1 Samuel

Chapitre 19

Au chapitre précédent, Saül avait usé de voies détournées pour se débarrasser de l’oint de l’Éternel il ourdit ici une véritable conspiration contre lui «Saül parla à Jonathan, son fils, et à tous ses serviteurs, de faire mourir David» (v. 1). Jonathan prêche la grâce à son père, en lui représentant ce que David était, ce qu’il avait fait pour lui, au prix de sa propre vie, et en lui rappelant que lui-même, Saül, s’en était réjoui d’abord, après avoir été témoin de ces choses: «Tu l’as vu et tu t’en es réjoui» (v. 5). Comme l’activité de David était supérieure à tout ce que Jonathan avait pu faire pour lui (et il en avait conscience), quoiqu’il aimât David comme son âme!

Saül écouta la voix de Jonathan et jura: «L’Éternel est vivant, si on le fait mourir» (verset 6). En présentant la grâce au cœur de l’homme naturel, Dieu permet que le mal y subisse un arrêt de développement momentané; mais ce n’est point la conversion. La pensée meurtrière de Saül est changée, et cependant il ne se repent pas. Il revient de sa décision, prend une résolution nouvelle devant les exhortations d’un homme de foi, mais à peine est-elle prise qu’il ne se montre en aucune manière libre de ses mouvements, et prouve par sa conduite qu’il est un pauvre esclave de Satan.

David, lui, ne change pas. «Il fut devant Saül comme auparavant» (v. 7). La grâce qui l’a conduit jusqu’ici reste empreinte sur lui et sur sa conduite.

Un nouveau triomphe de David réveille le mauvais esprit qui s’est emparé de Saül. Tant que le croyant ne trouble pas Satan par des victoires remportées sur ses créatures, son hostilité reste comme endormie, mais sa haine mortelle se réveille bientôt. On le voit pour David au moment même où le mauvais esprit semble dompté par les secours de grâce que David procure au roi. Il arrive alors un moment où tout ce que le croyant peut faire, c’est de fuir, et d’échapper comme l’oiseau du filet de l’oiseleur. Maintenant la mort de David est décrétée irrévocablement. Mical ayant pour motif l’affection naturelle qu’elle porte à David, lui vient en aide à sa manière, Dieu se servant ici des sentiments humains qui la faisaient agir (v. 11-17).

Ce passage nous apprend aussi qu’il y avait un théraphim dans la maison de David. Certes, il ne lui rendait pas culte, mais sa présence nous permet de conclure qu’il le supportait. Le théraphim n’était pas proprement une idole, et la Parole a soin de les distinguer l’un de l’autre (voyez Os. 3:4; Zach. 10:2; 1 Sam. 15:22, 23; 2 Rois 23:24; Ézéch. 21:26; Gen. 31:19, 30, 32-35; Jug. 17:3-5; 18:17, 18, 20). Le théraphim est quelque chose d’inférieur à l’idole, une espèce de demi-dieu, ayant pour domaine la maison, revêtu d’une certaine importance, et qu’on consulte même à l’occasion. De telles superstitions conduisent vite aux vraies idoles; c’est bien ainsi que Jacob en avait jugé, quand il disait à Laban de reprendre «ses dieux» (Gen. 31:32). Souvent le croyant manque d’énergie pour bannir de sa famille ces occasions de chute, et chacun de nous doit y prendre sérieusement garde, alors même que, semblables à Jacob et David, nous ne leur attribuerions personnellement aucune influence sur notre vie. Évidemment le théraphim avait été introduit dans la maison de David par Mical, cette fille de Saül, qui était ainsi en piège à l’homme de Dieu.

Mical évite la colère de son père en se donnant, vis-à-vis de lui, l’apparence d’être une ennemie de David, contrainte par ses menaces à le laisser échapper: «Laisse-moi aller, pourquoi te tuerais-je?» (v. 17). Combien son cœur diffère de celui de Jonathan, qui prenait ouvertement, à ses propres risques et périls, la défense de celui qu’il aimait tendrement.

«David s’enfuit, et il échappa; et il vint vers Samuel à Rama, et lui rapporta tout ce que Saül lui avait fait: et ils s’en allèrent, lui et Samuel, et ils habitèrent à Naïoth» (v. 18). David va tout dire à Samuel, représentant de Dieu et prophète. Il devient son compagnon, et tous deux habitent ensemble. Tel est, pour David, le résultat de l’épreuve.

Ceci nous amène à considérer les Psaumes qui nous parlent des afflictions de David. Nous supposons qu’aucun de nos lecteurs n’ignore que les Psaumes sont des chants prophétiques, décrivant les circonstances morales que traversera le résidu croyant d’Israël aux derniers jours. Ce résidu sera soutenu dans la tribulation par l’Esprit de Christ, de Celui qui a passé en grâce par des circonstances analogues, mais bien plus terribles, puisque Sa marche d’obéissance, de dépendance, d’intégrité, de sainteté et d’amour, n’a eu d’autre résultat que la mort, et qu’il n’a été délivré que «d’entre les cornes des buffles». Il est donc naturel de voir David employé comme organe principal pour exprimer prophétiquement les sentiments du résidu et ceux de Christ. Sa vie n’est-elle pas, comme nous l’avons déjà constaté tant de fois, un type frappant de celle du Messie qui devait venir, et n’a-t-il pas passé comme tel, à travers toutes les phases d’un rejet, d’humiliations et de persécutions qui, sauf la mort, représentent les souffrances du Sauveur! Nous ne disons pas ces mots avec le dessein d’entrer plus longuement dans ce sujet, si souvent traité en détail par d’autres, mais afin de faire ressortir que les Psaumes de David, qui nous portent si haut et si loin dans l’avenir prophétique, sont, en tout premier lieu, sortis de ses expériences personnelles, et qu’on peut y trouver une expression fidèle de l’état de son cœur dans l’épreuve, des résultats produits par la discipline de Dieu à son égard, et des ressources qui furent sa part quand la tribulation s’abattait sur lui. C’est uniquement à ce point de vue restreint que nous considérerons, au fur et à mesure des événements, les Psaumes qui s’y rapportent.

Le récit de ce chapitre a sa contrepartie au Ps. 59, inspiré «quand Saül envoya et qu’on surveilla la maison de David, afin de le faire mourir». Tandis que les envoyés de Saül, hommes de sang, assemblés contre lui, faisaient la nuit le tour de la ville, le cœur de David s’adressait en supplications à l’Éternel, attendant de Lui la délivrance (v. 1, 2), certain qu’il userait de grâce envers lui (v. 10), car ce n’était ni pour «sa transgression, ni pour son péché» qu’on cherchait sa vie, mais parce qu’il appartenait à l’Éternel. Il ne demande pas, pour le moment, que Dieu extermine ses ennemis (v. 11), qu’il tue Saül, afin que le peuple de David n’oublie pas ces choses. Il faut que le roi profane reste debout, jusqu’à ce que la patience de l’oint de l’Éternel ait eu son œuvre parfaite. Plus tard, Dieu consumera l’ennemi, afin d’établir son règne.

N’est-il pas touchant de voir cet homme de Dieu, au moment même où il est serré de si près, et où sa vie peut être tranchée, tout occupé du Seigneur, de ses desseins et de ses délivrances? En effet, il ne met en question ni l’amour de Dieu, ni sa volonté de le délivrer. «Et moi je chanterai ta force, et, dès le matin, je célébrerai avec joie ta bonté» (v. 16). Dès le matin! alors que les ennemis «hurlaient comme des chiens», dans cette angoissante nuit, en surveillant sa maison et en faisant le tour de la ville! Il était donc sûr de la délivrance, parce qu’il comptait sur Dieu, et il peut ajouter, dans ce péril extrême, anticipant cette délivrance: «Tu m’as été une haute retraite et un refuge au jour où j’étais dans la détresse!» (v. 16).

Revenons à notre chapitre. Aux v. 19-24, tout l’effort de Saül contre David échoue, et cependant il le fait poursuivre par ses messagers sous l’égide même de Samuel. Ces instruments de l’ennemi subissent, contre leur gré, l’influence de l’Esprit de Dieu par lequel ils prophétisent, sérieux avertissement qui ne les convertit ni ne les sauve. Saül même, et non pour la première fois de sa vie, est obligé ici de prophétiser par l’Esprit de Dieu. Au chap. 18:10, il l’avait fait par le mauvais esprit qui s’était emparé de lui. Dieu peut parler par la bouche d’un Saül qui, à d’autres moments, est le porte-voix de Satan; il peut le faire aussi par la bouche d’un Balaam ou d’un Caïphe. Cela prouve seulement que Dieu se sert de tous les hommes comme d’instruments, si cela lui convient; mais il faut distinguer entre l’action vivifiante du Saint Esprit et ses diverses opérations en puissance. La puissance peut communiquer une grande connaissance de la Parole, peut-être aussi l’énergie qui utilise cette connaissance pour d’autres; la puissance peut opérer des miracles, mais jamais elle ne nous amène à nous juger nous-mêmes et à saisir Christ comme répondant à nos besoins. Elle ne donne ni la repentance, ni la foi; il faut une œuvre de l’Esprit dans le cœur pour atteindre la conscience, pour donner le sentiment du péché, pour amener l’âme à Dieu. Sans cela il n’y a pas de vie nouvelle. Le cœur de Saül et de ses messagers n’était pas changé, mais Dieu s’était emparé de leurs esprits par la prophétie, afin de mettre à nu leur folie et de sauver David, son bien-aimé.