1 Samuel

Chapitre 12

Par le renouvellement de la royauté, la carrière de Samuel comme juge, a naturellement atteint son terme. Ce chap. 12 est pour ainsi dire le testament de toute l’activité déployée par lui comme conducteur d’Israël. «J’ai écouté», dit-il, «votre voix en tout ce que vous m’avez dit, et j’ai établi un roi sur vous. Et maintenant, voici, le roi marche devant vous; et moi, je suis vieux et j’ai blanchi; et voici, mes fils sont avec vous; et moi, j’ai marché devant vous depuis ma jeunesse jusqu’à ce jour» (v. 1, 2). Samuel n’avait point été double dans ses voies; en écoutant le peuple, il avait tout simplement suivi l’ordre de l’Éternel; il peut donc dire un peu plus loin: «L’Éternel a mis un roi sur vous» (v. 13). En cela nous voyons aussi le beau désintéressement d’un homme qui est en communion avec Dieu; il avait oublié les torts et l’injustice du peuple et des anciens à son égard et s’était désisté sans murmure de ses fonctions officielles pour les reporter sur un roi qui, certes, moralement valait bien moins que lui. Il dit: «Mes fils sont avec vous», remettant ainsi à leur place ceux que lui-même avait autrefois établis à tort. Cet acte, en apparence si naturel, mais qui lui avait amené quelque discipline de la part de son Dieu, il le juge bien, me semble-t-il, par ce petit mot «avec vous». Ses fils étaient de faux juges, tandis que lui, le vrai juge, avait marché «devant» le peuple. Et maintenant, c’était le roi qui marchait devant eux.

Le dernier des juges va donner son appréciation sur la conduite du peuple et sur les voies de l’Éternel envers lui. «Et maintenant, présentez-vous, et je vous jugerai devant l’Éternel au sujet de tous les actes justes de l’Éternel, qu’il a opérés envers vous et envers vos pères» (v. 7). Mais pour parler ainsi, il faut un homme irréprochable et ce fait est pratiquement de toute importance pour nous. Nous ne pouvons avoir aucune autorité vis-à-vis du peuple de Dieu, si nos actes ne répondent pas à notre don et à nos paroles. Mais ce n’est pas seulement d’autorité conférée qu’il s’agit; on ne peut atteindre les consciences sans autorité morale.

Le peuple est obligé de rendre témoignage à Samuel que sa vie n’a pas donné prise aux reproches et à la critique. Comme plus tard l’apôtre Paul, il était manifesté aux consciences du peuple de Dieu. Son autorité morale était mille fois plus importante que son autorité officielle. Saül possède cette dernière et elle ne l’empêche pas d’être réprouvé, quoiqu’elle soit établie de Dieu.

«C’est l’Éternel qui a établi Moïse et Aaron (v. 6). À ses dépens, Samuel l’avait oublié un moment en établissant ses fils lui-même. Actuellement dans l’Église, et certes il est à propos de le remarquer, il n’y a pas d’établissement officiel, mais les dons nécessaires restent malgré la ruine, ainsi qu’une autorité morale reposant sur la sainteté pratique de celui qui l’exerce.

Le discours de Samuel (v. 6-17) remonte à la délivrance d’Égypte qui avait fait entrer le peuple en Canaan, car c’était là le but de cette puissante intervention de Dieu à leur égard. Mais en Canaan ils avaient oublié Dieu et, au lieu de le servir, s’étaient prosternés devant des idoles. Sous l’oppression de l’ennemi, ils avaient crié à l’Éternel qui les avait délivrés par ses juges, depuis Jerubbaal à Samuel et les avait fait «habiter en sécurité» (v. 11).

Mais voici que Nakhash, roi des fils d’Ammon, les menaçant, ils avaient dit à Samuel: «Non, mais un roi régnera sur nous — et l’Éternel, votre Dieu, était votre roi» (v. 12).

L’Esprit leur dévoile ici leurs motifs cachés pour demander un roi. Ce n’étaient point, au fond, ceux qu’ils avaient donnés à Samuel, au chap. 8:5: «Voici, tu es vieux, et tes fils ne marchent pas dans tes voies». Souvent l’homme colore ainsi ses motifs aux yeux des hommes, mais il ne peut les cacher à Dieu et à son prophète. Au fond du cœur d’Israël régnait tout simplement la peur de Nakhash, avec un absolu manque de foi et de confiance en Dieu. L’Éternel était leur roi, mais ils aimaient mieux les secours d’un roi selon les nations et la sécurité dont il pouvait les couvrir, que les «ailes de l’Éternel», à l’ombre desquelles ils auraient dû se réfugier en poussant des cris de joie.

Malgré tout, Dieu condescend à leur demande et l’histoire de leur responsabilité continue ainsi sous un autre régime: «L’Éternel a mis un roi sur vous» (v. 13). Le cœur d’Israël changera-t-il sous cette nouvelle économie! La suite le montrera. Pour le moment, il s’agissait de les convaincre que «le mal qu’ils avaient fait était grand aux yeux de l’Éternel, d’avoir demandé un roi pour eux» (v. 17). Samuel leur en donne le signe par les tonnerres et la pluie tombant du ciel hors de saison; mais il crie et intercède en même temps pour eux. Jamais, pendant toute sa carrière, cet homme de prière ne s’est ralenti dans ses supplications.

La conscience du peuple est de nouveau atteinte, mais combien de fois déjà ne l’avait-elle pas été! témoin le beau mouvement de Mitspa, au chap. 7. Ils disent ici à Samuel: «Prie l’Éternel, ton Dieu, pour tes serviteurs, afin que nous ne mourions point; car, à tous nos péchés, nous avons ajouté ce mal d’avoir demandé un roi pour nous» (v. 19). L’intercession de l’homme de Dieu est leur seule ressource; c’est vrai, mais le mal est fait et subsiste; il n’est pas dans les voies divines de recrépir un mur crevassé, de donner une belle apparence à une maison en ruines. Une chose leur restait, notre ressource aussi, dans les circonstances où nous vivons: il y a possibilité de marcher au milieu des ruines d’une manière qui glorifie Dieu. «Ne craignez pas», dit Samuel au peuple, «vous avez fait tout ce mal, seulement ne vous détournez pas de l’Éternel, et servez l’Éternel de tout votre cœur» (v. 20). S’il se trouve des âmes qui, dans le jour actuel, n’aient pour but que d’honorer Dieu et de le servir, leur voie sera réellement lumière au milieu des ténèbres qui les entourent. Ces âmes trouveront d’autre part, en s’appuyant sur trois choses qui restent debout pour tous les temps, des ressources que la ruine ne peut tarir ni diminuer: «Car l’Éternel, à cause de son grand nom, n’abandonnera point son peuple, parce que l’Éternel s’est plu à faire de vous son peuple. Quant à moi aussi, loin de moi que je pèche contre l’Éternel, que je cesse de prier pour vous; mais je vous enseignerai le bon et le droit chemin» (v. 22, 23).

Ces choses sont les trois piliers de la vie chrétienne. La ruine ne change rien à la grâce de Dieu qui reste notre assurance à toujours. L’intercession de Christ, dont celle de Samuel n’est qu’un faible type, est capable de nous conduire à travers toutes les difficultés. La Parole enfin, dont le prophète était le porteur pour le peuple, «nous enseigne que, reniant l’impiété et les convoitises mondaines, nous vivions dans le présent siècle sobrement, et justement, et pieusement» (Tite 2:12).

En terminant, Samuel dit au peuple: «Seulement, craignez l’Éternel et servez-le en vérité, de tout votre cœur; car voyez quelles grandes choses il a faites pour vous» (v. 24). N’oublions pas que la connaissance de son «grand salut» est le vrai moyen de le craindre comme il veut être craint, de le servir comme il veut être servi. Souvenons-nous aussi que la connaissance de la grâce de Dieu n’affaiblit en aucune manière la responsabilité de son peuple. «Si vous vous adonnez au mal, vous périrez, vous et votre roi».