2 Chroniques

Chapitre 15

Force et purification

À cette période de l’histoire d’Asa, Azaria, fils d’Oded, le prophète, vient encourager et exhorter le roi. Les prophètes de Juda, comparés à ceux d’Israël, se distinguent par leur grand nombre. Même Osée et Amos, prophètes d’Israël, ont une mission spéciale pour Juda. Il est vrai qu’Élie et Élisée, ces grands prophètes, furent envoyés exclusivement à Israël, mais leur ministère fut très particulier. Quand pullulaient déjà les prophètes de Baal et les faux prophètes, ils faisaient des miracles au milieu d’un peuple apostat, tombé dans l’idolâtrie. Leurs miracles étaient donnés pour les incrédules et non pour ceux qui rendaient hommage au vrai Dieu. C’est à peine, nous l’avons remarqué d’autre part, si l’on voit un prophète de Juda faire un miracle comme, par exemple, celui du cadran d’Achaz. Les premiers prophètes de Juda parlent; leurs successeurs écrivent leurs prophéties. Sous Roboam, le prophète Shemahia, sous Abija le prophète Iddo, sous Asa d’autres prophètes, n’écrivent pas encore; ce n’est que depuis le règne d’Ozias que paraissent les grands et les petits prophètes avec leurs écrits. En Israël, Élie est un prophète de jugement, Élisée apporte la grâce au milieu de la scène jugée; les prophètes de Juda annoncent les jugements, mais exhortent les rois et le peuple à la repentance pour trouver miséricorde, car ils insistent sur la grâce. Ce n’est que dans leur prophétie écrite qu’ils prédisent un jour futur où les conseils de Dieu s’accompliront à l’égard de la royauté; la prophétie orale ne va pas si loin et annonce des événements prochains, tandis que la prophétie écrite a une autre portée: «Aucune prophétie de l’Écriture n’est d’une interprétation particulière».

Ici, la prophétie d’Azaria ou plutôt d’Oded, son père, dont il est le porte-parole (v. 8), a le caractère de toute prophétie parlée. Elle s’adresse d’abord au roi, puis aux deux tribus restées fidèles, Juda et Benjamin. Azaria présente les conditions de l’alliance légale: «L’Éternel est avec vous quand vous êtes avec lui; et si vous le cherchez vous le trouverez, et si vous l’abandonnez il vous abandonnera» (v. 2). Il était nécessaire que des deux côtés cette alliance fut observée; du côté de l’Éternel elle l’est toujours, car il est fidèle, tandis qu’Israël, s’il était infidèle, tombait nécessairement sous le jugement d’un Dieu qui devait l’abandonner. Azaria rappelle ensuite les jours d’autrefois où le peuple tout entier avait été infidèle; faisant particulièrement allusion à la période des Juges, où, par la désobéissance d’Israël, avait régné le plus complet désordre: «Pendant bien des jours il n’y eut pour Israël ni vrai Dieu, ni sacrificateur pour enseigner, ni loi; et, dans leur angoisse, ils se retournèrent vers l’Éternel, le Dieu d’Israël, et le cherchèrent, et ils l’ont trouvé... En ces temps-là, il n’y avait point de paix pour ceux qui sortaient et qui entraient, car il y avait beaucoup de troubles parmi tous les habitants du pays, et nation se brisait contre nation, et ville contre ville, car Dieu les troublait par toutes sortes d’angoisses» (v. 3-6). Dieu, la sacrificature, la loi, avaient disparu, pour ainsi dire; chacun était loi à lui-même. C’était le règne de l’iniquité. Alors le peuple, dans son angoisse, avait crié à l’Éternel et s’était retourné vers lui, combien de fois! Et chaque fois ils avaient trouvé Dieu comme un Libérateur. Il n’y a «point de paix» dans l’abandon de Dieu, point de repos, ni de paix pour les méchants, dit Ésaïe, mais trouble sur trouble; au contraire, du moment que le roi revient, comme avait fait Asa, il y a paix et repos (cf. 14:1).

Azaria ne parle pas des dix tribus; Juda et Benjamin sont considérés par lui comme le peuple de Dieu; Israël est déjà définitivement abandonné comme témoin de l’Éternel, quoique des siècles doivent encore s’écouler avant son rejet final.

Après l’exhortation nous trouvons l’encouragement: «Vous donc, fortifiez-vous, et que vos mains ne soient point lâches; car il y a une récompense pour ce que vous ferez» (v. 7). N’avons-nous pas, nous aussi, quoique étant sous le régime de la grâce, à prendre garde à cette exhortation? Selon le gouvernement de Dieu, caché maintenant, mais qui ne subsiste pas moins dans toute sa réalité, il y a une récompense actuelle, et non pas seulement future, de nos actes. Cette récompense est la paix, le repos, la force. C’est ce qu’avait éprouvé Asa, mais la suite de son histoire nous montrera combien il avait besoin — et nous tous avec lui — d’être exhorté.

Aussitôt qu’Asa eut entendu les paroles de la prophétie «il se fortifia». Nous trouvons ici un nouveau caractère de la force, qui ne consiste pas, comme précédemment, dans la victoire sur les Éthiopiens, mais dans la purification pratique. Asa «fit disparaître les choses abominables de tout le pays de Juda et de Benjamin, et des villes qu’il avait prises de la montagne d’Éphraïm» (v. 8). Il en est de même pour nous: Tout ce qui est abominable aux yeux de Dieu, toute souillure, doivent être résolument bannis de nos vies, afin que nous puissions jouir d’une communion sans mélange avec lui. Cela ne peut avoir lieu que par la force, l’énergie de la foi, cette énergie appelée «vertu» par l’apôtre Pierre. La vie chrétienne ne comporte pas le laisser-aller. «Fortifiez-vous», nous dit le prophète. Nous avons à notre disposition la force, la puissance de l’Esprit de Dieu, basée sur Sa parole. Rien ne nous manque; mettons donc notre force à profit.

Asa ne se borne pas à purifier, comme il l’avait fait précédemment (14:3-5), les villes de Juda, il fait aussi disparaître les choses abominables «des villes qu’il avait prises de la montagne d’Éphraïm». À la suite de la victoire du roi, Dieu avait étendu sa sphère d’action (14:14), et il était maintenant responsable d’y faire adopter les mêmes principes de sainteté que sur le territoire de Juda. Mais cela ne suffisait pas: Asa «renouvela l’autel de l’Éternel» (v. 8). Je ne doute pas qu’il ne s’agisse ici, comme en plusieurs autres passages, du renouvellement des sacrifices réguliers offerts selon la loi, sur l’autel. Cet autel, érigé par Salomon, était alors en son entier et n’avait pas besoin d’être renouvelé, comme lorsque l’impie Achaz lui en substitua un autre (2 Rois 16). En un mot, le culte de l’Éternel, selon les prescriptions de la Parole, ce culte, déjà négligé sous les règnes précédents, était rétabli selon les pensées de Dieu. Partout où nous trouvons une vraie et énergique séparation des souillures du monde, le culte des enfants de Dieu ne tarde pas à revenir en honneur.

Un autre résultat de la fidélité d’Asa fut le rassemblement d’Israël: «Il assembla tout Juda et Benjamin, et les étrangers qui étaient avec eux, d’Éphraïm, et de Manassé, et de Siméon; car beaucoup d’Israélites passèrent à lui quand ils virent que l’Éternel, son Dieu, était avec lui» (v. 9). Le culte étant rétabli, l’unité d’Israël est réalisée dans la faible mesure qui peut appartenir à un temps de division et de ruine; la vue de la faveur manifeste de Dieu envers son peuple fidèle, agit sur la conscience de ceux qui faisaient partie, jusque-là, des dix tribus et se trouvaient, par leur origine, associés à l’idolâtrie de Jéroboam.

«Et ils se rassemblèrent à Jérusalem, le troisième mois de la quinzième année du règne d’Asa; et ils sacrifièrent à l’Éternel, en ce jour-là, du butin qu’ils avaient amené, sept cents bœufs et sept mille moutons» (v. 10-11). Les résultats de la victoire sont consacrés ici à l’Éternel et il devrait toujours en être ainsi. Si nos succès nous conduisent à nous reposer sur nous-mêmes, à être satisfaits de nous, à augmenter notre bien-être, la victoire sera un piège et nous détournera de Dieu au lieu de nous rapprocher de lui.

Le renouvellement de l’alliance, suite du réveil provoqué par la parole prophétique, est accompagné d’une grande joie, car «ils avaient recherché l’Éternel de toute leur âme, et ils l’avaient trouvé» (v. 15). Chaque renouvellement de l’alliance accompagne un vrai travail de conscience chez le peuple. Il l’avait rompue, le reconnaît et s’en humilie: il y revient et la bénédiction se fait immédiatement sentir. Il en fut de même sous Ézéchias, Joas, Esdras, Néhémie — alliance, faut-il ajouter, chaque fois violée de nouveau, car l’homme qui ne se connaît pas encore, doit apprendre ce qu’il est, sur le pied de sa responsabilité. Quoiqu’il en soit, la joie est la conséquence de toute restauration, même partielle et temporaire. «Ils avaient trouvé l’Éternel» et jamais, aux temps les plus sombres de l’histoire de l’homme, il ne s’est caché à ceux qui le cherchaient. Trouver l’Éternel! quel trésor, et comment ne pas se réjouir! Quel repos quand on l’a trouvé! «L’Éternel leur donna du repos tout à l’entour». Au chapitre précédent nous avons vu la force qui suit le repos, dans notre chapitre le repos qui suit la force, et c’est ainsi que, dans une vie fidèle, la force et le repos se renouvellent continuellement l’un par l’autre.

Asa ne se borne pas à repousser publiquement le mal; il purifie sa propre maison. Ces deux choses doivent s’accomplir ensemble, sinon notre vie chrétienne ne serait qu’une vaine apparence. «Même à Maaca, sa mère, le roi Asa ôta sa position de reine, parce qu’elle avait fait un simulacre pour ashère; et Asa abattit son simulacre, et le broya, et le brûla dans la vallée du Cédron» (v. 16). En réalité, Maaca était grand’mère d’Asa, probablement appelée à la régence avec le titre de reine lors de la mort d’Abija. Avec quelle énergie Asa passe sans en tenir compte, par-dessus les liens naturels, quand il s’agit de l’honneur de son Dieu! Rien ne l’arrête; il ôte à Maaca tout espoir d’exercer une influence quelconque sur le peuple de Dieu et la traite aux yeux de tous comme une ennemie de l’Éternel. Puissions-nous l’imiter! Nous n’avons que trop de disposition à traiter Satan avec ménagement quand il s’agit du péché dans nos propres familles, et cela nous oblige souvent à user des mêmes procédés quand il s’agit de la famille de Dieu. On excuse le mal tout en le blâmant; on cherche à ne pas l’ébruiter pour ne pas, comme on pense, produire du scandale; on supporte des doctrines contraires à la parole de Dieu et à l’honneur de Christ, pour ne pas froisser ceux qui les mettent en circulation et peut-être nous tiennent de près, et ainsi le mal s’étend et souille beaucoup de gens. Si le peuple avait vu Asa tolérer l’idolâtrie dans sa propre maison, tout en la condamnant partout ailleurs, n’aurait-il pas été entraîné à suivre son exemple, et, tout au moins, à ne pas y regarder de trop près?

Toutes ces décisions furent à la louange d’Asa, cependant il manqua dans un seul détail, insignifiant en apparence. La Parole nous dit (14:5) qu’il «ôta de toutes les villes de Juda les hauts lieux», mais nous apprenons, au v. 17, qu’ils «ne furent pas ôtés d’Israël», c’est-à-dire comme je le pense, des villes d’Israël qu’il avait conquises (v. 8). Cela semblait avoir peu de conséquence, car il avait fait disparaître de ces mêmes villes toutes les choses abominables. Mais, quand il s’agit de la séparation du mal, rien n’est indifférent. Sans doute, Asa nous est dépeint comme ayant eu «un cœur parfait tous ses jours» (v. 17), un cœur intelligent quant à ce qui convenait à la sainteté de l’Éternel, mais sans le réaliser pleinement en pratique. Cette tolérance des hauts lieux était un grain de sable, comparée à l’ensemble de son activité, mais un grain de sable peut arrêter la machine la mieux construite, une paille dans une poutre de fer produira la rupture du pont le plus solide; et toute la sécurité de Juda était établie sur la fidélité scrupuleuse d’Asa à son Dieu. C’est depuis ce moment, qu’après dix ans de repos et de prospérité, nous constatons le déclin chez cet homme de Dieu. Jusqu’ici la conduite fidèle d’Asa avait été l’aimant pour attirer à l’Éternel, non seulement Juda, mais Israël dans une certaine mesure, alors que, sans cette conduite, les voies relâchées d’Éphraïm auraient apporté un élément corrupteur au milieu des deux tribus. Dans son zèle, Asa n’avait pas été un homme aimable selon la chair; son attitude vis-à-vis de sa grand-mère le prouve, car il aurait pu se borner à supprimer son idole, sans proclamer publiquement sa déchéance. Chose honorable à l’actif d’Asa; il savait que l’amabilité mondaine ne gagne jamais les cœurs à Dieu et ne sourit qu’aux cœurs charnels. L’amour est tout autre chose que l’amabilité; il vient de Dieu et rayonne de Lui, sur tous les hommes, en passant par le cœur de celui qui l’aime. L’amabilité est un caractère agréable du cœur naturel, qui n’a pas une source divine et ne produit jamais rien pour Dieu.

Ce que nous avons vu jusqu’ici était l’effet de la grâce dans le cœur du roi. Dieu l’avait préparé dès longtemps pour qu’il fût un instrument béni, une lampe à Jérusalem, à cause de David. Le chapitre suivant nous montrera comment cette lampe perdit sa clarté.