à un lépreux. Voici donc un salut pour lequel dix talents d’argent, six mille pièces d’or, dix vêtements de rechange, et toutes les dignités que pouvait porter ce grand capitaine, avaient moins de valeur qu’une obole, un salut tout fait, auquel il ne fallait pour l’acquérir, que l’obéissance de la foi!

La mort!... mais, dit Naaman, il y a des rivières à Damas, l’Abana et le Parpar; ne sont-elles pas meilleures que le Jourdain? Non, la mort qui ne coule pas dans le pays des promesses de Dieu, est impuissante à purifier un pécheur. Bien loin d’être sa délivrance, elle serait sa condamnation, car ce qui attend les hommes, c’est de mourir une fois et après cela le jugement. Le Jourdain, lui, n’est pas l’image de cette mort-là, mais de la mort de Christ, de notre mort portée par Lui pour nous en délivrer, et que nous n’aurons jamais à subir. Et c’est aussi notre vie, car, comme nous sommes unis avec Lui dans sa mort, nous le sommes aussi dans sa résurrection.

Il s’en est peu fallu, que le sort de ce malheureux ne fût irrémédiablement fixé. L’Écriture nous dit deux fois qu’il se tourna et s’en alla en colère. Mais Dieu qui a tout dirigé jusqu’ici, veut le sauver; il emploie à cet effet l’exhortation des serviteurs de Naaman. Leur parole est juste: Dieu pourrait nous ordonner de faire de grandes choses, et si nous avons, comme Naaman, l’ardent désir d’être délivrés, ne les ferions-nous pas? Pourquoi Dieu ne les ordonne-t-il point? C’est qu’elles n’ont aucune valeur pour Lui. Il lui a plu de se faire connaître par les, choses viles et méprisées, et celles qui ne sont pas, pour annuler celles qui sont. C’est la faiblesse de la croix, mais c’est la puissance de Dieu!

Dès que, par la simple foi en la parole divine, Naaman a éprouvé cette puissance, la reconnaissance l’amène devant le prophète. Il est mis en rapport direct, non plus avec l’œuvre, mais avec la personne qui l’a accomplie; il est amené à Dieu. «Voici», dit-il, «je sais qu’il n’y a point de Dieu en toute la terre, sinon en Israël». Il connaît Dieu, et, remarquons-le, il le connaît dans un temps et dans un milieu où tout est ruiné du côté de l’homme. Tout avait changé dans l’histoire d’Israël, mais Dieu ne change pas; sa puissance et ses ressources sont aussi intactes qu’aux temps les plus prospères. La foi de Naaman reconnaît le Dieu d’Israël quand Israël lui-même le méconnaît. Il s’approche et voudrait lui donner quelque chose, lui offrir un présent. C’est le dévouement d’un cœur comprenant qu’il doit tout au Dieu qui l’a délivré; mais, malgré ses instances, le prophète refuse. Au commencement, Naaman voulait donner pour recevoir, maintenant il veut donner parce qu’il a reçu, mais cela ne se peut; il doit apprendre que, lorsque Dieu donne, c’est pour donner encore, car ses richesses sont inépuisables. Son œuvre étant entièrement gratuite, il ne souffre rien qui ait même l’apparence de lui attribuer un autre caractère. Naaman, éclairé par la foi, le comprend bien vite. «Si cela ne se peut, qu’on donne, je te prie, de cette terre à ton serviteur la charge de deux mulets. Car ton serviteur n’offrira plus d’holocauste ni de sacrifice à d’autres dieux, mais seulement à l’Éternel». Il demande une petite chose, mais d’une grande importance pour lui, un don bien en accord avec celui qu’il avait reçu, car Dieu lui avait proposé une petite chose qui lui avait procuré un grand salut! Ne pouvant rester en Canaan, il désire emporter avec lui tout juste assez du pays de la promesse pour y ériger l’autel des sacrifices et y établir le culte du vrai Dieu. Dans cette «charge de deux mulets», il prend Canaan avec lui et y trouve une place pour le culte et l’adoration, car le monde éloigné de Dieu ne lui offrirait pas la moindre place où le vrai culte pût être rendu. Ainsi, Dieu sera avec lui comme «un petit sanctuaire». Il en est de même aujourd’hui pour les enfants de Dieu réunis à la table du Seigneur; quoique laissés dans le monde, ils peuvent réaliser le ciel, leur Canaan, l’autel, le souvenir du sacrifice et le culte. C’est là que Naaman pourra rendre enfin quelque chose à Dieu; c’est là que nous offrons le fruit des lèvres qui bénissent son nom.

Naaman n’est cependant pas encore délivré de toute question. «Quand mon seigneur entrera dans la maison de Rimmon pour s’y prosterner, et qu’il s’appuiera sur ma main, et que je me prosternerai dans la maison de Rimmon, que l’Éternel, je te prie, pardonne à ton serviteur en ceci, quand je me prosternerai dans la maison de Rimmon!» La vie du croyant ne peut être sans progrès ni travail de conscience; il sent à bon droit sa faiblesse dans ses rapports avec le monde, et combien il pourrait y déshonorer son Dieu par ses inconséquences et les difficultés de sa position. Nous ne trouvons pas ici, sans doute, une grande foi, mais il y a intégrité de cœur chez ce nouveau converti. Il lui faudra apprendre que les difficultés qu’il prévoit n’existent pas pour Dieu et, quant à sa conduite, l’Éternel veillera sur lui, lui fournissant journellement, pour chaque pas, la lumière nécessaire. C’est une affaire de foi. Dieu ne nous instruit pas d’avance de chaque difficulté que nous rencontrerons. Souvent ce qui nous paraissait un obstacle inévitable, s’évanouit devant nous; à Dieu de diriger les circonstances, et il n’en est aucune que ne puisse surmonter une foi simple et dépendante. «Va en paix», lui dit le prophète. Ne te préoccupe pas, ne te laisse pas enlever ta joie par la pensée de ce qui pourrait t’arriver. Dieu est puissant pour pourvoir à tout. L’important, aujourd’hui, c’est de t’en aller en paix, sans une question entre toi et le Dieu qui t’a sauvé. Laisse à demain sa tâche. Quelle sagesse divine, quel réconfort pour l’âme, dans cette simple réponse: «Va en paix!»

À peine Naaman a-t-il reçu le salut, la connaissance du vrai Dieu et la paix, que l’ennemi se met à l’œuvre pour détruire ce que Dieu a édifié. L’instrument qu’il emploie est Guéhazi, le serviteur même du prophète. Caractère haïssable! Cet homme n’avait donc rien appris à l’école de son maître! L’exemple de ce dernier n’avait produit aucun fruit dans son cœur! Il avait accompagné Élisée, comme celui-ci, autrefois, Élie, lui rendant les mêmes services. Élisée avait trouvé, dans ce chemin de dévouement et d’abnégation, la communion avec Dieu, la connaissance, la puissance, la double mesure du Saint Esprit. Et Guéhazi? Cependant son maître s’était servi de lui, comme d’un instrument pour la bénédiction de la Sunamite, l’introduisant même dans l’intimité de son conseil, au sujet du bien qu’il voulait faire à cette femme; il avait porté le bâton d’Élisée, avait été témoin de la résurrection de l’enfant, avait préparé le repas des prophètes, avait servi d’intermédiaire, comme plus tard les disciples de Jésus, pour nourrir le peuple. Tout cela était oublié, par les mêmes motifs qui poussèrent Juda à trahir le Seigneur. Les intérêts du monde, la cupidité, l’avarice, s’étaient emparés de lui. Jusque-là, ayant à faire surtout aux pauvres, ses convoitises n’avaient pas été sollicitées par la tentation des richesses, mais la vue de ce haut personnage et des trésors qu’il offrait si libéralement, devint le point de départ ou plutôt la manifestation des choses enfouies jusqu’à ce jour dans le secret de son cœur. À toutes les bénédictions précédentes, à celles qui auraient nécessairement suivi les premières, car Dieu ne manque jamais, quand nous sommes fidèles, de nous accorder un surcroît de richesses spirituelles, à toutes ces choses il préfère l’argent, la richesse, sans penser un moment que sa convoitise attirera sur lui le jugement divin.

Mais là n’est pas encore le côté le plus sérieux de sa conduite. Il risque de déshonorer, aux yeux de ce jeune croyant encore inexpérimenté et tout à la joie de sa guérison, ainsi qu’aux yeux de sa suite, le caractère du Dieu que le prophète représente. C’est là, tout chrétien soucieux de la gloire de Christ le sentira profondément, le caractère le plus odieux de l’acte de Guéhazi. Il compromet le serviteur de l’Éternel, et compromet aussi la grâce gratuite de Dieu; il pourrait, s’il ne tenait qu’à lui, ramener ce nouveau-né à la pensée légale de l’obligation, à un joug de servitude, en lui ôtant la jouissance gratuite de son salut. Guéhazi préfère la séduction des richesses au bien éternel d’une âme; il est de ceux qui mettent une occasion de chute devant un de ces petits et dont il est dit: «Il serait avantageux pour lui qu’on lui eût pendu au cou une meule d’âne et qu’il eût été noyé dans les profondeurs de la mer». Songeons-nous assez, que la mondanité de notre marche peut faire un mal irrémédiable aux petits enfants dans la foi? Comme cette pensée devrait nous rendre attentifs à toute notre conduite!

«Voici, mon maître a épargné Naaman, ce Syrien, en ne prenant pas de sa main ce qu’il avait apporté; l’Éternel est vivant, si je ne cours après lui, et si je ne prends de lui quelque chose!» Ce malheureux invoque l’Éternel, pour s’emparer des richesses, avec les mêmes paroles que son maître avait employées (v. 16) pour les refuser. Il ment pour s’approprier le bien d’autrui (v. 22). Mais si le doute aurait pu s’élever dans le cœur de Naaman au sujet du désintéressement d’Élisée et du caractère gratuit du don de Dieu, celui-ci montre qu’il a soin des petits enfants, et le résultat désastreux ne se produit pas. La cupidité et le mensonge de Guéhazi font au contraire ressortir la générosité de cet homme et son désir de servir la famille de Dieu, les fils des prophètes. «Consens», dit-il à Guéhazi, «à prendre deux talents» [90 kg?]. Guéhazi cache toute cette richesse; c’est le résultat d’une mauvaise conscience engagée dans des voies tortueuses que l’on cherche à dissimuler aux hommes, mais réussit-on à les cacher à Dieu?

Guéhazi entra et «se tint devant son maître», comme Naaman s’était tenu devant Élisée (v. 15), comme Élisée lui-même se tenait devant Dieu (v. 16). Audace inexplicable, s’il avait eu la moindre conscience d’être connu et sondé par l’Éternel. Il n’avait pas senti ni réalisé que de loin les yeux du prophète suivaient chacun de ses mouvements et voyaient ses pensées. Bien plus, le cœur d’Élisée était allé, «quand l’homme s’était retourné de dessus son char». Ce qui importait plus que tout le reste au cœur de l’homme de Dieu, c’était le danger que courait l’âme de celui qui venait de le quitter en paix. On peut en conclure que si son cœur était allé, c’est qu’il avait supplié ardemment l’Éternel de préserver ce nouveau-né dans la foi. Il avait été exaucé.

Et maintenant, se tournant vers Guéhazi, il lui adresse ces paroles solennelles: «Est-ce le temps de prendre de l’argent, et de prendre des vêtements, et des oliviers, et des vignes, et du menu et du gros bétail, et des serviteurs et des servantes?..». Oui, était-ce le temps, au milieu de la ruine d’Israël, quand déjà le jugement final était suspendu sur le peuple; était-ce le temps, à la veille de la destruction de cette nation, d’acquérir quelque chose pour soi? Était-ce donc le caractère que devait revêtir un serviteur du Seigneur? Question solennelle qui s’adresse aussi à nos consciences, car aujourd’hui la ruine de la chrétienté correspond au temps de la ruine d’Israël. Si nous réalisons ce fait, quels hommes ne serons-nous pas en sainte conduite, désintéressés comme Élisée, afin que la gratuité du don de Dieu n’en soit pas diminuée et, comme lui, connaissant le temps, et n’acquérant pas des avantages dans ce monde, parce que nous savons que la fin de toutes choses est proche.

Le jugement de Guéhazi ne se fait pas attendre: «La lèpre de Naaman s’attachera à toi et à ta semence pour toujours» (v. 27). C’est la lèpre de Naaman! La souillure de la chair qui caractérisait l’homme idolâtre, étranger à Dieu, est la même souillure dont l’Éternel charge le serviteur infidèle du prophète. Il n’y a pas de différence entre eux. L’horreur du péché n’est pas mitigée par le fait qu’on appartient au peuple d’Israël, que l’on a une position de proximité et des relations spéciales avec l’Éternel, tout en étant moralement éloigné de Lui. Il en est de même de la profession chrétienne sans la vie. Au lieu de la bénir, Dieu la marque, pour ainsi dire, de son exécration, et toute sa descendance en est souillée.