2 Chroniques

Chapitre 13

Abija

Les événements relatés dans ce chapitre sont passés sous silence dans le chap. 15 du premier livre des Rois. Ce dernier se borne à mentionner qu’il y eut guerre entre Roboam et Jéroboam tous les jours de sa vie et qu’il en fut de même entre Abija et Jéroboam. Il ajoute qu’Abija «marcha dans tous les péchés de son père, que celui-ci avait pratiqués avant lui; et son cœur ne fut pas parfait avec l’Éternel, son Dieu, comme le cœur de David, son père. Toutefois, à cause de David, l’Éternel, son Dieu, lui donna une lampe à Jérusalem, établissant son fils après lui, et faisant subsister Jérusalem; parce que David avait fait ce qui est droit aux yeux de l’Éternel, et ne s’était détourné de rien de ce qu’il lui avait commandé, tous les jours de sa vie, excepté dans l’affaire d’Urie, le Héthien» (1 Rois 15:3-5). Dans ce dernier passage, c’est à cause de David que Dieu donne un successeur pieux à Abija dans la personne d’Asa, son fils, et aussi à cause de Jérusalem que Dieu avait choisie comme la cité de son Oint. Ici, rien de semblable. Comme toujours, dans cette partie des Chroniques, c’est, en dépit de tout, la grâce qui domine. Tout au plus la conduite d’Abija est-elle caractérisée au v. 21, en ce qu’il imite la marche du roi Salomon, telle que le livre des Rois nous la fait connaître: «Et Abija... prit 14 femmes et engendra 22 fils et 16 filles».

La bataille entre Abija et Jéroboam, omise dans le livre des Rois, nous offre une instruction sérieuse et solennelle quant à la condition morale d’Abija. Jéroboam, le double plus fort qu’Abija, avait 800 000 hommes d’élite contre 400 000 de Juda. Nous trouvons la même proportion en Luc 14:31: «Quel est le roi qui, partant pour faire la guerre à un autre roi, ne s’asseye premièrement et ne délibère s’il peut, avec 10 000 hommes, résister à celui qui vient contre lui avec 20 000?» Seulement Abija ne s’assied pas ici pour calculer. Il compte sur sa religion qui est la vraie pour résister à Jéroboam avec sa fausse religion. Son discours sur la montagne de Tsemaraïm, car il avait déjà envahi le territoire des dix tribus, le prouve. L’argument qu’il oppose à Jéroboam (v. 5-12) est composé de cinq points dans lesquels Juda est parfaitement justifié.

  1. L’alliance de l’Éternel avec Juda, par David, était à toujours. Les conseils de Dieu au sujet de la royauté ne pouvaient jamais être anéantis. Abija avait raison de revendiquer contre son ennemi les conseils immuables de l’Éternel.
  2. Les dix tribus étaient en rébellion ouverte, par leur roi, contre la semence de David, l’Oint de l’Éternel: «Et Jéroboam, fils de Nébath, serviteur de Salomon, fils de David, s’est levé, et s’est révolté contre son seigneur: et des hommes de rien, des fils de Bélial, se sont assemblés vers lui; et ils se sont fortifiés contre Roboam, fils de Salomon; et Roboam était jeune et craintif; et il ne s’est pas montré fort devant eux» (v. 6-7).
  3. Bien plus, ils étaient idolâtres et comptaient sur leurs faux dieux pour remporter la victoire: «Et maintenant vous pensez vous montrer forts contre le royaume de l’Éternel, qui est dans la main des fils de David, et vous êtes une grande multitude, et vous avez avec vous les veaux d’or que Jéroboam vous a faits, pour être vos dieux» (v. 8).
  4. Et de plus ils avaient complètement abandonné le culte de l’Éternel; ils avaient chassé les sacrificateurs, et en avaient établi à leur fantaisie, «mais pour nous», ajoute Abija, «l’Éternel est notre Dieu, et nous ne l’avons pas abandonné». Tout cela condamnait Israël et son roi; tout cela était vrai.
  5. Juda, lui, avait à sa tête Dieu, et ses sacrificateurs, et ses trompettes de rassemblement, et de fait, ce que Jéroboam faisait, c’était la guerre à Dieu. De nouveau, tout cela était vrai. Que manquait-il donc à Juda? Le voici: Juda possédait la vraie religion, mais sans le sentiment de son péché et de sa déchéance. Ce qui lui manquait, c’était une conscience réveillée.

N’en est-il pas ainsi de nos jours? On peut, par exemple, être protestant, posséder la Parole, avoir la connaissance du vrai Dieu, savoir parfaitement ce qui manque au catholicisme, religion semi-idolâtre, être capable d’en réfuter victorieusement les erreurs, posséder l’ensemble des vérités qui constituent le christianisme — et cependant être très éloigné de Dieu, sans force pour résister aux 20000. C’est qu’on ne s’est pas assis premièrement pour délibérer sur ses propres forces. Tout ce qu’alléguait Abija était insuffisant et ne pouvait lui faire remporter la victoire. Il lui fallait autre chose: une conscience atteinte; le sentiment de sa propre culpabilité, non pas en se comparant aux autres et à leurs erreurs, mais en ayant affaire pour lui-même avec Dieu.

La suite de ce récit le prouve. Les 800 000 hommes de Jéroboam peuvent envelopper entièrement les 400 000 d’Abija. La conséquence en est que Juda est perdu; il aurait dû commencer par là. «Et Juda se tourna, et voici, la bataille était contre eux, devant et derrière; et ils crièrent à l’Éternel, et les sacrificateurs sonnèrent des trompettes; et les hommes de Juda jetèrent des cris» (v. 14-15). Ce n’est qu’en partant de ce point: Je suis perdu que les trompettes au son éclatant peuvent sonner contre l’ennemi (v. 12). Au lieu, de se confier en ses trompettes contre ses adversaires il faut crier à l’Éternel pour soi-même, et ce n’est qu’alors que les trompettes peuvent retentir, c’est-à-dire que le témoignage peut être efficace. Le salut ne peut venir que de Lui et non pas des formes les plus orthodoxes de la religion. Il nous faut toujours commencer par notre propre état et non par celui des autres; nous trouvons alors que la croix est notre seule ressource et, l’ayant trouvée pour nous-mêmes, nous pouvons l’appliquer à tous ceux qui en ont un aussi urgent besoin que nous. «Je t’ai invoqué des lieux profonds, ô Éternel!» dit le Psalmiste. «Seigneur! écoute ma voix; que tes oreilles soient attentives à la voix de mes supplications. Ô Jah! si tu prends garde aux iniquités, Seigneur, qui subsistera? Mais il y a pardon auprès de toi, afin que tu sois craint…» et seulement alors il s’écrie: «Israël, attends-toi à l’Éternel... Lui rachètera Israël de toutes ses iniquités» (Ps. 130).

S’il en est ainsi pour le témoignage, il en est de même pour le combat. Dès que, nous sentant perdus, nous avons crié à l’Éternel, la victoire est à nous. Juger les autres ne peut nous sauver nous-mêmes; le secret de la victoire est dans la conviction que le péché nous ôte toute force et nous rend incapables de résister à l’ennemi. Cette victoire n’est pas due à un effort de notre part, puisque nous sommes incapables; elle ne peut provenir que de Dieu même: «Dieu frappa Jéroboam et tout Israël, devant Abija et Juda. Et les fils d’Israël s’enfuirent devant Juda, et Dieu les livra en leurs mains» (v. 15-16). Dès ce moment les fils de Juda ne s’appuyèrent plus sur leur religion: «Ils furent affermis, car ils s’appuyaient sur l’Éternel, le Dieu de leurs pères» (v. 18). Toute la force de Jéroboam tomba dès lors, «et l’Éternel le frappa, et il mourut» (v. 20).

Le sentiment de leur complète impuissance procure à Abija et à son peuple une chose plus importante même qu’une victoire; ils recouvrent Béthel, Jeshana et Éphron — mais avant tout Béthel, l’endroit où le Dieu fidèle avait fait des promesses à Jacob. En effet, le moyen d’acquérir les promesses de Dieu, c’est de commencer par se reconnaître perdu et de crier à l’Éternel. Notre infidélité nous a séparés du lieu des promesses, mais si nous nous reconnaissons perdus et crions à Dieu, nous les retrouvons toutes, car Christ nous les a acquises, lui, le oui et l’amen de toutes les promesses de Dieu. Sans Béthel, Juda était comme décapité moralement. De plus, Béthel était le lieu où l’on ne pouvait se présenter devant l’Éternel sans avoir enterré ses faux dieux (Gen. 35:2-4). C’était donc une restauration momentanée de ce pauvre peuple et de son triste roi — restauration bien partielle, car Abija n’en continua pas moins (v. 21) à suivre une voie qui avait entraîné la division du royaume.