1 Corinthiens

Chapitres 9:24-27 et 10:1-13

Nous avons terminé le premier grand sujet de cette épître, l’ordre qui convient à la maison de Dieu. Nous trouverons depuis le chap. 10:14, l’ordre qui appartient à l’Assemblée comme corps de Christ, mais auparavant, le court passage que nous venons de lire introduit une chose intermédiaire, très importante, qui n’est proprement ni la maison, ni le corps, mais la profession chrétienne qui se formait jadis, et remplit aujourd’hui le monde civilisé.

Remarquez que la division en sujets, que nous venons de mentionner, si simple, si logique, pour ainsi dire, se retrouve fréquemment dans les Écritures. Citons l’Apocalypse, livre si peu compris dans son ensemble, quoiqu’il soit le plus régulièrement distribué de tous les récits bibliques; citons aussi le prophète Ésaïe, dont l’Esprit a soin de marquer les différentes parties d’une manière si frappante; citons enfin les Psaumes, groupés et subdivisés de manière à nous éviter d’en fausser l’interprétation. Il en est de même pour d’autres livres, seulement il faut parfois plus d’attention pour en pénétrer la structure; mais en l’étudiant, le plan général de la Parole nous devient plus familier. Il ne suffit pas, en effet, de lire la Bible sans l’étudier, car ce serait la traiter irrespectueusement et s’exposer à ne pas comprendre la pensée de Dieu. Il faut apprendre à la «découper justement», comme dit l’apôtre à Timothée. Nous ne pouvons assez recommander cette étude de la Parole à ceux qui commencent dans le chemin de la foi, mais elle doit être faite sous le regard de Dieu, dans la dépendance du Saint Esprit, et avec prière. Ces trois choses nous rendent capables de nous en approprier les trésors. S’en occuper superficiellement est un moyen certain de ne pas la connaître. Sans doute, notre connaissance ne peut être que partielle, mais, en y faisant des progrès, nous marchons vers la perfection, vers le moment où ce qui est en partie aura disparu et où nous connaîtrons le Seigneur, comme nous avons été connus de lui. On a comparé ce progrès à une lampe, placée au bout d’un long corridor sombre. À mesure que nous avançons vers ce foyer de lumière, nous en recevons plus de clarté, et, quand enfin nous l’avons atteint, nous pouvons le tenir dans nos mains et le posséder tout entier. C’est ainsi que le chrétien marche vers Christ.

Tout homme qui professe lui appartenir est responsable de l’atteindre. L’apôtre, dans le passage que nous avons lu, parle d’abord de cette responsabilité (9:24-27), en se donnant lui-même comme exemple. Il ne la traitait pas à la légère. Les Corinthiens auraient dû savoir cela, mais ils ne marchaient pas selon cette connaissance. L’apôtre place devant eux la nécessité que la vie chrétienne soit un témoignage réel et public devant le monde. Il y a, en effet, pour le chrétien, une vie intérieure et un témoignage public; c’est de ce dernier qu’il parle ici. Il prend l’exemple des jeux olympiques, qui consistaient à remporter le prix à la course ou dans la lutte corps à corps — et cela en public, aux yeux de tous. Notre témoignage public devant le monde consiste, de même, en ces deux choses. Au chap. 3 des Philippiens, l’apôtre dit qu’il court pour le prix de l’appel céleste de Dieu, dans le Christ Jésus. Cet appel est d’être, devant Dieu, saints et irréprochables en amour, comme Christ. «L’espérance de l’appel» est d’atteindre cet état, au moment où nous aurons ce caractère, non seulement en Christ, comme nous l’avons maintenant, mais avec Christ, quand nous serons dans la même gloire que Lui. Nous avons à courir dans la lice, afin de remporter le prix; pour l’atteindre et ne pas nous laisser distancer, il nous faut courir comme étant seuls à l’obtenir. L’apôtre rejetait comme des ordures tout ce qui pouvait l’entraver dans cette course. Des ordures! Considérons-nous les choses du monde, ses avantages, ses trésors, et aussi ses vanités, comme autant de filets tendus pour nous enlacer, comme autant de fardeaux à rejeter? Quand le soldat reçoit l’ordre d’enlever une position, il laisse son sac au bas de la pente, peu soucieux de ne pas le retrouver. Souvenons-nous que nous devons courir en présence de milliers de témoins. Pour ne pas être couverts de confusion, il nous faut non seulement cet effort que la Parole appelle «la vertu», mais la patience, un cœur libre, des yeux fixés invariablement sur le but à atteindre qui est Christ. Sans doute, un grand nombre l’atteindront de fait, grâce à Dieu, mais chacun de nous doit se dire qu’il n’y a qu’un prix, et courir comme si une seule personne devait le gagner. Quel zèle une telle pensée doit produire!

Outre la course, il y a la lutte: notre combat est avec les puissances spirituelles. Ne nous laissons pas arrêter dans notre course par la fatigue, le découragement, ou par le monde; ne nous laissons pas affaiblir, dans le combat, par les pièges que l’Ennemi nous tend sans cesse. Une des conditions préliminaires de la victoire, c’est de vivre «de régime en toutes choses»; il faut être préparé pour le combat avant d’entrer en lice. Le régime est une chose pénible qui exige une attention soutenue, un renoncement continuel à nous-mêmes. À ce prix-là nous recevrons, comme récompense du combat, une couronne incorruptible. L’apôtre avait rempli ces conditions d’une manière fidèle et pouvait dire à la fin de sa carrière: «J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course... désormais m’est réservée la couronne de justice, que le Seigneur juste juge me donnera dans ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui aiment son apparition». Il se donne ici (v. 26) comme modèle. Son combat était réel, et non pas un simulacre de combat, comme toute sa carrière apostolique nous le prouve. Il luttait, soit qu’il ait affaire à l’hostilité des hommes, soit qu’il ait affaire aux tentatives de Satan pour détourner les âmes de Christ. Quand la vérité de l’Évangile était en question, et que l’Ennemi cherchait à la détruire en ramenant les âmes sous la loi; ou quand il cherchait à annuler la croix de Christ en asservissant les Corinthiens aux principes du monde, il trouvait l’apôtre sur son chemin. Mais, bien plus, pour livrer ce combat, il vivait de régime: il mortifiait et asservissait son corps, ne cédant en rien à la chair et la dominant par l’énergie du Saint Esprit, car il sentait toute la responsabilité de la profession chrétienne. Il ne dit pas: de peur qu’après avoir cru, mais: «de peur qu’après avoir prêché à d’autres, je ne sois moi-même réprouvé», car il s’agit ici de la profession, et non pas de la foi, de la responsabilité, et non pas de la grâce. Il est possible qu’une personne ait reçu des dons remarquables et qu’elle s’en serve; disons même que, par son moyen, Dieu convertisse des âmes, et après tout cette personne sera elle-même réprouvée. Comme toujours, l’apôtre, quand il parle de la responsabilité, use de termes aussi absolus que possible. Posséder des dons, avoir un ministère public, prêcher à d’autres, sans réalité pour soi-même, sans jugement ni renoncement de soi devant Dieu, en un mot, sans la vie intérieure qui corresponde à la profession — n’a aucune valeur. Ne cherchez pas, comme cela se fait si souvent, à éluder la valeur de ce terme: réprouvé. Un réprouvé est un homme rejeté de Dieu, condamné aux peines éternelles. Cela ne veut pas dire que l’apôtre ait douté en rien de la perfection de la grâce, mais il prenait au sérieux sa course, son combat et son témoignage, et en considérait toute la solennité.

Après s’être donné en exemple par sa profession, il aborde la question de la chrétienté professante. Ici, l’on ne peut assez répéter, contrairement à ce que l’on dit souvent, qu’il n’existe pas deux genres de professions, l’une vraie, l’autre fausse: il n’y en a qu’une, mais, comme dans la parabole des dix vierges, elle peut être ou n’être pas accompagnée de la vie de Dieu. Nous allons parler de la non-valeur de la profession chrétienne sans vie, mais mon désir est que nous commencions par faire comme l’apôtre, que nous appliquions la réalité de la profession chrétienne à nous-mêmes, avant de l’appliquer à d’autres.

Au chap. 10:1-4, il aborde cette question: Qu’est-ce que la profession chrétienne, et quel droit donne-t-elle au salut éternel? En réponse, il prononce le jugement le plus complet sur la chrétienté professante. Prenant l’exemple du peuple d’Israël, il l’applique à ce qui est issu du christianisme. Israël s’était mis en marche pour atteindre le pays de Canaan, conduit par la nuée qui, dès les premiers pas, le protégeait de jour et l’éclairait de nuit. Le Dieu de gloire s’y trouvait. Tous ils avaient passé à travers la mer Rouge, symbole de la mort de Christ sous le jugement de Dieu. Ces deux choses, la nuée et la mer, appartiennent aussi bien à la chrétienté professante qu’au peuple d’Israël selon la chair: la présence de Dieu, et la connaissance du salut qu’on obtient par le sang du Sauveur. «Et que tous ils ont été baptisés pour Moïse dans la nuée et dans la mer» (v. 2). Israël avait une sorte de baptême que la Parole assimile au baptême chrétien. Ils avaient tous été baptisés pour Moïse, leur chef, c’est-à-dire qu’ils avaient porté sur eux, pour ainsi dire, la livrée de Moïse, comme le professant porte la livrée de Christ. Israël l’avait prise dans la nuée et dans la mer; la profession chrétienne reconnaît comme Seigneur un Christ vivant qui la protège et qui l’éclaire, un Christ mort, pour lequel elle est baptisée, car, remarquez-le bien, le baptême n’est pas autre chose que le signe de la profession chrétienne. — Israël avait eu la manne et l’eau du rocher: spirituellement, ces choses représentent le Fils de Dieu, descendu du ciel pour nourrir le peuple, et le Saint Esprit pour le désaltérer. Ces bénédictions appartiennent aussi à la chrétienté, dont il est dit qu’elle a «goûté du don céleste» et est devenue participante de l’Esprit Saint (Héb. 6). Notez bien qu’il ne parle pas ici des sacrifices juifs, types de la rédemption, ni de manger la chair et de boire le sang de Christ, ce qui impliquerait la vie éternelle. Or ces privilèges extérieurs ont-ils réussi à sauver Israël, ou sauveront-ils la chrétienté professante? De tous les hommes adultes sortis d’Égypte, deux hommes de foi seuls ont traversé le Jourdain pour entrer dans la terre promise. Et qu’est-ce qui avait excité la colère et le jugement de Dieu contre ce peuple? 1° Ils avaient convoité des choses mauvaises. 2° Ils avaient été idolâtres; et notez qu’il ne cite pas ici le veau d’or, mais le festin qui l’avait accompagné, et qui peut tout aussi bien caractériser les chrétiens professants: «Le peuple s’assit pour manger et pour boire, et ils se levèrent pour jouer». 3° Ils avaient commis fornication avec les filles de Moab, avec les ennemis de Dieu. 4° Ils avaient tenté Christ. 5° Ils avaient murmuré. Tout cela ne s’applique-t-il pas aussi bien à la chrétienté professante, qui sera jugée du même jugement qu’Israël?

Remarquez cette parole de l’apôtre: Ces choses sont arrivées «comme types de ce qui nous concerne». Il parle maintenant à ceux qui ne sont pas de simples professants, mais qui ont la vie de Dieu. Chacun d’eux est appelé à se demander: Est-ce mon cas? Mon cœur convoite-t-il des choses mauvaises? Est-ce que je trouve ma joie dans les jouissances matérielles? Est-ce que je doute de l’amour de Christ? Suis-je mécontent de rencontrer l’épreuve dans ma carrière? Prenons-y garde. Le jugement de Dieu atteint ceux qui suivent ce chemin. Toute la question de notre responsabilité revient se placer ainsi devant nous, et si l’apôtre nous a parlé au chap. 9 de la sienne, la nôtre est-elle moins grande? Si la profession chrétienne, si la chrétienté, malgré les bénédictions sans nombre dont Dieu l’a comblée, doit tomber sous le jugement, son sort ne nous servira-t-il pas «d’avertissement, à nous que les fins des siècles ont atteints?» Remarquez qu’il en est toujours ainsi. Nous ne sommes pas appelés à prononcer le jugement sur la chrétienté; c’est l’affaire de Dieu seul; mais il veut que nous appliquions ces vérités à notre propre état, que nous nous demandions: Est-ce que toi, possédant la vie divine et l’Esprit de Dieu qui est venu faire sa demeure chez toi, tu te contentes d’apparences, te mettant au même niveau qu’une profession sans vie? Si nous avons compris la grâce de Dieu, nous en finirons résolument avec toutes ces choses, comme l’apôtre Paul. Depuis la mort de Christ, «les fins des siècles» nous ont atteints; c’en est fait pour nous de la responsabilité de l’homme pécheur, Christ l’ayant portée à la croix pour quiconque a cru en lui, et nous sommes entrés comme chrétiens dans une sphère nouvelle, sphère de bénédictions célestes, mais nous avons à réaliser cette position, et notre responsabilité comme chrétiens demeure tout entière. Combien il est important pour nous d’être remplis du sérieux que comporte notre vie chrétienne (et Dieu veuille le produire dans chacune de nos âmes), de comprendre que nous ne pouvons pas nous borner à une conduite extérieure, plus ou moins correcte, comme les professants sans vie, mais que notre état intérieur doit y correspondre. Si nous sentons combien nous avons manqué à notre responsabilité, disons en nous humiliant devant Dieu: J’ai péché contre toi! Cependant il reste une seule chose sur laquelle nous puissions compter, c’est que Dieu est fidèle. Dans sa grâce, il m’a amené à Lui. Je devrai faire toute sorte d’expériences, si, pareil aux Corinthiens, je n’ai pas commencé par le jugement complet de moi-même à la croix, mais Sa grâce ne peut changer; il est puissant pour me restaurer; je ne puis m’appuyer que sur Lui. Me fera-t-il défaut? Jamais! Si j’abandonne un instant seulement sa main, je tomberai; et combien de chutes honteuses et souvent retentissantes dans la vie du chrétien sont venues de ce que, se confiant en lui-même, il a abandonné le bras puissant et fidèle qui seul pouvait le soutenir!