1 Rois

Chapitre 13

L’homme de Dieu et le vieux prophète de Béthel

Un homme de Dieu, un nouveau prophète, vient de Juda où l’Éternel conservait encore une lampe à David. Il arrive à Béthel, pour prophétiser contre Israël, au moment même où le royaume des dix tribus venait de se constituer.

«Jéroboam se tenait près de l’autel pour faire fumer l’encens» (v. 1). Lui qui avait fait la sacrificature et y consacrait quiconque le désirait (v. 33), ne pouvait l’avoir, cela se comprend, en bien haute estime. Subordonné à l’autorité royale, le sacerdoce était devenu un instrument politique entre ses mains, et que le roi s’arrogeât le droit d’en accomplir les rites selon son bon plaisir, n’avait rien d’étonnant.

L’homme de Dieu crie contre l’autel (v. 2), non pas contre l’idole. Ce qui est plus haïssable aux yeux de Dieu que toute autre chose, c’est que l’homme s’imagine pouvoir remplacer son autel. Il est unique, Dieu l’a proclamé devant tous. Les croyants ont un autel, Christ, l’Agneau de Dieu (Héb. 13:10). Dieu jugera les hommes impies qui veulent placer un autre autel à côté du sien. Un culte établi par l’homme ne peut subsister toujours; le jugement divin tombera sur lui, comme sur la prostituée de l’Apocalypse. Mais Dieu ne le détruira pas, sans immoler en même temps sur leur autel les sacrificateurs de ce culte profane. L’homme de Dieu annonce, en l’appelant par son nom 350 ans à l’avance, un roi de la semence de David, Josias, qui renversera les hauts lieux d’Israël (v. 2); il donne un signe immédiat de ce qui arrivera plus tard: l’autel se fend et sa cendre est répandue.

La main de celui qui avait établi ce système odieux, cette main qui s’étendait contre l’homme de Dieu pour le saisir, devient sèche, au moment où le roi pensait supprimer le témoin de l’Éternel et sa parole. Cette main qu’il ne peut ramener à lui, reste étendue dans son geste menaçant contre le prophète et contre Dieu lui-même, comme un monument de son impuissance; mais, sur la demande du roi, l’homme de Dieu intercède afin que le jugement soit momentanément écarté, et que même un Jéroboam ait encore du temps pour se repentir (v. 6).

Dieu montre ici qu’il est Dieu; il préserve ses bien-aimés, ses témoins, et prend leur défense. Il est pour nous, comme il l’était pour son prophète, et qui sera contre nous? Quelle sécurité pour le témoignage! Nous n’avons rien à craindre quand Dieu nous envoie. Personne, même celui qui possède ici-bas l’autorité suprême, ne peut nous saisir, et si ce pouvoir lui est laissé, ce n’est que dans la mesure où, par lui, seront accomplis les desseins de Dieu. Il en fut ainsi pour Élie, pour les apôtres Pierre, Jean, Paul et tous les serviteurs du Seigneur.

La valeur de l’homme, par lequel Dieu rend témoignage, entre si peu en ligne de compte, que le prophète n’est pas même nommé dans ce récit. Il est simplement un homme de Dieu, mais quel titre! L’homme de Dieu est un serviteur qui le représente devant les hommes et sur lequel Dieu empreint son caractère. Cet homme parle pour Dieu, comme ses oracles. Fonction auguste et solennelle, mais qui réduit l’homme à néant et lui ôte toute confiance en la chair. Moïse, David, sont appelés des hommes de Dieu; ce nom est aussi appliqué aux prophètes en un temps de ruine. Timothée était un homme de Dieu. 2 Tim. 3:17, nous montre qu’il était préparé pour son mandat par la Parole; 1 Tim. 6:11, qu’il ne pouvait le remplir qu’en mettant d’accord sa vie et sa conduite avec ce qu’il annonçait.

La violence du roi s’était retournée contre lui; mais Satan ne se tient pas pour battu; il entre en scène, et cherche à se servir de Jéroboam comme d’instrument. «Viens avec moi à la maison, dit le roi, et rafraîchis-toi, et je te donnerai un présent» (v. 7). Gardons-nous des offres, bien plus que des menaces du monde... Si l’homme de Dieu avait accepté le témoignage de reconnaissance du roi, c’eût été de sa part un acte de désobéissance qui aurait déshonoré l’Éternel. Jéroboam, sans doute, ignorait ce que Dieu avait interdit à son prophète, mais Satan le savait bien. Une chose dont le roi profane pouvait se rendre compte, c’est que l’homme de Dieu, acceptant son hospitalité et son présent, se liait en quelque mesure avec lui, qui avait déshonoré l’Éternel, et déclarait tacitement que les choses n’étaient pas aussi graves qu’il l’avait pensé d’abord. Par là, tout témoignage était annulé et Satan le savait bien. Mais le prophète reste fidèle; il suit l’exemple d’Abraham avec le roi de Sodome et n’accepte rien; il obéit à la parole de l’Éternel et n’est pas tenté par les plus grands avantages temporels: «Quand tu me donnerais la moitié de ta maison, je n’irais pas avec toi; et je ne mangerai pas de pain et je ne boirai pas d’eau dans ce lieu. Car il m’est ainsi commandé par la parole de l’Éternel, disant: Tu ne mangeras pas de pain, et tu ne boiras pas d’eau, et tu ne t’en retourneras point par le chemin par lequel tu es allé» (v. 8, 9).

Qu’il comprenne ou ne comprenne pas ce dont l’Éternel l’a chargé, le chemin du prophète est simple: Dieu lui a parlé; il doit obéir. Il ne doit pas retourner par le même chemin: ce serait marcher en sens inverse de sa mission. Revenir en arrière, c’eût été nier que les voies de Dieu sont sans repentance. Et le prophète obéit (v. 10).

Il y avait à Béthel un vieux prophète qui n’y demeurait pas par ordre de Dieu, car l’Éternel ne l’employait pas à son service, mais il s’y était établi avec sa famille. Peut-être, probablement même, n’avait-il rien à faire avec le faux culte de Jéroboam, mais sa seule présence à Béthel était une sanction de ce qui s’y passait, chose qu’avait comprise pour lui-même le prophète de Juda. Qu’il le voulût ou ne le voulût pas, le vieux prophète était associé au mal, et cette association avait pour résultat que lui, prophète, n’était pas dans le secret des pensées de Dieu. Il les apprend par d’autres, par ses fils qui lui rapportent les paroles de l’Éternel. Dieu ne manifeste ni Lui, ni ses pensées, à un serviteur qui se trouve en des associations qui le déshonorent. Aucune révélation ne lui était faite; un autre était employé, tandis que lui restait stérile pour l’œuvre de l’Éternel. Comment prophétiser contre Béthel, quand on s’est accoutumé à y vivre?

Chose plus sérieuse encore. Ce vieux prophète devient un instrument de ruine pour le témoin de Dieu (v. 11-19). Quel intérêt avait-il donc à agir ainsi envers lui? celui-ci: si l’homme de Dieu l’écoutait, c’était comme une sanction divine sur sa position à Béthel.

Pareille chose arrive aussi de nos jours. Plus d’un serviteur qui devrait être séparé du mal, entre en association avec un autre serviteur qui ne l’est pas dans le lieu même où Dieu est déshonoré. Le vieux prophète ne pense pas aux conséquences qui résulteront pour son frère, de l’infidélité dans laquelle il l’engage. Une fausse position nous rend égoïstes et nous fait manquer de droiture.

Le vieux prophète rejoint l’homme de Dieu sur le chemin qui l’éloignait de Béthel. À sa question: «Viens avec moi à la maison, et mange du pain», ce dernier répond tout aussi catégoriquement qu’à Jéroboam (v. 16, 17). «Moi aussi, répond le vieux prophète, je suis prophète comme toi, et un ange m’a parlé par la parole de l’Éternel, disant: Fais-le revenir avec toi à ta maison, et qu’il mange du pain et boive de l’eau» (v. 18), et la Parole ajoute: «Il lui mentait». Mais comment l’homme de Dieu pouvait-il prêter un instant l’oreille à ce mensonge? Comment pouvait-il supposer qu’il y eût des contradictions dans la parole que Dieu lui adressait?

Et cependant, c’est ce que nous affirment les chrétiens infidèles pour justifier à leurs propres yeux leur mauvaise marche. Chacun, nous disent-ils, comprend la Parole diversement. «Moi aussi je suis prophète!» Mais non, grâce à Dieu, sa volonté ne peut être comprise que d’une manière, et qui la comprendra, si ce n’est celui qui se sépare du mal en obéissant à la Parole?

En faisant appel à l’affection fraternelle, le vieux prophète réussit, là où l’offre du roi avait été repoussée. «Il retourna avec lui, et mangea du pain dans sa maison, et but de l’eau» (v. 19). C’était un homme pieux et respectable que le vieux prophète. Pourquoi l’homme de Dieu ne croirait-il pas ce qu’il dit? Mais, quelle que soit sa piété, la parole d’un homme aurait-elle plus de poids que la parole de Dieu? Le prophète de Juda se trouve lié par l’âge, par l’autorité de son frère le prophète, par sa sympathie pour lui. Demandons-nous sérieusement quel rôle ces liens jouent dans notre vie religieuse, quand la question de l’obéissance à la Parole est placée devant nous.

Le vieux prophète est rudement châtié de son mensonge (v. 20-22), car il devient l’instrument de Dieu pour prononcer, contre son gré, la condamnation de son frère qui s’était fié à sa parole. Il est obligé de juger sur un autre le mal qu’il a fait lui-même. «Parce que tu as été rebelle à la parole de l’Éternel, et que tu n’as pas gardé le commandement que l’Éternel, ton Dieu, t’avait commandé, et que tu es retourné, et que tu as mangé du pain et que tu as bu de l’eau dans le lieu dont il t’avait dit: Tu n’y mangeras pas de pain et tu n’y boiras pas d’eau, ton cadavre n’entrera pas dans le sépulcre de tes pères (v. 21, 22). Si le mensonge du vieux prophète était châtié, combien plus la désobéissance de l’homme de Dieu que son office et la révélation de l’Éternel mettaient en relation plus intime avec Lui.

Qui donc se reconnaîtra dans les traits de l’homme de Dieu? «Tu as été rebelle», lui dit l’Éternel. Qui se reconnaîtra dans les traits du vieux prophète? «Es-tu prophète, toi aussi?» Eh bien! le moment viendra où tu prononceras la malédiction sur ta propre œuvre et le châtiment sur ceux que tu as entraînés! Et que te restera-t-il à toi? Sera-ce une couronne?

(v. 23-26). Le serpent, déguisé en ange de lumière, avait séduit l’homme de Dieu. Il trouve le lion sur son chemin. Les circonstances extraordinaires de sa mort obligent chacun à reconnaître l’intervention divine. Il n’est pas permis au lion de faire autre chose que d’accomplir la parole de l’Éternel. Le vieux prophète, instrument de la chute de son frère, est le témoin des conséquences de cette chute. Comme cela devait atteindre sa conscience et remplir son âme de douleur et de deuil! (v. 29). Son œuvre est réduite à néant et jugée, mais Dieu s’en sert pour le ramener; lui-même n’est pas perdu. «Quand je mourrai, dit-il à ses fils, vous m’enterrerez dans le sépulcre où l’homme de Dieu est enterré; placez mes os à côté de ses os. Car la parole qu’il a criée, par la parole de l’Éternel, contre l’autel qui est à Béthel et contre toutes les maisons des hauts lieux qui sont dans les villes de Samarie, arrivera certainement» (v. 31, 32). Il est restauré dans son âme avant de mourir et scelle de son propre témoignage celui de son frère contre l’autel de Béthel, étendant ce témoignage à tous les hauts lieux des villes de Samarie. Quoi qu’il en soit de notre infidélité, Dieu ne veut pas rester sans témoignage. Le plus faible, le plus coupable d’entre nous, s’il se repent, peut en devenir le porteur. Dans sa mort, le vieux prophète témoigne de son association avec l’homme de Dieu (v. 31).

Mais aucun témoignage n’arrête la carrière idolâtre de Jéroboam (v. 33, 34). La religion qu’il a inventée, lui tient plus au cœur que la parole de l’Éternel; et cependant cette Parole infaillible lui avait tout déclaré d’avance par la bouche d’Akhija. Il avait pu la contrôler par les faits, en avait reçu les bénédictions sans résultat pour son âme; il va faire connaissance avec ses jugements.