1 Samuel

Chapitre 27

«Et David dit en son cœur: Maintenant, je périrai un jour par la main de Saül; il n’y a rien de bon pour moi que de me sauver en hâte dans le pays des Philistins et Saül renoncera à me chercher encore dans tous les confins d’Israël, et j’échapperai à sa main» (v. 1).

N’est-il pas étonnant de voir cette défaillance de David, après tant de marques éclatantes de la protection divine! Hier encore il disait, plein d’assurance: «Que... mon âme (ma vie) soit précieuse aux yeux de l’Éternel, et qu’il me délivre de toute détresse!» (26:24). Aujourd’hui il a perdu courage et dit: «Je périrai un jour par la main de Saül». Il nous faut souvent faire l’expérience qu’une grande victoire est suivie d’un grand abattement. Quand Dieu était avec nous, ne nous arrivait-il pas de nous en attribuer quelque chose? Lorsque David disait à Saül: «L’Éternel rendra à chacun sa justice et sa fidélité» (26:23), Dieu seul sait s’il n’y avait pas quelque satisfaction de soi dans ces paroles. Alors Dieu nous laisse à nous-mêmes (certes, je ne dis pas qu’il nous abandonne), afin de nous montrer que nous ne pouvons avoir aucune confiance en la chair. Nous apprenons ainsi à sonder «la division de l’âme et de l’esprit», si subtile que, dans le combat de la foi, on ne s’aperçoit souvent pas du mélange et que l’or affiné, ou paraissant tel, a encore besoin du creuset pour être délivré de tout alliage. Cela explique bien des défaillances chez les croyants, au moment où leur foi vient de briller d’un grand éclat.

Élie en est un exemple frappant (1 Rois 19). Le ciel s’était fermé à sa demande, il avait échappé à la colère d’Achab, fait des miracles, vaincu les prêtres de Baal, tenu tête à tout un peuple, et voici le grand prophète d’Israël qui tremble et s’enfuit devant une femme. Souvenons-nous, qu’avoir été employés de Dieu ne signifie pas encore nous connaître, et que la connaissance de nous-mêmes est indispensable pour nous faire apprécier la grâce. Cette expérience, nous la faisons souvent après des temps de bénédiction spéciale. L’ennemi en profite pour nous faire tomber, quand, armés de la puissance de Dieu, nous nous faisions illusion sur nos propres forces, nous estimant nous-mêmes inattaquables. Donc, un temps de faveur et de puissance spéciale est souvent une occasion pour la chair. Être introduits dans le troisième ciel ne nous en préserve pas et la discipline de Dieu a pour but, comme nous le verrons, de nous faire sonder tout cela et bien d’autres choses encore.

Est-ce Dieu qui ordonne à David de se sauver au pays des Philistins? Les expériences «faites à la cour d’Akish n’étaient-elles pas suffisantes? (21:11-15). Était-ce Dieu qui l’y avait jadis envoyé? Non, Dieu, par la bouche de Gad, lui avait jadis donné l’ordre positif d’entrer dans le pays de Juda (22:5). Cet ordre était-il révoqué? Et pourquoi ne consulte-t-il pas l’Éternel, comme il l’avait fait à Kéhila? (23:1-13). Précipitation, découragement, oubli de la parole de Dieu, aide cherchée auprès des ennemis d’Israël, confiance dans ses propres inspirations, en négligeant de rechercher la direction divine, toutes ces faiblesses se concentrent ici en David.

La belle marche de foi qui le caractérisait semble annulée par un seul faux pas. Mais il est bon que nos âmes aient sondé ces précipices. Nous ne pouvons être les compagnons du Christ que si nous retenons ferme jusqu’au bout le commencement de notre assurance (Héb. 3:14). David se sauvant chez Akish ne pouvait en aucune manière être un type de Christ. Il n’y avait pas pour Abraham d’autel en Égypte; un second séjour de David parmi les Philistins ne lui inspire pas de psaume.

C’est une chose infiniment sérieuse à considérer, que souvent un faux pas nous fait perdre tout le bénéfice d’une longue vie de foi. Un jour mes pieds glissèrent sur un abîme; c’en était fait de moi, quand la forte main de mon guide réussit à me retenir, emporté déjà sur la pente. Sans lui j’étais perdu, sa main m’avait sauvé (c’est la grâce), mais en un instant j’avais mesuré et réalisé la conséquence terrible d’un écart.

La grâce seule est capable de prévenir notre perte, mais souvent il nous faudra éprouver pendant longtemps les conséquences d’une marche qui n’avait pas l’approbation du Seigneur. Cette marche délivre David de la poursuite de Saül: «Et on rapporta à Saül que David s’était enfui à Gath; et il ne le chercha plus» (v. 4); à quel prix! Les chapitres suivants nous l’apprennent, mais déjà celui-ci nous renseigne.

Le séjour à Gath engendre la fausseté. Sous peine de leur paraître un ennemi, on ne peut dire aux Philistins qu’on est du parti d’Israël. On a quelque succès contre les Gueshuriens, les Guirziens et les Amalékites, mais se dire ouvertement leur adversaire, serait s’exposer à bien des dangers. David est l’hôte du Philistin qui de ce fait estime l’avoir asservi: «Il sera mon serviteur à toujours» (v. 12) et comment ferait-on la guerre à leur race? On use de paroles à double entente pour cacher ses vraies sympathies (28:2). Voyez donc combien de conséquences graves entraîne la recherche de l’appui du monde! Le chrétien, submergé par les «convenances sociales» auxquelles il s’est assujetti, y perd son vrai caractère et n’a plus aucune action sur les consciences de ceux qui l’entourent. Il vit dans la crainte de déplaire au monde qui le protège; il cherche, comme David, à anéantir tous les témoins qui viendraient déposer de son hostilité contre les ennemis du peuple de Dieu; il n’a plus bonne conscience. Quoique enfant de Dieu, il suit un chemin d’hypocrisie.

«Akish crut David». Le monde nous croit et se flatte d’avoir rompu les liens qui nous unissent au peuple de Dieu (v. 12). David, par la grâce de Dieu, sera restauré et, dans la suite, sa conduite détrompera Akish; mais combien de chrétiens, enlacés dans ce filet, ne détrompent jamais le monde, y perdent leur force, leur repos et leur joie, y sacrifient leur témoignage et quittent enfin la scène pour aller vers le Seigneur avec le sentiment de n’avoir rien été pour Lui, pendant leur vie, pour Lui qui cependant a tout fait pour eux!