Le livre de Néhémie

F.B. Hole

Chapitre 1er

Esdras était monté à Jérusalem en la septième année d'Artaxerxès, roi de Perse (Esdras 7:1). Au début du livre de Néhémie, nous nous trouvons transportés à la vingtième année de ce roi. Néhémie n'était pas sacrificateur, comme Esdras. Il avait une fonction officielle au palais de Suse.

Le récit commence avec l'arrivée de quelques Juifs qui étaient au courant des conditions de vie qui régnaient alors à Jérusalem. Néhémie s'enquiert auprès d'eux de l'état des réchappés qui étaient revenus à cette ville quelques années auparavant. La réponse de ces hommes nous est donnée au verset 3.

Leur rapport est désastreux. La ville de Jérusalem est toujours en ruine, et ses habitants «sont dans une grande misère et dans l'opprobre». L'effet de ces nouvelles sur Néhémie est décrit dans le reste du chapitre. Nous croyons que cela devrait nous toucher beaucoup aussi.

Dans le livre d'Esdras, nous avons vu comment, sous la conduite de Zorobabel et de Jéshua, hommes craignant Dieu, un résidu était revenu et avait reconstruit le temple. Nous avons vu aussi comment, malgré les défaillances qui étaient survenues au fil des ans, la venue d'Esdras avait produit un nouveau réveil. Et maintenant, treize ans plus tard, ce résidu se trouvait dans l'affliction et dans l'opprobre, alors qu'on aurait pu s'attendre à ce que Dieu le récompense par des signes visibles de son approbation et de sa faveur.

Le livre suivant — celui d'Esther — nous raconte ce qui arriva aux Juifs qui, beaucoup plus nombreux, n'avaient pas pris à cœur les intérêts de Dieu touchant sa maison, mais avaient préféré rester dans le pays de leur captivité. Au cours des soixante-dix ans, beaucoup d'entre eux s'étaient installés dans une prospérité relative. On aurait pu s'attendre à ce que ces gens insouciants aient encouru le déplaisir de Dieu. Mais qu'en est-il? Il suffit de lire Esther 9:17-19 pour le voir. Ceux qui, en dépit de leurs manquements, avaient eu à cœur les intérêts de Dieu et avaient rebâti sa maison, étaient dans l'affliction et l'opprobre, tandis que ceux qui ne s'étaient souciés de rien, et étaient restés confortablement chez eux, célébraient «un jour de joie et de festin, et un jour de fête».

Quelle leçon pouvons-nous tirer de ce contraste extraordinaire et, il faut bien le dire, inattendu? En premier lieu, c'est que la prospérité et le bien-être terrestres, même s'ils sont à notre insu le fruit des soins de Dieu et de ses voies cachées, ne sont pas nécessairement un signe de son approbation. De même, l'affliction n'est pas un signe de sa désapprobation. On le voit d'une manière encore beaucoup plus frappante dans le cas de Job.

En second lieu, nous pouvons nous reporter à ce que déclare Hébreux 12:6: «Celui que le Seigneur aime, il le discipline». Dans le psaume 73, nous voyons le même sujet torturer l'esprit du psalmiste. Il constatait que ceux qui étaient manifestement des méchants prospéraient, tandis que ceux qui craignaient Dieu étaient éprouvés. C'est en entrant dans «les sanctuaires de Dieu» qu'il a trouvé l'apaisement.

Néhémie, bien sûr, n'avait pas la lumière que le Nouveau Testament projette sur tout cela; c'est pourquoi les tristes nouvelles concernant ceux qui étaient «demeurés de reste» à Jérusalem l'ont beaucoup affecté. En esprit il était des leurs, bien qu'en fait il ne se soit pas trouvé avec eux. Nous le voyons pleurer, mener deuil, jeûner et prier. Ce qu'il avait entendu concernait principalement les circonstances extérieures des réchappés; il ignorait quel était leur état spirituel. Néanmoins, il y avait déjà de quoi l'attrister profondément.

Et quelles sont aujourd'hui les circonstances des vrais enfants de Dieu? Beaucoup connaissent de grandes difficultés, ou même des persécutions, alors que dans des pays comme les nôtres, à mesure que l'argent remplit les poches, il semble vider toujours plus les cœurs d'amour et de piété. Frères et sœurs, n'oublions pas dans nos prières les milliers de croyants qui sont aujourd'hui persécutés, ou même martyrisés.

La prière de Néhémie, bien que plus courte que celle d'Esdras, lui ressemble beaucoup (cf. Esdras 9). Néhémie s'identifie avec le péché du peuple, en disant: «Moi aussi, et la maison de mon père, nous avons péché». Mais, dans un sens, il va plus loin qu'Esdras, invoquant la parole de l'Éternel dans les livres de Moïse. Israël avait été averti que la désobéissance à la loi entraînerait pour le peuple la dispersion, mais que, même alors, s'ils se tournaient vers Dieu dans l'obéissance à sa Parole, il les rassemblerait des pays lointains et les ramènerait dans le lieu où demeurait son Nom (voir Lévitique 26:40-45 et Deutéronome 30:3-5). C'est sur ces promesses que Néhémie fondait sa requête. S'associant à ceux qui étaient à Jérusalem, il se réclamait d'être de ceux qui prennent plaisir à craindre le nom de l'Éternel (verset 11).

Tandis qu'il priait d'une manière assez générale pour les réchappés qui étaient de retour à Jérusalem, il avait une demande plus précise à faire pour lui-même. Il avait un poste de responsabilité particulière devant le roi, et, ayant accès auprès de lui, il avait l'intention de lui adresser une requête. Celui-ci, bien sûr, pourrait y répondre par un refus catégorique. C'est pourquoi il s'adresse d'abord à Dieu, et lui demande de faire réussir son projet.

Chapitre 2

L'échanson du roi, en ce temps-là, devait être un homme intègre, veillant à ce que rien de mauvais ni aucun poison ne soit mêlé au vin du roi. Les nouvelles que Néhémie venait de recevoir l'avaient tellement affecté que la tristesse se lisait sur son visage. En le remarquant, le roi en conçut de l'inquiétude et s'enquit de la raison de ce mauvais visage, comme nous le voyons dans les premiers versets du chapitre 2. Cela créait une situation particulièrement dangereuse pour Néhémie, et il eut «extrêmement peur». Il informa cependant le roi des nouvelles qu'il avait reçues et qui étaient la raison de sa grande tristesse.

Le roi le reçut avec faveur et l'invita à lui exposer sa requête. C'était une réponse à sa prière à Dieu. La réaction de Néhémie est très instructive: «Et je priai le Dieu des cieux et je dis au roi…». Dieu d'abord, le roi ensuite. Cette prière muette est montée au ciel en quelques secondes, à l'insu du roi et de toute autre personne. Manifestement, la réponse d'en haut a été tout aussi rapide, ce qui montre que la requête était juste et devait recevoir une réponse favorable.

Il serait bien désirable que nous vivions si véritablement et si simplement en contact avec notre Seigneur dans le ciel que dans chaque circonstance exigeant une décision rapide, nous puissions lui remettre aussitôt notre problème, avec un minimum de mots, afin de connaître sa volonté et de nous laisser guider par lui. Nous verrions alors plus souvent sa main agir en notre faveur, comme il en a été pour Néhémie, ainsi que la suite de l'histoire le montre.

Invité par le roi à exprimer son désir, Néhémie demanda humblement la permission d'aller à Jérusalem avec une recommandation du roi, afin de rebâtir la ville. Il demanda que cet ordre soit exprimé dans des lettres adressées non seulement à Asaph, gardien de la forêt du roi, mais aussi aux gouverneurs «de l'autre côté du fleuve». Le fleuve dont il s'agit ici est très certainement l'Euphrate; les gouverneurs étaient donc ceux qui étaient établis sur les provinces s'étendant du côté du pays d'Israël. Les considérations qui poussèrent le roi à agir ainsi ne nous sont pas révélées. Ainsi, nous réalisons plus clairement que c'était la puissance de Dieu qui le dirigeait, en réponse à la courte prière de Néhémie.

Le roi accueillit si favorablement la requête de Néhémie qu'il envoya des chefs de l'armée et des cavaliers pour l'accompagner en chemin. Nous nous souvenons que, lorsque Esdras est revenu à Jérusalem avec des trésors, au début du règne du même roi, et envoyé par le roi lui-même, il n'avait pas sollicité une telle escorte. Il avait ouvertement confessé sa foi en la protection de Dieu pendant son voyage. Néhémie, qui occupait un poste officiel à la cour du roi, n'avait peut-être pas l'intelligence spirituelle que possédait Esdras en tant que sacrificateur versé dans la loi de son Dieu. Tous les deux, cependant, peuvent également dire: «Selon que la bonne main de mon Dieu était sur moi». Si le cœur est droit, Dieu guidera et soutiendra son serviteur, quelle que soit la mesure de son intelligence et de sa foi. Cela doit nous encourager aujourd'hui. Notre foi et notre intelligence sont peut-être bien limitées, mais veillons à ce que nos cœurs soient véritablement dévoués à Christ et à ses intérêts. Le résultat en sera sûrement un accroissement de notre intelligence.

Mais dès qu'il y a une action résultant de la piété et d'une certaine intelligence spirituelle, l'opposition ne manque pas de se manifester. C'est ce qui s'était produit au début du réveil, lorsque Zorobabel et ses compagnons étaient revenus à Jérusalem; et c'est ce qui se produit de nouveau, comme l'indique le verset 10, bien que les chefs de l'opposition soient différents. Sanballat était un Horonite, probablement un habitant de Horonaïm, ville de Moab; tandis que Tobija était un Ammonite. Nous voyons donc ici les représentants des deux fils de Lot — engendrés dans les circonstances honteuses que rapporte Genèse 19 — se dresser contre l'œuvre de Dieu. Un homme était venu «pour chercher le bien des fils d'Israël»; c'était ce que Dieu avait alors en vue. Voilà pourquoi l'ennemi s'y opposait, en se servant de ces deux hommes qui étaient des parents éloignés d'Israël.

Remarquons bien que cet antagonisme existait avant que Néhémie révèle dans quel but précis il était venu. Néhémie demeura trois jours à Jérusalem, puis il se leva de nuit, en secret, et fit le tour de la ville afin d'apprécier exactement l'état des lieux. Les chefs des Juifs, nous dit le verset 16, ne savaient pas du tout ce qu'il faisait, ni le but qui était le sien. C'est seulement après avoir constaté lui-même ce qu'il en était qu'il leur exposa son projet et leur dit: «Venez et bâtissons la muraille de Jérusalem, afin que nous ne soyons plus dans l'opprobre» (verset 17).

La construction de la muraille était désormais son grand objectif. La maison de l'Éternel était déjà construite, mais elle se trouvait dans un lieu désolé dont les murailles étaient en ruine et les portes brûlées par le feu. Le jour n'était pas encore venu — pas plus qu'il ne l'est aujourd'hui — où l'Éternel lui sera «une muraille de feu tout autour, et… sa gloire au milieu d'elle (Zacharie 2:5). Aussi une muraille était-elle nécessaire, afin que l'on voie de nouveau que la ville était le lieu où Dieu avait mis son nom, et afin que sa maison soit séparée des souillures du monde qui l'entourait. Cette muraille a un sens typique. Depuis le jour où Dieu a dit à Abraham: «Va-t'en de ton pays, et de ta parenté…» (Genèse 12:1), la séparation pour lui a toujours été la pensée de Dieu à l'égard de son peuple. Et depuis le rejet de Christ, ce principe est mis encore plus fortement en lumière, ainsi que nous lisons: «L'amitié du monde est inimitié contre Dieu» (Jacques 4:4).

Ayant proposé de reconstruire la muraille, Néhémie raconte aux chefs du peuple comment la main de son Dieu a été bonne sur lui (verset 18). Ils comprennent clairement que Dieu est l'auteur de ce projet, et ils répondent: «Levons-nous et bâtissons». Ils sont prêts à se mettre au travail. De bonnes pensées et la compréhension des choses ne suffisent pas. Il faut mettre la main à l'ouvrage. Il en est ainsi pour nous aujourd'hui encore. Il ne suffit pas de comprendre la pensée et le propos de Dieu. Nous devons être prêts à nous consacrer au service actif que Dieu place devant nous. C'est là, probablement, le point faible de bien des vies chrétiennes!

Comme il devient de plus en plus évident que le travail va vraiment commencer, l'opposition simultanément se durcit. Au verset 19, nous voyons Guéshem, l'Arabe, se joindre au Moabite et à l'Ammonite. Ceci est frappant, car les habitants d'Arabie descendaient en grande partie d'Ismaël et d'Ésaü. Aujourd'hui encore, les ennemis les plus implacables des Juifs sont les diverses tribus arabes. Dans les écrits prophétiques, Édom (autre nom d'Ésaü), Moab et Ammon sont toujours associés. Au temps de la fin, selon Daniel 11:41, plusieurs pays tomberont devant le roi du Nord, mais ces trois-là échapperont; seulement, ce sera pour être vaincus par Israël rassemblé et unifié, selon Ésaïe 11:14.

Toutefois, dans notre chapitre, l'opposition se borne pour le moment à prendre la forme de la moquerie: «Ils se moquèrent de nous et nous méprisèrent» (verset 19). Cette sorte d'hostilité a souvent des effets considérables, même sur le peuple de Dieu, mais il n'en est ainsi que si l'on vit et agit comme devant les hommes. Or Néhémie et ses amis agissaient comme devant Dieu dans ce qu'ils se proposaient de faire. Leur réponse fut: «Le Dieu des cieux, lui, nous fera prospérer» (verset 20). Ils anticipaient, dans la mesure où ils le pouvaient, cette déclaration triomphale de l'épître aux Romains: «Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?» (Romains 8:31). C'est à la lumière de cette vérité qu'ils allaient agir, rappelant à leurs adversaires combien l'abîme qui les séparait était profond: «Vous n'avez ni part, ni droit, ni souvenir à Jérusalem» (verset 20).

Ne nous laissons jamais détourner de l'œuvre de Dieu, ni intimider par les moqueries de ceux qui s'opposent à Christ et à son service.

À suivre