1 Rois

Chapitre 14

Jéroboam et le prophète Akhija

«Dans ce temps-là, Abija, fils de Jéroboam, fut malade» (v. 1); c’était un coup des plus sensibles, et une cause de grande angoisse, pour le roi. Si ce fils chéri, son successeur, vient à mourir, quel sera le sort de cette monarchie dont il a cru s’assurer la possession par tant d’habileté? Car Jéroboam était ce que les hommes appellent un grand politique. Il avait d’autres fils, sans doute, mais celui-ci, l’héritier, jouissait de la faveur de Dieu et du peuple. C’est ainsi qu’est manifestée la folie des combinaisons humaines qui se font en dehors de Dieu. L’Éternel avait assuré le royaume à Jéroboam, mais ce dernier avait préféré se l’assurer à lui-même en abandonnant l’Éternel. Il lui fallait apprendre si son chemin était le chemin de la sagesse. Il n’avait pas compté avec la mort; ses plans n’admettaient pas la seule chose à laquelle les hommes ne peuvent jamais échapper, et ils étaient tout près d’être réduits à néant.

Que faire? Il se souvient du prophète «qui a dit de lui qu’il serait roi sur ce peuple» (v. 2). Lui sait les choses: «il te dira ce qui arrivera à l’enfant». Jéroboam reconnaît l’habileté de l’homme de Dieu, et pense que ce dernier peut lui venir en aide. Une chose lui fait défaut, qui manque toujours à l’âme inconvertie, le sentiment d’avoir à faire avec Dieu; il ne lui vient pas à la pensée que c’est devant Lui qu’il va se trouver. S’il en était autrement, pourrait-il engager sa femme à se déguiser? Non, même ce roi profane ne pourrait supposer qu’on se cache à Dieu au moyen d’un travestissement. Mais Dieu n’étant pas devant sa pensée, le lien entre le prophète et l’Éternel lui échappe. Ce que l’homme de Dieu avait dit s’était réalisé; il valait donc la peine de le consulter; Jéroboam en ferait à peu près autant avec un diseur de bonne aventure. «Déguise-toi, dit-il à sa femme, et qu’on ne sache pas que tu es la femme de Jéroboam». Il avait, en effet, de bonnes raisons pour cela. Que dirait son peuple si lui, le chef qui avait créé de toutes pièces une nouvelle religion, retournait aux représentants de l’ancienne, aux prophètes de l’Éternel, pour chercher secours et lumière auprès d’eux? Et puis, n’avait-il pas appris à ses dépens que ces prophètes n’étaient pas bien disposés pour lui? Peut-être Akhija qui avait dit autrefois du bien de lui, serait-il plus favorable... À tout hasard, déguise-toi, dit-il, et porte-lui quelques présents, non pas en rapport avec la dignité d’une reine, ce qui nous trahirait, mais enfin un présent est toujours de saison quand on va consulter un prophète!...

Akhija était resté dans sa ville, sur le territoire d’Éphraïm. Il est appelé Akhija le Silonite (11:29; 12:15). Il convenait à Dieu d’avoir aussi son prophète en Israël, mais d’autre part comme cet endroit convenait bien au prophète de l’Éternel! C’était à Silo que le tabernacle était resté pendant la longue période des juges et sous la sacrificature d’Éli. On pouvait s’en souvenir en Israël, maintenant qu’on ne montait plus au temple de Jérusalem. Il restait du moins aux fidèles, obligés de demeurer parmi les dix tribus, le souvenir du culte d’autrefois, des bénédictions initiales qui s’attachaient à la présence du tabernacle à Silo. «Allez, dit l’Éternel, à mon lieu qui était à Silo, où j’ai fait demeurer mon nom au commencement...» (Jér. 7:12). Un homme de foi ne devait pas oublier que le nom de l’Éternel avait demeuré là, et pouvait par conséquent y demeurer aussi. Dans les circonstances fâcheuses d’Israël, Akhija n’avait peut-être pas plus d’occupation à Silo que jadis le vieux prophète à Béthel, mais il y était séparé de l’idolâtrie, et apte à recevoir les communications du Dieu qui y avait fait demeurer son nom. Qu’il est bon, en des jours de ruine, de se souvenir de ces choses premières! On y retrouve toujours Dieu, car si ses voies changent suivant les époques, jamais lui-même ne change. Aux lieux où il a fait demeurer son nom au commencement, il peut encore se révéler à l’âme fidèle.

Akhija demeurait à Silo, dans l’attente. En apparence tout était contre lui; comment pouvait-il être encore utile dans le service? «Il ne pouvait voir, car ses yeux étaient fixes à cause de son âge», mais les yeux appesantis du prophète ne troublaient pas, comme chez Éli, sa vue spirituelle. C’est qu’il restait directement en rapport avec l’Éternel. Dieu lui parle, lui révèle qui va se présenter devant lui, pour quel but, et que ce sera sous un déguisement (v. 5). Tout cela, la vue charnelle d’Akhija ne pouvait le distinguer, mais, par grâce, l’Éternel lui avait donné sa propre vue. Lui avait tout vu, Lui voyait dans le présent et dans l’avenir. Akhija sait et voit, parce que l’Éternel sait et voit. Une pareille bénédiction ne se rencontre que dans la communion du cœur avec Dieu. Puisse-t-elle être toujours la nôtre! Ce ne sont pas nos infirmités qui empêchent les communications divines d’arriver jusqu’à nous, c’est notre mondanité et notre désobéissance. Dieu se plaît aux vases infirmes quand le cœur lui est fidèle, et les plus faibles (Paul en était publiquement le témoin) reçoivent dans ce monde les révélations les plus précieuses.

«Je suis envoyé vers toi», dit Akhija à la femme de Jéroboam, «pour t’annoncer des choses dures» (v. 6). Comme il ne peut aller à la femme du roi, Dieu la lui amène, Lui qui avait tout ordonné, depuis la maladie de l’enfant, jusqu’aux pensées et aux décisions de Jéroboam, pour mettre ce dernier en présence de la Parole que l’Éternel envoyait contre lui par le prophète. «Tu n’a pas été comme mon serviteur David, qui gardait mes commandements et marchait après moi de tout son cœur, pour ne faire que ce qui est droit à mes yeux» (v. 8). David aurait-il pu parler ainsi de lui-même? Non — ni lui, ni aucun homme. Mais Dieu l’avait discipliné, comme un fils qu’on avoue, et la discipline avait porté ses fruits. En vertu du sacrifice, Dieu avait pu passer par-dessus le péché de son serviteur, ne plus jamais s’en souvenir, et ne considérer que les fruits produits dans son cœur, Sa propre œuvre, en laquelle il pouvait trouver son plaisir. Mais à Jéroboam, il dit: «Tu as fait ce qui est mauvais, plus que tous ceux qui ont été avant toi, et tu es allé et t’es fait d’autres dieux et des images de fonte pour me provoquer à colère, et tu m’as jeté derrière ton dos» (v. 9). Jéroboam s’était passé de Dieu, l’avait méprisé comme un objet de nul usage. En est-il autrement aujourd’hui? L’homme se passe de Dieu comme d’une «quantité négligeable»; il le bannit de sa vie, le jette derrière son dos de manière à ne plus le voir. Ce qu’il a devant lui, c’est la poursuite de ses plans, de son ambition et de son bien-être; ce qu’il a derrière lui, il n’y pense pas. Mais il arrive un moment où, comme Jéroboam, il lui faut se retourner et rencontrer face à face le Dieu qu’il n’a «rien estimé». Alors il entend cette parole terrible: «J’ôterai la maison de Jéroboam comme on ôte le fumier, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien» (v. 10). Dieu le jettera aux chiens et aux oiseaux des cieux. Voilà pour l’avenir. Mais pour le présent, la mort est à la porte: «Quand tes pieds entreront dans la ville, l’enfant mourra» (v. 12).

Il mourra! Quel jugement sur Jéroboam... Quelle grâce pour l’enfant! Il était un élu de l’Éternel, «En lui seul, dans la maison de Jéroboam, a été trouvé quelque chose d’agréable à l’Éternel» (v. 13). Les yeux, le cœur de Dieu reposaient sur ce faible rejeton d’une race vouée à la destruction. Là aussi, Dieu avait un résidu selon l’élection de grâce. Le royaume des cieux appartenait à ce jeune enfant. Il ne pouvait rester en Israël; Dieu voulait le sortir de la scène du jugement pour l’avoir avec Lui. C’était un juste. «Le juste périt, et personne ne le prend à cœur; et les hommes de bonté sont recueillis, sans que personne comprenne que le juste est recueilli de devant le mal. Il est entré dans la paix» (És. 57:1). Ainsi furent recueillis les justes, contemporains de Noé, à la veille du déluge; ainsi le seront les saints, au jour prochain de la venue du Seigneur: «Je te garderai de l’heure de l’épreuve qui va venir sur la terre habitée tout entière, pour éprouver ceux qui habitent sur la terre» (Apoc. 3:10). «Mais quoi?... déjà maintenant!» Oui, le jugement est à la porte; il n’y a plus de délai. Ah! si les consciences des hommes pouvaient être atteintes avant qu’il soit trop tard!... Déjà maintenant! Comme cela rappelle la parole de l’Apocalypse: «Le temps est proche. Que celui qui est injuste commette encore l’injustice; et que celui qui est souillé se souille encore..» (Apoc. 22:11).

Mais le peuple aussi devait être jugé (v. 15, 16), non pas seulement parce que son roi l’avait séduit, mais parce qu’il avait péché lui-même, car «ils se sont fait des ashères, provoquant l’Éternel à la colère». Il devait être jugé selon le principe exprimé en Rom. 5:12: «Comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et ainsi la mort a passé à tous les hommes, en ce que tous ont péché».

Dès ce moment l’histoire de Jéroboam est close. Les chroniques des rois d’Israël ont pu l’enregistrer, mais Dieu la passe sous silence. S’il en mentionne quelque chose au second livre des Chroniques, c’est en vue du caractère d’Abija, successeur de Roboam1. Nadab, fils de Jéroboam, succède à son père.

1 C’est à dessein que nous ne rapprochons pas du nôtre le récit de 2 Chron. Il est préférable de laisser les faits parler à la place même où Dieu les enregistre. En agissant autrement, on serait en danger de confondre des principes qui doivent rester distincts, et de perdre une partie de la bénédiction que Dieu a attachée à chaque livre de sa Parole. Ainsi, sauf pour les détails, ce qui nous est déjà arrivé, nous nous abstiendrons de commenter ici ce que Dieu ne nous a pas donné dans les livres des Rois.

Nous avons en quelques mots (v. 21-31) l’histoire de Roboam, roi de Juda. Il ne semble pas que lui-même ait introduit l’idolâtrie dans son pays. C’était plutôt le fait du peuple (v. 22), mais Roboam, en laissant le mal s’établir dans le royaume, est tout aussi coupable que Juda, parce qu’il est responsable de la conduite de ce dernier (conf. 2 Chron. 12:1, 2, 14). Sa mère, est-il répété deux fois (v. 21, 31), était Naama, une Ammonite. Comment ce fait n’aurait-il pas influé sur le péché de Juda, puisque Salomon avait bâti des hauts lieux à Moloc, l’abomination des fils d’Ammon, à cause de cette femme et de ses compatriotes, s’il y en avait parmi les femmes du roi? L’idolâtrie va de pair avec la corruption la plus horrible (v. 24. Rom. 1), et de telles choses avaient lieu au milieu du peuple de Dieu! Dieu avait détruit les «villes de la plaine» et chassé, devant son peuple, ces nations dont l’iniquité était arrivée à son comble. Que devait-il faire à Juda?

Shishak, roi d’Égypte, monte contre Jérusalem (v. 25-28). Toute la prospérité de Salomon, les trésors du temple, les richesses de la maison du roi, les boucliers d’or de sa garde, tout s’en est allé, et si vite! En moins de dix-sept ans, le royaume du fils de David effondré, toute sa gloire jetée à terre, foulée aux pieds! L’or a disparu, l’airain seul est encore laissé (v. 27).

Abijam, fils de Roboam, règne à sa place.