2 Chroniques

Chapitre 25

Amatsia

Amatsia succède à Joas, son père. Dieu, dans sa patience, recommence toujours, pour ainsi dire, l’épreuve de la royauté. Ce règne va-t-il avoir une meilleure issue que le précédent? Non, c’est la même histoire qui recommence. D’abord la fidélité et la crainte de Dieu, puis une chute retentissante. Amatsia «fit ce qui est droit aux yeux de l’Éternel, non pas toutefois d’un cœur parfait» (v. 2). Il manquait quelque chose à sa piété et le second livre des Rois (14:3-4) nous renseigne à ce sujet. Il n’abolit pas les hauts lieux quoique lui-même n’y sacrifiât point, mais le peuple y sacrifiait et cela dénotait chez Amatsia une coupable indifférence quant à l’état de la nation dont il était responsable. Répétons ici que Dieu, dans sa grâce, mentionne aussi peu que possible dans les Chroniques le fait que les hauts lieux sont tolérés. C’est comme s’il était résolu à ne nous entretenir que des choses produites dans le cœur par la grâce, et à ne pas insister sur une faiblesse qui provenait souvent, chez les rois pieux, du manque d’autorité et d’énergie pour réprimer les tendances idolâtres de leur peuple.

Une autre chose est, en revanche, à la louange d’Amatsia; il suit l’exemple donné par Joas, son père, aux jours de sa jeunesse et de sa prospérité. La Parole, représentée alors par «le livre de Moïse», est obligatoire pour lui et c’est elle qui dirige ses décisions. S’il détruit les meurtriers de son père, comme Salomon jadis les ennemis de David, il ne met pas à mort leurs fils, car il fait «selon ce qui est écrit dans la loi, dans le livre de Moïse, où l’Éternel a commandé, disant: Les pères ne mourront pas pour les fils, et les fils ne mourront pas pour les pères; car chacun mourra pour son péché» (v. 4; cf. Deut. 24:16).

Mais ce n’était pas toute la Parole, et, pour produire une marche fidèle, il la faut tout entière. Ce même Moïse avait dit dans les Nombres (33:52): «Vous dévasterez tous leurs hauts lieux». Combien souvent dans une vie chrétienne, fidèle du reste, le manque de soumission à certaines parties de la parole divine, gâte et corrompt le témoignage. Qui pourra nous dire que cette tolérance au sujet de l’une des pratiques, peut-être la moins odieuse de l’idolâtrie, ne fut pas pour quelque chose dans l’épouvantable défection dont la carrière d’Amatsia nous donne l’exemple?

Pour le moment sa vie n’avait pas encore sombré dans le mal; mais nous trouvons chez Amatsia une conscience peu exercée quant à l’association avec Israël, déjà voué au jugement. Trouvant sans doute son armée peu nombreuse, et il y avait en effet, une différence immense entre sa force militaire et celle de Josaphat (17:12-19), il embauche des volontaires d’Israël au nombre de cent mille, comme mercenaires à sa solde, pour cent talents d’argent. Ce n’était plus une direction positive, un texte formel des Écritures, qui devait régler ici la conduite du roi, mais la communion de pensées avec Dieu et l’exemple des bénédictions attachées à la foi. Ne devait-il pas savoir que l’Éternel pouvait «délivrer avec peu ou beaucoup de gens»? Asa n’avait-il pas, avec la même armée qu’Achazia, anéanti le million d’hommes de Zerakh? (14:8-9). Nos fautes, en ce cas, viennent, en somme, toujours d’un manque de confiance en Dieu et d’une confiance aveugle aux ressources humaines. Amatsia a négligé de consulter l’Éternel, mais celui-ci ne le laisse pas sans exhortations. Un prophète, un homme de Dieu, vient à lui pour l’avertir. Tandis que les dix tribus sont abandonnées à elles-mêmes, Dieu révèle ses pensées par ses prophètes là où se trouve un peuple qu’il reconnaît encore. Il exhorte, avertit, annonce les jugements en cas de désobéissance, mais tout cela est mélangé de grâce. La prophétie n’abolit la loi en aucune manière, mais, bien au contraire, s’appuie sur elle; la loi et la prophétie se présentent comme ayant une égale autorité. C’est, en effet, sur la loi de Moïse qu’Amatsia s’appuie au v. 4 et sur la parole du prophète qu’il change de conduite au v. 10. S’il s’était endurci, le régime de la loi n’étant pas aboli, il encourait un jugement sans miséricorde; mais la parole de répréhension du prophète est pleine de grâce et de douceur: «Ô roi! que l’armée d’Israël ne marche pas avec toi; car l’Éternel n’est pas avec Israël, avec tous les fils d’Éphraïm. Que si tu vas, fais-le, fortifie-toi pour la bataille; Dieu te fera tomber devant l’ennemi; car c’est en Dieu qu’est le pouvoir pour aider et pour faire tomber» (v. 7-8). Amatsia écoute le prophète, mais Dieu veut, pour qu’il se souvienne de ce sérieux avertissement, que son acte de propre volonté porte certains fruits amers. Tout d’abord la question se pose: «Que faire quant aux cent talents que j’ai donnés à la troupe d’Israël?» Cet acte d’obéissance entraînait une perte d’argent, mais qu’il aurait évitée s’il ne s’était pas engagé, sans consulter l’Éternel, dans un chemin qui le déshonorait. Combien de misères matérielles ou morales le sentier uni de la foi nous épargne! Sans doute, certaines difficultés s’y rencontrent toujours, mais ces épreuves ne sont mélangées d’aucune amertume, comme on le voit dans l’épître aux Philippiens, — que dis-je? d’aucune amertume? Elles sont l’occasion d’une joie sans mélange. Certes, l’apôtre n’avait rencontré que difficultés sur son chemin et l’épître aux Philippiens en énumère un grand nombre: ses chaînes, ses besoins matériels, la haine de ceux qui cherchaient à ajouter de l’affliction à ses liens, le manque d’harmonie parmi les chers enfants de Dieu, les ennemis de la croix de Christ marchant dans le chemin chrétien, tous cherchant leur propre intérêt, et d’autres choses encore; mais il était soutenu au-dessus de toutes ses épreuves, car elles étaient la participation aux souffrances de Christ et non pas le châtiment de sa conduite.

Que faire? dit Amatsia; le prophète répond: «Il appartient à l’Éternel de te donner beaucoup plus que cela». Le roi n’a rien à faire qu’à croire que Dieu veut lui donner, mais sa foi sera nécessairement mise à l’épreuve. En sortira-t-elle victorieuse? Il souffre d’être obligé de renoncer aux «cent talents qu’il avait donnés à la troupe d’Israël» sans en tirer aucun profit. Il voit la colère des hommes d’Éphraïm embrasée contre Juda, car ils considéraient leur licenciement comme une offense (v. 10). Il traverse encore d’autres tribulations: «Ceux de la troupe qu’Amatsia avait renvoyée, afin qu’elle n’allât pas à la guerre avec lui, tombèrent sur les villes de Juda, depuis Samarie jusqu’à Beth-Horon, et y frappèrent trois mille hommes et enlevèrent un grand butin» (v. 13). Si la foi d’Amatsia remporte, comme le prophète le lui avait fait entendre, une victoire signalée sur les Édomites, il lui faut, comme discipline, être battu d’autre part par ces hommes dans lesquels il avait mis sa confiance. Amatsia a-t-il appris sa leçon, s’est-il humilié devant Dieu en remportant d’un côté une victoire, fruit de la libre grâce de Dieu, en subissant de l’autre une défaite, fruit de son indépendance? La suite de son histoire nous montre qu’en réalité l’humiliation lui était étrangère. La victoire l’exalte; il s’attribue la défaite des Édomites et oublie Dieu. Honte à lui! il l’oublie si complètement «qu’il apporta les dieux des fils de Séhir, et se les établit pour dieux, et se prosterna devant eux et leur brûla de l’encens» (verset 14); il adore ces mêmes dieux qui n’avaient pas délivré leur peuple de sa main! Décidément cette fois la colère de Dieu s’embrase contre lui, et cependant il lui envoie un prophète pour tenter encore de l’amener à la repentance. «Pourquoi recherches-tu les dieux d’un peuple qui n’ont pas délivré leur peuple de ta main?» Ce «Pourquoi» n’est-il pas touchant? Amatsia va s’humilier peut-être, se reconnaître coupable. Le «Pourquoi» lui ouvre la porte de la repentance. Comme cet effort pour le ramener fait bien partie de la vocation miséricordieuse du prophète! Amatsia avait écouté un premier prophète, mais sans conviction profonde du mauvais chemin dans lequel il s’était engagé; que va-t-il répondre maintenant au second? Au lieu de tenir compte de la colère de Dieu contre lui, c’est sa colère à lui qui s’embrase contre l’homme de Dieu. Est-ce que je t’ai établi mon conseiller? Comment oses-tu t’adresser à moi? Cesse de parler: pourquoi te mettrait-on à mort? L’orgueil parle par la bouche royale. La victoire sur Édom n’a fait que nourrir la haute idée qu’il a de lui-même. Certes, il peut se passer du prophète et de ses questions, lui qui a pu se passer de l’Éternel! En effet, l’homme de Dieu se détourne, mais non pas sans avoir prononcé ces paroles solennelles: «Je sais que Dieu a résolu de te perdre, parce que tu as fait cela, et que tu n’as pas écouté mon conseil».

Cette sentence n’arrête pas Amatsia; il y a des temps où le cœur, volontairement endurci, est abandonné à lui-même, où l’homme est livré à Satan qui en fait son jouet. L’orgueil d’avoir vaincu Édom, l’amer ressentiment contre Éphraïm qui a saccagé les villes de Juda, font naître dans le cœur d’Amatsia le dessein de provoquer le roi d’Israël et de se venger de lui. Il rejette complètement l’idée d’une discipline de Dieu à son égard, car jamais un esprit de vengeance ne s’accorde avec un cœur humilié. Joas, roi d’Israël, répond à ce cartel par un apologue, montrant qu’une fois déjà Jéhu a foulé aux pieds Juda qui avait cherché des alliances matrimoniales dans la famille du roi à Samarie. Amatsia «n’écoute pas»; cet endurcissement venait de la part de Dieu, comme jadis celui du Pharaon. Il est battu, fait prisonnier, amené à Jérusalem. La muraille de Jérusalem est détruite entre la porte d’Éphraïm et la porte du coin; la ville elle-même, les trésors du temple, les trésors du roi sont mis au pillage. Amatsia reste encore quinze ans après la mort de Joas, sans qu’on le voie revenir à Dieu.

Et, circonstance solennelle! depuis le moment où il s’est détourné, une conspiration, ourdie contre lui, couve pendant de longues années, jusqu’au jour où elle éclate. Devant elle le roi s’enfuit à Lakis. Que ne cherchait-il son refuge auprès de Celui qu’il avait offensé? Une telle décision pouvait encore suspendre le jugement, car c’était le seul refuge où le jugement ne pût entrer, et la ville la mieux fortifiée ne pouvait empêcher la colère de Dieu d’atteindre le roi.

Jusqu’ici, sauf deux règnes absolument pervers, les rois commencent avec Dieu, dont la grâce est là pour les encourager à persévérer dans cette voie; mais leur fin n’est pas comme leur commencement, elle aboutit au naufrage. Nous n’avons pas encore atteint la période des réveils où nous trouverons le tableau plus consolant des rois qui ont appris à compter exclusivement sur la grâce.