«Voici, je me tiens à la porte et je frappe» (fin)

Le petit Willy Kramer a assisté à une prédication qui l'a particulièrement marqué: il y a entendu qu'un homme frappait à la porte de chacun et qu'il apportait quelque chose de précieux. Willy a si peur de manquer ce visiteur, que cette nuit-là, le moindre bruit le réveille: il est sûr d'avoir entendu frapper. Il convainc son père d'aller voir, mais personne ne se trouve derrière la porte...

Le lendemain matin, Madame Kramer, pour être franche, aurait dû confesser qu'elle était mal à l'aise. En réfléchissant à tout ce qui s'était passé la veille et durant la nuit, elle ne pouvait se cacher qu'elle avait commis une grosse faute. Elle sentait qu'elle s'était opposée à son enfant qui avait cherché de la sympathie près d'elle dans une chose qui occupait vivement son jeune esprit. Elle cherchait à se persuader que tout cela n'était qu'une folie et une absurdité, cependant son cœur maternel la condamnait. Elle découvrait aussi que son Willy n'était plus tout à fait vis-à-vis d'elle ce qu'il était auparavant. Ce n'est pas qu'il soit devenu désobéissant ou méchant, au contraire; mais elle s'aperçut à plusieurs reprises que sa confiance en elle n'était plus la même, et qu'il s'était attaché à son père plus qu'il ne l'avait été jusque-là. Monsieur Kramer n'était pas tendre de nature et ne recherchait pas les caresses; mais maintenant, un lien tout nouveau semblait s'être formé entre lui et l'enfant. Elle se fit de sérieux reproches et regrettait même que Willy ne lui pose plus de questions sur le sujet qui l'intéressait tant. Que le cœur du petit en soit aussi rempli qu'au commencement, elle le savait; mais il s'efforçait de ne plus en parler devant elle. Elle regrettait de s'être montrée si impatiente envers son unique enfant, et de l'avoir éloigné d'elle, alors que jusque-là elle avait été tout pour lui.

Lorsqu'à midi son mari rentra, et comme Willy était allé faire une commission, elle commença d'elle-même à parler de la chose.

— Je n'ai jamais vu, dit-elle, un enfant être pareillement rempli d'une pensée. Je n'y comprends rien, mais ce n'est sûrement qu'une absurdité.

— Je ne sais pas si ce n'est qu'une absurdité, répliqua Monsieur Kramer d'un air réfléchi; bien que j'admette qu'il n'ait pas tout bien compris, et que tout ne soit peut-être pas vrai.

— Rien n'est vrai, répondit vivement Madame Kramer, qui aurait aimé trouver une excuse à sa manière d'agir envers son enfant. Mais, ajouta-t-elle, il n'est pas responsable d'avoir raconté de telles folies et de s'en être pareillement agité. En tout cas, il n'est plus le même enfant qu'auparavant.

— Je ne sais pas qu'en penser, remarqua Monsieur Kramer; je n'ai autrefois rien entendu de pareil, et pourtant mon père était un homme pieux qui connaissait bien sa Bible.

— Et qui disait toujours la vérité, ajouta la mère. Je me demande ce qu'il aurait dit de cette histoire.

— C'est bien étrange, dit encore Monsieur Kramer. Willy disait que c'était dans la Bible. En tout cas, ce n'était pas dans la sienne, car il me l'aurait dit. Il la lisait beaucoup, et jamais je ne l'ai entendu dire une méchante parole. Je n'étais pas à la maison quand il est mort, après une courte maladie; mais on m'a dit que sa fin avait été si heureuse! Oui, c'était vraiment un homme bon.

— Comme toi, répondit Madame Kramer, car je ne désire pas un meilleur mari que toi.

— Non, ma femme. Je ne suis pas toujours ce que je devrais être. Mais c'est le moment de retourner à mon travail. Quand Willy reviendra, envoie-le-moi: j'ai trouvé un joli nid d'oiseau et je suis sûr qu'il sera content de le voir.

Il s'éloigna d'un bon pas, et ce fut seulement quand il eut disparu que sa femme remarqua qu'il avait oublié sur la table sa pipe toute bourrée, chose qui ne lui était jamais arrivée depuis qu'ils étaient mariés.

Lorsqu'il rentra le soir, il fut tout étonné de trouver sur la petite table près de la fenêtre, un livre qu'il reconnut immédiatement à sa reliure noire.

— Hé! s'écria-t-il, voilà la Bible de mon père! Il y a bien une dizaine d'années que je ne l'avais vue.

Je l'ai cherchée, parce que tu m'en as tant parlé, dit sa femme, et j'ai aussi pensé que Willy serait content. Elle prit le coin de son tablier pour essuyer encore mieux la poussière de dessus ce précieux livre. Si à ce moment-là Monsieur Kramer avait regardé sa femme avec attention, il se serait aperçu qu'elle avait les yeux rouges. Avait-elle pleuré?

Tout à coup, elle entendit d'en haut la voix de Willy qui allait se coucher.

— Maman, maman! Je voudrais te dire quelque chose.

Presque effrayée, elle dit:

— Qu'y a-t-il encore, Willy?

— Maman, j'avais complètement oublié de te dire de me réveiller quand il viendra.

— Oui; je te le promets. Maintenant sois sage et couche-toi.

— Et vous ferez bien attention, n'est-ce pas? Papa, je voudrais aussi te demander de ne pas pousser le verrou d'en haut. Il faut tellement de temps pour tirer les deux verrous que cela le ferait attendre trop longtemps.

— Bien mon petit, dit le père; cette nuit, je ne pousserai aucun des verrous.

— Merci papa; bonne nuit maman.

Et tout heureux, il se retira dans sa chambre et se coucha.

Les parents retournèrent à la cuisine et, après un moment, Monsieur Kramer, regardant sa femme, lui dit:

— Donne-moi ce livre et dis-moi ce qu'il y a d'écrit sur le billet que la monitrice a donné à Willy. Il tira de sa poche de gilet un petit morceau de papier qu'il donna à sa femme. Madame Kramer lut: «Apocalypse 3, verset 20», et son mari se mit à chercher dans la Bible depuis le commencement, car il la connaissait bien peu ou même pas du tout. Naturellement, cela prit un bon moment, mais enfin il trouva le livre et le chapitre. Quelle ne fut pas sa surprise en voyant le verset indiqué souligné à l'encre rouge!

C'est mon père qui doit avoir fait cela, dit-il en lui-même. Il connaissait donc bien ce verset et le trouvait très important. Et d'une voix presque tremblante, il se mit à lire: «Voici, je me tiens à la porte et je frappe: si quelqu'un entend ma voix et qu'il ouvre la porte, j'entrerai chez lui et je souperai avec lui, et lui avec moi». Ils en croyaient à peine leurs yeux et leurs oreilles. Willy avait donc raison; c'était comme il l'avait dit. Avait-il bien pu retenir le passage dans sa jeune mémoire? Se trouvait-il dans la vieille Bible du grand-père? Ces questions étaient maintenant résolues. Un silence solennel régnait dans la chambre.

Qu'est-ce qui poussa Mademoiselle Rollen, la monitrice de l'école du dimanche, à passer justement ce soir-là chez les Kramer, en retournant chez elle, pour apporter à Willy un petit Nouveau Testament qu'elle pensait d'abord ne lui donner que le dimanche? Elle n'aurait pu le dire. C'était, certes, une main invisible qui conduisait ses pas vers la demeure des parents de son petit élève. Comme il était déjà tard, elle voulait seulement donner le livre et poursuivre son chemin. Mais lorsqu'elle eut frappé deux coups avec le lourd marteau de la porte, elle entendit comme un cri de joie à l'intérieur, puis des pas précipités vers la porte qui s'ouvrit. Et voilà devant elle Monsieur Kramer tout étonné, tenant dans ses bras Willy en pyjama, et Madame Kramer qui, d'un air effrayé, regardait par-dessus l'épaule de son mari.

— Papa, c'est Mademoiselle Rollen! s'écria Willy tout joyeux. Mademoiselle, est-ce qu'il viendra ce soir? Oh! comme je serais content qu'il vienne pendant que nous sommes tous réveillés!

Si Mademoiselle Rollen avait premièrement l'intention de repartir tout de suite, il ne s'agissait plus d'y penser. Il fallut absolument qu'elle entre et s'asseye dans la petite cuisine. Là, devant elle sur la table, se trouvait la Bible et tous trois la regardaient comme s'ils attendaient quelque chose d'elle. Entendre frapper à la porte, au moment où ils venaient de lire le passage de l'Apocalypse, avait été pour les parents comme un coup qui avait retenti dans leur cœur. Et il fut donné à notre amie d'aider à pousser les verrous rouillés qui, depuis si longtemps, avaient tenu ces cœurs fermés.

Pendant un long moment, ils restèrent assis ensemble, le saint Livre ouvert devant eux, et Mademoiselle Rollen eut beaucoup à faire pour répondre aux questions de Willy et de ses parents. Il semblait à ceux-ci que le jour commençait enfin à luire, comme après une longue nuit d'obscurité. Combien leur vie passée leur apparaissait tout d'un coup autre qu'ils ne l'avaient pensé! Jusqu'alors, ils avaient cru être de très bons et honnêtes gens, et voilà qu'ils apprenaient qu'ils étaient des pécheurs souillés et perdus qui avaient besoin d'un Sauveur. Les voies miséricordieuses du Seigneur, qui avait heurté à la porte de leur cœur d'une manière si frappante, les remplissaient à la fois d'admiration et de crainte.

Ce soir-là fut comme un tournant dans la vie de la famille Kramer. Il semblait au père que des écailles lui tombaient des yeux. De nombreux passages qu'il avait entendus du grand-père Kramer, «qui connaissait sa Bible d'un bout à l'autre», revenaient avec force à sa mémoire, avec un tout autre sens et une autre portée. Il ne pouvait pas comprendre qu'il ait pu être aussi aveugle et aussi insensible. Depuis ce moment, on le vit chaque soir lisant et relisant sa vieille Bible.

Un jour, Mademoiselle Rollen se trouvait chez ses nouveaux amis, près de qui elle était toujours la bienvenue. Willy, comme d'habitude, était assis près de son père, tandis que sa mère était occupée à quelque ouvrage ménager. Après s'être entretenus quelque temps du sujet qui leur était maintenant devenu si précieux, Willy saisit tout à coup la main de son père en lui disant:

— N'est-ce pas, à présent nous irons tous ensemble au ciel, toi, maman et moi?

— Oui, mon enfant, répondit son père tout ému; oui, nous y serons ensemble, puisque le Seigneur nous a fait connaître sa grâce.

Ensuite il pria la monitrice de leur lire le chapitre 3 de l'Apocalypse. C'était devenu leur passage de prédilection, parce que le Seigneur, qui ne se lasse pas de frapper à la porte des cœurs des pauvres pécheurs si insensibles et si sourds à sa voix, s'en était servi pour leur parler la première fois, les réveiller de leur sommeil spirituel et pour entrer chez eux.

Mademoiselle Rollen prit la vieille Bible et lut lentement le chapitre tout entier. Tous trois écoutèrent avec un profond recueillement. Leur cœur sentait qu'à eux aussi avaient été donnés gratuitement l'or passé au feu, la robe blanche et le nouveau nom. Ils savaient que leurs oreilles avaient entendu la voix du bon Berger et que les yeux de leur âme avaient vu celui dont le nom est «Merveilleux», car c'était d'une manière merveilleuse qu'il les avait attirés à lui et que, dans ses infinies compassions, il s'était souvenu d'eux. Il était entré dans leur humble demeure comme un hôte bienvenu, pour ne plus jamais les quitter; et sa précieuse Parole y était désormais lue, entendue et appréciée.

«Voici, je me tiens à la porte et je frappe: si quelqu'un entend ma voix et qu'il ouvre la porte, j'entrerai chez lui et je souperai avec lui, et lui avec moi». Est-il déjà entré chez toi, cher jeune lecteur? Certainement qu'il a déjà frappé plus d'une fois. Lui as-tu ouvert la porte de ton cœur? Aujourd'hui, en ce moment, il frappe encore — ouvre-lui, toi qui ne l'as pas encore fait, de peur qu'il ne passe pour ne plus revenir!

Fin