1 Samuel

Chapitre 20

«David s’enfuit de Naïoth, en Rama, et vint, et dit devant Jonathan: Qu’ai-je fait? Quelle est mon iniquité, et quel est mon péché devant ton père, qu’il cherche ma vie?» (v. 1). Tandis que l’homme naturel reste sous le terrible: «Qu’as-tu fait?» adressé jadis à Caïn (Gen. 4:10), le juste par la foi, persécuté sans cause, peut dire comme David: «Qu’ai-je fait?» Mais David ne pouvait parler ainsi que dans ce moment de sa carrière. Plus tard, sous la persécution de son fils Absalom, il ne pouvait plus dire: «Qu’ai-je fait?» Plus tard encore, quand il avait commis le grave péché de dénombrer le peuple, il est obligé de confesser à Dieu sous le jugement: «J’ai grandement péché dans ce que j’ai fait» (2 Samuel 24:10). Et cependant, au moment même où il était discipliné, il nous est présenté comme un type de Christ, se mettant à la brèche pour sauver son peuple, quand il dit: «Voici, moi j’ai péché, et moi j’ai commis l’iniquité; mais ces brebis, qu’ont-elles fait!» (v. 17).

Mais un seul pouvait dire: «Je fais toujours les choses qui plaisent à Celui qui m’a envoyé»; un seul pouvait recevoir, au dernier moment de sa carrière, le témoignage sorti de la bouche du brigand converti: «Celui-ci n’a rien fait qui ne se dût faire» (Luc 23:41).

David, type si précieux de Christ, reçoit aussi ce témoignage public devant Saül, par la bouche de Jonathan: «Pourquoi serait-il mis à mort? Qu’a-t-il fait?» (v. 32). Quel privilège pour le croyant d’avoir, par le Saint Esprit, la possibilité d’imiter le Seigneur en cela, comme en toute autre chose. Seulement, pour produire ce fruit de justice, jamais le Seigneur n’eut besoin de discipline comme David ou nous-mêmes. Toutes ses afflictions étaient, d’une part, le fruit et le témoignage de sa grâce envers nous, et faisaient ressortir, d’autre part, la perfection absolue qui était en Lui, soit dans sa vie, soit dans sa mort. En Lui, l’offrande du gâteau, comme l’holocauste, faisait monter «une odeur agréable à l’Éternel» sans aucun mélange.

Nous verrons plus d’une fois, même dans cette période de sa vie, où David pouvait dire: Qu’ai-je fait? certains détails de sa conduite nécessiter l’intervention de Dieu en discipline. C’est ainsi que nous trouvons ici même, au v. 6, un manque de vérité qui, pour être compréhensible, n’en est pas moins condamnable. La vérité en David était au-dessous de la grâce: il était réservé à la Parole faite chair d’apporter dans ce monde la grâce sans mélange unie à la vérité parfaite (Jean 1).

Tandis que David, homme de foi, connaît parfaitement le danger que sa fidélité lui attire et, ne voyant qu’un pas entre lui et la mort (v. 3), sait que son unique ressource est en Dieu, Jonathan compte encore sur l’aide qu’il croit pouvoir procurer à son ami (v. 2). Il a quelque confiance dans le caractère de son père; il souhaite que l’Éternel soit avec David comme il a été avec Saül (v. 13). En réalité, il n’atteint pas un niveau élevé d’intelligence spirituelle, ni d’appréciation du cœur humain. Il en est toujours ainsi pour le croyant quand, par des liens quelconques, il est associé au monde. Jonathan n’a pas encore compris que Dieu a rejeté Saül, alors même que, d’autre part, toute sa confiance soit en David. N’est-il pas assuré de sa puissance future et de sa bienveillance? «Tu ne retireras point ta bonté de ma maison, à jamais, non pas même lorsque l’Éternel retranchera chacun des ennemis de David de dessus la face de la terre» (v. 15). Il continue ici à s’oublier lui-même, en proclamant que la royauté appartient à son ami. Et quel moment choisit-il pour se recommander? Celui où David est en fuite, sa vie exposée à chaque instant! N’en est-il pas de même pour nous? N’avons-nous pas trouvé dans un Christ rejeté notre protecteur, notre refuge et toute notre espérance?

Il est beau de voir chez Jonathan cette absence d’égoïsme, en face de celui qui allait hériter de tous les droits que la naissance semblait conférer au fils de Saül. Ah! c’est qu’il aimait David comme son âme; c’est que, dès le commencement, il avait donné force, autorité, royaume, en un mot toutes choses, au fils d’Isaï. Saül s’écriait: «Tous les jours que le fils d’Isaï sera vivant sur la terre, tu ne seras pas établi, ni toi ni ton règne» (v. 31), car pour lui, établir son fils était plus que toutes les gloires de David. Pour lui, c’était une honte d’être avec le vrai roi: «Tu as choisi le fils d’Isaï à ta honte et à la honte de la nudité de ta mère» v. 30). De telles paroles blessent Jonathan au cœur; il bondit sous l’outrage, mais il était affligé, non pas pour l’injure faite à lui et à sa mère, mais «à cause de David, parce que son père l’avait outragé» (v. 34). Il aime David, déshonoré et maudit par Saül, avec la même ardeur dont il l’avait aimé jadis dans la splendeur de sa jeunesse et de sa victoire.

Jonathan vient au secours de David en cette extrémité. Dans une dernière entrevue, des plus touchantes, «ils se baisèrent l’un l’autre et pleurèrent l’un avec l’autre, jusqu’à ce que les pleurs de David devinrent excessifs» (v. 41). Combien le caractère aimable et sympathique de Jonathan nous attache; et cependant une chose lui manquait, une seule; il n’avait pas assez de foi pour suivre un roi rejeté. Sa position, il est vrai, rendait un tel pas bien difficile, mais, pour la foi, les difficultés ne devraient pas compter. Jonathan aurait dû partager les afflictions de David autrement que par le cœur, et parce qu’il ne le fit pas, il dut partager plus tard la défaite et la ruine de son père.