Luc

Chapitre 24

Les femmes au sépulcre

(v. 1-12). — Le premier jour de la semaine, de grand matin, les femmes qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée vinrent au tombeau apporter les aromates qu’elles avaient préparés pour embaumer le corps de leur Seigneur. Trouvant le sépulcre ouvert, elles entrèrent, mais constatèrent que le corps de Jésus ne s’y trouvait pas. «Et il arriva, comme elles étaient en grande perplexité à ce sujet, que voici, deux hommes se trouvèrent avec elles, en vêtements éclatants de lumière. Et comme elles étaient épouvantées et baissaient le visage contre terre, ils leur dirent: Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant? Il n’est point ici, mais il est ressuscité. Souvenez-vous comment il vous parla quand il était encore en Galilée, disant: Il faut que le Fils de l’homme soit livré entre les mains des pécheurs, et qu’il soit crucifié, et qu’il ressuscite le troisième jour» (v. 1-7).

Très ignorantes au sujet de ce qui concernait le Seigneur, ces femmes avaient pour sa personne une ardente affection, qui leur donna la connaissance qui leur manquait; car l’amour pour le Seigneur constitue le vrai chemin de l’intelligence spirituelle. Combien de chrétiens demeurent étrangers aux vérités de la Parole, parce que la personne du Seigneur n’est pas l’objet de leur cœur!

La résurrection du Seigneur avait trop d’importance pour que ces saintes femmes, de même que les disciples, n’aient pas été renseignés sur ce fait d’une manière toute spéciale. C’est pourquoi deux anges descendirent du ciel pour leur dire que celui qu’elles cherchaient parmi les morts vivait. Jésus était ressuscité. Ils leur rappelèrent aussi ce que Jésus leur avait dit lorsqu’il était encore en Galilée (voir chap. 9:22). Ces paroles auraient dû les empêcher de chercher Jésus parmi les morts le troisième jour. En entendant les anges, «elles se souvinrent de ses paroles» (v. 8). Il importe de serrer dans son cœur la Parole de Dieu, d’y croire, de la méditer, afin qu’elle dirige la conduite tout entière et en toute circonstance. Ces pieuses femmes ayant oublié ce que Jésus avait dit, elles voulaient embaumer son corps, alors qu’il vivait; elles regardaient à terre au lieu de regarder en haut; elles étaient en perplexité, alors qu’elles auraient dû se réjouir. Comme le Seigneur avait enseigné les siens avec une grande patience avant sa mort, il le fit encore après, jusqu’à ce qu’ils aient compris toute la vérité relative à sa personne et aux résultats de son œuvre.

«Laissant le sépulcre, elles s’en retournèrent et rapportèrent toutes ces choses aux onze et à tous les autres. Or ce furent Marie de Magdala, et Jeanne, et Marie, la mère de Jacques, et les autres femmes avec elles, qui dirent ces choses aux apôtres» (v. 9-10). En citant leurs noms, Dieu montre combien il apprécie leur zèle et leur attachement à son Fils bien-aimé, malgré leur ignorance. Dieu tient toujours compte de ce que l’on a fait pour la personne de Jésus dans un monde qui le hait et qui l’a mis à mort. En entendant le rapport de ces femmes, les disciples ne les crurent pas, car «leurs paroles semblèrent à leurs yeux comme des contes». Cependant l’un d’eux, Pierre, qui avait un intérêt tout particulier à constater le fait que son Maître vivait, courut au sépulcre, et, «se baissant, il voit les linges là tout seuls; et il s’en alla chez lui, s’étonnant de ce qui était arrivé» (v. 12). Nous savons que peu après, Jésus lui apparut (v. 34 et 1 Corinthiens 15:4). Marc 16:7 nous apprend que les femmes avaient un message spécial pour Pierre de la part de l’ange. Que de pensées devaient s’agiter dans le cœur de ce pauvre disciple, en attendant de rencontrer le Maître bien-aimé qu’il avait renié! Il pouvait se souvenir qu’il lui avait dit: «J’ai prié pour toi». Son dernier regard dans la cour du sacrificateur, regard de vérité autant que d’amour, tout en labourant son cœur, le soutenait jusqu’à la première entrevue qui ne se fit pas attendre.

 

Sur le chemin d’Emmaüs

(v. 13-24). — Ce jour-là, deux disciples, dont l’un se nommait Cléopas, se dirigeaient vers Emmaüs, village situé à soixante stades de Jérusalem (environ 11 kilomètres). Chemin faisant, ils s’entretenaient de ce qui venait de se passer à Jérusalem; ces événements remplissaient sans doute le cœur de tous ceux qui étaient attachés à Jésus. Comme ils en discutaient, Jésus s’approcha et se mit à marcher avec eux; mais ils ne le reconnurent pas, non parce qu’il avait changé, comme quelques-uns le prétendent, mais parce que «leurs yeux», est-il dit, «étaient retenus». Ils ne fallait pas que ces disciples soient distraits par l’apparition soudaine de Jésus, afin que toute leur attention se concentre sur les Écritures. Il allait leur démontrer que ces événements n’étaient que l’accomplissement de ce qu’elles avaient annoncé, et qu’ils auraient dû savoir. Jésus leur demanda de quoi ils s’entretenaient avec tant de tristesse. Étonné de trouver quelqu’un qui paraissait ignorer ce qui venait de se passer, Cléopas lui dit: «Est-ce que tu séjournes tout seul dans Jérusalem, que tu ne saches pas les choses qui y sont arrivées ces jours-ci? Et il leur dit: Lesquelles? Et ils lui dirent: Celles touchant Jésus le Nazaréen, qui était un prophète puissant en œuvre et en parole devant Dieu et devant tout le peuple; et comment les principaux sacrificateurs et nos chefs l’ont livré pour être condamné à mort, et l’ont crucifié. Or nous, nous espérions qu’il était celui qui doit délivrer Israël; mais encore, avec tout cela, c’est aujourd’hui le troisième jour depuis que ces choses sont arrivées. Mais aussi quelques femmes d’entre nous nous ont fort étonnés; ayant été de grand matin au sépulcre, et n’ayant pas trouvé son corps, elles sont venues, disant qu’elles avaient vu aussi une vision d’anges qui disent qu’il est vivant. Et quelques-uns de ceux qui sont avec nous, sont allés au sépulcre, et ont trouvé les choses ainsi que les femmes aussi avaient dit; mais pour lui, ils ne l’ont point vu» (v. 18-24).

Les paroles adressées à Jésus sur le chemin d’Emmaüs dépeignent fidèlement l’état des disciples, hommes et femmes. Les femmes cherchent le corps de Jésus pour l’embaumer, persuadées que tout était terminé avec lui jusqu’à la résurrection au dernier jour, et les deux disciples paraissent de même convaincus que toute l’histoire de celui qu’ils appelaient: «un prophète puissant en œuvre et en parole» avait pris fin par sa mort. Ils avaient espéré qu’il délivrerait Israël; au lieu de cela, il fut livré par leurs chefs. Ce qui les avait empêchés de comprendre le sens de tant de paroles de Jésus durant son ministère, voilait encore leurs yeux à cette heure. Ils n’avaient vu en lui que le Messie promis, dont ils attendaient l’établissement immédiat du règne. Cette préoccupation les poursuivait encore au premier chapitre des Actes, alors même que leur horizon spirituel s’était élargi par les enseignements de Jésus ressuscité. Ils lui demandent: «Est-ce en ce temps-ci que tu rétablis le royaume pour Israël». Ils n’avaient pas compris que l’état moral du peuple et de tout homme était si mauvais que le Seigneur ne pouvait établir son règne sans l’œuvre de la rédemption. Puis ce qui les avait empêchés de voir que tout ce qui était arrivé à Jésus répondait pleinement aux Écritures, c’est qu’ils avaient cherché en elles ce qui les concernait, plutôt que ce qui concernait le Seigneur, ainsi qu’il va le leur faire voir. Les Écritures parlaient d’un temps merveilleux pour Israël, alors que leurs oppresseurs seraient écrasés. Ils avaient compris, par le chap. 5 de Michée entre autres, que celui qui dominerait en Israël naîtrait à Bethléhem, comme les Juifs le dirent aux mages; ils y avaient trouvé annoncée aussi la destruction de leurs ennemis, tandis que le résidu de Jacob demeurerait au milieu des peuples comme un lion qui foule et déchire, et bien d’autres choses encore. Mais ce qui touchait les droits de Dieu, sa sainteté, sa justice, son amour envers tous, la croix par laquelle Dieu serait glorifié et l’accomplissement des promesses rendu possible, le salut des pécheurs, ce qui concernait Christ et sa gloire après qu’il aurait glorifié Dieu par sa mort, tout cela leur avait été voilé par la pensée de leur propre gloire entourant un Messie glorieux sur la terre. C’est pourquoi Pierre, après avoir confessé Jésus comme le Christ, en Matthieu 16, lui dit, aussitôt qu’il l’entendit parler de sa mort: «Seigneur, Dieu t’en préserve, cela ne t’arrivera point» (v. 22).

On comprend que le Seigneur n’ait pas voulu se faire connaître à eux avant qu’ils eussent compris par les Écritures les choses qui le concernaient, afin qu’ils le connussent désormais comme un Christ ressuscité qui les introduisait dans un ordre de choses entièrement nouveau.

 

Jésus explique les Écritures

(v. 25-27). — Jésus répondit aux disciples: «Ô gens sans intelligence et lents de cœur à croire toutes les choses que les prophètes ont dites! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses, et qu’il entrât dans sa gloire? Et commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliquait, dans toutes les Écritures, les choses qui le regardent» (v. 25-27). Tout ce que les disciples espéraient, ainsi que tous les glorieux conseils de Dieu qu’ils ignoraient encore, reposaient sur ce fait capital: la mort de Christ. «Ne fallait-il pas que le Christ souffrit?» Cette nécessité absolue est affirmée plusieurs fois dans les Évangiles et tout particulièrement en Luc (voir chap. 9:22; 17:25; 22:37; et dans notre chapitre, v. 7, 26 et 46). Aucun Juif n’avait compris la signification des nombreux sacrifices ordonnés dans la loi, où la vie d’une victime devait être ôtée; tous servaient de types du sacrifice de Christ à la croix. Il fallait que l’œuvre de la rédemption et de la réconciliation de toutes choses soit accomplie pour que le Christ puisse régner. Si le Seigneur était monté au ciel sans passer par la mort, s’il en avait été préservé comme le souhaitait Pierre, il ne restait pour tous les hommes que l’exécution du juste jugement de Dieu. Cette création n’aurait été que la scène où se seraient développées toutes les conséquences terribles du péché sous la puissance de Satan, et le mal aurait triomphé.

Dans ses conseils de grâce, Dieu avait par devers lui le plan d’une nouvelle création, fondée sur la mort de son propre Fils; le jugement de Dieu fut exécuté sur le premier homme, le monde et Satan, afin que la création, ruinée par le péché, jouisse, avant sa destruction, des effets de la réconciliation de toutes choses avec Dieu sous le beau règne de Christ. Puis, lorsque les cieux et la terre actuels auront passé, de nouveaux cieux et une nouvelle terre les remplaceront et subsisteront éternellement dans une perfection absolue, car le sacrifice de Christ a rendu impossible la réapparition du péché. C’est ce que Jean le Baptiseur exprime en disant: «Voilà l’agneau de Dieu qui ôte le péché du monde!» (Jean 1:29). Les disciples ignoraient tout ce plan merveilleux de Dieu.

Il fallait que non seulement Jésus souffre, mais qu’il entre dans sa gloire. L’accomplissement des conseils de Dieu ne pouvait s’exécuter en un jour. Toute l’œuvre de la grâce devait se faire dans ce monde durant le temps de la patience de Dieu, et ensuite ses jugements s’exécuteraient sur la terre avant que Christ règne. Il n’était pas nécessaire que le Seigneur reste ici-bas pendant ce temps. Par sa mort il avait posé la base sur laquelle tout pouvait avoir lieu; l’œuvre que le Père lui avait donnée à faire étant achevée, il pouvait rentrer dans la gloire (Jean 17:1-5). Dieu lui dit aussi au Psaume 110:1: «Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que je mette tes ennemis pour le marchepied de tes pieds». Il fallait donc que non seulement Jésus souffre, mais qu’il entre dans «sa gloire» au ciel, et non dans son royaume terrestre, ce qui aura lieu plus tard.

Lorsqu’il leur explique ce qui le concerne dans Moïse et les prophètes, Jésus veut que la connaissance des disciples quant à lui-même, à son œuvre et à la nouvelle position qu’il allait prendre, repose sur les Écritures. Il allait les quitter, mais les Écritures leur resteraient. On voit dans le livre des Actes quel usage les disciples surent en faire: ils s’appuyaient constamment sur elles, pour prouver ce qui concernait Christ et son œuvre. Jésus leur expliquait «les choses qui le regardent». Là réside la clef des Écritures, dont le grand sujet est Christ, dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament. Vouloir comprendre la Bible sans y voir Christ et ses gloires, en figures, en types, dans les prophéties ou dans les Psaumes, c’est reconstituer un arbre en rassemblant les branches sans le tronc.

Pour le chrétien, chercher ce qui concerne Christ dans la Parole, est aussi le moyen de trouver ce qui le concerne, puisqu’il possède tout en lui, associé à lui dans sa gloire céleste comme il le sera dans sa gloire terrestre. Aujourd’hui on parle beaucoup d’un Christ-homme que l’on paraît honorer en faisant ressortir ses perfections humaines: renoncement, dévouement, amour du prochain; cet homme fut finalement victime des principes de charité qu’il appliquait à tous et auxquels s’opposaient l’égoïsme et l’orgueil du peuple juif. On cite ce Christ comme modèle à imiter. Si chacun s’inspirait des principes qui l’ont fait agir, l’humanité s’améliorerait et verrait des temps meilleurs, et ainsi de suite. Inutile de relever la fausseté d’un tel enseignement qui repose sur trois erreurs graves.

1° Il ne reconnaît pas la divinité absolue de l’homme Christ Jésus, Fils de Dieu avant de venir dans ce monde.

2° Il nie la ruine totale de l’homme en Adam, incorrigible et aussi incapable d’imiter Jésus que d’accomplir la loi. Il faut une nouvelle nature pour pouvoir faire le bien que Jésus accomplissait ici-bas.

3° Il nie aussi le caractère expiatoire de la mort de Christ, nécessaire pour que Dieu puisse faire grâce au pécheur.

Il faut se détourner d’idées pareilles, qui prétendent honorer Christ homme en lui accordant une certaine suprématie sur les autres hommes, tout en le considérant de même nature qu’eux, en niant ainsi sa divinité éternelle. Ce Christ n’est pas celui dont Moïse et les prophètes ont parlé, et ceux qui ne le connaissent que comme le meilleur des hommes ne savent pas voir dans les Écritures «les choses qui le concernent», ni le salut qui leur est offert.

 

Jésus à Emmaüs

(v. 28-35). — Les deux disciples, en compagnie de leur merveilleux compagnon de route, approchaient du village où ils se rendaient; mais Jésus fit comme s’il allait plus loin. Les disciples le forcèrent de s’arrêter en lui disant: «Demeure avec nous, car le soir approche et le jour a baissé. Et il entra pour rester avec eux» (v. 29). Il y avait, chez cet étranger, un attrait mystérieux pour le cœur des deux voyageurs; ils ne pouvaient consentir à se séparer si brusquement de lui. Ce sont eux, sans doute, qui lui offrirent de souper ensemble, mais à table, nous le voyons assumer le rôle de maître de maison; c’est lui qui rend grâce et qui rompt le pain. «Et il arriva que, comme il était à table avec eux, il prit le pain et il bénit; et l’ayant rompu, il le leur distribua. Et leurs yeux furent ouverts, et ils le reconnurent; mais lui devint invisible et disparut de devant eux» (v. 30-32).

Les disciples de Jésus l’avaient souvent vu rompre le pain au milieu d’eux et des foules1 et rendre grâce; cet acte, qui se répétait alors, pouvait suffire pour que les deux disciples le reconnaissent; mais il avait, après la mort de Christ, la signification que lui avait donnée le Seigneur le soir où il fut livré. Il rappelait, non un Christ vivant sur la terre, mais un Christ mort, nourriture de l’homme, afin qu’il possède la vie éternelle, comme nous le lisons en Jean 6:50-53. Mais ce Christ, mort pour nous donner la vie, est ressuscité; c’est ainsi qu’il faut le connaître; c’est ainsi qu’il se présentait aux disciples à Emmaüs. Tout en n’étant pas proprement la cène, cette fraction du pain leur rappelait la mort de Celui qu’ils avaient eu pour compagnon, la mort du Seigneur en qui ils avaient cru et en qui ils devaient croire encore. Leurs yeux s’ouvrent, ils le reconnaissent ressuscité; mais il disparaît.

1 On ne faisait pas usage de couteaux pour couper le pain, ordinairement plat et sec; le chef de famille le rompait en morceaux pour le distribuer.

Jésus les laisse avec la connaissance de lui-même, telle qu’ils viennent de l’acquérir par les Écritures, d’un Christ mort à tout le passé, ressuscité, reprenant vie dans un état de choses tout nouveau, non le royaume sur la terre, mais un état de choses céleste, dont ils comprendront toute la valeur, lorsque le Saint Esprit sera venu. «Ils dirent entre eux: Notre cœur ne brûlait-il pas au dedans de nous, lorsqu’il nous parlait par le chemin, et lorsqu’il nous ouvrait les écritures?» (v. 32). Il y avait chez ces hommes la vie de Dieu et un profond attachement au Seigneur, malgré leur ignorance coupable, et Jésus sut ajouter la lumière dont ils avaient besoin à ce qui se trouvait déjà dans leurs cœurs, afin de le développer de manière à faire brûler en eux ce feu de l’amour divin que leur communiquaient ses paroles. Ils ne purent garder pour eux une découverte pareille. À l’heure même ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem où ils trouvèrent les onze et d’autres disciples assemblés. Ceux-ci leur dirent: «Le Seigneur est réellement ressuscité, et il est apparu à Simon. Et ils racontèrent les choses qui étaient arrivées en chemin, et comment il s’était fait connaître à eux dans la fraction du pain» (v. 33-35).

Maintenant qu’ils ont tous la certitude de la résurrection du Seigneur, il va leur montrer que, quoique ressuscité, il est toujours le même.

 

Jésus apparaît aux disciples rassemblés

(v. 36-49). — Pendant que Cléopas et son compagnon racontaient aux disciples comment Jésus s’était manifesté à eux, le Seigneur lui-même se trouva au milieu d’eux et leur dit: «Paix vous soit! Et eux, tout effrayés et remplis de crainte, croyaient voir un esprit. Et il leur dit: Pourquoi êtes-vous troublés, et pourquoi monte-t-il des pensées dans vos cœurs? Voyez mes mains et mes pieds; — que c’est moi-même: touchez-moi, et voyez; car un esprit n’a pas de la chair et des os, comme vous voyez que j’ai. Et en disant cela, il leur montra ses mains et ses pieds. Et comme, de joie, ils ne croyaient pas encore et s’étonnaient, il leur dit: Avez-vous ici quelque chose à manger? Et ils lui donnèrent un morceau de poisson cuit et quelque peu d’un rayon de miel; et l’ayant pris, il en mangea devant eux» (v. 38-43).

Avant tout, Jésus apporte aux siens la paix, obtenue par son œuvre à la croix, et, dans la jouissance de cette paix, il veut qu’ils le reconnaissent ressuscité, mais toujours le même dans son amour à leur égard. Il veut pour eux, comme pour nous, qu’en pensant à lui, ressuscité et glorifié, nous sachions qu’il est celui que l’Évangile nous a fait connaître du commencement à la fin, lors même que les circonstances où il se trouve ont complètement changé. Il invite les siens à considérer ses mains et ses pieds, marqués encore des clous qui l’ont attaché à la croix, comme Thomas le constate en Jean 20:27, et comme nous le verrons éternellement. Malgré leur joie à le revoir, il y avait encore chez eux certains doutes que le Seigneur dissipa en leur demandant de la nourriture qu’il mangea devant eux. Les disciples furent les témoins irrécusables de la résurrection de Jésus, avec la pensée si douce, pour eux comme pour nous, qu’il est le même, hier, aujourd’hui et éternellement. Lorsque nous le verrons, nous verrons cette personne bénie qui a marché ici-bas, allant de lieu en lieu faisant du bien, celui qui a pris soin de tous les siens avec un amour inlassable, nous instruisant, nous supportant, nous relevant, nous encourageant, et, dans sa gloire, nous verrons aussi les marques de la crucifixion, témoignage éternel du prix auquel nous avons été rachetés. Jésus ne voulut pas que les siens croient qu’ils avaient à faire à une vision spirituelle; il leur fit toucher son corps. En cela, nous avons la garantie que le corps qui ressuscitera est bien celui qui est tombé en terre; il ne ressuscite pas en esprit, mais en corps spirituel, tangible comme le précédent, tandis qu’un esprit ne peut être touché; «il est semé corps animal, il ressuscite corps spirituel» (voir 1 Corinthiens 15:42-44). On peut disserter longuement sur ce qu’est un corps spirituel, mais nous sommes heureux de croire ce que Dieu nous dit. Bientôt, semblables à Christ glorifié, ce qui nous remplira de joie, ce ne sera pas d’en savoir plus long sur nos corps ressuscités et glorifiés, mais de pouvoir, par leur moyen, voir et connaître Jésus dans ses glorieuses perfections. Ce que nous saurons alors parfaitement, la foi le saisit déjà maintenant, quoique dans la faiblesse; «nous voyons... au travers d’un verre, obscurément» (1 Corinthiens 13:12), mais c’est le même objet. Remarquons encore que si Jésus mangea devant les disciples, ce n’est pas que son corps ait eu besoin de nourriture; il condescendit à accomplir cet acte afin de les convaincre qu’il était le même, et non un esprit. Son corps ressuscité n’avait pas plus besoin de nourriture, quoiqu’il ait encore été sur la terre, qu’il n’en a besoin dans le ciel.

Il est dit du premier homme que le sang, c’est la vie (Genèse 9:4; voir Lévitique 17:11). Jésus, en venant dans ce monde, a participé au sang et à la chair (Hébreux 2:14). Dans cette condition, il a donné sa vie; son sang a coulé; c’est la mort quant au corps. Il reprit en résurrection ce même corps, mais spirituel (dont la vie n’est plus dans le sang). Le Seigneur a complètement quitté la condition d’existence où il était entré volontairement dans ce monde afin de mourir, quoique toujours et éternellement un homme. Il ne pouvait plus donner sa vie, ni endurer de fatigue, ni souffrir, ni éprouver la faim, toutes choses inhérentes à la vie qu’il avait prise en venant ici-bas, mais qui n’existaient plus pour lui une fois ressuscité, et qui n’existeront plus pour nous lorsque nous lui serons semblables.

Après avoir rassuré les disciples sur la réalité de sa résurrection et leur avoir prouvé qu’il était le même, il leur ouvre l’intelligence pour connaître les Écritures, en leur rappelant ce qu’il leur avait déjà dit lorsqu’il était avec eux: il fallait que toutes les choses écrites de lui dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les Psaumes, fussent accomplies1.

1 «La loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes» désignent tout l’Ancien Testament. La «loi de Moïse», comprend le Pentateuque, «les Prophètes», les livres des prophètes, ainsi que Josué, les Juges, les livres de Samuel, des Rois et des Chroniques. Tous les autres livres rentrent dans «les Psaumes», même Daniel et les Lamentations de Jérémie.

Une chose toute nouvelle allait avoir lieu comme conséquence de la mort de Christ et de sa résurrection: c’était la prédication de l’Évangile à toutes les nations.

«Et il leur dit: Il est ainsi écrit; et ainsi il fallait que le Christ souffrit, et qu’il ressuscitât d’entre les morts le troisième jour, et que la repentance et la rémission des péchés fussent prêchées en son nom à toutes les nations, en commençant par Jérusalem» (v. 45-47). Ce n’est plus l’établissement du royaume en gloire qui devait s’accomplir selon les Écritures, mais, en vertu de la mort de Christ, qui a glorifié Dieu, la prédication de la grâce à tous les hommes, en commençant par la ville meurtrière coupable de la mort de tous les prophètes et du Messie.

Au commencement Jean le Baptiseur prêchait la repentance au peuple seulement, disant que le royaume des cieux s’était approché; le roi allait venir, son van à la main, pour nettoyer son aire; la cognée était là prête à abattre tout arbre qui ne porterait pas de bons fruits. Le roi rejeté, les jugements allaient tomber sur la nation coupable. Maintenant, la repentance est aussi prêchée, œuvre qui s’opère dans le cœur et la conscience du coupable pour l’amener à reconnaître son état de péché, et à la repentance s’ajoute la rémission des péchés. Après avoir reconnu que le jugement est mérité, l’Évangile montre que ce jugement a été porté par le Sauveur sur la croix, tandis que Jean le Baptiseur prêchait la repentance parce que le jugement allait venir. L’application du salut était universelle et n’excluait aucun pécheur. Elle commençait par les plus coupables, à Jérusalem, selon l’intercession de Christ lorsqu’on le crucifiait: «Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font». Il fallait que la grâce de Dieu puisse avoir libre cours dans le monde entier. Combien cela dépassait les étroites pensées des disciples qui ne songeaient qu’à leur gloire, et cela d’une manière irréalisable, puisqu’ils la voulaient sans la mort de Christ!

Devenus les messagers d’une si bonne nouvelle, les disciples avaient besoin d’une puissance qui les rendit capables de s’acquitter de leur mission au milieu de l’opposition du monde qui avait crucifié celui dont ils allaient être les témoins. Jésus leur dit: «Et vous, vous êtes témoins de ces choses; et voici, moi, j’envoie sur vous la promesse de mon Père. Mais vous, demeurez dans la ville, jusqu’à ce que vous soyez revêtus de puissance d’en haut» (v. 48-49). La «promesse du Père» est le Saint Esprit promis déjà dans l’Ancien Testament, appelé l’«Esprit de la promesse» en Éphésiens 1:13: l’«Esprit promis» en Actes 2:33 (voir Ézéchiel 36:27; Joël 2:28-29). Dieu opère par le Saint Esprit, agent actif de sa puissance. Lorsque le Seigneur commença son ministère, il fut baptisé du Saint Esprit. Pierre dit de lui à Corneille: «... Comment Dieu l’a oint de l’Esprit Saint et de puissance, lui qui a passé de lieu en lieu, faisant du bien» (Actes 10:38). Par sa mort, le Seigneur a placé les disciples, et tous les croyants, dans la même position que lui-même, car à la croix le jugement de Dieu a été exécuté sur le vieil homme, de sorte que le croyant est en Christ, une nouvelle création; il peut donc recevoir le Saint Esprit, puissance de la vie nouvelle, pour être témoin de Christ et accomplir à sa suite l’œuvre de la grâce jusqu’à son retour.

Les disciples demeurèrent à Jérusalem depuis l’ascension du Seigneur jusqu’à la Pentecôte, où ils reçurent le Saint Esprit, comme nous le lisons au commencement du livre des Actes, qui fait suite à l’évangile de Luc; il est aussi du même auteur.

 

Ascension du Seigneur

(v. 50-53). — Jésus conduisit ses disciples à Béthanie, et là, «levant ses mains en haut, il les bénit. Et il arriva qu’en les bénissant, il fut séparé d’eux, et fut élevé dans le ciel» (v. 50-51). À Béthanie Jésus avait aimé à se retirer, surtout dans les derniers jours de son ministère, alors qu’il ne passait plus ses nuits à Jérusalem. Là il jouissait de la communion de Marie surtout, de Marthe et de Lazare, rafraîchissement pour son cœur au milieu d’un peuple hostile et d’un monde où il n’avait pas un lieu pour reposer sa tête. Par le choix que le Seigneur fit de Béthanie pour quitter cette terre, il montre encore que son cœur était le même. Béthanie demeurait le lieu de ses affections, après sa résurrection comme avant.

L’attitude de Jésus vis-à-vis de ses disciples, au moment de son ascension, touche le cœur; il est toujours le même et bénit tous les siens. C’est pourquoi nous pouvons dire avec raison:

Et des choses souffertes,
Gardant le souvenir,
Tes mains restent ouvertes,
Ouvertes pour bénir.

Dans l’évangile selon Matthieu, le Seigneur avait donné rendez-vous aux siens en Galilée; c’est là aussi qu’il les retrouve en Marc. C’est en Galilée qu’il exerce la plus grande partie de son ministère dans les deux premiers évangiles, surtout en Matthieu. C’est pourquoi il se retrouve là avec eux, après sa résurrection, dans le pays méprisé, avec les pauvres du troupeau, au milieu desquels s’était levée la lumière au commencement (Matthieu 4:12-17). Il reste avec eux, prenant place en esprit au milieu du résidu, jusqu’à la consommation du siècle (Matthieu 28:20). Voilà pourquoi cet évangile ne mentionne pas l’ascension du Seigneur.

Luc ayant présenté Jésus comme Fils de l’homme, il parle de la grâce qui s’étend à tous et donne les détails qui nous assurent que son cœur n’a pas changé. Et en accord avec ce caractère, il fait annoncer dans l’univers la repentance et la rémission des péchés; il communique aux siens tout ce dont ils avaient besoin pour cela, l’intelligence des Écritures, et il leur promet le Saint Esprit. Puis, sa tâche achevée, il peut aller s’asseoir à la droite de Dieu en attendant que l’œuvre de la grâce soit accomplie, pour revenir ensuite établir ses droits, comme Fils de l’homme, en puissance et en gloire sur toute la création. Les disciples rendirent hommage à Jésus quand il monta au ciel, et s’en retournèrent à Jérusalem avec une grande joie. «Et ils étaient continuellement dans le temple, louant et bénissant Dieu» (v. 53).

Une merveilleuse transformation s’était effectuée chez les disciples grâce à tout ce que Jésus leur avait communiqué. Malgré le départ de leur Maître bien-aimé, leurs cœurs débordaient de joie, tandis qu’avant sa mort, comme après, ils étaient déçus et attristés. Quelles que soient les circonstances que traversent les bien-aimés du Seigneur, ils peuvent être remplis d’actions de grâces et de joie parce qu’ils le connaissent lui-même et ses paroles immuables; mais ils attendent le beau moment où il sera seul à remplir les cœurs, dans un monde nouveau, où n’existeront ni séparation ni sujet de tristesse.

Pleins de cette joie, les disciples attendirent en prières l’arrivée de la troisième personne de la Trinité jusqu’au jour de la Pentecôte. Dès lors, dans l’abondance de la vie divine et sous l’action puissante du Saint Esprit, ils accomplirent leur service, faisant, comme Jésus le leur avait dit en Jean 14:12, des œuvres plus grandes que lui-même, à part celle de la rédemption.

C’est dans une grande faiblesse que nous nous sommes entretenus de ce merveilleux évangile selon Luc, où nous avons quelque peu vu l’Homme divin venu du ciel pour nous sauver, apportant de la part de Dieu le Père la grâce dont les hommes pécheurs et perdus ont besoin. Dieu veuille que le peu de ce que nous avons pu voir des beautés de celui dont le psalmiste a dit: «Tu es plus beau que les fils des hommes; la grâce est répandue sur tes lèvres» (Psaume 45:3), demeure gravé dans tous nos cœurs pour y produire le désir d’en apprendre davantage, pour lui ressembler toujours mieux, jusqu’au jour où notre connaissance sera parfaite, parce que nous lui serons rendus semblables et que nous le verrons tel qu’il est.

Quant à celui qui ne jouirait pas encore de cette espérance, qu’il ne tarde pas à accepter le Sauveur, attiré par la grâce toujours répandue sur ses lèvres et par laquelle il accueille quiconque vient à lui. Les temps sont solennels, et chaque heure qui s’écoule nous rapproche du moment fatal où il sera trop tard pour accepter ce que l’on aura trop longtemps refusé.