1 Samuel

Chapitre 2

V. 1-11

La conscience de son état irrémédiable, le brisement et l’humiliation, avaient préparé Anne à recevoir la grâce que Dieu lui accordait, en lui donnant Samuel. Mais à peine le tenait-elle entre ses bras maternels qu’elle avait dû se séparer de lui pour le consacrer à Dieu. Sa vie allait être plus solitaire que jamais, et dans un temps surtout où la condition du peuple accumulait les ruines autour d’elle. Anne cependant est remplie d’une joie qui déborde en un cantique de triomphe: «Mon cœur s’égaie en l’Éternel... car je me réjouis en ton salut» (v. 1). C’est que Dieu s’est révélé à elle en grâce; c’est qu’Il se révèle encore à sa fidèle servante qui, ayant tout reçu de Lui, n’avait rien gardé pour elle et Lui avait tout rendu. S’étant privée de son fils, elle comprend mieux tout ce que Dieu est en Lui-même, elle apprécie davantage tout ce qu’Il est pour elle. Abraham, sacrifiant Isaac à la demande de l’Éternel, avait fait une expérience semblable. Ce fut alors que Dieu lui révéla toute l’étendue des promesses qu’il avait reçues, et que Dieu confirmait à sa semence (Gen. 22:15-18; Gal. 3:15-16).

Avec la joie, Anne a trouvé la force: «Ma corne est élevée en l’Éternel» (v. 1). Cette force «s’accomplit dans l’infirmité» (2 Cor. 12:9); ayant répudié tout ce qui était haut placé, tout ce qui avait un renom en Israël, Dieu la donne en partage à une faible femme, humiliée et méprisée. Ce beau cantique d’Anne a donc pour point de départ ses douloureuses expériences personnelles, quoiqu’il aille beaucoup plus loin. Nous verrons, dans le cours de ce livre, la même chose se produire chez David. Les Psaumes inspirés sont le fruit de ses expériences, mais la portée que l’Esprit leur donne va bien au-delà, et se concentre prophétiquement sur les souffrances et les gloires de Christ, sur la personne de Celui qui est l’accomplissement de toutes les promesses, de toutes les voies, de tous les conseils de Dieu.

C’est ainsi que nous devons interpréter le cantique d’Anne. Ses circonstances personnelles sont comme l’introduction à des choses non révélées, gardées jusqu’alors dans les conseils de Dieu.

Le sujet principal du cantique d’Anne, le grand principe qui y est présenté, c’est la grâce souveraine et la puissance de Dieu, qui abaisse l’orgueilleux et celui qui met sa confiance en la chair, et relève le faible et l’impuissant, «car les piliers de la terre sont à l’Éternel et sur eux il a posé le monde». C’est sur sa grâce et sur sa puissance qu’Il a établi tout l’ordre des choses créées. Israël, misérable et déchu, et un pauvre et faible résidu fidèle, avaient besoin de savoir ces choses, d’apprendre que tout dépendait de Lui seul, que Lui seul pouvait garder les pieds de ses saints, faire taire les méchants, réduire à néant toute la force de l’homme, briser tous ses adversaires, et enfin donner la force à son Roi et élever la corne de son Oint1, car Il intervient en faveur d’Israël en donnant la force à son Christ. Il ne donne pas la force à son peuple, mais à son Oint. Il suscite le Roi de qui tout dépend, le pivot de tout, le seul moyen d’entretenir des relations entre son peuple et Lui.

1 Le cantique de Marie (Luc 1:16-56) offre les mêmes caractères. Cette humble femme, cachée parmi les petits, quoique de la famille de David, célèbre la grâce et la puissance du Dieu Sauveur qui abaisse les orgueilleux, élève les petits et prend la cause d’Israël en main.

Reprenons un ou deux détails de ce cantique. Le v. 1 célèbre le salut de l’Éternel. Tout est pure grâce de sa part, car c’est «la grâce qui apporte le salut». Le v. 2 célèbre la sainteté de l’Éternel. Le croyant ne peut séparer ces deux caractères l’un de l’autre; celui qui a trouvé Dieu comme Sauveur, comprend qu’Il est «le Saint et qu’il n’y en a point d’autre que Lui». Mais il faut être saint pour Lui appartenir; c’est pourquoi Il nous a sanctifiés pour Lui-même. Toute notre conduite devra donc désormais montrer ce caractère.

Cette grande vérité fut mise en lumière à la Pâque. Les Israélites avaient été abrités par le sang de l’agneau, livré au jugement à leur place.

Le peuple s’appropriait ce sacrifice en mangeant l’agneau avec des pains sans levain qui représentaient en type la sainte humanité de Christ. Dès ce moment il lui était enjoint de faire pendant sept jours la fête des pains sans levain. Comme Celui qui les avait appelés était saint, eux aussi devaient être saints dans toute leur conduite (1 Pierre 1:15, 16).

Le v. 3 est un avertissement aux méchants dont Peninna est le type. Ils sont placés en présence de Dieu qui connaît tout, et qui pèse les actions des hommes.

Aux v. 4 à 8, nous trouvons la raison de la discipline qui avait atteint les fidèles. C’était afin que le caractère de la grâce fût mis en lumière en les élevant à la gloire, et le caractère de la justice en donnant leur rétribution aux méchants. Cette grâce va jusqu’à donner sept enfants à la femme stérile, nombre parfait que Anne n’a jamais atteint (v. 21), car elle n’eut que six enfants. Les bénédictions promises n’atteindront leur plénitude que dans la gloire réservée au résidu d’Israël restauré.

Le v. 10 prédit, comme nous l’avons vu, la venue du Messie, du vrai Roi. Dieu élèvera la corne de son Oint. Être associé directement avec Lui, telle est la puissance accordée à Anne au v. 1: «Ma corne est élevée en l’Éternel».

 

V. 12-36

La suite de ce chapitre nous fait assister à l’état de ruine dans lequel la sacrificature était tombée. «Les fils d’Éli étaient des fils de Bélial», terrible parole, quand il s’agit de ce qui, en Israël, était le plus près de Dieu. Le péché de ces hommes avait deux caractères: ils méconnaissaient les droits de ceux qui venaient adorer l’Éternel, en s’emparant de leur portion (v. 13, 14); ils méconnaissaient les droits de l’Éternel, portaient une main profane sur sa portion à Lui, se faisaient servir avant Lui, prenant ainsi le pas sur Dieu Lui-même (v. 15, 16). Ils s’engraissaient des offrandes de l’Éternel et les rendaient méprisables aux yeux des hommes.

Ne sont-ce pas les principes de tout clergé, qu’il soit païen, juif ou chrétien; sans doute plus ou moins grossiers et haïssables suivant les cas, mais enfin les principes de toute classe d’hommes qui s’arroge autorité ou privilèges sur d’autres hommes en matière religieuse! (Matt. 24:48, 49). Ils prétendent avoir des droits sur les simples fidèles, se font servir à leurs dépens, et même un esclave du sacrificateur a plus d’autorité à leurs yeux que les adorateurs eux-mêmes. Ils usurpent, dans une mesure, les prérogatives de Dieu et le font en somme mépriser pour être honorés à sa place1. Les fils d’Éli ne connaissaient pas l’Éternel (v. 12); «la crainte de Dieu n’était pas devant leurs yeux». Sans cette crainte, on ne hait pas le mal. Est-il étonnant que la plus effroyable corruption se montrât chez eux (v. 22).

1 Il en était ainsi au plus haut degré des méchants fils d’Éli.

Au milieu de ces ruines, la souveraine sacrificature s’était-elle au moins maintenue? Hélas non! Éli, le pieux Éli, manquait de discernement spirituel. Et cependant il se montrait capable d’enseigner les pensées et les voies de Dieu au jeune Samuel. Bien plus, il portait un jugement juste sur le mal, et son cœur saignait en voyant la vie dissolue de ses fils. Il ne le leur cachait pas. Personne, sans doute, ne leur avait exprimé sa réprobation aussi nettement que leur père: «Pourquoi faites-vous des actions comme celles-là? Car, de tout le peuple, j’apprends vos méchantes actions. Non, mes fils; car ce que j’entends dire n’est pas bon vous entraînez à la transgression le peuple de l’Éternel. Si un homme a péché contre un homme, Dieu le jugera; mais si un homme pèche contre l’Éternel, qui priera pour lui?» (v. 23-25).

Que manquait-il, direz-vous, à cet homme de Dieu? Ceci: Il jugeait le mal, mais ne s’en séparait pas. Chose triste et humiliante à constater: c’est le cas de la majorité des enfants de Dieu dans la chrétienté. Leurs liens, leurs relations, leurs affections, des habitudes auxquelles ils tiennent plus qu’à la gloire du Seigneur, les empêchent de reconnaître qu’on est solidaire d’un mal qu’on juge sans s’en séparer.

C’est ce que l’homme de Dieu est chargé de déclarer à Éli. Ce dernier ne suivait personnellement en aucune façon la conduite impie et désordonnée de ses fils, et cependant c’est à lui que s’adressent ces solennelles paroles: «Pourquoi foulez-vous aux pieds mon sacrifice et mon offrande, que j’ai commandé de faire dans ma demeure? Et tu honores tes fils plus que moi, pour vous engraisser des prémices de toutes les offrandes d’Israël, mon peuple» (v. 29). «Tu honores tes fils plus que moi!» Malheureux Éli! malgré toute sa piété il y avait des hommes, ses fils — sa conduite le montrait — qu’il honorait plus que l’Éternel. Dieu avait patienté avec lui, mais maintenant il allait récolter les fruits amers de l’absence de sainteté dans sa marche, car la sainteté n’est pas autre chose que la séparation du mal en vue du service de Dieu. La maison d’Éli, descendant d’Ithamar, allait prendre fin; elle ne pouvait, dans les conditions où elle était, «marcher devant Dieu à toujours». «Ceux qui m’honorent, dit l’Éternel, je les honorerai, et ceux qui me méprisent seront en petite estime» (v. 30). Cet homme juste, Éli, méprisait donc l’Éternel? Oui, car «nul serviteur ne peut servir deux maîtres; ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre» (Luc 16:13). Aussi un jugement terrible est-il prononcé sur la maison d’Éli (v. 31-34). Mais Dieu, le Dieu de grâce, ne s’en tient pas au jugement; il s’en sert pour établir devant Lui une sacrificature définitive. Il confie la sacrificature à la descendance d’Éléazar: «Je me susciterai un sacrificateur fidèle: il fera selon ce qui est dans mon cœur et dans mon âme, et je lui bâtirai une maison stable, et il marchera toujours devant mon Oint» (v. 35). En même temps que l’établissement d’une sacrificature selon son cœur, l’Éternel fait connaître le changement d’économie qui va suivre, mais, prophétiquement, cela dépasse de beaucoup la sacrificature des fils d’Éléazar sous David et sous Salomon. L’Oint, c’est Christ, et, tandis qu’il sera en haut, roi et souverain sacrificateur selon l’ordre de Melchisédec, il y aura sur la terre, pendant le millénium, une sacrificature fidèle de la famille de Tsadok dont les fonctions tendront toutes à glorifier le roi élu, l’homme de la droite de Dieu (Éz. 44:13-15).

Que l’exemple d’Éli nous profite. Nous traversons des jours caractérisés par une certaine activité dans le service. Cette activité en impose souvent à nous-mêmes et à d’autres, car elle a l’apparence d’un grand zèle pour le Seigneur et son œuvre. Elle peut même être accompagnée de dons éminents, mais les dons et l’activité sont peu de chose, si le caractère moral n’y correspond pas. Ce caractère moral faisait cruellement défaut à Éli; or sans lui il n’y a pas de vrai service selon Dieu.

Samuel offre en tout un contraste frappant avec cet état de choses. Nous pouvons suivre chez lui le développement ininterrompu d’une vie de sainteté, malgré plus d’une faiblesse, car la perfection ne se trouve qu’en Christ.

Quand il n’était encore qu’un petit enfant, il est dit de lui, au chap. 1:28: «Et il se prosterna là devant l’Éternel»1. C’est ainsi qu’un «nouveau-né» en Christ doit prendre immédiatement devant Lui sa place d’adorateur. Au chap. 2:11, second acte: «Le jeune garçon servait l’Éternel en la présence d’Éli, le sacrificateur». Cette attitude caractérisera toute la vie de Samuel, mais il sert ici sous la direction d’Éli, car il avait besoin, étant très jeune encore, d’apprendre, avant de pouvoir enseigner les autres.

1 Quelques-uns traduisent: «Ils se prosternèrent», peut-être sans motif suffisant.

Au troisième acte (v. 18), Samuel ne sert pas devant Éli, mais, plus directement, «devant l’Éternel, jeune garçon, ceint d’un éphod de lin», c’est-à-dire avec un caractère sacerdotal, l’éphod de lin étant par excellence le vêtement du sacrificateur (22:18). La sacrificature étant déchue, l’Éternel en revêtit, par intérim pour ainsi dire, ce jeune lévite. Il en fut de même plus tard pour David, portant l’éphod devant l’arche (2 Sam. 6:14). Il en est toutefois autrement des chrétiens qui sont, d’une manière définitive, rois et sacrificateurs devant Dieu le Père.

Au quatrième acte (v. 21), «le jeune garçon Samuel grandissait auprès de l’Éternel». Il s’agit ici de son intimité avec Dieu, sans laquelle le service ne peut être efficace.

Au cinquième acte (v. 26), «le jeune garçon Samuel allait grandissant, agréable à l’Éternel et aux hommes». J’appellerai cela, l’intimité de faveur. Les relations d’affection entre Samuel et Dieu, faisaient que sa voie forçait l’attention des hommes, comme une chose agréable. L’intimité avec Dieu se reflétait sur la face de ce jeune garçon. Cela nous est dit de Jean Baptiste (Luc 1:80) et à bien plus forte raison, de Jésus: «Jésus avançait en sagesse et en stature, et en faveur auprès de Dieu et des hommes» (Luc 2:52). Toute la puissance de notre témoignage chrétien dépend d’une vie secrète passée en la présence du Seigneur.

Que Dieu nous donne de ressembler, dans notre conduite, au jeune Samuel plus qu’à Éli, si versé qu’il fût, par son âge et ses fonctions publiques, dans la connaissance des pensées de l’Éternel!