1 Samuel

Chapitre 13

L’activité de Samuel comme juge étant close, le premier verset de ce chapitre introduit un sujet nouveau.

Il est important de remarquer, au début de cette nouvelle division du livre, que Saül ne représente pas l’opposition préméditée de la chair à l’œuvre de Dieu, mais, bien plutôt, la chair s’employant à accomplir cette œuvre, la chair introduite dans une position de témoignage. Cela rend Saül infiniment plus responsable et son activité plus coupable, que s’il entrait en scène comme un ennemi de Dieu et de son oint. La chrétienté dont nous faisons partie occupe la même position, en sorte que les enseignements de ces chapitres sont d’une solennelle actualité.

Ce chapitre pourrait être intitulé: La folie et la faiblesse de la chair. Après une première victoire de Jonathan (v. 3), sur laquelle nous reviendrons dans le chapitre suivant pour présenter dans son ensemble le caractère de cet homme de Dieu, les Philistins furent émus. «Saül sonna de la trompette par tout le pays, disant: Que les Hébreux l’entendent! Et tout Israël ouït dire: Saül a frappé le poste des Philistins, et aussi Israël est détesté par les Philistins. Et le peuple se rassembla auprès de Saül à Guilgal».

En s’adressant au peuple de l’Éternel, le roi parle des Hébreux. Les Philistins ou les nations ennemies qui environnaient Israël, ne parlaient pas autrement (conf. 14:11), et ce titre prouve que Saül s’appuyait sur le rassemblement de la nation, comme constituée à l’égal des gentils, et ne comprenait guère mieux que ces derniers la relation du peuple avec son Dieu. Il en est plus ou moins de même de nos jours, où les hommes méconnaissent la relation véritable du peuple de Dieu, de l’Église avec Christ. Comment pourrait-il en être autrement? La chair peut-elle comprendre les rapports d’intimité et d’affection que l’Esprit établit entre l’Époux et l’épouse? De cette ignorance sont sortis tous les systèmes soi-disant religieux qui constituent la chrétienté et remplacent des relations vitales que la chair ne peut connaître.

Saül s’attribue la victoire de Jonathan, la victoire de la foi (v. 4). Lorsque Dieu agit par ses instruments au début d’un réveil, comme cela s’est vu lors de la Réformation, et remporte la victoire sur l’ennemi, tous ceux qui en profitent et qui n’appartiennent pas à la famille de la foi, ne manquent pas de revendiquer cette victoire comme leur mérite et de se faire valoir par elle.

Jamais la chair ne cherche à rassembler les âmes autour de Christ; elle se fait centre elle-même. C’est ainsi qu’agit Saül en cherchant à effrayer le peuple par ces mots: «Israël est détesté par les Philistins». Au chap. 11:7, il avait contraint par des menaces les tribus à le suivre, ici par la peur. Cette manière d’agir a pour résultat de rassembler Israël auprès de lui (v. 4), mais les conséquences morales ne se font pas attendre. Ceux qui se placent sous la conduite de la chair pour trouver quelque sécurité, sentent bien vite qu’ils n’en ont aucune. Leur détresse n’en est pas diminuée; ils suivent Saül «en tremblant» (v. 7). Pour se mettre à l’abri, ils passent le Jourdain et vont au pays de Gad et de Galaad (v. 7), abandonnant le terrain proprement dit de Canaan, pour mettre autant d’espace que possible entre eux et l’ennemi. Ce manque de foi leur fait oublier la seule chose importante, c’est que ce n’était pas Saül qui habitait au milieu de son peuple, et que leur cause n’était pas entre ses mains.

Saül était enfin descendu à Guilgal, où Samuel lui avait jadis donné rendez-vous en ces termes: «Tu descendras devant moi à Guilgal; et voici, je descendrai vers toi pour offrir des holocaustes et sacrifier des sacrifices de prospérités; tu attendras sept jours, jusqu’à ce que je vienne vers toi, et je te ferai savoir ce que tu devras faire» (10:8).

Les circonstances difficiles qu’il traverse, rappellent à Saül la nécessité des directions de Samuel. Au bout de deux ans, il se souvient de l’injonction du prophète. Saül, est-il dit, «attendit sept jours jusqu’au temps assigné par Samuel». La chair peut imiter la foi jusqu’à un certain point, pas au delà; elle recule devant les conséquences de son inactivité; rien ne lui est plus difficile, plus impossible même, que de se tenir tranquille et de voir le salut de l’Éternel. Sa patience en impose souvent, même aux chrétiens, mais elle cesse au moment de devenir la foi, la foi qui ne compte pas avec les difficultés et les impossibilités, car elle s’attache à Dieu qui est au-dessus de ces choses. L’homme naturel peut marcher longtemps dans un chemin de patience et agir en apparence d’après ce principe, mais n’a pas le sentiment de sa faiblesse et de son incapacité et, manquant de lien avec Dieu, ne peut chercher ses ressources qu’en lui-même quand il est réellement mis à l’épreuve.

Les sept jours étaient passés, Samuel ne venait pas à Guilgal, et le peuple se dispersait d’auprès de Saül (v. 8). Le peuple ne trouvait pas en celui qui l’avait rassemblé par la peur, l’autorité suffisante pour le maintenir et le défendre. Alors Saül perd patience; il ignore cette patience de la foi qui «est fortifiée en toute force, selon la puissance de la gloire de Dieu». Sa patience s’arrête où la foi devrait commencer. Quand le peuple se disperse, quand l’appui des hommes lui manque, tout manque au pauvre roi. Sa chair, poussée à l’action, prend aussitôt la place qui appartient au prophète, renversant et foulant aux pieds l’ordre établi de Dieu. Saül dit: «Amenez-moi l’holocauste et les sacrifices de prospérités. Et il offrit l’holocauste. Et comme il achevait d’offrir l’holocauste, voici que Samuel vint» (v. 9, 10).

Le secours de Dieu arrive au moment où la chair vient de s’aider elle-même. À quoi ce secours peut-il donc lui servir? Saül n’est pas un incrédule et ne méprise pas ouvertement le Dieu d’Israël; il sait qu’il faut un sacrifice pour s’approcher de Lui; loin de mépriser le prophète, il sort «à sa rencontre pour le saluer» (v. 10). Mais, homme dans la chair, il était absolument incapable d’agir autrement qu’il ne le fait. Cependant il est responsable à l’extrême. «Qu’as-tu fait?» lui dit Samuel — la parole que Dieu avait adressée à Caïn! Comme toujours, la chair a d’excellentes raisons pour agir et par conséquent pour désobéir: «Parce que je voyais que le peuple se dispersait d’auprès de moi, et que tu ne venais pas au jour assigné, et que les Philistins étaient assemblés à Micmash» (v. 11). Elle a une excuse même pieuse à sa désobéissance: «Maintenant les Philistins descendront contre moi à Guilgal, et je n’ai pas supplié l’Éternel» (v. 12).

Et Samuel dit à Saül: «Tu as agi follement». La sagesse, les raisonnements, les conseils, les décisions de l’homme sont folie pour Dieu, parce qu’elles sont désobéissance. «Tu n’as pas gardé le commandement de l’Éternel, ton Dieu, qu’il t’avait ordonné» (v. 13). L’obéissance est le premier, le seul caractère de la foi. Sans elle la foi n’existe pas. Elle s’allie à la dépendance. Qui pouvait offrir un sacrifice agréé de Dieu, sinon Samuel, type ici de Christ!

C’est pourquoi Dieu répond au sacrifice de Saül en le rejetant comme roi! La royauté selon la chair, responsable quoique établie de Dieu, vient de fournir la preuve, non seulement qu’elle est incapable de se maintenir, mais que l’homme n’a de ressource que la grâce. C’est ce que Dieu voulait démontrer. Alors, il établit la royauté selon la grâce, selon son propre cœur. «L’Éternel s’est cherché un homme selon son cœur, et l’Éternel l’a établi prince sur son peuple» (v. 14).

Guilgal, lieu du jugement de la chair, était devenu, par l’infidélité de Saül, le lieu où la chair s’était affirmée. Samuel le quitte pour Guibha de Benjamin, seul lieu (conf. v. 2) où la foi se maintienne encore en Israël, dans la personne de Jonathan.

Saül paraît insensible à la gravité de son acte; il continue dans la même voie en dénombrant le peuple qui se trouvait avec lui (v. 15). Les ravageurs d’entre les Philistins envahissent tout le pays d’Israël, et le peuple était sans armes: «Les Philistins avaient dit: Que les Hébreux ne puissent faire ni épée ni lance». Et tout Israël descendait vers les Philistins pour aiguiser ses instruments aratoires ou pour redresser un aiguillon. Si nous dépendons du monde pour fourbir nos armes, nous nous trouverons sans ressource pour le combattre. Notre arme, c’est la Parole. Comment en user contre le monde, si nous consentons à lui donner le droit de nous l’enseigner et de nous la dispenser! Il a ainsi entre ses mains le moyen de nous asservir, et il ne nous laissera de cette Parole que ce qui ne peut lui nuire. Et c’est ainsi que les enfants de Dieu sont trop souvent sans armes devant les ennemis qui combattent leur foi.