2 Pierre

Chapitre 1er

Siméon Pierre, esclave et apôtre de Jésus Christ, à ceux qui ont reçu en partage une foi de pareil prix avec nous, par la justice de notre Dieu et Sauveur Jésus Christ: Que la grâce et la paix vous soient multipliées dans la connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur. (v. 1, 2)

Ce qui caractérise en premier lieu l’apôtre Pierre dans cette épître, c’est son titre d’esclave de Jésus Christ. Jésus Christ l’a acquis et il lui appartient en propre; il n’a d’obligation que vis-à-vis de Celui qui est son Maître; c’est en sa qualité d’esclave qu’il exerce ses fonctions d’apôtre. Tel est du reste le titre que prennent si souvent avec joie les serviteurs que le Seigneur emploie à son œuvre (Rom. 1:1; Phil. 1:1; Tite 1:1; Jacq. 1:1; Jude 1; Apoc. 1:1). Un esclave n’appartient à nul autre qu’à son Maître, qui seul a le droit de se servir de lui et de lui commander. Cette heureuse conviction donne à toute notre vie un cachet de simplicité qui nous rend étrangers aux mille objets par lesquels le monde cherche à s’emparer de nous.

L’on peut constater que les deux épîtres de Pierre qui se font pendant, pour ainsi dire, sont adressées aux mêmes personnes (3:1, 2). — La première décrit le gouvernement de Dieu envers les siens, la seconde le gouvernement de Dieu envers le monde, deux sujets d’un intérêt capital pour les chrétiens.

Une troisième constatation s’impose à nous à la lecture des deux épîtres de Pierre et, en général, de toutes les épîtres adressées à des saints sortis du judaïsme, comme par exemple l’épître aux Hébreux (Chap. 13) et en partie, du moins, l’épître de Jacques. Il semble que l’Esprit veut faire ressortir que les principes moraux de notre conduite envers les hommes, peu importe que ce soit avec ou sans la loi, restent invariables et ne sont pas modifiés par le milieu dans lequel ils sont énoncés. Il y a des relations de famille, des obligations envers des pouvoirs constitués, des devoirs à l’égard de tous les hommes, humbles ou haut placés, qui ne sont nullement influencés par les diverses économies sous lesquelles ils sont mentionnés, et qui restent invariables en tout temps, le caractère du Dieu auquel nous avons affaire étant lui-même invariable. Nous aurons plus d’une fois l’occasion, dans le courant de cette étude, de faire ressortir ce fait.

Les chrétiens auxquels Pierre s’adresse avaient, dit-il, «reçu en partage une foi de pareil prix avec nous» (Pierre et les apôtres) alors qu’ils ne la demandaient pas. Cette foi est l’ensemble des bénédictions chrétiennes données à la foi. À ce sujet, il est utile de faire une remarque; nous en avons deux exemples ici et nous en trouvons maint autre au cours de ces deux épîtres. Les expressions employées par Pierre ne correspondent pas nécessairement, sans toutefois les contredire, aux mêmes expressions que l’on rencontre dans les écrits de Paul. Notre plus grande familiarité avec les épîtres de ce dernier nous porterait plutôt à voir «les choses difficiles à comprendre» (2 Pierre 3:16) dans les épîtres de Pierre, que dans celles, si souvent méditées, de l’apôtre Paul.

Comment avaient-ils obtenu cette foi? «Par la justice de notre Dieu et Sauveur Jésus Christ». Sa justice est ici sa fidélité immuable à ses promesses. Voilà qui était bien fait pour toucher le cœur de ces chrétiens qui, sortis du judaïsme, pouvaient penser avoir fait une perte à l’égard des promesses de Dieu adressées à Israël. Ils apprenaient maintenant que, sur le terrain nouveau qu’ils occupaient, les promesses de leur Dieu et Sauveur ne pourraient jamais subir l’ombre d’un changement.

Nous trouvons ici comme dans la première épître: «Grâce et paix vous soient multipliées», mais ce n’est qu’ici que nous apprenons ce qui les multiplie: La pleine connaissance des trésors infinis que ces deux noms renferment: Dieu et Jésus devenu «notre Seigneur» (cf. Jude 2).

 

Comme sa divine puissance nous a donné tout ce qui regarde la vie et la piété, par la connaissance de Celui qui nous a appelés par la gloire et par la vertu, par lesquelles il nous a donné les très grandes et précieuses promesses, afin que par elles vous participiez de la nature divine, ayant échappé à la corruption qui est dans le monde par la convoitise... (v. 3-4)

Un premier fait, c’est que nous, chrétiens, nous sommes devenus les dépositaires et les possesseurs de tout ce qui constitue la vie chrétienne et la piété, c’est-à-dire les rapports de l’âme avec Dieu. Nous voilà donc transportés par la grâce, de notre existence d’autrefois en la chair, dans un domaine spirituel auquel notre état précédent n’avait aucune part. Ce qui règne dans ce domaine c’est la personne du Sauveur et celle de Dieu comme notre père. Par quel moyen sommes-nous devenus possesseurs de ces choses dont aucune ne nous manque? Par la pleine et réelle connaissance de Christ. Dieu nous a appelés, par gloire et par vertu, à atteindre le but qu’il a placé devant nous. Comme nous l’avons déjà vu dans la première épître de Pierre, il s’agit ici d’un but céleste, la gloire, à atteindre et non pas d’être transportés, par notre union avec un Christ ressuscité, dans la jouissance actuelle de cette gloire. La vie d’Abraham fut un exemple de ces choses. Le Dieu de gloire lui apparut lorsqu’il était en Mésopotamie et lui dit: Sors de ton pays et de ta parenté et viens au pays que je te montrerai (Actes 7:2-4). Abraham écouta cet appel et, s’il n’y répondit pas immédiatement selon ce que Dieu attendait de lui, Dieu tint compte de la foi dont son serviteur avait fait preuve. De la part de Dieu la gloire tout entière était offerte à Abraham comme une possession future, de la part d’Abraham la vertu, c’est-à-dire le courage moral qui ne tient compte d’aucun obstacle pour atteindre le but proposé, ne fut pas à la hauteur de ce qu’il aurait dû être. Ce n’est que par de longues et douloureuses expériences qu’Abraham arriva dans la suite à ne tenir compte de rien pourvu qu’il atteignît le but proposé; c’est ce qui caractérise le Seigneur, avant tout, comme homme ici-bas, et à sa suite son fidèle serviteur Paul (Phil. 3:11-14). Cette vertu, le monde se fait souvent l’illusion de la posséder. Il ne tiendra peut-être pas compte des obstacles placés sur son chemin, pourvu qu’il arrive aux fins de son ambition, à la satisfaction de son orgueil, et quand enfin il sera arrivé au but qu’il s’est proposé, et qui ne saurait jamais être la gloire céleste, il se trouvera qu’il n’aura récolté que la malédiction et le jugement. La vertu dont il est question ici est un fruit de l’appel de Dieu; elle est déposée dans le cœur à la suite de la foi, mais, comme nous l’avons dit, même un homme de foi peut lui opposer des obstacles et retarder ainsi (comme le fit Abraham), la pleine prise de possession des bénédictions célestes.

C’est par la gloire et par la vertu que Dieu nous a donné «les très grandes et précieuses promesses», non pas des promesses d’héritage et de bénédictions juives et terrestres. Ces promesses-là, quelque valeur qu’elles aient, ne sont ni très grandes, ni sans prix; tandis que les promesses actuelles se lient aux choses célestes et divines. Et, en effet, en les saisissant nous «participons de la nature divine». Nous voilà donc, n’ayant la gloire qu’en espérance, mais possédant une nature divine capable de saisir ces choses et d’en jouir à l’avance; ayant la gloire devant nous et, dans nos cœurs, la puissance pour l’atteindre. Mais afin de l’atteindre sûrement, une chose encore est nécessaire: «ayant échappé à la corruption qui est dans le monde par la convoitise» (v. 4).

La convoitise est ce qui caractérise proprement le monde en même temps que «l’orgueil de la vie». La convoitise s’adresse aux sens et à la vue; C’est pourquoi Jean l’appelle «la convoitise de la chair et la convoitise des yeux» (1 Jean 2:16). Dès qu’elle a trouvé le chemin du cœur et s’en est emparée, la corruption l’accompagne; l’esprit du monde domine, l’homme est devenu un pauvre esclave de ses passions; ces deux choses excellentes, la gloire et la vertu, ont perdu toute leur puissance, et la pauvre âme captive est retombée sous le joug du prince de ce monde. Au lieu de la vertu elle a pour part ici-bas la souillure du monde; au lieu de l’espérance de la gloire elle n’a en haut qu’un ciel vide, un ciel sans Christ, avec une incapacité absolue d’atteindre les choses célestes!

 

Pour cette même raison aussi, y apportant tout empressement, joignez à votre foi, la vertu; et à la vertu, la connaissance; et à la connaissance, la tempérance; et à la tempérance, la patience; et à la patience, la piété; et à la piété, l’affection fraternelle; et à l’affection fraternelle, l’amour; car, si ces choses sont en vous et y abondent, elles font que vous ne serez pas oisifs ni stériles pour ce qui regarde la connaissance de notre Seigneur Jésus Christ. (v. 5-8)

Ce n’est pas tout: les chrétiens avaient besoin d’être exhortés à se conduire d’une manière digne du Seigneur pendant le temps de leur pèlerinage vers la gloire. Ce n’était pas tout de posséder les bénédictions chrétiennes données à la foi; il fallait, comme les perles d’un collier, les ajouter l’une à l’autre, sinon elles restaient sans fruit. C’est à cela que répond le v. 5. Notre foi, c’est une part avec Christ, sans le voir, sans être personnellement avec Lui, là où Il est; c’est la maison du Père en perspective, c’est la perfection personnelle future, c’est la gloire future et la louange ininterrompue, c’est la jouissance sans nuage de l’amour parfait!

Toutes ces choses sont à nous; nous les possédons, non pas ici comme une part actuelle, mais en espérance. Nous ne les avons pas atteintes, et cependant elles sont à nous. C’est comme l’a dit le v. 4, par la gloire promise, par la vertu qui va l’atteindre, que nous sont données les très grandes et précieuses promesses. Par elles nous avons la nature divine et avons échappé à la convoitise et à la corruption du monde. La question qui se pose maintenant est celle-ci: En jouissons-nous? Or, pour en jouir, il nous faut les ajouter les unes aux autres, dans un ordre précieux et immuable.

Nous avons, en effet, bien d’autres choses à développer que la gloire qui nous attire au ciel et la vertu qui nous y pousse. Entre ces deux choses, nous avons à reproduire tout le caractère de Christ homme ici-bas, caractère qui a sa suprême expression dans l’amour. Toutes ces choses dépendent pour nous l’une de l’autre; Christ les possédait toutes à la fois.

À notre foi qui discerne ces choses nous devons ajouter la vertu (v. 5) qui les saisit, qui s’en empare, qui ne les lâche pas, qui en réalise la valeur comme de choses présentes, en sorte que, lorsque nous les aurons atteintes, elles nous soient aussi familières dans leur réalité, qu’elles nous étaient familières lorsque nous courions vers elles. Nous sommes exhortés à mettre tout empressement à joindre ces choses l’une à l’autre.

Le courage moral, pour atteindre le but proposé, serait inefficace si nous n’avions pas la connaissance des objets qui constituent ce but: «Dieu et Jésus notre Seigneur» (v. 2). Il nous faut être familiers avec ces personnes divines; sentir et comprendre leur prix et leur caractère, pour développer l’énergie par laquelle nous désirons les atteindre. Si ces objets sont de médiocre valeur pour nos âmes, l’effort pour les saisir sera mou et languissant.

«Et à la connaissance la tempérance». La connaissance est entravée et amoindrie lorsque les choses enivrantes du monde ont un accès dans nos cœurs et y prennent une place. Il y a une sobriété (1 Thess. 5:6, 8) qui nous fait passer à côté de ces choses sans qu’elles nous tentent, ou excitent chez nous le désir de les posséder. Bien plus, nous savons que, si nous ne résistons pas à la tentation d’y goûter, elles nous enivrent et que nous perdons ainsi la force pour la marche ou pour le combat. Nous désirons, avant toutes choses, garder nos forces en entier pour saisir le but et en prendre une entière possession.

«Et à la tempérance la patience». La tempérance n’est pas une affaire d’un jour, mais de toute une vie. Abandonnez-la un jour et tout est à recommencer le lendemain. C’est pourquoi la patience se prive jour après jour, sans se lasser, des choses qui enivrent. Les difficultés surgissent. Relâche-toi, me dit-on, dans cette surveillance de toi-même. Donne-toi, ne fût-ce qu’un jour de répit. Si j’écoute cette voix, tout mon effort est aussitôt perdu. Sans doute la foi (Dieu et Christ) demeure immuable, mais la vertu a fait naufrage.

«Et à la patience la piété». La piété est cet état de l’âme qui n’a que Dieu en vue et ce qui peut Lui plaire. Ce qui peut nous plaire, est non avenu. Dieu a la première et la seule place. Toutes les facultés de l’âme sont occupées à le servir et à lui être agréables.

«Et à la piété l’affection fraternelle». Lorsque le cœur est dirigé vers Dieu et n’a de pensée que de lui plaire, il est impossible qu’il ne se sente pas intimement lié aux frères, à tous ceux que Dieu porte sur son cœur comme Il nous y porte lui-même.

«Et à l’affection fraternelle l’amour». Tel est le mot dans lequel tout se résume: L’amour de Dieu manifesté en Christ, en qui tout ce que Dieu est aboutit pour toujours! Quand l’âme a atteint la connaissance et la jouissance de l’amour ici-bas, il ne reste rien à ajouter, sinon d’avoir enfin atteint le but; car, comme dans la première épître, le croyant marche dans ce monde n’ayant encore nulle possession des choses célestes, mais en jouissant par l’espérance; et traversant le monde en n’y cherchant rien, en n’y voulant et n’y trouvant rien, sinon atteindre Christ et le connaître davantage à mesure que la route s’allonge.

(v. 8). — Le résultat de tout ce déploiement de vertu, c’est que nous ne serons pas oisifs (sans activité), ni stériles (sans porter de fruit) pour ce qui regarde la connaissance de notre Seigneur Jésus Christ. Nous aurons appris pratiquement à le connaître comme le Dieu des promesses immuables; nous aurons renoncé à tout ce qui pourrait nous retenir ou nous enivrer sur le chemin qui nous conduit à Lui; nous marcherons sans nous lasser, jusqu’au moment, marqué par Dieu, où nous aurons atteint le but; et, en attendant ce moment, c’est à Lui que tendront toutes nos pensées, aux frères que tendra l’amour de nos âmes, et en Christ qui est l’amour même, que nous aurons atteint l’amour!

 

Car celui en qui ces choses ne se trouvent pas est aveugle, et ne voit pas loin, ayant oublié la purification de ses péchés d’autrefois. C’est pourquoi, frères, étudiez-vous d’autant plus à affermir votre appel et votre élection, car en faisant ces choses vous ne faillirez jamais; car ainsi l’entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ vous sera richement donnée. (vers. 9-11)

Si ces choses ne se trouvent pas dans notre âme, combien notre état moral sera misérable! Aveugles, incapables de discerner les choses célestes, traversant un désert moral, ayant oublié la purification de nos péchés, obtenue jadis par la grâce! Ces choses étant ainsi, nous devons d’autant plus nous étudier à affermir ce qui est à la base de toute notre félicité: notre appel et notre élection (cf. 1 Pierre 1:2). Ne nous viennent-ils pas de la libre grâce de Dieu qui n’a cherché que dans son amour un motif de nous acquérir pour Lui-même? Du moment que nous avons ajouté les unes aux autres les choses mentionnées dans les versets 5 à 8, notre vocation et notre élection acquièrent une tout autre valeur; elles deviennent une base solide et inébranlable pour nos âmes. En faisant ces choses, c’est-à-dire en les ajoutant l’une à l’autre, nous ne faillirons jamais, c’est-à-dire nous serons pour toujours exempts de chute.

C’est ainsi que cette seconde épître nous enseigne, ce que la première épître ne faisait pas, la manière dont nous pouvons atteindre sûrement les choses invisibles; car ainsi «l’entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ nous sera richement donnée».

Ce royaume éternel appartient à tous les appelés et à tous les élus. Jamais il ne leur sera fermé, mais combien de différences pour ceux qui y ont part! Les uns quittent ce monde dans le doute que jamais le «royaume éternel» leur soit ouvert. Ils ont vécu pour jouir du monde et des choses de la terre. Il faut quitter toutes ces choses pour entrer où? Leur espérance n’a jamais saisi l’au-delà. Est-ce que leur incrédulité, leurs doutes et leurs angoisses ne changeront rien au plan de Dieu à leur égard? Certes non; mais la porte ne leur est pas largement ouverte; tout au contraire! J’ai dit souvent en citant ce passage: Il y a une riche entrée dans le «royaume éternel» et une chiche entrée. Cette dernière est celle où souvent, jusqu’au dernier moment, les âmes de chrétiens doutent d’être reçues ou se lamentent de ne l’être pas; où on les entendra dire: «Le ciel est de plomb pour moi, sans un rayon de lumière!» Cet état d’âme est beaucoup plus fréquent qu’on ne le croit. Ils sont relativement rares, les chrétiens qui quittent ce monde, n’y ayant rien cherché, ni voulu, pour aborder le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, où ils auront une riche entrée quand ils en franchiront les portes!

 

C’est pourquoi je m’appliquerai à vous faire souvenir toujours de ces choses, quoique vous les connaissiez et que vous soyez affermis dans la vérité présente. Mais j’estime qu’il est juste, tant que je suis dans cette tente, de vous réveiller en rappelant ces choses à votre mémoire, sachant que le moment de déposer ma tente s’approche rapidement, comme aussi notre Seigneur Jésus Christ me l’a montré; mais je m’étudierai à ce qu’après mon départ vous puissiez aussi en tout temps vous rappeler ces choses. (v. 12-15)

L’apôtre avait à cœur de rappeler ces choses aux chrétiens auxquels s’adressaient ses épîtres. Il n’avait plus que peu de temps à rester parmi eux, et il allait leur laisser dans ses épîtres un témoignage permanent des vérités que le Seigneur lui avait confiées à leur égard.

Nous profitons de ce passage pour faire ressortir un détail particulièrement intéressant des écrits de l’apôtre Pierre. Toutes les scènes concernant les gloires futures de Christ, auxquelles il a personnellement assisté, toutes les souffrances actuelles de son Sauveur bien-aimé, dont il a été, pour sa profonde humiliation, le témoin oculaire; toutes les exhortations, les répréhensions, les encouragements qui lui ont été personnellement adressés, ont laissé des traces ineffaçables dans son cœur et ont porté des fruits bénis dans sa vie. C’est ainsi que dans notre passage il peut dire: «Sachant que le moment de déposer ma tente s’approche rapidement, comme aussi notre Seigneur Jésus Christ me l’a montré» (v. 14). L’apôtre pouvait calculer la date de cet événement d’après son âge, car il était «devenu vieux». Même la forme de son martyre, le Seigneur ne la lui avait pas cachée, mais ce qui lui importait avant tout c’est que les disciples du Seigneur fussent réveillés et pussent en tout temps se rappeler ces choses. Elles n’avaient pas seulement un effet momentané, leur importance était permanente, comme celle de toute la parole de Dieu.

Il n’est pas jusqu’aux mots: «Toi, suis-moi» en Jean 21:22, qui n’aient trouvé leur place dans ces épîtres. La première n’est-elle pas contenue tout entière, comme nous l’avons vu, dans cette parole: «L’obéissance de Jésus Christ».

Bien plus, son propre reniement du Sauveur, qu’il aimait de toute son âme, mais sans jamais s’être jugé lui-même, l’a rempli d’une telle horreur de ce péché, qu’il peut dire, en s’adressant au peuple: «Vous avez renié le Saint et le Juste» (Actes 3:14).

«Pais mes agneaux. Pais mes brebis», lui dit Jésus lors de sa restauration. Telle est la base de l’exhortation de Pierre aux anciens dans sa première épître (5:1-4).

Mais il est des scènes tout entières qui ont imprimé leur cachet indélébile sur l’âme de l’apôtre. À la révélation qui lui fut faite que Jésus était «le Christ, le Fils du Dieu vivant», le Seigneur lui révéla que sur ce Roc il bâtirait son Assemblée et que lui-même serait une pierre vivante dans cet édifice. C’est entièrement sur cette révélation qu’est bâtie, comme nous l’avons vu, l’exhortation contenue dans la première épître (2:4-10).

Nous allons aborder la seconde scène, celle de la transfiguration, mais avant toutes choses, signalons ce point capital que les souffrances de Christ sous tous leurs aspects divers, et telles qu’un témoin oculaire pouvait seul les avoir traversées en les faisant siennes de la manière la plus intime, remplissent toute la seconde partie de la première épître.

 

Car ce n’est pas en suivant des fables ingénieusement imaginées, que nous vous avons fait connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, mais comme ayant été témoins oculaires de sa majesté. Car il reçut de Dieu le Père honneur et gloire, lorsqu’une telle voix lui fut adressée par la gloire magnifique: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai trouvé mon plaisir». Et nous, nous entendîmes cette voix venue du ciel, étant avec lui sur la sainte montagne. (v. 16-18)

L’apôtre avait à faire connaître à ces chrétiens la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ et il en avait, par une grâce spéciale, été le témoin oculaire. Il ne s’agit pas ici de Sa venue pour enlever les saints, sujet auquel il ne fait qu’une allusion passagère au v. 19 et qui ne fait pas partie du ministère spécial de l’apôtre Pierre, mais il est question de sa venue en puissance pour établir son «royaume éternel», un royaume inébranlable. Les trois disciples avaient été choisis pour le voir et connaître de quoi il se composait. Ce n’était pas non plus le royaume terrestre millénaire juif, d’autant plus que leur foi les en séparait, le règne de justice institué par le jugement de tous les ennemis du Messie, un royaume à la fois de paix et de justice sur la terre; c’était un règne de gloire et de communion dans le ciel, un règne où seront manifestées dans le secret de la maison du Père, dans la nuée, les plus secrètes pensées du Père à l’égard du Fils, la place unique que Celui-ci occupe dans son cœur. Pierre avait été témoin oculaire de ces choses. À ses yeux s’était déployée la majesté de Celui qu’il avait suivi dans son humilité ici-bas. Il l’avait vu recevoir de Dieu le Père, honneur (à l’encontre du déshonneur que les hommes avaient accumulé sur lui) et gloire (à l’encontre de son humiliation ici-bas) quand, du sein de la gloire magnifique, avait été proclamé le bon plaisir du Père en lui et la place unique, future et céleste qui serait la sienne. Pierre et ses compagnons avaient entendu cette voix venue du ciel étant avec Lui sur la sainte montagne. Rien n’avait manqué à ce témoignage.

 

Et nous avons la parole prophétique rendue plus ferme, à laquelle vous faites bien d’être attentifs, comme à une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour ait commencé à luire et que l’étoile du matin se soit levée dans vos cœurs. (v. 19)

De cette manière la «parole prophétique» était rendue plus ferme pour les saints auxquels Pierre s’adressait. Cette vision des disciples avait confirmé tout ce que les prophètes avaient annoncé, le condensant, pour ainsi dire, dans un tableau unique où chaque chose était située à sa place. L’apôtre ne dit pas que la prophétie fût le point capital de ce que la Parole leur annonçait, car il y avait des choses plus élevées et plus précieuses encore que le royaume ou «la puissance et la venue». Seulement la prophétie qui les annonçait était rendue plus ferme par cette vision. Elle était une lampe, comme toute prophétie (et non pas une étoile) qui illuminait le lieu obscur, qui faisait comprendre et ressortir les ténèbres et éclairait le sentier du chrétien afin qu’il pût se mettre en garde contre leurs pièges. Cette lampe prophétique n’était certes pas indifférente et la transfiguration la rendait plus distincte, mais il y avait une autre lumière que la lampe prophétique, une lumière émanant d’un astre, de Christ lui-même comme étoile du matin. Ce n’était pas la lampe, ce n’était pas même le soleil de justice du royaume futur, c’était l’étoile du matin, une lumière de grâce pure émanant de Lui seul, la lumière de l’amour, la lumière d’un Christ qui vient recueillir les siens! Cette lumière, en contraste avec la lampe, était celle qui annonce le jour prêt à luire, l’avant-coureur de ce jour, l’étoile du matin levée dans leurs cœurs. Ces chrétiens ne l’avaient pas plus que tout le reste, mais leurs cœurs l’avaient, car ils possédaient toutes leurs bénédictions sans les toucher de la main.

L’étoile du matin, dans leurs cœurs, était la révélation donnée à Paul pour les croyants, donnée aussi à Jean dans l’Apocalypse, donnée ici à Pierre, la grande vérité qui fait palpiter d’espérance les âmes de tous les saints. Elle appartenait aussi à ces chrétiens qui n’avaient rien d’autre que l’espérance qui s’attache à Christ pour être fermement soutenus et encouragés dans leur précieuse foi.

 

Sachant ceci premièrement, qu’aucune prophétie de l’Écriture ne s’interprète elle-même. Car la prophétie n’est jamais venue par la volonté de l’homme, mais de saints hommes de Dieu ont parlé, étant poussés par l’Esprit Saint. (v. 20-21)

Ce sujet prophétique capital pour le ministère de Pierre: la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, sujet en même temps si important pour les chrétiens auxquels il écrit, amène l’apôtre à dire: «Sachant ceci, premièrement, qu’aucune prophétie de l’Écriture ne s’interprète elle-même». Il est à noter que l’apôtre n’exclut aucune prophétie contenue dans la Parole écrite. À ce sujet nous transcrirons la note suivante qui nous semble donner l’interprétation claire et complète de ce passage: «Aucune prophétie de l’Écriture n’est d’une interprétation particulière, c’est-à-dire ne s’explique par sa propre signification, comme une sentence humaine; elle doit être comprise par et selon l’Esprit qui l’a dictée. La «prophétie» est, ainsi que je l’entends, le sens de la prophétie, la chose que la prophétie avait en vue. Or, ce sens de la prophétie (la prophétie), on ne le trouve pas par une interprétation humaine d’un passage isolé qui a sa propre signification, sa propre solution et son propre sens, comme si un homme l’exprimait; car la prophétie est une partie de la pensée de Dieu exprimée en parole, selon que de saints hommes, poussés par l’Esprit Saint ont parlé. L’apôtre, par la «prophétie de l’Écriture», entend la chose prophétisée, sans perdre l’idée du passage qui l’exprime».

Cela n’avait donc rien à faire avec la volonté de l’homme, indiquant les conséquences d’un événement présent, dans un avenir plus ou moins éloigné, ou, comme on le voit tous les jours dans les journaux, les faits futurs que les faits actuels permettent à la raison de l’homme qui réfléchit de diagnostiquer. Mais c’était l’Esprit Saint qui parlait par la bouche des saints hommes de Dieu.