1 Chroniques

Chapitre 4

Encore Juda, Jahbets. La tribu de Siméon.

Les versets 1 à 23 reprennent pour la seconde fois la généalogie de Juda. Deux noms ont un relief particulier dans les chap. 2 à 4. D’abord celui de David, car la royauté de Juda est, comme nous l’avons vu, le sujet principal des Chroniques; en second lieu celui de Caleb, fils de Jephunné, qui représente l’énergie et la persévérance de la foi; Hur, qui joue un rôle prépondérant dans l’histoire d’Israël (Ex. 17:12; 24:14), est lui-même fils de Caleb (2:19, 50; 4:1, 4). Jahbets (4:9, 10) est de la même race (4:9, 10; 2:55).

La mère de Jahbets l’avait enfanté avec douleur et l’avait nommé Jahbets: «Douleur». Elle avait éprouvé pour elle-même et reconnaissait les suites du péché, la malédiction qui en était la conséquence pour l’homme, la juste sentence de Dieu prononcée sur la femme séduite par le serpent, car Dieu avait dit: «Je rendrai très grandes tes souffrances et ta grossesse; en travail tu enfanteras des enfants» (Gen. 3:16). La mère de Jahbets acceptait cette sentence par la foi. Elle cherchait si peu à s’y soustraire qu’elle la transmit à son fils en lui faisant porter le nom «Douleur». Du côté de l’homme, tout espoir de bonheur était perdu, par la chute, et la douleur était fatalement sa part.

Jahbets commença par cette conviction; c’est pourquoi il fut «plus honoré que ses frères». Alors il «invoqua le Dieu d’Israël», sachant qu’il ne pouvait dépendre que de l’Éternel pour être délivré de la malédiction du péché. Il savait, d’autre part, que cette délivrance pouvait être si absolue que lui, Jahbets, fût sans douleur!

Jahbets fait quatre requêtes à Dieu; si Dieu les lui accorde, elles seront la preuve de sa complète délivrance.

La première requête est celle-ci: «Si tu me bénissais abondamment..». Dieu avait maudit l’homme et le sol dont il avait été tiré (Gen. 3:17). Lui seul pouvait annuler cette sentence et la remplacer par la bénédiction, première preuve de la fin de la douleur. Lui seul pouvait changer les circonstances de telle sorte que le pécheur, banni de Sa présence, pût être amené à Lui pour jouir de Sa grâce et de ses promesses inconditionnelles. «Je te bénirai», avait dit l’Éternel à Abraham. La foi de Jahbets remonte aux conseils de grâce et aux promesses de Dieu quand tout est ruiné. Son histoire, relatée dans ce livre seul, n’est-elle pas bien d’accord avec le caractère général des Chroniques? «Dieu fit arriver ce qu’il avait demandé». De même, pour nous, Dieu a aboli, par le sacrifice de Christ, toutes les conséquences du péché, en sorte que nous pouvons être bénis, en Lui, de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes.

La seconde requête est celle-ci: «Si tu étendais mes limites». Ces généalogies mettent en relief, à diverses reprises, les individus dont Dieu étend les limites dans la terre de la promesse, lorsque l’ensemble du peuple avait failli quand il s’agissait de conquérir entièrement son héritage. Jaïr nous en a déjà offert la preuve au chap. 2. Les noms de Caleb, d’Acsa, d’Othniel, sont autant d’exemples de cette énergie individuelle de la foi, qui retrouve des limites étendues quand elle compte sur Dieu. Il en est de même pour nous: nos limites spirituelles s’étendent dans le domaine céleste, pendant que nous sommes ici-bas. Pour les acquérir, il nous faut reconnaître notre ruine irrémédiable, l’incapacité dont nous avons fait preuve pour étendre nous-mêmes nos limites, et montrer l’humble dépendance qui s’appuie sur la grâce de Dieu seul pour les posséder.

Jahbets dit en troisième lieu: «Si ta main était avec moi». Il ne compte pas sur son énergie naturelle pour accroître ses limites, mais sur la puissance de Dieu. Cela frappe d’autant plus qu’il était d’une race renommée pour son énergie.

Il dit enfin, en quatrième lieu: «Si tu me mettais à l’abri du mal». Le mal qui a amené la douleur dans ce monde n’a pas disparu; il est toujours présent. Jahbets le sait bien, car il ne demande pas qu’il soit ôté, mais désire être mis à l’abri de ce mal dont il constate l’existence. Ici encore, il reconnaît que ce n’est pas sa volonté, mais la puissance de Dieu seule qui est capable de le garder.

Une confiance absolue dans la grâce et la puissance de Dieu est le seul moyen d’obtenir ces choses. Jahbets les obtint. Comment la douleur pouvait-elle subsister dans le cœur de cet homme de Dieu quand toutes ses demandes étaient exaucées? Sans doute, la douleur pas plus que le mal qui l’a engendrée, n’avait disparu du monde, mais le cœur de Jahbets, rempli des choses excellentes qui lui étaient accordées, n’avait plus de place pour elle.

On trouve encore chez le peuple de Dieu d’autres devoirs et d’autres activités que d’étendre ses limites comme Jahbets. Joab est «père des artisans» (v. 14). Dieu nous a confié certaines fonctions, humbles mais très utiles à leur place, auxquelles nous faisons bien d’être attentifs sans ambitionner des choses plus élevées. Nous sommes ainsi gardés dans l’humilité. Parmi les fils de Shela on trouve des «ouvriers en byssus», des potiers, des jardiniers (v. 23). Ce n’étaient pas des occupations relevées, mais elles acquéraient de l’importance par le fait que ces hommes «habitaient auprès du roi pour ses travaux». Quoique très humbles, ils étaient ses coopérateurs dans les limites que son œuvre leur assignait; à cause de cela le roi les tenait à sa portée; ils avaient le grand privilège, inutilement ambitionné par plus d’un noble ou d’un prince, d’habiter auprès de lui1.

1 Les mots: «Ce sont des choses anciennes» contredisent l’opinion assez singulière que le roi était Nebucadnetsar.

Il en est de même pour nous. Remplissons chacun notre tâche; n’ambitionnons pas de hautes positions parmi le peuple de Dieu, mais contentons-nous des humbles; nous en acquitter avec soin est ce que le Seigneur nous demande; soyons fidèles en peu de choses, pourvu que nous coopérions à ses travaux. Sans parler d’une récompense future, nous en retirerons l’inappréciable avantage actuel «d’habiter auprès du roi» et de contempler sa face.

Aux v. 24 à 43 nous avons les généalogies des fils de Siméon. Par suite du péché de Siméon et de Lévi, ces deux frères étaient «divisés en Jacob et dispersés en Israël» (Gen. 49:7). Ils différaient cependant en ceci que Dieu se servit en grâce de la dispersion de Lévi pour lui donner des fonctions sacerdotales répondant à sa position, tandis qu’il n’en fut pas ainsi de Siméon qui continua à garder la marque du jugement de Dieu: «Ses frères n’eurent pas beaucoup de fils et toutes leurs familles ne se multiplièrent pas comme les fils de Juda» (v. 27). Siméon était petit en nombre, partiellement enclavé dans le territoire de Juda, ouvert aux attaques de l’ennemi du côté du midi, sans frontières définies. Mais nous retrouvons ici la vérité déjà énoncée que, lorsque la foi collective a fait faillite, la foi d’un petit nombre, aussi bien que jadis la foi individuelle d’un Caleb, les porte à «étendre leurs limites». Plusieurs «mentionnés par nom, furent princes dans leurs familles; et leurs maisons de pères se répandirent beaucoup» (v. 38). «Ils trouvèrent un pâturage gras et bon» là où étaient auparavant les fils de Cham (v. 40); ils allèrent même jusqu’à «la montagne de Séhir» occupée par Édom (verset 42). Ce n’était ni du nombre, ni de la puissance que dépendait l’étendue de leur possession. Ils portaient, comme Jahbets, les conséquences de la malédiction prononcée sur eux, mais leur extrême pauvreté qu’ils ne pouvaient nier, les décida à conquérir ce que Dieu mettait à leur portée.

Remarquez qu’ils obtinrent leurs bénédictions sous les deux règnes de grâce en Juda: celui de David (v. 31); et celui d’Ézéchias (v. 41), alors que déjà l’état du peuple attirait sur lui le jugement prochain par le roi de Babylone. Combien tous ces détails nous ramènent toujours à la grande pensée de ce livre précieux! Tout ce qui est selon la nature aboutit à une faillite complète et n’a aucune valeur pour Dieu; la grâce est la seule chose sur laquelle nous puissions compter en nous appuyant sûrement sur les conseils et l’élection de grâce qui sont établis à jamais.