1 Rois

Chapitre 2

V. 1-12 — Dernières recommandations de David

David mourant laisse un commandement à Salomon, son fils, et insiste sur sa responsabilité. C’est, pour ainsi dire, le testament du vieux roi et le fruit de sa longue expérience. Nous ne trouvons pas ici «les dernières paroles de David», que 2 Sam. 23 nous fait connaître. Le discours contenu dans notre passage précède historiquement ces «dernières paroles» qui pourraient s’intercaler entre les v. 9 et 10. Il n’est pas ici question d’un David, jugeant toute sa conduite en regard de celle du vrai roi, «juste dominateur des hommes», et proclamant l’infaillibilité des conseils de la grâce de Dieu (2 Sam. 23:4, 5). Non; il fallait, en premier lieu, prémunir Salomon, à l’aurore de son règne, contre ce qui pourrait l’entraver ou en amener la ruine.

Il y a beaucoup d’analogie entre les paroles de David à son fils et celles de l’Éternel à Josué (Josué 1). Le roi doit avant tout «se fortifier et être un homme». L’obéissance à l’Éternel et la dépendance de Lui, sont les preuves de cette force qui sera employée à «marcher dans ses voies». La marche elle-même est dirigée par la parole de Dieu, comme nous le voyons ici et au Ps. 119. Cette Parole a différents caractères, et il est nécessaire d’être attentif à tous. Il est dit ici: «En gardant ses statuts, et ses commandements, et ses ordonnances, et ses témoignages» (v. 3). Tel est l’ensemble de la Parole. Ses statuts sont les choses qu’il a établies et auxquelles son autorité est attachée; ses commandements, l’expression de sa volonté à laquelle nous sommes tenus de nous soumettre; ses ordonnances (ou jugements), les principes qu’il exprime et selon lesquels il agit; enfin ses témoignages sont les pensées qu’il nous a communiquées et que la foi doit recevoir. Tout cela constituait pour l’Israélite «la loi de Moïse», et devait être la règle divine de la marche du fidèle. Une vie réglée de cette manière devait être prospère, sous quelque face qu’on l’envisageât: «Afin que tu réussisses dans tout ce que tu fais, et où que tu te tournes». Tel devait être le secret du règne de Salomon et de ses successeurs. Jamais avec ces principes il «n’aurait manqué d’un homme sur le trône d’Israël».

Il en est de même pour nous. Notre vie trouve son aliment et sa force dans la parole de Dieu, et ce n’est qu’en la gardant que nous pouvons traverser sans crainte un monde ennemi et voir prospérer tout ce que nous faisons (Ps. 1:2, 3). Elle nous enseigne à marcher dans le chemin de Dieu. Peut-il y avoir un bonheur plus grand que de trouver ici-bas un sentier parfait, le sentier de Christ sur lequel les yeux de Dieu reposent avec complaisance? Voilà donc quelle était la tâche de Salomon et de ses successeurs. S’ils marchaient dans le chemin de Dieu et sous son regard, leur domination resterait établie à perpétuité (Ps. 132:11, 12).

La seconde recommandation de David (v. 5-9) à son fils, avait trait aux jugements que ce dernier devait exécuter. David, représentant de la grâce, a l’intelligence de ce qui convient au règne de justice. S’il n’y avait pas de justice, la grâce elle-même ne serait qu’une coupable faiblesse. Comme homme, David s’était montré bien peu capable pendant sa vie de donner à chacune de ces choses la place qui lui revenait. C’est ainsi que nous le trouvons à mainte reprise trop faible pour exercer la justice, comme dans le cas de Joab, ou faisant grâce avec injustice, comme dans le cas d’Absalom. Dieu seul fait régner la grâce par la justice. Lui seul a trouvé, en Christ, le moyen de concilier ces deux choses: sa haine parfaite pour le péché et son amour parfait pour le pécheur.

Mais cette absence de jugement n’était pas rien que faiblesse chez David. Il arrivera un temps où les actions des hommes seront appréciées selon la règle de la justice, longtemps suspendue, mais qui n’aura son cours qu’alors. Lorsque la justice régnera, pourra-t-elle paraître ignorer le péché? On ne viole pas impunément les lois du royaume et lorsque celui-ci s’établit en puissance, il faut que ceux qui ont foulé aux pieds ces lois sous le règne de la grâce, subissent les amères conséquences de leur révolte. Il n’y a pas prescription pour la loi de Dieu comme pour celle des hommes. L’acte inique du pécheur se retrouvera, peut-être, «aux cheveux blancs», mais à coup sûr il sera rappelé en mémoire.

Joab vient en premier lieu (v. 5, 6). Nous avons suffisamment apprécié sa carrière1 pour n’y pas revenir ici. La faiblesse de David (2 Sam. 3:39) avait empêché le roi de tirer une vengeance immédiate du meurtre d’Abner et, plus tard, de celui d’Amasa, mais il ne les avait pas oubliés. Ce que Joab avait fait à ces hommes, il l’avait fait à David. «Tu sais ce que m’a fait Joab»2. Peut-être cet homme sanguinaire pensait-il servir son roi, tout en servant ses propres intérêts. Impossible! Ce que l’on fait pour soi-même, on le fait contre Dieu. En temps de paix, «la ceinture et les sandales» de Joab, son service et sa marche, avaient été tachés par le sang de la guerre. C’était une souillure. La guerre devait l’atteindre aussi; il lui faudrait apprendre qu’il n’y avait pas de paix pour lui, car elle n’est que pour ceux qui procurent la paix (Jacq. 3:18). Ni le règne de paix de Salomon, ni son règne de justice ne pouvaient admettre de tels éléments. Joab devait être sacrifié sans sursis et sans miséricorde. «Fais selon ta sagesse», dit David (v. 6). Oui, il y a une rétribution selon la sagesse de Christ (Apoc. 5:12). Sans elle, sa gloire ne serait pas complètement mise en évidence.

1 Méditations sur le second livre de Samuel, par H. R.

2 Nous ne pensons pas que le roi fasse mention ici du meurtre d’Absalom par Joab.

Mais les pensées de David aiment à se reposer, par contraste, sur ce que Barzillaï a fait pour lui (2 Sam. 19:31-40). Il rend à ce dévoué vieillard bien au-delà de ses désirs, dans la personne de ses fils. À l’origine, il s’agissait de Kimham seul; maintenant, tous les fils de Barzillaï ont droit à la table du roi en récompense de la fidélité de leur père. Ils jouissent de la gloire du royaume dans une position d’honneur et d’intimité particulière. Souvenons-nous-en, dans nos familles. Le dévouement des parents à Christ est récompensé dans leurs enfants. «Me rappelant, dit l’apôtre, la foi sincère qui est en toi, et qui a d’abord habité dans ta grand-mère Loïs et dans ta mère Eunice» (2 Tim. 1:5).

Un troisième personnage est Shimhi, le Benjaminite, qui avait maudit David, puis, lors de son retour, avait montré des signes de repentance en confessant son péché. Ce même Shimhi n’avait pas suivi le parti d’Adonija1; il était resté en compagnie des hommes forts de David, et avait suivi Salomon. David dit de lui: «Voici, il y a avec toi, Shimhi, fils de Guéra». Il était donc, en apparence, restauré, mais si David, en grâce, l’avait épargné, il ne le tenait pas pour innocent. Tout allait dépendre de sa conduite sous le roi de justice. Elle montrerait si sa repentance était réelle. Comme le cas de Joab, celui de Shimhi est remis à la sagesse de Salomon (v. 9).

1 Malgré plusieurs opinions contraires, nous ne voyons pas de raison à ce que le Shimhi du chapitre 7:8, soit un autre personnage que le fils de Guéra.

David meurt (v. 10-12), et la Parole note ici, non pas le premier début du règne de Salomon, mais ce qui le caractérise d’une manière générale et dans son ensemble: «Son royaume fut très affermi». C’est le caractère du royaume de la justice, en contraste avec celui de la grâce, plein de troubles et de séditions.

 

V. 13-46 — La justice et le jugement sont la base de son trône

À peine le trône est-il inauguré que les éléments hostiles ou étrangers au royaume se manifestent; mais le caractère du règne de justice est de réprimer tout ce qui n’est pas d’accord avec lui. En présence de Salomon, la chair ne peut plus se faire valoir, ni suivre librement sa pente.

Adonija s’adresse à Bath-Shéba pour qu’elle présente son désir au roi, son fils. «Est-ce en paix que tu viens?» dit cette femme pieuse qui se défie du fils de Hagguith. Elle savait en effet que s’il avait réussi dans ses projets, «elle et son fils Salomon auraient été trouvés coupables» (1:21). Cet homme, extérieurement brisé, est toutefois bien loin de l’être dans son cœur. «Tu sais, dit-il, que le royaume était à moi, et que tout Israël avait porté ses yeux sur moi pour que je fusse roi» (v. 15). Comment une telle prétention ne soulèverait-elle pas l’indignation du vrai roi? Lui, Adonija, avoir tous les droits à la succession, à la couronne et au peuple de David! Ses paroles seules dénotent un cœur ulcéré, une amertume longtemps comprimée se faisant jour, parce qu’il n’y a chez lui aucun jugement de lui-même. Sans doute il dit aussi: «Le royaume a tourné et est passé à mon frère, car il était à lui de par l’Éternel», mais est-ce une vraie reconnaissance de la volonté de Dieu, une vraie soumission au trône de justice? Adonija l’accepte, parce qu’il ne peut faire autrement. Certes, il ne fait pas partie du «peuple de franche volonté», au jour de la puissance du fils de David. À son sens, Salomon est un intrus et, dans ce cas, qu’est-ce donc, pour le cœur d’Adonija, que l’Éternel qui a établi Salomon?

«Et maintenant, dit-il, je te fais une seule requête; ne me repousse pas... Qu’il me donne la Sunamite, Abishag, pour femme» (v. 16, 17). Abishag! cette jeune vierge, qui avait servi David et lui avait prodigué ses soins, qui avait vécu dans l’intimité du roi de grâce, à cet homme révolté que la patience seule de Salomon avait épargné jusqu’ici! Comme il connaît peu David et Salomon1! Lui donner Abishag, c’était lui reconnaître quelque droit à la succession de son père, quelque contact avec le royaume qu’il pourrait revendiquer en une occasion favorable; c’était accepter la légitimité de ses prétentions et de la révolte conduite par Joab et Abiathar (v. 22). La femme qui avait servi David comme une vierge chaste, serait donnée à ce profane?

1 Rien ne nous autorise positivement, comme nous l’avons dit au chapitre 1, à voir dans Abishag, la Sunamite la Sulamithe du Cantique des Cantiques, aimée de Salomon; aussi est-il prudent, dans l’application de ces types, de ne pas dépasser ce que la Parole nous enseigne clairement.

Il en sera de même de l’Église. Le roi de gloire consentira-t-il jamais à céder à un autre, l’Épouse qu’il s’est choisie comme roi de grâce? L’Antichrist, l’homme de péché, croira peut-être enlever l’Épouse à Christ, en s’emparant de la chrétienté apostate, devenue la grande Babylone de la fin, mais ses efforts pour se substituer à Christ, pour posséder son Épouse et s’emparer du royaume, aboutiront, pour la prostituée et pour lui-même, à l’étang de feu et de soufre. Ici, le jugement ne se fait pas attendre: le jour même Adonija est mis à mort.

Le chef de la conspiration, le faux roi, ayant été livré à son sort, la justice de Salomon atteint le sacrificateur (v. 26, 27), longtemps supporté par David, mais dont l’Éternel avait déjà prononcé la sentence aux oreilles d’Éli (1 Sam. 2:35). On retrouve ici le principe exprimé dans les paroles: «J’ai aimé Jacob et j’ai haï Ésaü» (Mal. 1:2), prononcées treize siècles après qu’il avait été dit: «Le plus grand sera asservi au plus petit» (Gen. 25:23). C’était le libre choix de l’Éternel, mais la sentence n’est prononcée que lorsqu’Ésaü s’est montré l’ennemi irréconciliable de Dieu et de son peuple. Il en est ainsi d’Abiathar. Cent trente-cinq ans après le jugement annoncé, il est retranché de la sacrificature, après avoir fourni un motif au jugement, par son alliance avec le rebelle.

Le règne de justice s’inaugure ainsi par le jugement de tous ceux qui, placés sous la grâce et la longue patience de Dieu, n’en avaient pas profité pour mettre leur cœur et leurs actes en accord avec ce règne. Abiathar était d’autant plus coupable qu’il avait «porté l’arche du Seigneur Éternel devant David», qu’il avait aussi partagé ses afflictions dès le commencement (1 Sam. 22:20). Il avait donc eu part au témoignage de l’Oint de l’Éternel et avait souffert pour lui. Salomon reconnaît cela, mais dans le seul cas où la fidélité d’Abiathar est mise à l’épreuve et où il s’agit de la gloire du fils de David, il fait naufrage et abandonne son maître. La parole de l’Éternel, longtemps suspendue, s’accomplit; Abiathar est rejeté.

Joab vient ensuite. Il est dit expressément de lui qu’il ne s’était pas détourné après Absalom (v. 28), quelque velléité qu’il en eût eue, comme nous l’avons vu au second livre de Samuel, mais il était bien plus grave de se détourner du règne de justice au début, car cela dénotait un manque absolu de crainte en présence de celui qui était destiné à s’asseoir comme roi glorieux sur son trône.

Joab s’enfuit dans le tabernacle et saisit les cornes de l’autel. Cela ne peut le sauver. La parole de Dieu est contre lui: «Si un homme s’élève de propos délibéré contre son prochain, pour le tuer par ruse, tu l’arracheras de mon autel, pour qu’il meure» (Ex. 21:14). Salomon s’en souvient. Quand le jugement de Joab est décrété, il est trop tard pour que l’autel le mette à l’abri. Il faut que la vengeance soit exécutée sur lui, afin que «la paix soit de par l’Éternel sur David et sur sa semence, et sur sa maison, et sur son trône, à toujours» (v. 33), car sans cela, le sang serait resté sur la maison de David. Le jugement était nécessaire à sa gloire.

En dernier lieu, vient Shimhi (v. 36-46). Il est placé par Salomon sur le pied de sa responsabilité et l’accepte. Il dénote par là une pure ignorance de son état de péché et, par suite, de son incapacité d’obéir. Israël n’avait-il pas dit les mêmes paroles, lorsque la loi lui fut proposée? «Tout ce que l’Éternel a dit, nous le ferons» (Ex. 19:8). Et Shimhi: «La parole est bonne; selon que le roi, mon seigneur, a parlé, ainsi fera son serviteur» (v. 38). Il sait, le malheureux, que désobéir est pour lui la mort, et que son sang sera sur sa tête — et cependant il est incapable de ne pas désobéir. Il ne peut renoncer à deux esclaves fugitifs, et pour recouvrer ce bien d’un jour, sacrifie sa propre vie! Quelle image du monde qui connaît la loi de Dieu et qui ne veut ni ne peut s’y soumettre, dès qu’un intérêt passager vient se placer entre la volonté de Dieu et lui. Il est jugé sur sa propre parole: «La parole que j’ai entendue est bonne» (v. 42). L’homme placé sous sa responsabilité, qui l’accepte et y manque, ne peut être supporté sous le règne de justice.