2 Rois

Chapitre 1er

Élie et Achazia

La rébellion de Moab contre Israël est la première conséquence de l’infidélité d’Achazia (voy. 1 Rois 22:52-54). C’est un jugement sur le roi qui, par son idolâtrie, avait provoqué Dieu à la colère. Le changement de règne fournit à Moab une occasion propice pour secouer ce joug abhorré. N’avait-il pas, d’ancienneté, haï et voulu maudire le peuple de Dieu? (Nomb. 22). En ce temps-là, les nations asservies étaient coutumières de ces révoltes, et n’attendaient que la mort de leurs tyrans pour secouer leur joug et s’affranchir des lourds impôts qu’ils faisaient peser sur elles. L’histoire des rois d’Assyrie, autrement puissants que ceux d’Israël, est remplie de révoltes semblables. Moab, châtié par Saül (1 Samuel 14:47), puis subjugué par David (2 Samuel 8:2, 12; 1 Chron. 18:2), avait été assujetti sous le règne glorieux de Salomon, comme tous les autres royaumes qui apportaient leur tribut au roi trônant à Jérusalem (1 Rois 4:21; 10:25). Depuis la division des douze tribus, Moab, par sa position géographique, était devenu tributaire d’Israël et non de Juda (3:5). Son tribut, énorme pour un pays restreint (100,000 agneaux et 100,000 béliers, avec leur laine), devait peser lourdement sur lui, outre l’humiliation, impatiemment subie par cette nation orgueilleuse et hautaine. Aussi, n’est-il pas étonnant que Moab saisît la première occasion pour s’en affranchir. Mais, au-dessus du fait extérieur qui frappe les regards de l’homme, le croyant voit la chose invisible, la seule importante pour lui, la main de Dieu, étendue pour juger le peuple et son impie conducteur.

Un second jugement atteint le roi lui-même. «Achazia tomba par le treillis de sa chambre haute qui était à Samarie, et en fut malade». Mais la repentance était étrangère au cœur du roi d’Israël, et l’Éternel n’avait place ni dans ses pensées, ni dans sa vie. Le jugement de Dieu le laissait indifférent; il voyait un accident vulgaire dans le coup qui le frappait. «Il envoya des messagers, et leur dit: Allez, consultez Baal-Zebub, dieu d’Ékron, pour savoir si je relèverai de cette maladie». Son Baal, devant lequel il se prosternait (1 Rois 22:54), ne lui suffisait pas; il envoie vers le Baal des Philistins pour connaître son sort. Le dieu qui avait, à ses yeux, beaucoup plus de valeur que l’Éternel, était Baal-Zebub, le seigneur des mouches, invoqué, sans doute, par cette nation idolâtre, pour se garantir de ce fléau des pays d’Orient, un dieu puissant pour ses sectateurs, car, en se prosternant devant lui, ils adoraient, ou suppliaient, dans leur aveuglement, Satan lui-même, le Beel-Zebub, souvent mentionné dans le Nouveau Testament.

Ce qui arrivait à Achazia, arrive encore aujourd’hui à tout sectateur d’une fausse religion. Elle ne peut pas plus satisfaire le cœur, calmer les frayeurs de l’âme, faire connaître l’avenir, que le Baal de Jézabel et d’Achab, adoré par Achazia, ne pouvait le satisfaire. Alors, toute superstition nouvelle est bienvenue, pourvu qu’elle nous fasse espérer d’échapper au sort dont nous nous sentons menacés.

Sur l’ordre de l’ange de l’Éternel, Élie le Thisbite paraît de nouveau sur la scène, et nous le retrouvons avec toute la hardiesse et l’énergie de la foi qu’il avait montrée depuis le torrent du Kerith jusqu’à la destruction des prophètes de Baal. Le genêt du désert et la leçon d’Horeb avaient porté leurs fruits pour le prophète. Ils avaient formé comme une parenthèse d’expériences de lui-même, après laquelle sa carrière de foi avait recommencé, lorsque, dans la vigne de Naboth, il s’était hardiment présenté devant Achab pour prononcer sur lui et sur Jézabel le terrible jugement de Dieu (1 Rois 21:17). Notre chapitre n’est que la suite de ce courageux témoignage. Élie monte à la rencontre des messagers du roi, et leur dit: «Est-ce parce qu’il n’y a point de Dieu en Israël que vous allez consulter Baal-Zebub, dieu d’Ékron? Et c’est pourquoi, ainsi dit l’Éternel: Tu ne descendras pas du lit sur lequel tu es monté, car tu mourras certainement».

N’avait-il pas été prouvé, en effet, devant Achab et Jézabel, qu’il y avait un Dieu en Israël? Où l’homme de Dieu se trouvait, l’on trouvait Dieu, témoignage bien important pour les jours périlleux que nous traversons. Pourquoi trouvait-on Dieu? Parce que la parole de Dieu était confiée à Élie et que l’on pouvait venir à lui pour la consulter.

De plus, le caractère du prophète correspondait à sa mission et l’accréditait devant le monde, en sorte que ce dernier pouvait reconnaître en lui une autorité donnée de Dieu. Achazia, contre lequel la Parole était dirigée, ne peut s’y méprendre. «C’est Élie le Thisbite», s’écrie-t-il, quand ses serviteurs lui disent: «Un homme vêtu de poil, et ceint sur ses reins d’une ceinture de cuir». Son vêtement et sa ceinture suffisaient à le faire connaître. Son vêtement, comme la couverture de l’arche, représentait la sainteté qui repousse la corruption, en même temps que la simplicité qui se plaît avec les humbles; sa ceinture empêchait, d’une part, le contact de ses vêtements avec la souillure, mais était aussi l’emblème de son dévouement absolu au service de l’Éternel, de la concentration de ses pensées sur ce seul objet. À ces signes, le méchant est obligé de reconnaître l’homme de Dieu; il dit: «C’est Élie!»1

1 Et, de fait, il est seul à le reconnaître. Personne autour de lui ne connaît le grand prophète d’Israël; mais combien cela aggrave la culpabilité du roi! En un temps où la parole de Dieu est ignorée par un peuple qui devait en avoir connaissance, le seul qui ne l’ignore pas, est celui qui la combat!

Ne doit-il pas en être de même pour nous aujourd’hui? La parole de Dieu est confiée au fidèle, au milieu d’une chrétienté qui l’abandonne. Mais il ne peut avoir d’autorité pour accréditer le témoignage de Dieu devant le monde, qu’en montrant, par sa conduite, une vraie séparation du monde, l’humilité dans la marche, un dévouement réel de toute sa vie pour le Seigneur. Et c’est ainsi que nous avons le droit de parler de la part de Dieu. S’il en est ainsi, le monde sera obligé, bon gré mal gré, de nous entendre; au cas contraire, il se détournera et prendra occasion de notre conduite, pour mépriser la parole de Dieu.

Le prophète prononce un troisième jugement sur Achazia. Le premier, Moab, le frappait dans la gloire de son royaume; le second (sa chute), dans sa santé; le troisième, dans sa vie. «Tu ne descendras pas du lit sur lequel tu es monté, car tu mourras certainement».

Mais ce n’est pas tout. Le roi se prépare à lui-même un quatrième jugement. Il ne craint pas d’envoyer contre le prophète un chef de cinquantaine avec ses hommes. Élie était «assis au sommet d’une montagne», dans un endroit inaccessible. Le capitaine s’adresse à lui: «Homme de Dieu, le roi dit: Descends». Quelle témérité de la part du roi! À son manque de foi en ses propres idoles, à la superstition grossière, il ajoute l’orgueil qui s’élève contre Dieu, et prétend l’abaisser jusqu’à lui. Comme le premier Adam, il estime comme un objet à ravir d’être égal à Dieu!

Élie, homme de Dieu, est ici un représentant de Christ. Aura-t-il une moindre puissance, maintenant qu’il est assis dans les hauts lieux, que lorsqu’il marchait sur la terre, méprisé et haï de tous? Aujourd’hui, le péché de l’homme est encore aggravé par sa haine contre le Christ, assis en haut, à la droite de Dieu. Si le monde est jugé pour avoir rejeté Jésus humilié, que lui adviendra-t-il, quand il fera la guerre à Celui qui est assis sur le trône? «Celui qui habite dans les cieux se rira d’eux», est-il dit au Ps. 2. Quand Élie marchait encore au milieu d’Israël, le feu du ciel, le jugement de Dieu, était à sa disposition, non pour détruire les pécheurs, mais pour consumer l’holocauste. Un sacrifice avait alors répondu pour le peuple, et le jugement de Dieu était tombé sur la victime pour opérer la délivrance d’Israël. Désormais, cette heure de grâce était passée. Élie, assis en haut, fait tomber le feu du ciel sur ses ennemis, sur ce roi qui, oubliant toute crainte, avait l’audace de donner des ordres à Dieu!

La différence entre les deux positions de Christ, sur la terre en grâce, ou assis, glorieux, dans le ciel, attendant que ses ennemis soient mis pour marchepied de ses pieds, ressort des paroles du Seigneur à ses disciples. Ils auraient voulu, comme Élie, faire descendre le feu du ciel sur les Samaritains, parce qu’ils ne recevaient pas leur Maître. «Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés», leur dit-il, en les censurant fortement (Luc 9:51-56). En effet, il était à ce moment le Christ rejeté, dressant sa face résolument pour aller à Jérusalem, être offert en holocauste. Était-ce le moment de juger, quand, en grâce, il allait être immolé lui-même, et subir, pour notre salut, le feu du jugement de Dieu?

Mais, dans ce passage, Élie n’est pas seulement une figure de Christ; il est aussi une image du résidu fidèle et souffrant de la fin. Élie «doit venir» dans la personne de ces témoins de l’Apocalypse, dont il est dit: «Si quelqu’un veut leur nuire, le feu sort de leur bouche et dévore leurs ennemis; et si quelqu’un veut leur nuire, il faut qu’il soit ainsi mis à mort» (Apoc. 11:5). Ils viendront, dans la puissance d’Élie et de Moïse, car alors les jugements de Dieu feront leur œuvre terrible sur la terre. Il faut que la mort et le jugement glorifient Dieu, quand toutes les ressources de la grâce sont épuisées et que l’apostasie est complète.

«Si je suis un homme de Dieu, que le feu descende», dit le prophète. Toute sa mission en Israël est concentrée dans ce seul mot: «Un homme de Dieu». «N’y a-t-il point de Dieu en Israël?» avait-il dit à Achazia. Dieu revendiquait son caractère en présence de l’apostasie et avait choisi son prophète pour en être le puissant témoin.

Aveuglé de colère et d’orgueil, Achazia renouvelle sa sommation en l’aggravant encore: «Descends promptement!» Il s’obstine à commander à Dieu. Le jugement tombe sur les serviteurs de ce roi qui va mourir. Hélas! ce qui l’attend encore, c’est, après la mort, le jugement final du Dieu vivant qu’il a offensé!

Le troisième capitaine (v. 13-14), craint Dieu et prend l’attitude qui convient à un homme pécheur devant Lui. Il s’approche en suppliant, s’agenouille, reconnaît Dieu dans Élie, en lui disant: «Homme de Dieu», dans un tout autre esprit que les deux premiers. Il sait que Dieu peut faire grâce: «Je te prie, que ma vie et les vies de ces cinquante hommes, tes serviteurs, soient précieuses à tes yeux». Il n’a pas encore reçu l’assurance que ce que Dieu peut faire, il veut le faire, mais il est convaincu que le Dieu de jugement peut être un Dieu de grâce pour quiconque se soumet à lui, qu’il ne désire pas la mort du pécheur, que sa vie peut lui être précieuse. Ces pensées trouvent leur expression dans les paroles de cet homme: «Voici, le feu est descendu des cieux et a dévoré les deux premiers... mais maintenant, que ma vie soit précieuse à tes yeux». Une telle foi est agréable au Seigneur. Ce troisième «croit que Dieu est», selon l’expression de l’épître aux Hébreux; il reconnaît tous ses caractères de majesté, de sainteté, de justice et de bonté, conviction nécessaire pour s’approcher de Lui, mais il croit aussi que Dieu est «le rémunérateur de ceux qui le recherchent» (Héb. 11:6). Aussi, trouve-t-il la récompense de sa foi.

«Descends avec lui; ne le crains pas». Élie peut avoir confiance en un tel homme, et Dieu compte sur ce dernier en lui confiant son serviteur, car il peut toujours se reposer sur la foi que lui-même a donnée. Le prophète n’avait rien à craindre; il n’était, du reste, pas plus en danger à la visite du premier capitaine qu’à celle du troisième; il était tout aussi en sûreté devant le roi qui avait soif de son sang, qu’au sommet de la montagne, mais Dieu prend soin de le rassurer, car il connaît nos faibles cœurs. Élie reçoit cet encouragement; n’avait-il pas autrefois, sous le genêt, éprouvé combien sa faiblesse en avait besoin? Il se présente hardiment devant Achazia, avec la force que Dieu fournit, comme si souvent autrefois devant Achab. Cette hardiesse est une des qualités éminentes d’Élie.

Arrivé devant le roi, le prophète lui répète, mot pour mot, les paroles qu’il avait dites à ses messagers. Il y a un temps, dans les voies de Dieu envers les hommes, où de nouvelles explications sont inutiles, parce qu’ils ont endurci leurs cœurs. Il en fut ainsi des apôtres devant le sanhédrin (comp. Actes 4:19 avec 5:29). Le prophète insiste toutefois sur une chose: «Est-ce parce qu’il n’y avait point de Dieu en Israël, pour consulter sa Parole?» Ainsi les hommes, en présence de questions où s’agite leur avenir, ne doivent avoir de recours qu’à la Parole de Dieu et le mépris qu’ils en font portera pour eux ses terribles conséquences. Un jour, cette même Parole les jugera. «Il mourut, selon la parole de l’Éternel qu’Élie avait prononcée» (v. 17).