2 Chroniques

Chapitre 26

Ozias

Le second livre des Rois ne mentionne que très sommairement le contenu de ce chapitre. Voyez 2 Rois 14:21-22 et 15:1-7.

Nous retrouvons pour le règne d’Ozias (Azaria) le même principe que pour ceux de Joas et d’Amatsia: la grâce de Dieu établissant un nouveau roi, le bénissant abondamment à l’entrée de son règne, puis, pour une cause ou pour l’autre, ce règne finissant par un désastre moral et le jugement qui en est la conséquence. Comme d’habitude, le début de ce règne nous est présenté par les Chroniques sans la tache des hauts lieux.

Ozias bâtit Éloth (ou Élath), ville située près d’Étsion-Guéber, sur le bras oriental de la mer Rouge, et qui avait jadis appartenu à Salomon (8:17), puis avait passé aux mains d’Édom. Le début de ce règne fut, de tout point, excellent. «Ozias rechercha Dieu pendant les jours de Zacharie, qui avait l’intelligence des visions de Dieu; et pendant les jours où il rechercha l’Éternel, Dieu le fit prospérer» (v. 5). Ce Zacharie n’apparaît dans aucun autre passage; il est certain qu’il était de race sacerdotale; de plus, il avait l’intelligence des visions de Dieu; il était donc un prophète et, plus encore, un voyant, tous les prophètes n’ayant pas nécessairement ce caractère. Souvent ils recherchaient la vérité dans leurs propres Écritures, les étudiaient et en recevaient l’intelligence, mais n’étaient pas nécessairement à même d’expliquer les visions de Dieu. Joseph avait ce don, Daniel était dans le même cas que Zacharie; il avait «l’intelligence en toute vision et dans les songes» (Dan. 1:17), et, de plus, à l’exemple d’autres prophètes, il comprenait la pensée de Dieu par l’étude de leurs écrits (Dan. 9:2).

L’intelligence des visions de Dieu nous rend capables d’enseigner et d’exhorter les autres. La prophétie n’est pas nécessairement une révélation de choses nouvelles, elle ne l’est pas du tout de nos jours où les saintes Écritures nous donnent la révélation complète des pensées de Dieu, cependant le prophète d’aujourd’hui possède une intelligence des mystères de Dieu (des choses cachées, mais qui ne le sont plus, étant maintenant révélées dans la Parole), intelligence qui le rend capable d’édifier, de consoler, d’exhorter (1 Cor. 13:3). C’était précisément ce dont avaient besoin les rois de Juda qui traversaient des temps de ruine, comme nous en traversons aussi maintenant. C’était ce que faisait Zacharie. Sous son ministère, Ozias rechercha l’Éternel et prospéra. Comme lui, il nous faut être attentifs à la parole de Dieu et aux mystères qu’elle nous révèle. Si nous sommes diligents pour chercher à les comprendre, nous entrerons comme Ozias dans une ère de prospérité spirituelle. Seulement n’oublions pas que cette prospérité elle-même nous met aux prises avec l’ennemi. Ceux qui étaient aux portes de Juda étaient les plus acharnés. En ces temps difficiles les Philistins s’étaient emparés d’une partie du domaine d’Israël et s’y maintenaient. Nous pouvons comparer cet ennemi à la chrétienté nominale, établie, sans y avoir aucun droit, dans les limites qui n’appartiennent qu’au peuple de Dieu. Qu’avons-nous à faire vis-à-vis d’elle? Ce que fit Ozias quand il abattit les murailles des Philistins et bâtit des villes au milieu d’eux. C’est ainsi que nous devons, dans l’intérêt du peuple de Dieu, prouver l’inanité des prétentions de la chrétienté et élever bien haut les principes divins de la Parole, comme seul moyen de lui résister.

Après cela, Ozias peut porter la guerre au-delà de ses limites. «Dieu l’aida contre les Philistins, et contre les Arabes qui habitaient à Gur-Baal, et contre les Maonites (Édomites). Et les Ammonites apportèrent des présents à Ozias; et son renom parvint jusqu’à l’entrée de l’Égypte, car il était devenu extrêmement fort»! (v. 7-8). Appliquant cela au combat de l’Évangile, nous trouvons qu’il suit habituellement la même marche. Il commence comme Gédéon, et tant d’autres, dans un cercle restreint, souvent le cercle de famille, pour s’étendre au-delà. André amène d’abord son frère Simon à Jésus; le démoniaque guéri va raconter dans sa maison les grandes choses que Dieu lui a faites; les apôtres prêchent à Jérusalem; de là l’Évangile s’étend à la Samarie, puis à Césarée parmi les prosélytes gentils, enfin, par Paul, aux nations. Si, après avoir été convertis, nous sommes fidèles dans notre entourage, soyons certains que le Seigneur étendra nos limites.

«Et Ozias bâtit des tours à Jérusalem, sur la porte du coin, et sur la porte de la vallée, et sur l’angle, et les fortifia» (v. 9). Les tours sont élevées pour défendre les portes. Deux de ces tours regardent la vallée de Hinnom, où Joas, roi d’Israël, venait d’abattre la muraille après avoir vaincu Amatsia (25:23). Ozias fortifia aussi la «porte de l’angle», partie faible et exposée des fortifications de Jérusalem, par laquelle on pouvait avoir accès au temple et s’en emparer. En un mot, Ozias ne se contenta pas de réédifier ce que l’ennemi avait détruit, mais il chercha à mettre le temple de Dieu à l’abri des attaques. Tout cela exigeait un très sérieux travail; appliquons-nous à faire de même. Ce n’est pas tout, de combattre au-dehors; il nous faut avoir soin de l’Assemblée de Dieu.

«Et il bâtit des tours dans le désert, et creusa beaucoup de puits, car il avait beaucoup de bétail dans le pays et sur le plateau, et des laboureurs et des vignerons dans les montagnes et en Carmel; car il aimait la campagne» (v. 10). Outre qu’il avait à combattre les ennemis du dedans et du dehors et à garantir la cité de l’Éternel, il avait à tenir tête à bien d’autres dangers. Les tours d’observation du désert servaient à signaler non seulement les bêtes sauvages, mais, bien plus encore, les pillards de troupeaux. Il appartenait aux fonctions du roi de remplir l’office de berger et de mettre les brebis à l’abri. Cette sollicitude pour les troupeaux confiés à sa garde se manifesta encore d’une autre manière: Ozias creusa beaucoup de puits en vue d’abreuver ses gens et son bétail. Ainsi avaient agi les patriarches, Isaac en particulier, ce grand creuseur de puits, ce grand chercheur d’eau vive. Il savait que, sans cette eau vive, ni hommes, ni brebis ne pouvaient subsister — image frappante de la parole de Dieu que l’ennemi cherche toujours à nous dérober (preuve en soient toutes les attaques qu’il dirige contre elle), comme jadis les Philistins bouchaient et remplissaient de sable les puits creusés par Abraham (Gen. 25:15).

Il nous est dit encore, chose bien rare dans l’Écriture, qu’Ozias «aimait la campagne». Il portait intérêt aux troupeaux et à leurs pâturages, aux laboureurs peinant pour récolter «le fruit précieux de la terre», le froment qui donne la nourriture et la force, aux vignerons travaillant pour apporter la joie au cœur de l’homme «accablé de maux».

Toute cette activité n’empêchait point les soins constants du roi pour son armée, pour le perfectionnement des armes offensives, et, à Jérusalem, des machines de défense (v. 11-15).

Une telle sollicitude pour toutes les branches du gouvernement et de l’administration, une telle science d’organisation ne se rencontrent guère dans l’histoire des rois, sauf dans celle de Salomon. C’est ainsi que, malgré le contraste douloureux entre le présent et le passé du royaume, malgré sa division et son abaissement, malgré ses ennemis du dedans et du dehors, l’Éternel se plaisait à ébaucher de nouveau l’histoire du roi de ses conseils, afin de montrer que la ruine ne l’empêchait pas de faire monter «devant lui comme un rejeton, et comme une racine sortant d’une terre aride» (Ésaïe 53:2). Le Seigneur était avec Ozias: «Son renom s’étendit au loin; car il fut merveilleusement aidé jusqu’à ce qu’il devint fort» (v. 15).

Jusqu’ici, pas une tare, pas une faiblesse n’est signalée dans la vie de ce roi; (le livre des Rois qui a un tout autre but en mentionne). S’il continuait ainsi, le Libérateur d’Israël était enfin trouvé! Hélas! l’heure du naufrage venait de sonner! «Quand il fut devenu fort, son cœur s’éleva jusqu’à le perdre» (v. 16). L’orgueil d’Ozias s’alimenta des bénédictions reçues et il s’éleva contre Celui même auquel il devait son élévation. Usurpant le droit qui appartenait aux seuls sacrificateurs de faire fumer l’encens sur l’autel d’or, il entra dans le temple de l’Éternel, où ne pénétraient que ceux qui avaient été sanctifiés pour y exercer les fonctions sacerdotales. Lors de la révolte de Coré (Nomb. 16:36-40), les encensoirs d’airain de tous ceux qui avaient conspiré contre Moïse, avaient été martelés pour en plaquer l’autel d’airain; figure indiquant, d’une manière frappante, que les prétentions de l’homme naturel à faire agréer son offrande devant Dieu n’ayant d’autre place que l’autel du sacrifice pour le péché, doivent être cloués à la croix de Christ. Une seule offrande, une seule intercession, étaient valables en elles-mêmes, sans avoir besoin d’expiation, une seule était reconnue comme efficace, celle d’Aaron avec son encensoir (Nomb. 16:47). Les sacrificateurs — et nous-mêmes — ne pouvaient être consacrés à Dieu et remplir le rôle d’intercesseurs qu’en vertu du sacrifice et du sang porté sur le propitiatoire (Lév. 8:24-28). Notre souverain sacrificateur intercède en vertu de sa perfection personnelle, et cependant il ne revêt cet office sacerdotal qu’à la suite de sa mort et de sa résurrection. Il en est de la louange comme de l’intercession: elle appartenait aux sacrificateurs seuls et le souverain sacrificateur en était le chef. Cela aussi s’applique à nous, chrétiens. En vertu de la rédemption nous sommes une famille sacerdotale et aucune personne étrangère à cette famille, fût-elle même un roi Ozias, ne peut prendre notre place dans le culte rendu à Dieu. Tout cela semble avoir été sans importance pour le roi aveuglé par son orgueil. Avait-il puisé l’idée de son acte profane dans ce que faisait son père, quand il brûlait de l’encens aux dieux d’Édom? (25:14).

Les sacrificateurs ne pouvaient que s’opposer à un tel acte. Eux avaient été sanctifiés, placés sous l’aspersion du sang versé à l’autel d’airain, oints de l’huile de l’onction, pour se présenter devant Dieu comme adorateurs et intercesseurs. N’en est-il pas de même pour nous, chrétiens? Purifiés de tout péché par le sang de la croix, oints du Saint Esprit de la promesse, mis à part pour Dieu, nous pouvons nous présenter dans le sanctuaire pour adorer, ayant nos coupes d’or pleines de parfum, qui sont les prières des saints.

Ozias, repris par les sacrificateurs, s’emporte. En y regardant de près, on trouve chez lui, chez ses prédécesseurs et leurs conseillers, une certaine jalousie contre la sacrificature selon Dieu, source de toute sorte de mauvaises actions (Voyez 24:17-22; 25:14). Il ne peut convenir à l’homme dans la chair d’être exclu de la présence de Dieu et de son culte, et de ne pouvoir former quelque anneau d’une chaîne qui puisse relier à Dieu la créature déchue. De là vient l’animosité du monde religieux contre les enfants de Dieu qui ne peuvent ni partager, ni reconnaître ce qu’il appelle son culte.

À cause de cette transgression un jugement immédiat tombe sur Ozias. Semblable à Marie, sœur d’Aaron qui, étant prophétesse, avait voulu s’égaler à celui qui était roi en Jeshurun et prophète plus que nul autre; — semblable à Guéhazi qui, méprisant la gloire de Dieu et de son prophète, fut atteint de la souillure dont un Gentil avait été guéri; — semblable à Joab, outrageant l’Éternel par le meurtre d’Abner et voyant la lèpre s’attacher à sa famille pour ne plus la quitter (Nomb. 12:10; 2 Sam. 3:29; 2 Rois 5:27), le roi est frappé de lèpre pour avoir méconnu la sainteté de Dieu. Lui-même, avec le vain remords de son acte et la conscience de son impureté se hâte de sortir de la présence de l’Éternel, sous le châtiment qui lui est infligé. Il n’y a pas de rémission pour lui, comme il y en eut pour Marie; le roi, désigné pour accomplir les conseils de Dieu, est déclaré impur à jamais, banni de sa présence, exclu de sa maison, séparé de ce peuple sur lequel il avait été sacré roi, dans une maison d’isolement, incapable de gouverner, un mort-vivant, obligé de conférer le gouvernement à son fils Jotham (verset 21).

La malédiction divine repose sur cet homme qui, au début de son règne, avait fait ce qui était droit aux yeux de l’Éternel et l’avait recherché jusqu’au jour où il s’éleva. Il est même privé du tombeau des rois, ses pères; il est enterré dans le champ de leur sépulture, mais non dans leur sépulcre. Souveraine expression du déplaisir de Dieu; même dans leur mort ces rois, comme Joram, comme Joas, sont privés des honneurs de la sépulture.

L’année de la mort d’Ozias, Ésaïe, le prophète, eut une vision. Devant le Seigneur, assis sur un trône haut et élevé, les pans de sa robe remplissant le temple, cet homme de Dieu dit: «Malheur à moi! car je suis perdu; car moi, je suis un homme aux lèvres impures, et je demeure au milieu d’un peuple aux lèvres impures; car mes yeux ont vu le roi, l’Éternel des armées» (Ésaïe 6:5). Ce n’était pas seulement Ozias qui était impur et souillé devant l’Éternel; c’était aussi le prophète. Ésaïe voit la gloire de Christ (Jean 12:41), le vrai, seul roi des conseils de Dieu qui ne soit pas même effleuré par la souillure, le seul aussi dont la présence juge toute souillure: devant lui le prophète accepte le jugement, et mieux encore, le prononce sur lui-même. De plus il passe condamnation sur l’état du peuple, de ce peuple aux lèvres impures au milieu duquel il habite. Ainsi tout était perdu, du côté de la royauté, du peuple et du prophète. Le septième malheur (voyez les six premiers au chap. 5), plénitude de la malédiction était prononcée! Que reste-t-il?

Il reste ce que tout récit des Chroniques a pour but de faire ressortir. D’abord le roi, le vrai roi, l’Éternel des armées, qui résume en lui-même toutes les perfections du royaume futur, et dans lequel sont accomplis tous les conseils de Dieu — ensuite la grâce; la grâce ayant pour base le sacrifice de la Victime consumée sur l’autel de Dieu. Ainsi, l’iniquité du prophète était ôtée et la propitiation était faite pour son péché (v. 7). Il semble qu’avec l’histoire d’Ozias cette grande vérité soit mise particulièrement en lumière: La grâce, basée sur le sacrifice, est la seule ressource du meilleur des rois, du plus grand des prophètes.

L’énoncé de cette vérité nous porte à remarquer que les jugements prononcés sur les rois dans ce livre, n’impliquent point nécessairement leur sort futur et éternel. Ce qui nous est montré dans les Chroniques c’est le gouvernement de Dieu quant à la terre et ses conseils quant à la royauté terrestre, mais nullement ses conseils quant à la gloire céleste de Christ et aux bénédictions éternelles qui sont la part des élus. Un roi frappé de lèpre, chassé de la présence de Dieu, exclu des sépulcres des rois, a perdu tout droit aux privilèges du royaume sur la terre, mais la grâce de Dieu, quant au ciel, n’est pas anéantie par ces jugements. Nous en rencontrons de nombreux exemples, à commencer par de lui de Salomon, tel que le livre des Rois nous le présente. Cette remarque est importante pour garder nos pensées dans les limites que la Parole leur assigne et pour les empêcher d’opposer l’une à l’autre des vérités qui, sorties de leur place, cesseraient d’être des vérités. Il est parfaitement vrai que tel roi idolâtre et meurtrier peut être perdu éternellement, mais il est tout aussi vrai que tel autre roi, fidèle d’abord, puis devenu transgresseur, et jugé sévèrement ici-bas, peut être sauvé comme à travers le feu. En toutes choses nous sommes appelés à ne pas confondre les vérités que la parole de Dieu nous présente, et cela est doublement nécessaire quand nous avons à faire à l’Ancien Testament qui nous présente la responsabilité de l’homme et les résultats du gouvernement de Dieu ici-bas.