Juges

Chapitres 14 et 15

Ch. 14 v. 1 à 15 v. 8 — Dieu peut se servir de la force de ceux qui lui sont attachés, même si leur marche est infidèle

[14:3-4] Dieu se sert du mariage de Samson avec une femme d’entre les Philistins, pour punir ce peuple. [14:19] Encore dans la fraîcheur de sa force, le coeur près du Seigneur, et mû par le Saint Esprit, Samson agit dans la puissance de cette force au milieu des ennemis qu’il s’est suscités, [14:20] et, de fait, il n’épouse jamais la femme de leur nation.

[14:4] J’ai dit : Dieu s’en sert. C’est ainsi que Dieu peut employer la force spirituelle de l’Église, aussi longtemps que, pour le fond, elle lui demeure attachée, quoique sa marche ne soit pas fidèle et qu’il ne puisse l’approuver. [14:3] Car il est clair que le mariage de Samson avec la fille de Thimna était un péché positif, une contravention flagrante aux ordonnances de l’Éternel, [15:5] que ne justifie nullement la bénédiction que Dieu lui accorde lorsque les Philistins lui faisaient tort. [15:6] Car ce n’est pas dans son mariage qu’il a trouvé de la bénédiction, mais bien le contraire.

Ch. 15 v. 8-16 — Le peuple infidèle est opposé au nazaréen de Dieu

[15:12] Aussi, Samson n’a pas Israël avec lui dans les combats que lui suscite son mariage ; l’Esprit de Dieu n’agit pas sur le peuple comme il l’a fait dans le cas de Gédéon [(6:35)], de Jephthé [(11:29)] ou de Barak [(4:10)].

Du reste, quand il s’agit du Nazaréat, il faut s’attendre à l’opposition du peuple de Dieu. On est Nazaréen au milieu du peuple, parce que le peuple ne l’est plus. [15:11] Or, s’il ne l’est plus, il n’a plus de force et s’accommode de la domination du monde, pourvu qu’on lui laisse sa paix extérieure ; et il ne veut pas qu’on agisse par la foi, parce que cela inquiète le monde et l’excite contre lui. « Ne sais-tu pas », dit Israël, « que les Philistins dominent sur nous ? » (15:11). [15:13] Tout en reconnaissant Samson pour un des leurs, les Israélites veulent le livrer aux Philistins, afin de conserver leur tranquillité.

Le mélange avec le monde amène toujours du mal pour le croyant

Mais dans cette première phase de la vie de Samson, il y a quelques détails qui exigent plus d’attention.

La recherche de relations avec le monde est un mal, devant Dieu

Son mariage était un péché. Mais la séparation du peuple de Dieu avait cessé de recevoir son application pratique dans la mesure que lui assignent les pensées de Dieu. [14:2-3] Le fait était inexcusable, parce qu’il avait pour motif la volonté de Samson et que Dieu n’avait pas été consulté. [15:3] Mais, par l’effet des circonstances, Samson n’avait pas, en ce moment, la conscience du mal qu’il commettait ; et Dieu permit qu’au lieu de la guerre avec le monde cananéen (c’est-à-dire le monde dans l’enceinte du peuple de Dieu), il cherchât la paix et l’amitié avec lui, [15:7] de sorte que, quant aux Philistins, Samson était dans son droit à l’égard des combats qui ont suivi.

La force pour la victoire trouvée en Christ est le secret du croyant

[14:6] Avant son mariage, Samson avait tué le lion [14:8] et il y avait trouvé du miel. [14:6] Il avait la force de la part de Dieu pendant qu’il marchait dans son intégrité. [14:12] C’est l’énigme du peuple de Dieu, son secret. [14:14] Le lion est privé de force contre celui qui est à Christ. Christ a détruit la force de celui qui avait l’empire de la mort [(Héb. 2:14)]. Par la puissance de l’Esprit de Christ notre combat est victoire, et le miel en découle. Mais ceci s’effectue dans le secret de la communion de l’Éternel. David a mieux gardé cette position dans la simplicité du devoir.

Les liaisons avec le monde n’amènent que des mécomptes au croyant

[14:11] Samson ne s’est pas préservé avec le monde, des liaisons auxquelles prêtait l’état du peuple. C’est toujours le danger pour le chrétien. Mais quelle que soit leur ignorance, quand les enfants de Dieu s’allient au monde et poursuivent ainsi un chemin opposé à leur vrai caractère, ils y trouveront infailliblement des mécomptes. Ils ne se gardent pas à part pour Dieu ; [14:17] ils ne gardent pas leur secret avec Lui, secret qui n’est connu que dans Sa communion. [14:18] Leur sagesse s’en va, le monde les séduit, [14:19] leurs relations avec le monde deviennent plus mauvaises qu’auparavant, [14:20] et le monde les méprise et fait ses affaires, [15:2] sans égard pour eux quand ils s’indignent des choses qu’il leur fait éprouver.

Les conséquences des relations avec le monde

Dieu se sert de l’union avec le monde pour forcer la séparation, en la rompant

[15:1] Qu’est-ce que Samson avait à faire à aller visiter sa femme ? (15). Sa propre volonté est en exercice et se mêle avec l’emploi de la force que Dieu lui avait donnée (comme Moïse lorsqu’il tua l’Égyptien [(Ex. 2:12)]). On porte toujours un peu du monde avec soi, lorsqu’on y a été mêlé étant enfant de Dieu. Mais Dieu se sert de cela pour nous en séparer forcément et tout de bon, et rendre notre union avec lui impossible, en nous mettant en conflit direct avec le monde, là même où nous étions liés avec lui. On eût mieux fait de ne pas l’être. Mais ces voies de Dieu sont nécessaires, lorsque l’union de l’Église avec le monde est une chose habituelle et reconnue d’elle1. On ne s’aperçoit pas des circonstances les plus flagrantes. Pensez à un Nazaréen marié avec une Philistine ! [14:20] Dieu doit rompre cette union [14:19] en faisant naître des inimitiés et des hostilités, puisqu’il n’y a pas l’intelligence de la proximité morale de Dieu, qui sépare du monde et place dans cette tranquillité qui, puisant sa force en Dieu, sait vaincre et chasser l’ennemi, lorsque Dieu nous engage dans le combat par la révélation claire de sa volonté.

1 Dans cette union, lorsqu’elle a lieu entre le monde et les vrais chrétiens, ou du moins ceux qui professent la vérité, le monde domine toujours ; lorsque c’est au contraire avec la hiérarchie que le monde a affaire, c’est une hiérarchie superstitieuse qui domine, parce qu’elle est nécessaire pour restreindre la volonté de l’homme, par des liens religieux qui s’adaptent à la chair.

Le rapprochement avec le monde est toujours le fait du croyant, qui est ainsi toujours défait

Mais, liés avec le monde, le monde a toujours de l’empire sur nous ; nous n’avons pas le droit de nous refuser à des relations que nous avons nous-mêmes formées. Nous pouvons nous approcher du monde, car la chair est en nous. Le monde ne saurait s’approcher réellement des enfants de Dieu, car il n’a que sa nature déchue et pécheresse. Le rapprochement est tout d’un côté, et toujours en mal, quelles que soient les apparences. Porter un témoignage au milieu du monde, c’est autre chose.

Le secret de Dieu ne concerne que les siens ; le communiquer, c’est le renier

[14:16] Aussi l’on ne saurait invoquer le secret de l’Éternel, les relations intimes du peuple de Dieu avec Lui et les sentiments qui en découlent ; car le secret et la force de l’Éternel sont exclusivement le droit et la force de son peuple racheté. Comment le dire à sa femme philistine ? Quelle influence auraient les privilèges exclusifs du peuple de Dieu, sur celle qui n’en fait pas partie ? Comment en parler, quand on les renie par la relation même dans laquelle on se trouve ? [14:17] On les renie en communiquant ce secret ; car on cesse d’être séparé et consacré à Dieu, dans une confiance qui ne peut reposer sur d’autre que Lui. [14:18] Cette expérience aurait dû, pour l’avenir, préserver Samson d’une marche pareille. Mais, sous bien des rapports, dans les choses de Dieu, l’expérience est inutile, parce qu’il faut la foi au moment même ; car c’est Dieu lui-même dont nous avons besoin.

Les conseils de Dieu s’accomplissent, malgré les fautes des siens, par eux

Cependant ici la force de Samson demeure. [14:4] Les conseils souverains de Dieu s’accomplissaient dans cette affaire, quoique à travers des fautes très graves, suite de l’état général des choses auxquelles Samson participait. [15:14-15] Une fois dans le combat, il manifeste la force de l’Éternel qui était avec lui ; [15:18] et, en réponse à ses plaintes, [15:19] l’Éternel lui fournit le rafraîchissement dont il avait besoin. (15:17-19).

Dieu agit malgré l’état de choses contraire et l’infidélité des siens

C’est là que se termine l’histoire générale de Samson. [15:12] Nous avons vu que le peuple de Dieu, ses frères étaient contre lui : règle générale en pareil cas. C’est l’histoire de la puissance de l’Esprit de Christ agissant dans le Nazaréat, dans la séparation d’avec le monde, pour Dieu ; mais au milieu d’un état de choses entièrement contraire à cette séparation, et dans lequel celui qui est soutenu par la force de cet Esprit, se retrouvant placé dans la sphère de ses habitudes, est toujours en danger d’être infidèle, et cela d’autant plus (s’il ne se tient pas près de Dieu dans le calme de l’obéissance) qu’il sent que la force est avec lui.

Christ, le parfait nazaréen

La perfection et le secret de la marche de Christ en Dieu

Christ était la perfection de la marche divine en pareil cas. On voit que personne n’a compris quelle était la source de sa puissance, ou son autorité [(Luc 4:32, 36)]. Il a dû renoncer à tout espoir de satisfaire les hommes sur les principes d’après lesquels il marchait [(Matt. 21:27)]. On aurait dû être comme Lui pour le comprendre ; et, dans ce cas, on n’aurait plus eu besoin d’être convaincu. Agir devant Dieu et lui remettre sa justification, voilà tout ce qu’il y avait à faire. Il réduisait ses adversaires au silence sur des principes reconnus de Dieu et de toute bonne conscience ; mais il ne pouvait point révéler le secret entre lui et le Père, le principe de sa vie et le ressort de toute sa conduite. [Jean 8:42] Si la vérité a percé quand Satan a poussé les choses au point qu’il n’y avait que cela à dire, ses adversaires l’ont traité de blasphémateur, [Jean 8:44] et Lui les a dénoncés ouvertement comme enfants de Satan. C’est ce qui se trouve particulièrement dans l’Évangile de Jean (voyez chap. 8). Mais alors Jésus n’avait plus sa même relation avec le peuple, qui, de fait, dès le commencement de cet Évangile, est traité comme réprouvé, tandis que la personne du Fils de Dieu est mise en évidence.

Christ a marché dans une dépendance constante de Dieu, totalement isolé des hommes

[Luc 4:14] Dès le début de son ministère, il a conservé la place d’un serviteur obéissant, ne commençant à agir en public que lorsqu’il y fut appelé de Dieu, [Matt. 3:13] après avoir pris la dernière place dans le baptême de Jean. Ce fut la question débattue lors de la tentation dans le désert. [Matt. 4:3] Le tentateur a voulu le faire sortir de sa position d’homme obéissant, parce qu’il était Fils de Dieu. Mais l’homme fort fut lié là [(Matt. 12:29)] : demeurer dans l’obéissance est le seul moyen pour lier l’adversaire. Christ a toujours marché dans cette séparation parfaite de l’homme intérieur, dans la communion de son Père et dans une entière dépendance de lui ; dans l’obéissance, sans avoir un seul instant de volonté propre. C’est pourquoi on le voit le plus débonnaire et le plus accessible des hommes ; on remarque dans ses démarches une tendresse et une bonté qui ne se voient en aucun homme, mais on sent toujours un étranger. Ce n’est pas qu’il soit venu pour être étranger dans ses relations avec les hommes ; mais ce qu’il y avait de plus profond en lui, ce qui constituait sa nature même, et, par conséquent, déterminait sa marche en vertu de sa communion avec le Père, était entièrement étranger aux mobiles qui agissent sur les hommes. De fait, il était absolument isolé. N’est-il pas frappant de voir qu’aucun de ses disciples n’a compris ce qu’il disait [(Luc 18:34)] ? Marie de Béthanie est le seul exemple d’un coeur qui le comprît, aussi ce que cette femme avait fait devait être publié dans le monde entier en mémoire d’elle [(Matt. 26:13)]. Son coeur était plein de sympathie pour chaque souffrance ; il ne rencontrait aucune sympathie pour les siennes.

Toute la vie de Christ montre sa dépendance, son obéissance à Dieu

Cet esprit d’abnégation, de renoncement à toute sa volonté propre, d’obéissance et de dépendance de son Père, perce constamment dans la vie de Jésus. [Luc 3:21-22] Après le baptême de Jean, il priait lorsqu’il reçoit le Saint Esprit. [Luc 6:12-13] Avant de nommer les apôtres, il passe toute la nuit en prières. [Matt. 14:23] Après le miracle des cinq pains pour nourrir cinq mille hommes, il passe aussi la nuit sur la montagne, en prières. [Matt. 20:21] Si l’on demande de s’asseoir à sa droite et à sa gauche dans son royaume, [Matt. 20:23] ce n’est pas à lui de le donner, sinon à ceux pour lesquels cela est préparé par son Père. [Luc 22:42] Dans l’agonie de Gethsémané, l’attente et la frayeur de la mort sont placées entièrement devant son Père, [Jean 18:11] et « la coupe que son Père lui a donné à boire, ne la boirait-il pas ? » Aussi, comme tout est calme en présence des hommes ! Il est le Nazaréen, séparé des hommes par sa parfaite communion avec son Père, et l’obéissance d’un Fils qui n’avait d’autre volonté que d’accomplir le bon plaisir de son Père. [Jean 4:34] C’était sa nourriture de faire la volonté de Celui qui l’avait envoyé et d’achever son oeuvre.

Jésus rejeté prend le caractère complet de naaréen, et les siens doivent ainsi marcher comme lui

Mais c’est lorsque l’homme n’a pas voulu le recevoir, et qu’il n’y eut plus de relation quelconque entre l’homme et Dieu, que Jésus a pris pleinement le caractère de Nazaréen, de séparé des pécheurs, élevé plus haut que les cieux [(Héb. 7:26)]. C’est Christ dans les cieux qui est le vrai Nazaréen, et qui, ayant reçu du Père la promesse du Saint Esprit, l’a répandu sur ses disciples [(Act. 2:33)], afin que dans la puissance du Saint Esprit ils pussent maintenir la même position sur la terre, par la communion avec Lui et avec son Père ; marchant dans la sainteté de cette communion, et capables ainsi de se servir de cette puissance avec une intelligence divine, propre à éclairer et à soutenir l’obéissance pour laquelle ils sont mis à part en vue de la gloire de Jésus et de son service. [Jean 15:7] « Si vous demeurez en moi », dit-il à ses disciples, « et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez ce que vous voudrez, et il vous sera fait ». [Jean 17:14] Ils n’étaient pas du monde, comme Lui n’était pas du monde. L’Église, qui a été formée de ses disciples, doit marcher comme séparée du monde et consacrée à Lui dans une vie céleste.

Christ, antitype parfait du nazaréat

Christ est donc l’antitype de cette histoire de Samson, quant au principe qu’elle contient. Mais les faits nous montrent ce principe de puissance confié à ceux qui n’étaient, hélas ! que trop capables de manquer à la communion et à l’obéissance, et ainsi d’en perdre la jouissance.