Il est utile de remarquer, en commençant ce chapitre, que si les hommes de Dieu ou leurs actions nous servent de types dans la Parole, cela ne veut pas dire que ces hommes aient compris le sens caché de leurs vies ou de leurs actes. Sans sortir de l’histoire d’Élie, nous avons déjà fait remarquer que, dans l’évangile de Luc, le Seigneur donne à sa mission auprès de la veuve de Sarepta une autre portée que le récit de notre livre. Le feu du ciel tombant sur l’holocauste en est une autre preuve. Élie ne pouvait voir dans ce fait, ni la croix, ni la crucifixion avec Christ, choses devenues si claires pour nous à la lumière de l’Évangile. De fait, Élie était avant tout, comme homme de Dieu, un prophète du jugement, et, quant à ses expériences personnelles, ce n’est que dans notre chapitre qu’il porte ses yeux, sous l’enseignement divin, au-delà de la scène du jugement, vers la région élevée et sereine dans laquelle Dieu trouve ses délices, se fait connaître et se révèle dans la plénitude de son caractère. Cette remarque nous aide à comprendre la scène qui va se dérouler devant nous.
Après la destruction totale des prophètes de Baal et le récit qu’Achab en fait à Jézabel, celle-ci jure par ses faux dieux de se venger d’Élie dans les vingt-quatre heures, et le lui fait savoir. «Et voyant cela, il se leva, et s’en alla pour sa vie» (v. 1-3). Il fuit devant une femme, lui qui avait été à la rencontre d’Achab et avait tenu tête aux quatre cent cinquante prophètes de Baal! Cette attitude si opposée à la précédente provenait de ce qu’en ce moment Élie avait oublié la source de sa force. Il ne pouvait plus dire: «L’Éternel devant lequel je me tiens». Il se trouvait devant Jézabel et non devant l’Éternel. Et la chose est si vraie qu’il va être obligé de marcher quarante jours et quarante nuits pour se retrouver devant Dieu. Du moment que le fidèle laisse un objet quelconque s’interposer entre son âme et Dieu, l’éloignement prend aussitôt des proportions incalculables. La conséquence nécessaire de cet éloignement est que le prophète perd toute sa force, car on ne la trouve que devant Dieu: «Tu as caché ta face, j’ai été épouvanté». Élie, instrument tout à fait remarquable de la puissance de l’Éternel, n’avait pas réalisé dans la même mesure, qu’en lui-même il n’y avait ni bien, ni lumière, ni force. Il faut qu’il fasse cette expérience, et Dieu l’y conduit en le laissant, avec ses propres ressources, devant la puissance de l’adversaire. Lui qui faisait annoncer à Achab: «Voici Élie», s’enfuit pour sauver sa vie devant une simple menace de Jézabel. De Jizréel, il passe sur le territoire de Juda, où la reine ne pouvait plus l’atteindre, continue sa course jusqu’à Beër-Sheba, extrême limite de Juda vers le désert, y laisse son serviteur, et, non content de cette fuite, s’en va dans le désert même, le chemin d’un jour. Là «il s’assit sous un genêt; et il demanda la mort pour son âme, et dit: C’est assez! maintenant, Éternel, prends mon âme, car je ne suis pas meilleur que mes pères» (v. 4). C’est le découragement complet qui va jusqu’au désir d’en finir avec la vie. Pourquoi donc? «Car je ne suis pas meilleur que mes pères!» Le prophète avait donc pensé, ne fût-ce qu’un moment, qu’il était meilleur que ses pères, et que Dieu le soutenait dans le combat à cause de cette excellence! Pauvre prophète! sans force devant Jézabel, absolument découragé devant lui-même, lui qui avait cru pouvoir édifier quelque chose sur ce fondement de sable.
Mais pour que cet homme de Dieu soit entièrement délivré du moi, l’Éternel va lui faire entreprendre un long voyage, au bout duquel il rencontrera le Dieu de la loi en Horeb.
Combien de leçons cette scène ne contient-elle pas pour nous! Nous pouvons avoir été employés au service de Dieu, et cependant ne connaître Celui-ci que très imparfaitement. Puis, un temps de bénédictions spéciales précède souvent une période de grande faiblesse spirituelle, parce que Satan, toujours aux aguets, nous fait trouver, dans les bénédictions mêmes, une occasion de nous enorgueillir et d’exalter notre chair. Telle est, en partie, la cause de la discipline d’Élie; telle était celle de l’apôtre, bien que seulement préventive, après qu’il fut monté au troisième ciel. Remarquons encore que Satan nous attaque du côté que nous gardons le moins, parce qu’il nous semble le moins vulnérable. Était-il probable de voir fuir devant une simple menace un homme dont le courage avait tenu tête à tout un peuple?
«Il s’en alla, lui, dans le désert». Quelle bénédiction quand le Seigneur nous y conduit pour y faire l’expérience des ressources infinies qui sont en Lui; quelle chose humiliante, salutaire aussi, quand notre propre volonté nous y mène et que nous y sommes pour apprendre ce qu’il y a dans nos cœurs! Tel est le cas d’Élie. — «Il se couche et dort sous le genêt». Il abandonnait, pour ainsi dire, sa mission, au moment où des faits éclatants en avaient démontré la réalité, mais il lui fallait apprendre que sa vie intérieure n’était pas soutenue par la foi, comme l’avait été son témoignage extérieur.
«Et voici, un ange le toucha, et lui dit: Lève-toi, mange» (v. 5). Au chap. 17, c’était lui, Élie, qui dispensait la nourriture à d’autres, après avoir été nourri lui-même; ici, où son manque de foi l’a poussé, il est sans nourriture aucune. Mais Dieu ne l’abandonne pas et pense à lui. La seule force qui puisse lui venir lui vient de la nourriture que Dieu lui a préparée; il trouve à son chevet un gâteau cuit sur les pierres chaudes et une cruche d’eau. Il mange, mais ne comprend pas ce que Dieu lui veut, et se rendort. Une seconde fois il trouve la même nourriture, et l’ange lui dit: «Mange, car le chemin est trop long pour toi» (v. 7). Dieu le nourrissait pour le faire marcher. Leçon importante pour nous! L’Éternel l’avait nourri au Kerith et à Sarepta, afin qu’il pût rendre un puissant témoignage, mais si la nourriture divine ne nous communique pas des forces pour nous-mêmes, le but de Dieu serait-il atteint?
Cette nourriture trouvée par Élie à son chevet a une puissance miraculeuse. N’en est-il pas ainsi de la parole de Dieu? Elle nous amène jusqu’à «la montagne de Dieu». C’est ainsi qu’en jugeait l’apôtre, parlant aux anciens d’Éphèse: «Je vous recommande... à la parole de sa grâce, qui a la puissance… de vous donner un héritage avec tous les sanctifiés» (Actes 20:32).
Élie «alla, avec la force de ces aliments, quarante jours et quarante nuits jusqu’à Horeb, la montagne de Dieu» (v. 8). Avec elle on marche et on ne se lasse point. Moïse avait passé quarante jours et quarante nuits en Horeb, s’entretenant avec Dieu. Sa parole et sa présence avaient suffi pour soutenir les forces de son serviteur. Le Seigneur, lui, passe quarante jours et quarante nuits dans le désert sans aucune nourriture, en présence de bêtes sauvages et en butte aux assauts de Satan. Il a faim et ne trouve rien à son chevet pour le faire résister aux tentations de l’ennemi. Mais il est l’homme qui ne vit pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. La simple dépendance de cette parole le nourrit, est sa force, et lui donne la victoire au milieu de circonstances inouïes que Lui seul pouvait surmonter.
V. 9-21 — Élie devant Dieu
Élie arrive à Horeb, la montagne de Dieu, et entre dans la caverne, au même lieu, sans doute, où l’Éternel avait caché Moïse (Ex. 33). Le prophète ne savait pas où Dieu voulait l’amener; il n’avait pas l’intention de se rendre à Horeb, en s’enfuyant, le chemin d’un jour, dans le désert. Mais quand il arrive à la caverne, ce n’est pas avec les sentiments du cœur de Moïse à l’égard du peuple coupable, d’un cœur qui, malgré toute cette iniquité, battait pour le peuple de Dieu: «Efface-moi de ton livre que tu as écrit» (Exode 32:32), disait le législateur, prêt à subir l’anathème pour sauver Israël. «Considère que cette nation est ton peuple» (Ex. 33:13), disait-il encore en intercédant pour elle. Ce même Moïse qui proclamait le Dieu de la loi, faisait appel aux compassions du Dieu de la grâce envers ceux qui l’avaient offensé.
Mais Élie n’avait pas encore appris la leçon que Dieu voulait lui enseigner. «La parole de l’Éternel vint à lui et lui dit: Que fais-tu ici, Élie? Et il dit: J’ai été très jaloux pour l’Éternel, le Dieu des armées; car les fils d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont renversé tes autels et ils ont tué tes prophètes par l’épée, et je suis resté, moi seul, et ils cherchent ma vie pour me l’ôter (v. 10). Alors Dieu lui enseigne ce que Moïse avait désiré connaître, quand il avait dit: «Fais-moi voir ta gloire». Il fait d’abord passer devant le prophète les diverses manifestations de sa puissance et de ses jugements. Élie les connaissait bien: il avait assisté au vent d’orage qui avait précédé la pluie (18:45); à sa parole, le feu du ciel était tombé en présence de tout le peuple (18:38); et ces mêmes phénomènes s’étaient produits jadis sur cette même montagne d’où Dieu avait donné la loi; la montagne avait aussi tremblé, il y avait eu des tonnerres et des éclairs et des flammes. Mais — quelle leçon pour Élie — l’Éternel n’était pas dans le vent, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu. Toute la vie du plus puissant des prophètes aurait pu s’écouler sans qu’il connût réellement Dieu!
Élie entend «une voix douce et subtile» (v. 12, 13), il comprend alors que c’est une chose nouvelle qui dépasse le cercle de ses expériences, et le visage enveloppé de son manteau de prophète, il se tient à l’entrée de la caverne. Cette voix douce et subtile était celle de la grâce. C’est par elle que Dieu s’est révélé dans la plénitude de son Être à de pauvres pécheurs comme nous. Le Dieu qui se révèle ainsi renouvelle sa question au prophète pour le sonder à fond: «Que fais-tu ici, Élie? «Élie fait la même réponse (v. 14; conf. v. 12). Il avait eu le temps de réfléchir; il montre à nu ce qu’il y a dans son cœur. À qui donne-t-il le beau rôle? À lui-même: «J’ai été très jaloux pour l’Éternel... je suis resté moi seul... ils cherchent ma vie». Qui accuse-t-il? Le peuple de Dieu: «Ils ont abandonné ton alliance, ils ont démoli tes autels, ils ont tué tes prophètes... ils cherchent ma vie». C’est en un mot une accusation en règle, un plaidoyer contre Israël et un panégyrique d’Élie.
«Ne savez-vous pas, dit l’apôtre, ce que l’Écriture dit dans l’histoire d’Élie, comment il fait requête à Dieu contre Israël: Seigneur, ils ont tué tes prophètes; ils ont renversé tes autels; et moi, je suis demeuré seul, et ils cherchent ma vie. Mais que lui dit la réponse divine? Je me suis réservé sept mille hommes qui n’ont pas fléchi le genou devant Baal. Ainsi donc, au temps actuel aussi, il y a un résidu selon l’élection de la grâce». «Dieu n’a point rejeté son peuple, lequel il a préconnu» (Rom. 11:3-5 et 2).
Élie était venu faire requête contre Israël! En accusant le peuple et en se justifiant, il montrait son ignorance de la grâce et de lui-même. Comment donc! Il paraissait devant le Dieu de grâce pour jouer le rôle d’accusateur et plaider pour le jugement! Mais que lui dit la réponse divine? D’abord que la vengeance sera exécutée. À Élie échoit la triste mission d’en préparer les instruments: Hazaël et Jéhu. En second lieu, l’administration prophétique est ôtée à Élie, et il doit oindre Élisée comme prophète à sa place. Lui qui disait: «Je suis resté moi seul», doit apprendre que Dieu choisit, forme, ou destitue ses instruments comme il lui convient. Voici donc Élie jugé à fond. Il ne dira plus: «Prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères». Il lui faudra vivre, tout en étant le témoin d’un autre ministère qu’il devra reconnaître, étant employé de Dieu pour le former.
En troisième lieu, et c’est le grand point de la «réponse divine»: «Je me suis réservé en Israël sept mille hommes, tous les genoux qui n’ont pas fléchi devant Baal, et toutes les bouches qui ne l’ont pas baisé» (v. 18). Il y avait donc un résidu selon l’élection de grâce, connu de Dieu, sans qu’Élie en sût rien! La voix douce, subtile, était encore entendue dans ces jours d’apostasie, et c’était en ce faible résidu que Dieu trouvait son plaisir.
Élie accepte cette leçon humiliante: il se soumet, lorsque pour la quatrième fois Dieu lui dit: Va! (conf. 17:3, 9; 18:1). Il retourne par le chemin d’où il était venu (v. 15). Il trouve Élisée, fils de Shaphath, et jette sur lui son manteau, signe d’identification prophétique. S’il s’était tenu à la lettre de la parole de Dieu, il aurait dû commencer par oindre Hazaël et Jéhu (conf. 15:16), mais il se hâte d’accomplir l’acte qui l’annihile, lui, le grand prophète, en cédant son autorité à un autre. Il montre ainsi, lui qui avait dit: «Je suis resté, moi seul», que désormais il n’est rien à ses propres yeux. Quant à Hazaël et à Jéhu, ce n’est pas Élie, c’est Élisée qui les oindra. Il renonce à ce qui aurait pu le mettre en relief et laisse l’œuvre s’accomplir par un autre que lui.
Élisée abandonne ses bœufs et court après Élie. «Va, retourne», lui répond le prophète, se servant des mêmes paroles qu’il avait entendues (v. 15) de la bouche de l’Éternel. À ses propres yeux, il n’était rien désormais, et ce n’était pas le moment d’engager Élisée à le suivre. «Que t’ai-je fait?» Élie ne lui jetait pas son manteau pour l’attirer après lui, mais pour qu’il fût prophète à sa place. Quel bel exemple d’humilité, de jugement de soi-même, de désintéressement, d’obéissance, de confiance en la Parole, cet homme de Dieu nous donne ici! Comme la discipline a produit chez lui des fruits rapides! Ne peut-on pas dire que l’humiliation d’Élie glorifie Dieu davantage que toute la puissance du prophète? Sa carrière est brisée en apparence, mais une nouvelle carrière, ayant son point de départ dans la discipline, va s’ouvrir devant lui, et si la première n’a pas abouti, la seconde ne se terminera que dans la gloire! Puissions-nous tous, dans le brisement de nous-mêmes, suivre l’exemple d’Élie pour glorifier le Seigneur!
Chapitre 19
V. 1-9 — Élie devant Jézabel et devant lui-même
Il est utile de remarquer, en commençant ce chapitre, que si les hommes de Dieu ou leurs actions nous servent de types dans la Parole, cela ne veut pas dire que ces hommes aient compris le sens caché de leurs vies ou de leurs actes. Sans sortir de l’histoire d’Élie, nous avons déjà fait remarquer que, dans l’évangile de Luc, le Seigneur donne à sa mission auprès de la veuve de Sarepta une autre portée que le récit de notre livre. Le feu du ciel tombant sur l’holocauste en est une autre preuve. Élie ne pouvait voir dans ce fait, ni la croix, ni la crucifixion avec Christ, choses devenues si claires pour nous à la lumière de l’Évangile. De fait, Élie était avant tout, comme homme de Dieu, un prophète du jugement, et, quant à ses expériences personnelles, ce n’est que dans notre chapitre qu’il porte ses yeux, sous l’enseignement divin, au-delà de la scène du jugement, vers la région élevée et sereine dans laquelle Dieu trouve ses délices, se fait connaître et se révèle dans la plénitude de son caractère. Cette remarque nous aide à comprendre la scène qui va se dérouler devant nous.
Après la destruction totale des prophètes de Baal et le récit qu’Achab en fait à Jézabel, celle-ci jure par ses faux dieux de se venger d’Élie dans les vingt-quatre heures, et le lui fait savoir. «Et voyant cela, il se leva, et s’en alla pour sa vie» (v. 1-3). Il fuit devant une femme, lui qui avait été à la rencontre d’Achab et avait tenu tête aux quatre cent cinquante prophètes de Baal! Cette attitude si opposée à la précédente provenait de ce qu’en ce moment Élie avait oublié la source de sa force. Il ne pouvait plus dire: «L’Éternel devant lequel je me tiens». Il se trouvait devant Jézabel et non devant l’Éternel. Et la chose est si vraie qu’il va être obligé de marcher quarante jours et quarante nuits pour se retrouver devant Dieu. Du moment que le fidèle laisse un objet quelconque s’interposer entre son âme et Dieu, l’éloignement prend aussitôt des proportions incalculables. La conséquence nécessaire de cet éloignement est que le prophète perd toute sa force, car on ne la trouve que devant Dieu: «Tu as caché ta face, j’ai été épouvanté». Élie, instrument tout à fait remarquable de la puissance de l’Éternel, n’avait pas réalisé dans la même mesure, qu’en lui-même il n’y avait ni bien, ni lumière, ni force. Il faut qu’il fasse cette expérience, et Dieu l’y conduit en le laissant, avec ses propres ressources, devant la puissance de l’adversaire. Lui qui faisait annoncer à Achab: «Voici Élie», s’enfuit pour sauver sa vie devant une simple menace de Jézabel. De Jizréel, il passe sur le territoire de Juda, où la reine ne pouvait plus l’atteindre, continue sa course jusqu’à Beër-Sheba, extrême limite de Juda vers le désert, y laisse son serviteur, et, non content de cette fuite, s’en va dans le désert même, le chemin d’un jour. Là «il s’assit sous un genêt; et il demanda la mort pour son âme, et dit: C’est assez! maintenant, Éternel, prends mon âme, car je ne suis pas meilleur que mes pères» (v. 4). C’est le découragement complet qui va jusqu’au désir d’en finir avec la vie. Pourquoi donc? «Car je ne suis pas meilleur que mes pères!» Le prophète avait donc pensé, ne fût-ce qu’un moment, qu’il était meilleur que ses pères, et que Dieu le soutenait dans le combat à cause de cette excellence! Pauvre prophète! sans force devant Jézabel, absolument découragé devant lui-même, lui qui avait cru pouvoir édifier quelque chose sur ce fondement de sable.
Mais pour que cet homme de Dieu soit entièrement délivré du moi, l’Éternel va lui faire entreprendre un long voyage, au bout duquel il rencontrera le Dieu de la loi en Horeb.
Combien de leçons cette scène ne contient-elle pas pour nous! Nous pouvons avoir été employés au service de Dieu, et cependant ne connaître Celui-ci que très imparfaitement. Puis, un temps de bénédictions spéciales précède souvent une période de grande faiblesse spirituelle, parce que Satan, toujours aux aguets, nous fait trouver, dans les bénédictions mêmes, une occasion de nous enorgueillir et d’exalter notre chair. Telle est, en partie, la cause de la discipline d’Élie; telle était celle de l’apôtre, bien que seulement préventive, après qu’il fut monté au troisième ciel. Remarquons encore que Satan nous attaque du côté que nous gardons le moins, parce qu’il nous semble le moins vulnérable. Était-il probable de voir fuir devant une simple menace un homme dont le courage avait tenu tête à tout un peuple?
«Il s’en alla, lui, dans le désert». Quelle bénédiction quand le Seigneur nous y conduit pour y faire l’expérience des ressources infinies qui sont en Lui; quelle chose humiliante, salutaire aussi, quand notre propre volonté nous y mène et que nous y sommes pour apprendre ce qu’il y a dans nos cœurs! Tel est le cas d’Élie. — «Il se couche et dort sous le genêt». Il abandonnait, pour ainsi dire, sa mission, au moment où des faits éclatants en avaient démontré la réalité, mais il lui fallait apprendre que sa vie intérieure n’était pas soutenue par la foi, comme l’avait été son témoignage extérieur.
«Et voici, un ange le toucha, et lui dit: Lève-toi, mange» (v. 5). Au chap. 17, c’était lui, Élie, qui dispensait la nourriture à d’autres, après avoir été nourri lui-même; ici, où son manque de foi l’a poussé, il est sans nourriture aucune. Mais Dieu ne l’abandonne pas et pense à lui. La seule force qui puisse lui venir lui vient de la nourriture que Dieu lui a préparée; il trouve à son chevet un gâteau cuit sur les pierres chaudes et une cruche d’eau. Il mange, mais ne comprend pas ce que Dieu lui veut, et se rendort. Une seconde fois il trouve la même nourriture, et l’ange lui dit: «Mange, car le chemin est trop long pour toi» (v. 7). Dieu le nourrissait pour le faire marcher. Leçon importante pour nous! L’Éternel l’avait nourri au Kerith et à Sarepta, afin qu’il pût rendre un puissant témoignage, mais si la nourriture divine ne nous communique pas des forces pour nous-mêmes, le but de Dieu serait-il atteint?
Cette nourriture trouvée par Élie à son chevet a une puissance miraculeuse. N’en est-il pas ainsi de la parole de Dieu? Elle nous amène jusqu’à «la montagne de Dieu». C’est ainsi qu’en jugeait l’apôtre, parlant aux anciens d’Éphèse: «Je vous recommande... à la parole de sa grâce, qui a la puissance… de vous donner un héritage avec tous les sanctifiés» (Actes 20:32).
Élie «alla, avec la force de ces aliments, quarante jours et quarante nuits jusqu’à Horeb, la montagne de Dieu» (v. 8). Avec elle on marche et on ne se lasse point. Moïse avait passé quarante jours et quarante nuits en Horeb, s’entretenant avec Dieu. Sa parole et sa présence avaient suffi pour soutenir les forces de son serviteur. Le Seigneur, lui, passe quarante jours et quarante nuits dans le désert sans aucune nourriture, en présence de bêtes sauvages et en butte aux assauts de Satan. Il a faim et ne trouve rien à son chevet pour le faire résister aux tentations de l’ennemi. Mais il est l’homme qui ne vit pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. La simple dépendance de cette parole le nourrit, est sa force, et lui donne la victoire au milieu de circonstances inouïes que Lui seul pouvait surmonter.
V. 9-21 — Élie devant Dieu
Élie arrive à Horeb, la montagne de Dieu, et entre dans la caverne, au même lieu, sans doute, où l’Éternel avait caché Moïse (Ex. 33). Le prophète ne savait pas où Dieu voulait l’amener; il n’avait pas l’intention de se rendre à Horeb, en s’enfuyant, le chemin d’un jour, dans le désert. Mais quand il arrive à la caverne, ce n’est pas avec les sentiments du cœur de Moïse à l’égard du peuple coupable, d’un cœur qui, malgré toute cette iniquité, battait pour le peuple de Dieu: «Efface-moi de ton livre que tu as écrit» (Exode 32:32), disait le législateur, prêt à subir l’anathème pour sauver Israël. «Considère que cette nation est ton peuple» (Ex. 33:13), disait-il encore en intercédant pour elle. Ce même Moïse qui proclamait le Dieu de la loi, faisait appel aux compassions du Dieu de la grâce envers ceux qui l’avaient offensé.
Mais Élie n’avait pas encore appris la leçon que Dieu voulait lui enseigner. «La parole de l’Éternel vint à lui et lui dit: Que fais-tu ici, Élie? Et il dit: J’ai été très jaloux pour l’Éternel, le Dieu des armées; car les fils d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont renversé tes autels et ils ont tué tes prophètes par l’épée, et je suis resté, moi seul, et ils cherchent ma vie pour me l’ôter (v. 10). Alors Dieu lui enseigne ce que Moïse avait désiré connaître, quand il avait dit: «Fais-moi voir ta gloire». Il fait d’abord passer devant le prophète les diverses manifestations de sa puissance et de ses jugements. Élie les connaissait bien: il avait assisté au vent d’orage qui avait précédé la pluie (18:45); à sa parole, le feu du ciel était tombé en présence de tout le peuple (18:38); et ces mêmes phénomènes s’étaient produits jadis sur cette même montagne d’où Dieu avait donné la loi; la montagne avait aussi tremblé, il y avait eu des tonnerres et des éclairs et des flammes. Mais — quelle leçon pour Élie — l’Éternel n’était pas dans le vent, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu. Toute la vie du plus puissant des prophètes aurait pu s’écouler sans qu’il connût réellement Dieu!
Élie entend «une voix douce et subtile» (v. 12, 13), il comprend alors que c’est une chose nouvelle qui dépasse le cercle de ses expériences, et le visage enveloppé de son manteau de prophète, il se tient à l’entrée de la caverne. Cette voix douce et subtile était celle de la grâce. C’est par elle que Dieu s’est révélé dans la plénitude de son Être à de pauvres pécheurs comme nous. Le Dieu qui se révèle ainsi renouvelle sa question au prophète pour le sonder à fond: «Que fais-tu ici, Élie? «Élie fait la même réponse (v. 14; conf. v. 12). Il avait eu le temps de réfléchir; il montre à nu ce qu’il y a dans son cœur. À qui donne-t-il le beau rôle? À lui-même: «J’ai été très jaloux pour l’Éternel... je suis resté moi seul... ils cherchent ma vie». Qui accuse-t-il? Le peuple de Dieu: «Ils ont abandonné ton alliance, ils ont démoli tes autels, ils ont tué tes prophètes... ils cherchent ma vie». C’est en un mot une accusation en règle, un plaidoyer contre Israël et un panégyrique d’Élie.
«Ne savez-vous pas, dit l’apôtre, ce que l’Écriture dit dans l’histoire d’Élie, comment il fait requête à Dieu contre Israël: Seigneur, ils ont tué tes prophètes; ils ont renversé tes autels; et moi, je suis demeuré seul, et ils cherchent ma vie. Mais que lui dit la réponse divine? Je me suis réservé sept mille hommes qui n’ont pas fléchi le genou devant Baal. Ainsi donc, au temps actuel aussi, il y a un résidu selon l’élection de la grâce». «Dieu n’a point rejeté son peuple, lequel il a préconnu» (Rom. 11:3-5 et 2).
Élie était venu faire requête contre Israël! En accusant le peuple et en se justifiant, il montrait son ignorance de la grâce et de lui-même. Comment donc! Il paraissait devant le Dieu de grâce pour jouer le rôle d’accusateur et plaider pour le jugement! Mais que lui dit la réponse divine? D’abord que la vengeance sera exécutée. À Élie échoit la triste mission d’en préparer les instruments: Hazaël et Jéhu. En second lieu, l’administration prophétique est ôtée à Élie, et il doit oindre Élisée comme prophète à sa place. Lui qui disait: «Je suis resté moi seul», doit apprendre que Dieu choisit, forme, ou destitue ses instruments comme il lui convient. Voici donc Élie jugé à fond. Il ne dira plus: «Prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères». Il lui faudra vivre, tout en étant le témoin d’un autre ministère qu’il devra reconnaître, étant employé de Dieu pour le former.
En troisième lieu, et c’est le grand point de la «réponse divine»: «Je me suis réservé en Israël sept mille hommes, tous les genoux qui n’ont pas fléchi devant Baal, et toutes les bouches qui ne l’ont pas baisé» (v. 18). Il y avait donc un résidu selon l’élection de grâce, connu de Dieu, sans qu’Élie en sût rien! La voix douce, subtile, était encore entendue dans ces jours d’apostasie, et c’était en ce faible résidu que Dieu trouvait son plaisir.
Élie accepte cette leçon humiliante: il se soumet, lorsque pour la quatrième fois Dieu lui dit: Va! (conf. 17:3, 9; 18:1). Il retourne par le chemin d’où il était venu (v. 15). Il trouve Élisée, fils de Shaphath, et jette sur lui son manteau, signe d’identification prophétique. S’il s’était tenu à la lettre de la parole de Dieu, il aurait dû commencer par oindre Hazaël et Jéhu (conf. 15:16), mais il se hâte d’accomplir l’acte qui l’annihile, lui, le grand prophète, en cédant son autorité à un autre. Il montre ainsi, lui qui avait dit: «Je suis resté, moi seul», que désormais il n’est rien à ses propres yeux. Quant à Hazaël et à Jéhu, ce n’est pas Élie, c’est Élisée qui les oindra. Il renonce à ce qui aurait pu le mettre en relief et laisse l’œuvre s’accomplir par un autre que lui.
Élisée abandonne ses bœufs et court après Élie. «Va, retourne», lui répond le prophète, se servant des mêmes paroles qu’il avait entendues (v. 15) de la bouche de l’Éternel. À ses propres yeux, il n’était rien désormais, et ce n’était pas le moment d’engager Élisée à le suivre. «Que t’ai-je fait?» Élie ne lui jetait pas son manteau pour l’attirer après lui, mais pour qu’il fût prophète à sa place. Quel bel exemple d’humilité, de jugement de soi-même, de désintéressement, d’obéissance, de confiance en la Parole, cet homme de Dieu nous donne ici! Comme la discipline a produit chez lui des fruits rapides! Ne peut-on pas dire que l’humiliation d’Élie glorifie Dieu davantage que toute la puissance du prophète? Sa carrière est brisée en apparence, mais une nouvelle carrière, ayant son point de départ dans la discipline, va s’ouvrir devant lui, et si la première n’a pas abouti, la seconde ne se terminera que dans la gloire! Puissions-nous tous, dans le brisement de nous-mêmes, suivre l’exemple d’Élie pour glorifier le Seigneur!