Le garde qu'il n'osèrent pas tuer

Le missionnaire Upton Wescott et ses deux compagnons ont été avertis qu'ils seraient mis à mort la nuit même par les tueurs du sorcier...

La lune se leva, le monde fut inondé d'une lumière argentée, mais les trois jeunes gens n'avaient aucune envie d'aller se coucher sous la tente. Mieux valait, pensaient-ils, faire face à la mort à ciel ouvert en voyant leurs ennemis. Ils avaient décidé de ne pas utiliser leur fusil. Peut-être se souvinrent-ils d'Etienne qui n'était pas mort l'arme à la main mais qui avait regardé à Jésus.

Toute la nuit ils attendirent sous l'ardente lumière des étoiles tropicales. Puis la lune se coucha. C'était l'heure étrange où les brumes s'élèvent du lac et où le monde gît comme dans un linceul. Peut-être maintenant?...

Mais personne ne vint. Le soleil finit par se lever et les jeunes gens fatigués regardèrent avec des yeux neufs les brumes se dissiper. Alors se firent entendre des voix au bord du puits, le crépitement des feux, et des volutes de fumée s'élevèrent bientôt du kraal. Jamais la vie n'avait paru si belle! Ils louèrent et remercièrent le Seigneur de sa protection. Ils rampèrent dans leur tente, dormirent à poings fermés. Le petit groupe de chrétiens qui s'approcha à petits pas, jeta un œil craintif par les fentes de la toile. Ils louèrent Dieu dans leur émerveillement: maintenant, il ne faisait plus de doute que la main du Seigneur avait protégé ses serviteurs. Des mois passèrent, et parce qu'il n'arrivait aucun mal à ceux qui ne rendaient plus culte aux idoles, d'autres s'enhardirent. L'amour et la liberté étaient de loin préférables à l'ancien esclavage de la peur. En outre, ils étaient devenus moins craintifs, car le vieux sorcier avait l'air d'avoir perdu son pouvoir. Certains disaient qu'il était trop vieux, et d'autres que les esprits l'avaient abandonné. Quoi qu'il en soit, les hommes ne le craignaient plus.

Mais Upton fut tout de même très surpris, un jour, de trouver le vieillard agenouillé à l'entrée de sa tente, avec ses fanfreluches tombantes et ses queues de singes tournoyant dans tous les sens. Quand il finit par entrer, Upton vit qu'il paraissait affaibli et que ses yeux étaient creux.

— Je veux apprendre à connaître le Dieu vivant, dit-il simplement. Ils conversèrent longtemps. Upton lui parla du péché, de la repentance, et le sorcier parut mal à l'aise. Il y avait tant de péchés, et il y avait un certain péché plus lourd sur sa conscience que tous les autres.

— Confesse-le et il te sera pardonné, dit Upton.

Alors le vieillard avoua tout. C'était la nuit de la nouvelle lune, dit-il, il avait envoyé ses hommes à travers la jungle, armés de lances, avec l'ordre de tuer les trois missionnaires. Mais ils étaient revenus avec leurs lances propres, sans avoir versé de sang.

— Mais pourquoi? demanda Upton. Nous n'étions pas armés. Personne ne pouvait les avoir prévenus. Pourquoi...

— Parce que vous étiez quatre, dit le sorcier. Mes hommes n'avaient pas reçu l'ordre d'en tuer quatre et ils ne pouvaient pas voir qui était qui. Ils ont attendu jusqu'à ce que les brumes se lèvent, mais le quatrième n'a pas fait mine de partir. Mon ami, qui était cet homme assis avec vous toute la nuit au clair de lune?

Upton n'eut pas de réponse à cette question. Était-ce le Seigneur lui-même qui s'était assis avec eux, ou avait-il envoyé son ange? Il n'en savait rien. Il lui suffisait de savoir qu'ils avaient vu venir le matin et que le vieux sorcier lui-même s'était tourné vers la lumière du Seigneur Jésus.

«L'ange de l'Éternel campe autour de ceux qui le craignent, et les délivre» (Ps. 34:7).