1 Rois

Chapitre 3

V. 1-3 — La fille du Pharaon

«Et Salomon s’allia par mariage avec le Pharaon, roi d’Égypte, et prit pour femme la fille du Pharaon; et il l’amena dans la ville de David, jusqu’à ce qu’il eût achevé de bâtir sa maison, et la maison de l’Éternel, et la muraille de Jérusalem, tout à l’entour» (v. 1).

La mention de l’affermissement du royaume dans la main de Salomon (2:12), est suivie, au chap. 2, du jugement qui purifie le royaume de tout ce qui s’était élevé contre David. Le renouvellement de cette même mention (2:46) est suivi, au chap. 3, de l’alliance, par mariage, avec le roi d’Égypte. Salomon introduit dans son alliance la nation même qui avait autrefois asservi son peuple, union des plus intimes, car il prend son épouse en Égypte.

Cette union rappelle celle de Joseph avec une Égyptienne, fille du sacrificateur d’On, mais leur signification typique diffère. Joseph, rejeté de ses frères, avant de s’être fait reconnaître à eux, trouve en Égypte, parmi les nations, une épouse et des fils, selon ce qui est dit de Christ, en Ésaïe 49:5, 6: «Quoique Israël ne soit pas rassemblé... je te donnerai aussi pour être une lumière des nations, pour être mon salut jusqu’au bout de la terre». Le mariage de Joseph serait plutôt le type des relations du Christ rejeté avec l’Église, et de la postérité qu’il s’est acquise hors du pays de la promesse, avant de reprendre ses relations avec son peuple.

Celui de Salomon avec la fille du Pharaon, contracté en d’autres circonstances, n’a pas la même signification. Le royaume est affermi en la main du roi; le temps de la réjection de l’Oint de l’Éternel dans la personne de David est passé; Salomon est établi comme roi de justice (il vient de le prouver par le jugement) sur Israël, son peuple. Alors, et seulement alors, il établit une alliance avec le Pharaon, et prend sa fille pour femme, selon ce qui est dit en És. 19:21-25: «Et l’Éternel se fera connaître des Égyptiens, et les Égyptiens connaîtront l’Éternel en ce jour-là; et ils serviront avec un sacrifice et une offrande, et ils voueront un vœu à l’Éternel et l’accompliront... En ce jour-là, Israël sera le troisième, avec l’Égypte et avec l’Assyrie, une bénédiction au milieu de la terre; car l’Éternel des armées le bénira, disant: Béni soit l’Égypte, mon peuple, et l’Assyrie, l’ouvrage de mes mains, et Israël, mon héritage».

Salomon amène sa femme égyptienne dans la ville de David. C’est ainsi qu’au début du règne millénaire, les nations seront mises d’abord sous la sauvegarde de l’alliance faite avec Israël et représentée par l’arche établie en la montagne de Sion (2 Sam. 6:12). Elles auront ensuite leur place distincte de bénédiction, comme plus tard Salomon édifia une maison à son épouse gentile hors de la ville de David, «car il dit: Ma femme n’habitera pas dans la maison de David, roi d’Israël, car les lieux où est entrée l’arche de l’Éternel sont saints» (2 Chron. 8:11; 1 Rois 9:24).

Jusqu’à ce moment, la fille du Pharaon est établie dans les bénédictions — non pas dans la relation — dont l’arche de l’alliance est le type. Partout où cette arche se trouvait, que ce fût dans la maison d’Obed-Édom (2 Sam. 6:11, 18, 20), ou dans la cité de Sion, elle apportait la bénédiction avec elle. Pendant le millénium, les nations se rendront compte de ce privilège: «Beaucoup de peuples, et des nations puissantes, iront pour rechercher l’Éternel des armées à Jérusalem, et pour implorer l’Éternel... En ces jours-là, dix hommes de toutes les langues des nations saisiront, oui, saisiront le pan de la robe d’un homme juif, disant: Nous irons avec vous, car nous avons ouï dire que Dieu est avec vous» (Zach. 8:22, 23).

 

V. 4-15 — Gabaon

On voit clairement, aux v. 2 et 3, qu’au premier début du règne de Salomon, l’ordre de choses n’était pas définitif. L’arche de l’Éternel demeurait sous des tapis; il restait encore au fils de David à bâtir la maison de l’Éternel. En ce temps-là le tabernacle et l’autel se trouvaient sur le haut lieu de Gabaon et l’arche, ramenée par David, était à Jérusalem. Cette arche de l’alliance, trône de l’Éternel, signe de sa présence personnelle au milieu de son peuple, combien David l’avait à cœur (Ps. 132). On ne voit pas, dans son histoire, que depuis le moment où il la ramena à Sion il ait personnellement cherché un autre lieu de culte, bien que Gabaon ne lui fût pas indifférent. Lors du transport de l’arche à Jérusalem, il avait eu soin de relier le culte devant l’arche avec les sacrifices sur l’autel de Gabaon (1 Chron. 16:37-43), en maintenant, de cette manière, l’unité du culte. Le service devant l’arche se faisait chaque jour, et aussi le service devant l’autel de Gabaon, en sorte qu’au même moment, et «continuellement», ces deux parties du culte, quoique localement séparées, s’accomplissaient ensemble.

Plus tard David bâtit, sur l’ordre de l’Éternel, un autel dans l’aire d’Arauna, Jébusien, et c’est là qu’il offrit des holocaustes et des sacrifices de prospérités. Son Dieu ne le priva pas longtemps d’un autel en rapport avec l’arche. Gabaon perdait, par là même, sa valeur et sa signification.

La pensée de cette unité ne semble pas être venue à Salomon au début de son règne. Sans doute, Dieu lui rend un beau témoignage: «Salomon aimait l’Éternel, marchant dans les statuts de David son père» (v. 3), mais ce témoignage n’est pas sans restriction: «Seulement, est-il dit, il offrait des sacrifices et faisait fumer de l’encens sur les hauts lieux». Il s’accommodait en cela aux pratiques religieuses de son peuple, dont il est dit au v. 2: «Seulement le peuple sacrifiait sur les hauts lieux».

Ce n’était pas un péché positif contre l’Éternel, comme ce fut le cas plus tard pour certains rois pieux de Juda, lorsque l’édification du temple eut ôté tout prétexte à ces pratiques. Si elles continuèrent alors, ce fut au grand déplaisir de l’Éternel, parce qu’elles conduisirent nécessairement à des pratiques idolâtres1. En ces jours de bénédiction et de force sous le sceptre du jeune roi Salomon, il n’en était point ainsi, mais «il offrait des sacrifices et faisait fumer de l’encens sur les hauts lieux», et non pas seulement «à Gabaon qui était le principal haut lieu» (v. 3, 4), où se trouvaient encore l’autel d’airain, le tabernacle et tous ses ustensiles. Cette pratique était en tout cas la dispersion du culte en Israël. Il perdait par là son unité, car l’autel était, entre autres attributs, l’expression de cette unité, comme la table du Seigneur l’est aujourd’hui pour les chrétiens.

1 Voyez 1 Rois 14:23; 15:14; 22:44; 2 Rois 12:3; 2 Chron. 20:33; où le peuple semble n’avoir pas fait autre chose que ce qui se faisait au début du règne de Salomon. Mais que l’idolâtrie fût alliée aux hauts lieux, nous le voyons sous Ézéchias (2 Rois 18:4; 2 Chron. 31:1). L’impie Manassé les rebâtit et élève des autels à Baal (2 Rois 21:3). Quand il vient à repentance, «le peuple sacrifiait encore sur les hauts lieux, mais seulement à l’Éternel leur Dieu (2 Chron. 33:17). Cela prouve ce que nous avançons, c’est que les hauts lieux, à certaines périodes de l’histoire d’Israël, ne sont pas nécessairement liés au culte des idoles, quoiqu’ils y conduisent. Du moment que le culte n’a plus Christ pour centre, comme l’arche en Sion, et qu’il n’a plus lieu que pour des bénédictions reçues, fût-ce même celles du salut, il dévie et devient un instrument entre les mains de Satan, pour remplacer finalement Christ par les faux dieux. Josias abolit entièrement les hauts lieux avec toute l’idolâtrie en Juda et en Israël (2 Rois 23:8).

Autrefois, sous Josué, au sujet de l’autel de Hed (Josué 22), Israël comprenant cela s’était élevé, avec une énergie pleine de zèle, contre les sacrifices offerts sur un autre autel que celui du tabernacle.

Dieu supporte cet état de choses, aussi longtemps que la pleine manifestation de sa volonté quant au culte, n’est pas donnée par la consécration du temple. Cependant c’était une faiblesse chez le grand roi. Combien le culte de David, même avant Morija, était plus intelligent que le sien! Pour David l’arche était tout; elle était pour lui l’Éternel, le Puissant de Jacob (Psaume 132:5), dont le culte était là où se trouvait l’arche. Salomon n’était pas à la hauteur de ces bénédictions et ne possédait pas l’intimité de ces relations avec Dieu. Il ne dépassait pas le niveau de la religion courante de son peuple.

Ne trouvons-nous pas de nos jours la même faiblesse, la même inintelligence, là où le désir de rendre culte n’est cependant point absent? Chacun se choisit son haut lieu, sans se soucier autrement de la présence de l’arche — de Christ. Chacun érige son autel, sans songer que depuis la croix, comme jadis depuis Morija, il ne peut y avoir qu’un seul symbole d’unité pour le peuple de Dieu.

Salomon se rend à Gabaon, mais il aimait l’Éternel, et l’Éternel tient toujours compte de l’affection que nous avons pour Lui. C’est là qu’il lui apparaît dans un songe (v. 5). Ce fait, comme d’autres l’ont remarqué, a son importance. Dans un songe, on n’est pas en mesure de déguiser l’état réel de son cœur; on n’est pas non plus sous le contrôle de la raison ou de la volonté, pour réprimer la manifestation de ce qui s’y trouve. Dans un songe, l’âme est comme à nu devant Dieu. Quelles étaient donc les pensées contenues dans le cœur de ce jeune roi quand Dieu lui dit: «Demande ce que tu veux que je te donne?» (v. 5). Ce que la parole divine rencontre en tout premier lieu dans ce cœur, c’est la reconnaissance pour la grande bonté de l’Éternel envers David: «Tu as usé d’une grande bonté envers ton serviteur, David, mon père», en même temps que la haute estime qu’il a pour ce dernier (v. 6), à cause de sa marche de vérité, de justice et de droiture, preuve que David craignait l’Éternel (Proverbes 14:2). C’est ensuite la reconnaissance pour la bonté de Dieu envers lui, le fils de David: «Tu lui as gardé cette grande bonté, et tu lui as donné un fils qui est assis sur son trône, comme il en est aujourd’hui» (v. 6). C’est enfin le sentiment de sa jeunesse, de son ignorance, de son incapacité. «Et moi, je suis un jeune garçon; je ne sais pas sortir et entrer». Un tel état d’âme présage d’abondantes bénédictions; il se résume en ceci: craindre l’Éternel, avoir le sentiment de sa grâce, estimer les autres supérieurs à soi-même et se compter pour rien1.

1 Tout cela se reflète plus tard dans les Proverbes, conseils de la sagesse du roi. Voyez, par exemple, 3:7; 4:7, etc.

Salomon était devant Dieu, avec un cœur non partagé, aussi ne désirait-il qu’une chose: servir le Seigneur dans les circonstances où il l’avait placé comme conducteur du peuple. Il demande à l’Éternel «un cœur qui écoute», car écouter est la porte du discernement et de l’intelligence. Pour être sage soi-même, il faut commencer par écouter la sagesse: «Bienheureux l’homme qui m’écoute» (Prov. 8:34). C’est par là que commence tout vrai service. Salomon ne savait pas «sortir et entrer»; il ne pouvait l’apprendre qu’en écoutant. Celui qui ne commence pas par se mettre à l’école de la sagesse, ne sera jamais un vrai serviteur. Tel fut le chemin de service du Christ lui-même comme homme. «Il me réveille chaque matin, il réveille mon oreille, pour que j’écoute comme ceux qu’on enseigne» (És. 50:4).

Remarquons que Salomon demande à l’Éternel «un cœur qui écoute». On n’apprend réellement à connaître les pensées de Dieu qu’avec le cœur et non avec l’intelligence. La vraie intelligence est produite par l’affection pour Christ. Le cœur écoute, et quand il a reçu les leçons dont il a besoin, il est devenu sage, capable de discerner entre le bien et le mal et de gouverner le peuple de Dieu. Ce qui rend si important le rôle du cœur dans le service, c’est qu’aucun jugement ne peut être selon Dieu, s’il n’a pas l’amour pour point de départ. Nous faisons cette expérience dans les cas de discipline, de conduite des âmes, de gouvernement des saints et des assemblées.

La parole de Salomon «fut bonne aux yeux du Seigneur» (v. 10). Quelle grâce que d’avoir son approbation dans tout ce que nous Lui demandons et de recevoir le témoignage que nous lui avons été agréables! Aussi l’Éternel accorde-t-il à Salomon ce qu’il demande, et il Lui plaît d’y ajouter tout ce que Salomon ne demandait pas. Il lui accorde le premier rang pour la sagesse: «En sorte qu’il n’y aura eu personne comme toi avant toi, et qu’après toi il ne se lèvera personne comme toi». Il lui donne aussi «tant les richesses que la gloire... Il n’y aura personne comme toi» (v. 12, 13). L’humble dépendance de Salomon l’a mis au premier rang, selon qu’il est écrit: «Quiconque voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et quiconque d’entre vous voudra être le premier, sera l’esclave de tous». Il en fut de même de Christ: «Le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour plusieurs» (Marc 10:43-45). En toutes choses, il n’y a personne qui l’égale. Aussi la sagesse, la puissance, les richesses, la couronne de gloire et d’honneur, toutes choses seront à Lui «dans le jour que Dieu fera», et les choses les plus grandes et les plus magnifiques ne formeront que le marchepied de ses pieds!

Au v. 14, comme dans tous les livres que nous étudions, se pose la question de la responsabilité du roi. «Si tu marches dans mes voies, gardant mes statuts et mes commandements, comme David, ton père, a marché, alors je prolongerai tes jours». C’est le si auquel Salomon lui-même n’a pu répondre et qui l’a conduit à la ruine et à la division de son royaume.

Ayant reçu ces bénédictions, Salomon quitte Gabaon pour venir à Jérusalem «se tenir devant l’arche de l’alliance de l’Éternel»; acte d’un cœur soumis qui a l’intelligence de la pensée de Dieu; première manifestation de la sagesse qu’il vient de recevoir. Il quitte les formes pour saisir la réalité; il laisse l’appareil extérieur de sa religion, pour venir chercher la présence de Dieu (Christ en figure) représentée par l’arche. L’autel de Gabaon ne lui suffit plus; ce lieu est abandonné et ne joue plus de rôle dans la vie religieuse de Salomon. Plus tard, le Seigneur se révèle encore à lui (9:2), mais ce n’est plus à Gabaon.

Salomon offre devant l’arche «des holocaustes et des sacrifices de prospérités, et fait un festin à tous ses serviteurs» (v. 15).

Il y a plus de joie devant l’arche qu’à Gabaon, bien que le roi ait probablement offert beaucoup plus de sacrifices dans ce dernier lieu (2 Chron. 1:6) que dans le premier; mais devant l’arche nous trouvons des sacrifices de prospérités, les vrais sacrifices de communion, et en même temps un festin pour tous les serviteurs du roi.

 

V. 13-28 — Le juste jugement

Après l’intelligence pour rendre culte devant l’arche, première manifestation de la sagesse, nous trouvons en Salomon «la sagesse de Dieu pour faire justice» (v. 28). Salomon connaît le juste jugement. Qu’il s’agisse de prostituées, cela ne change rien à cette justice. Les hommes se laissent continuellement influencer dans leurs jugements par le caractère de ceux qui leur parlent; il n’en est point ainsi de Dieu. Ce qui Lui importe, c’est le cœur et non le caractère extérieur. Le jugement de Salomon est basé sur les affections que le cœur manifeste. Affirmations ou dénégations étaient, dans ce cas, de même valeur, et le jugement ne pouvait se baser sur elles (v. 22). Ce qui pouvait l’établir, c’était la manifestation du cœur. La question n’était pas non plus, laquelle de ces deux femmes était la plus méritante — toutes deux étaient des prostituées — ni si l’action reprochée était probable ou avait eu lieu — elle n’avait eu aucun témoin; — ni si la vraie mère pouvait reconnaître son enfant à certains signes extérieurs — il n’y en avait pas. Le seul témoignage était qu’une de ces femmes disait ne pas reconnaître son fils dans l’enfant mort. Il s’agissait donc de juger de l’état de son cœur, et l’on ne peut en juger que par les affections. L’une de ces femmes avait un objet qu’elle aimait. Laquelle des deux avait cet objet? Or là où des liens réels existent, nous voudrons conserver à tout prix ce qui nous est cher, au risque de le perdre pour nous-mêmes. C’est là l’amour. L’amour n’est pas égoïste; il se sacrifie pour l’objet aimé. L’amour de Christ a fait cela pour nous et nous pouvons en retour le faire pour Lui: «Pour l’amour de toi, nous sommes livrés à la mort tout le jour» (Rom. 8:36).

Quand la vraie mère voit l’épée levée sur son enfant, «ses entrailles sont tout émues pour son fils». L’objet aimé est plus pour nous que notre amour pour lui. C’est à cela qu’on distingue la réalité, la vraie mère. Dans la profession chrétienne, celui qui n’a pas trouvé un objet pour son cœur et ses entrailles, se trahit bien vite. «Coupez-le en deux», dit celle qui n’est pas la mère, obéissant à son ressentiment. On a vite sacrifié Christ quand il s’agit de satisfaire ses passions. La sagesse divine est seule capable de discerner la réalité de la profession au moyen de l’état du cœur. Combien est fréquente cette profession sans réalité! Où sont les entrailles pour Christ, où le dévouement qui sacrifie pour Lui, même ses avantages les plus légitimes, ses droits les plus réels? Il n’est pas question dans ce passage de bonté naturelle, ni de noblesse de cœur, car, nous le répétons, nous avons affaire à des prostituées. Il s’agit de liens créés par Dieu, d’un objet donné de Lui, et que l’âme apprécie. Jamais Dieu ne nous l’ôtera; au contraire, dans l’épreuve, nous le recevrons comme tout de nouveau de sa propre main. «Donnez à celle-là l’enfant qui vit, et ne le tuez point; c’est elle qui est sa mère!»