1 Rois

Chapitre 17

Chapitres 17 à 22 — Élie

V. 1-7 — Élie et le torrent du Kerith

La parole de Dieu introduit ici le premier grand prophète d’Israël. Comme nous l’avons dit plus haut, tous les autres prophètes étaient venus de Juda ou avaient commencé leur ministère avant la séparation des dix tribus. Élie était «d’entre les habitants de Galaad». Il entre en scène aux plus mauvais jours de l’histoire d’Israël, quand la défection est générale et que le culte de Baal, favorisé par Achab et Jézabel, est devenu le culte national. Sous ce régime, les serviteurs de l’Éternel sont obligés de se cacher pour sauver leur vie, et ceux qui restent encore en vue, se taisent. Élie est donc tout seul, en apparence, devant cette formidable apostasie. Son nom est caractéristique: Élie signifie: «Celui dont le Dieu est l’Éternel», et chacun peut lire ce nom dans les paroles et toute la conduite de cet homme. Son Dieu est celui qu’Israël avait abandonné. Son témoignage est tout aussi caractéristique: il est entièrement séparé de l’apostasie générale. Il est le témoin de la vérité au milieu du mal, et la vérité nous sépare toujours pour Dieu. «Sanctifie-les par la vérité», dit le Seigneur. Cette vérité consiste avant tout ici dans les jugements de Dieu. D’une manière générale, Élie est le prophète du jugement, comme d’autre part, Élisée est le prophète de la grâce. Cependant, comme nous le verrons dans le courant même de ce chapitre et du suivant, la mission d’Élie ne s’accomplit pas sans être accompagnée de grâce et de délivrance, et cela dans le temps même où les jugements de Dieu se préparent et ont leur cours.

Le caractère moral d’Élie est tout aussi remarquable que son caractère de témoin. Avant tout, il se tient devant Dieu. «L’Éternel, dit-il, le Dieu d’Israël devant qui je me tiens» (v. 1; 18:15). Il est en rapport avec Dieu et demeure dans Sa communion. Comme Élie, Abraham «se tenait devant l’Éternel» (Gen. 18:22), Élisée de même (2 Rois 3:14), et tant d’autres prophètes et hommes de Dieu. Quand on se tient devant l’Éternel, on reçoit la communication de ses pensées. «Cacherai-je à Abraham, dit l’Éternel, ce que je vais faire?» Il en est de même pour Élie: se tenant devant l’Éternel, il connaît sa pensée et peut la déclarer: «Il n’y aura, ces années-ci, ni rosée, ni pluie, sinon à ma parole» (v. 1). Quand on se tient devant Dieu, l’on a, comme Jérémie, faim de Sa parole; on la mange (Jér. 15:16). Alors on peut la communiquer à d’autres: «Tu seras comme ma bouche» (Jér. 15, 19). En Apoc. 10:10, Jean ne peut prophétiser qu’après s’être approprié le petit livre, en le dévorant. Ézéchiel parle avec les paroles de Dieu, quand il a mangé le rouleau (Éz. 3:3, 4). Il en est de même ici d’Élie; quand il dit: «Sinon à ma parole», c’est que sa parole était celle de l’Éternel qui lui avait été révélée (v. 2, 8; 18:1).

Mais pour que la Parole développe au-dehors sa puissance par notre moyen, il nous faut autre chose encore que de nous en nourrir. La dépendance est nécessaire. Élie annonce la pensée, proclame la parole de Dieu, mais il prie (et c’est la dépendance), afin que cette pensée se réalise. Cette même dépendance par la prière est la source de la puissance du prophète. La sphère de cette puissance est très élevée: c’est le ciel. Le ciel se ferme et s’ouvre à la parole d’Élie; il en fait descendre le feu qui consume l’holocauste en présence des prêtres de Baal. Dans tous ces cas nous trouvons le prophète en prière. «Élie était un homme ayant les mêmes passions que nous, et il pria avec instance qu’il ne plût pas, et il ne tomba pas de pluie sur la terre durant trois ans et six mois; et il pria de nouveau, et le ciel donna de la pluie, et la terre produisit son fruit (Jacques 5:17, 18). Notre chapitre ne nous dit pas qu’Élie ait prié dans le premier cas, mais beaucoup plus tard la Parole, dans l’épître de Jacques, nous le révèle, car Dieu se souvient de ces prières, les enregistre, et peut révéler ce fait au temps convenable. Aucune des prières de ses bien-aimés ne tombe en terre. Quand le feu du ciel descend, c’est non seulement à la parole, mais à la prière d’Élie. Lorsque la puissance du prophète se montre dans la résurrection des morts, la source de cette puissance est encore la prière (17:20-22).

Remarquons tout de suite que la dépendance (dont la prière est si fréquemment l’expression) caractérise, à une seule exception près (19:3), toute la vie de cet homme de Dieu. Elle se montre au torrent du Kérith, qu’il s’agisse de s’y rendre ou de le quitter; elle se montre à Sarepta, dans toutes les circonstances de la pauvre veuve; elle se montre devant Achab, et devant Baal, et sur le Carmel, et dans l’affaire de Naboth, et tout le long de l’histoire du prophète, jusqu’au moment où, sur les chariots d’Israël, il est enlevé dans le ciel.

Telle était donc la triple cause de la puissance extraordinaire d’Élie: il se tenait devant Dieu, recevait Sa parole et vivait dans sa dépendance. Dans la seule occasion où sa foi faiblit, il néglige ces trois choses! Au lieu de se tenir devant Dieu, il s’enfuit dans le désert, il oublie de consulter l’Éternel, et s’en va comme son cœur lui dit, ce qui est l’indépendance.

À peine a-t-il rendu le témoignage solennel et public du v. 1, qu’Élie est mis de côté par l’Éternel, jusqu’au jour où il reparaîtra pour délivrer le peuple en jugeant les suppôts de l’Ennemi qui le tenaient asservi. Être mis de côté est une position infiniment pénible à la chair qui se trouve ainsi privée de tout ce qui l’alimente, mais facile à la foi, car la foi trouve son bonheur dans l’obéissance. Le grand prophète doit se cacher, l’homme énergique se croiser les bras, attendre dans la solitude le moment de l’Éternel; celui qui a le pouvoir de fermer le ciel doit dépendre uniquement du Créateur qui dispose des oiseaux pour nourrir son serviteur et fait durer l’eau du torrent aussi longtemps qu’il veut garder son prophète au Kerith. Position pénible à la chair, avons-nous dit, mais heureuse école de dépendance! Élie en goûte les fruits. Quand tout Israël mourait de soif et de faim, lui, pouvait dire: «Je ne manque de rien!»

L’apôtre Paul passa moralement par les mêmes expériences qu’Élie. Il avait prêché à Damas que Jésus était le Fils de Dieu, puis avait été envoyé dans la solitude de l’Arabie, pour revenir à Damas, et monter ensuite à Jérusalem. Nous ne savons rien de ses expériences pendant son isolement, pas plus que nous ne connaissons celles d’Élie. Ce que nous savons, c’est qu’ils en sortent l’un et l’autre avec la puissance acquise dans la communion du Seigneur.

Il en fut ainsi de Jean-Baptiste. Même dans le sein de sa mère, il rend un premier témoignage à la présence de Celui qui devait venir, puis il est gardé dans le désert jusqu’au jour de sa manifestation à Israël.

N’en fut-il pas ainsi du Seigneur lui-même? Seulement Lui qui pouvait dire: «Je suis humble de cœur», n’avait aucun besoin d’être gardé dans l’humilité; mais la Parole est silencieuse sur les années de son âge mûr qui précèdent son ministère public. Il était là, vivant devant Dieu, trouvant ses délices dans sa dépendance, attendant la volonté de Dieu pour agir, puis sortant, le moment venu, dans la puissance du Saint Esprit, pour vaincre Satan et délivrer ceux qui lui étaient asservis. Bien autrement qu’Élie, Jésus est un homme de prière. La prière est toujours chez lui à la source de la puissance et en précède la manifestation. Nous le voyons au baptême de Jean (Luc 3:21, 22, conf. 4:1, 14); sur la montagne (Luc 6:12; conf. v. 19); à la transfiguration (Luc 9:28; conf. v. 29); et en tant d’autres occasions de sa carrière.

Mais revenons encore un instant aux voies de Dieu envers son prophète. Elles ont lieu dans une certaine suite qui l’amène graduellement au point culminant de sa mission. Dieu lui parle; il croit, obéit à la parole divine, puis va réaliser une entière dépendance au Kerith et à Sarepta. Plus il dépend de l’Éternel, plus il apprend à connaître sa fidélité et les richesses de son amour et de sa grâce. Tout cela est dominé, comme nous l’avons vu au début, par une entière séparation du mal. Dans toutes ces choses est le secret de la puissance. Leur absence est la cause du manque de puissance réelle parmi les chrétiens de nos jours. Ce n’est pas que les prétentions à la puissance leur manquent, mais où en est la réalité? On ne croit plus à la parole de Dieu, on vit dans l’indépendance et la désobéissance à cette Parole, on est en communion avec le monde qui a crucifié Christ, et l’on crie bien haut qu’on a trouvé le secret de la puissance! Il existe, en effet, dans le monde un secret de puissance, mais d’une puissance satanique, basée sur l’abandon de toutes ces choses. Prenons garde de ne pas nous laisser ensorceler par cette puissance-là. Celle d’Élie avait un caractère qui la distinguait de toute autre: c’était la puissance de l’Esprit de Dieu, et tout vrai serviteur de l’Éternel était obligé de la reconnaître (18:12; 2 Rois 2:16).

 

V. 8-24 — Élie et la veuve de Sarepta

Lorsque le torrent eut séché, Élie fut envoyé à Sarepta pour y être nourri par une femme veuve (v. 9). En Luc 4:25, 26, il est envoyé vers la veuve pour la nourrir. Ces deux choses sont vraies et notre récit en est la preuve. Dieu avait deux buts: nourrir son serviteur et apporter par lui à la veuve un message de grâce. Le Seigneur, parlant dans la synagogue, assimile ce message à l’Évangile, communiqué aux nations en dehors des limites d’Israël. L’évangéliste trouve sa propre nourriture en apportant à d’autres la bonne nouvelle de la grâce. Mais on trouve une troisième chose dans ce récit de Luc. Si le message est apporté aux nations dans la personne d’une veuve sidonienne, les veuves d’Israël sont laissées de côté. Le jugement de l’état d’Israël ouvre la porte aux gentils pour recevoir la grâce, et cela, chose remarquable, sur le territoire même d’où était sortie Jézabel, la grande corruptrice du peuple de Dieu! (16:31). En Matt. 15:21, le Seigneur se retire sur ce même territoire, mais, quoiqu’il soit encore envoyé vers les brebis perdues de la maison d’Israël, il ne peut être caché à la foi, et celle-ci trouve auprès de Lui, bien plus que les miettes tombées de la table des enfants.

Voici donc Élie, envoyé en grâce vers une veuve de Sarepta, mourante de faim, et, tout autant qu’Israël, sous le poids et les conséquences du jugement que Dieu a prononcé. Cette femme va mourir et le sait. La parole d’Élie met en activité la foi qui dormait encore dans son cœur. «Elle s’en alla, et fit selon la parole d’Élie» (v. 15). Au lieu de douter d’un fait incompréhensible à la raison humaine, elle accepte cette impossibilité et y trouve le salut pour elle et pour son fils. Le roi d’Israël sentait, lui aussi, cette mort imminente pesant sur lui et sur son peuple, mais, au lieu d’être certain de son sort, il cherchait les moyens d’y échapper. C’est l’opposé de la foi, c’est l’incrédulité. Achab croyait avoir, ou trouver, des ressources humaines contre la famine et la mort; cette femme n’en avait aucune: «Nous le mangerons et nous mourrons» (v. 12).

La foi de cette veuve est de même nature et de même qualité que celle du prophète; elle suit par conséquent le même chemin que lui. Il en est toujours ainsi: «Élie s’en alla et fit selon la parole de l’Éternel» (v. 5). «La femme s’en alla, et fit selon la parole d’Élie» (v. 15), mais la parole d’Élie était «la parole de l’Éternel, qu’il avait dite à Élie» (v. 16). C’est la même parole, qu’elle vienne directement au prophète ou qu’elle s’adresse aux hommes par lui. Il en est de même aujourd’hui de l’Évangile.

Cette pauvre veuve venait d’apprendre à connaître les ressources divines pour une âme qui allait mourir. Elle était appelée à faire des expériences bien plus profondes et plus bénies. Son fils meurt; elle a affaire maintenant avec la réalité de la mort. Elle reconnaît en même temps ce qui est juste, que la mort est le salaire de l’iniquité: «Es-tu venu chez moi pour mettre en mémoire mon iniquité et faire mourir mon fils?» (v. 18). Ce n’est pas tout de savoir que la mort nous attend et nous atteindra; il nous faut encore réaliser la puissance actuelle de la mort sur nous, pécheurs. La veuve avait besoin de cette expérience pour apprendre toute l’étendue et la puissance de la grâce. Comment, si son fils n’était pas mort, aurait-elle pu connaître la puissance de la résurrection qui délivre de la mort? Il en était de même pour Marthe au tombeau de Lazare.

Toute cette scène nous parle de Christ. Élie en est l’image. Il entre en sympathie dans toutes les conséquences du péché de l’homme. Comme Christ pleure au tombeau de Lazare, Élie «crie à l’Éternel, et dit: Ô Éternel, mon Dieu, as-tu aussi fait venir du mal sur la veuve chez laquelle je séjourne, en faisant mourir son fils?» (v. 20). Puis il ressuscite le mort en prenant sa place. «Et il s’étendit sur l’enfant, trois fois, et il cria à l’Éternel, et dit: Éternel, mon Dieu! fais revenir, je te prie, l’âme de cet enfant au-dedans de lui» (v. 21).

La farine et l’huile étaient une grande bénédiction pour la pauvre veuve. Elles l’empêchaient de mourir. L’âme, ignorant encore toutes les richesses de Christ, peut posséder la Parole, et y trouver un aliment de vie. Au début, la veuve était un peu comme l’homme laissé pour mort par les brigands, et que le Samaritain vient aider en versant de l’huile et du vin sur ses plaies. L’huile et le vin répondaient à ses besoins, comme l’huile et le pot de farine répondaient aux besoins de la femme de Sarepta. Mais la résurrection répond à la mort. «Quand nous étions morts dans nos fautes et dans nos péchés, il nous a ressuscités ensemble avec Christ». Élie s’étend sur l’enfant trois fois; Christ a passé trois jours dans la mort; mais Élie, pas plus que Christ, ne dépend de lui-même pour ressusciter un mort. «Père, dit le Seigneur au tombeau de Lazare, je te rends grâces de ce que tu m’as entendu», et quant à sa propre résurrection: «Tu n’abandonneras pas mon âme au shéol; tu ne permettras pas que ton saint voie la corruption». De même, comme nous l’avons déjà fait remarquer, Élie exprime ici sa dépendance par la prière.

Le prophète rend l’enfant à sa mère. «Et la femme dit à Élie: Maintenant, à cela je connais que tu es un homme de Dieu, et que la parole de l’Éternel dans ta bouche est la vérité» (v. 24). Elle a appris à connaître deux choses par la résurrection de son fils: la première, c’est que Dieu est venu se manifester ici-bas dans un homme: «Tu es un homme de Dieu». Ainsi Christ «a été déclaré» — bien plus qu’un homme de Dieu — «Fils de Dieu en puissance par la résurrection des morts». Auparavant, Dieu s’était révélé à elle comme pourvoyant à ses besoins, maintenant, comme donnant une vie nouvelle, une vie de résurrection, là où la mort était entrée par «l’iniquité» de l’homme. La seconde chose est que, par la résurrection, elle acquiert la certitude que la parole de l’Éternel, dans la bouche d’Élie, est la vérité. La vérité de la parole de la grâce est prouvée par la résurrection. Christ n’est pas seulement mort pour nos offenses, il est ressuscité pour notre justification.

Ce chapitre 17 nous a entretenus d’un temps où Élie était caché aux yeux de son peuple et du monde. Pendant cette période, nous l’avons vu exercer un ministère de grâce. Dans le chapitre suivant il va se manifester aux yeux de tous, au moment d’exécuter le jugement. Avons-nous besoin de faire remarquer combien le prophète est, en cela, un type remarquable de Christ? Nous sommes dans le jour où le Seigneur est caché, mais où la grâce qui apporte le salut est apparue à tous les hommes, où la puissance de la résurrection est annoncée aux nations. Les jours viennent où le Seigneur rejeté apparaîtra de nouveau, où tout œil le verra, même ceux qui l’ont percé, où toutes les tribus du pays se frapperont la poitrine à cause de Lui. Oui, amen!