La bonté de Dieu

Jacques-André Monard

 «Je suis l'Éternel, qui use de bonté, de jugement et de justice sur la terre, car je trouve mes délices en ces choses-là» (Jérémie 9:24).

Dans un grand nombre de passages, Dieu se présente comme celui qui est bon, qui se plaît à faire du bien à ses créatures. «L'Éternel est bon envers tous, et ses compassions sont sur toutes ses œuvres» (Psaumes 145:9).

Nous nous proposons de suivre, au cours de l'Écriture, la révélation que Dieu donne de sa bonté, révélation qui va de pair avec celle des autres caractères divins. Le Nouveau Testament, qui nous conduit beaucoup plus loin que l'Ancien dans cette révélation, ne comporte que cinq passages concernant la bonté de Dieu. C'est donc essentiellement dans l'Ancien Testament que nous puiserons, en nous souvenant que ce que Dieu a révélé de lui-même à une époque peut sans doute être complété, mais n'a jamais besoin d'être corrigé. Dieu est le même, qu'il parle à Israël autrefois ou aux chrétiens aujourd'hui.

La bonté de Dieu envers son peuple élu

Sur le rivage de la mer Rouge, Israël délivré d'Égypte chante à l'Éternel un cantique de louange. Et nous y entendons: «Tu as conduit par ta bonté ce peuple que tu as racheté» (Exode 15:13). L'Éternel avait vu la misère de son peuple, avait été ému de compassion envers lui et était «descendu pour le délivrer» (Exode 3:8). Sa bonté s'était manifestée par les jugements sur les oppresseurs, puis par cette extraordinaire délivrance lors de la traversée de la mer Rouge. Mais ce n'était qu'un commencement.

Trois mois plus tard, le peuple est rassemblé au pied de la montagne de Sinaï (Exode 19:1). Les soins de Dieu envers son peuple ont été fidèles, en dépit de ses murmures et de ses contestations. Les cieux ont fait pleuvoir la manne qui nourrit, le rocher frappé a donné l'eau qui désaltère. Et maintenant Dieu attire l'attention de son peuple sur ce qu'il a fait pour eux: «Vous avez vu ce que j'ai fait à l'Égypte, et comment je vous ai portés sur des ailes d'aigle, et vous ai amenés à moi» (verset 4).

Là, au Sinaï, l'Éternel va conclure une alliance avec ce peuple qu'il s'est acquis. Elle ne sera pas selon le modèle de celle qu'il avait faite avec Abraham (cf. Genèse 15, où Dieu seul s'était engagé) mais ce sera une alliance bilatérale, le peuple recevant la bénédiction de Dieu sous la condition de son obéissance.

La traversée du désert, malgré toutes ses expériences douloureuses et humiliantes, demeurera le témoignage de la bonté de Dieu. L'apôtre Paul le rappellera dans sa prédication à Antioche: «Il prit soin d'eux dans le désert, comme une mère, environ quarante ans» (Actes des Apôtres 13:18).

La bonté de Dieu envers ceux qui gardent ses commandements

L'alliance conclue entre l'Éternel et les fils d'Israël au Sinaï a pour fondement la loi des dix commandements. Cette dernière est donnée historiquement en Exode 20, et confirmée à la nouvelle génération en Deutéronome 5. Dans le deuxième commandement, Dieu fait mention de sa bonté, en rapport direct avec le caractère général de la loi. Il dit: «Je suis un Dieu… qui use de bonté envers des milliers de ceux qui m'aiment et qui gardent mes commandements» (Exode 20:6; Deutéronome 5:10). Il prend connaissance des actions des hommes, il les pèse, et il rétribue justement. Ceci, d'ailleurs, est vrai dans tous les temps (cf. 1 Samuel 2:3; 1 Pierre 1:17; Apocalypse 22:12; etc.).

Aux termes de la loi, Israël sera donc l'objet de la bonté de Dieu s'il l'aime et s'il garde ses commandements. Mais le peuple saura-t-il se maintenir dans un état où Dieu puisse le bénir selon sa justice? Hélas! pendant que Moïse est sur la montagne pour recevoir les tables de la loi et les instructions divines concernant la construction du tabernacle, Israël fait un veau d'or et se prosterne devant lui (Exode 32). L'engagement formel du peuple, déclaré et répété: «Tout ce que l'Éternel a dit, nous le ferons» (Exode 19:8; 24:3) est transgressé. Israël n'a plus rien d'autre à attendre de Dieu que son jugement.

Cependant la foi de Moïse le porte au-dessus de la loi dont il est le médiateur. Il intercède pour le peuple coupable. Et Dieu «dit qu'il les eût détruits, si Moïse, son élu, ne s'était pas tenu à la brèche devant lui, pour détourner sa fureur de sorte qu'il ne les détruisît pas» (Psaumes 106:23). Mais trois mille hommes sont passés au fil de l'épée. Et Moïse dresse hors du camp la tente vers laquelle se rassemblent ceux qui cherchent l'Éternel. Dieu peut-il encore habiter au milieu du peuple? Peut-il encore marcher avec ce peuple jusque dans le pays promis? «Si ta face ne vient pas, dit Moïse, ne nous fais pas monter d'ici» (33:15). Et Dieu accède à la supplication de Moïse: «Je ferai cela aussi dont tu as parlé; car tu as trouvé grâce à mes yeux, et je te connais par nom» (verset 17).

Je ferai passer toute ma bonté devant toi

Moïse s'enhardit: «Fais-moi voir, je te prie, ta gloire» (verset 18). Mais dans les circonstances du moment, c'était autre chose que Dieu devait manifester. Ce dont le peuple avait besoin alors, c'était de la miséricorde divine. Aussi Dieu répond à Moïse: «Je ferai passer toute ma bonté devant ta face» (verset 19). La révélation complète de ce qu'est Dieu était réservée pour d'autres temps.

Avant la venue de Christ, Dieu n'a donné de lui-même que des révélations partielles. Il est impossible à l'homme pécheur de voir la face de Dieu, de supporter l'éclat de sa gloire, autrement que dans la manifestation qu'il en a donnée en Christ. «Personne ne vit jamais Dieu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l'a fait connaître» (Jean 1:18). «La Parole devint chair, et habita au milieu de nous (et nous vîmes sa gloire, une gloire comme d'un fils unique de la part du Père) pleine de grâce et de vérité» (Jean 1:14). Les apôtres en ont été les témoins, eux dans le cœur desquels la lumière divine avait resplendi «pour faire luire la connaissance de la gloire de Dieu dans la face de Christ» (2 Corinthiens 4:6).

Caché par l'Éternel lui-même dans la fente du rocher, Moïse sera admis à le voir par derrière, quand il aura passé (Exode 33:21-23). Ces expressions suggèrent ceci: Moïse, ou d'autres hommes de foi de l'Ancien Testament, pouvaient connaître quelque chose de Dieu en contemplant ses traces. Après son passage, en voyant ses voies, ils apprenaient quelque chose de lui.

C'est encore dans cette circonstance que Dieu révèle à Moïse un principe de toute importance, celui de la souveraineté de Dieu dans l'exercice de sa miséricorde. «Je ferai grâce à qui je ferai grâce, et je ferai miséricorde à qui je ferai miséricorde» (verset 19). Dieu est souverain, c'est-à-dire entièrement libre de décider à qui il fait grâce. En d'autres termes, la miséricorde de Dieu envers un homme pécheur n'est pas fondée sur un mérite quelconque de celui-ci, mais uniquement sur les raisons que Dieu trouve en son propre cœur. Sur le terrain de la seule justice, Israël avait tout perdu, et n'avait à attendre que le jugement. Mais sur le terrain de la miséricorde divine, il y avait espoir.

L'apôtre Paul développera ce principe permanent en Romains 9.

La bonté d'un Dieu qui pardonne

Lorsqu'il était redescendu de la montagne de Sinaï, portant les tables de pierre sur lesquelles le doigt de Dieu avait gravé les dix commandements, Moïse, saisi d'indignation en voyant le veau d'or, avait brisé les tables. Ce geste était le fruit de son discernement spirituel. Il comprenait que si la loi entrait formellement dans le camp d'Israël, c'en était fait du peuple. Quelques instants plus tard, il allait, dans le même élan d'indignation, briser le veau d'or.

Mais l'épreuve de l'homme sous la loi n'est pas close, bien que son début en annonce déjà clairement l'issue. «L'Éternel dit à Moïse: Taille-toi deux tables de pierre comme les premières, et j'écrirai sur les tables les paroles qui étaient sur les premières tables que tu as brisées» (Exode 34:1). L'Écriture souligne que ce sont les mêmes paroles qui sont écrites sur les premières et sur les secondes tables (Deutéronome 10:4). La faiblesse, l'incapacité ou la perversion de l'homme ne sauraient changer les normes divines quant au bien et au mal. Seulement, en donnant la loi cette seconde fois, l'Éternel communique à Moïse quelque chose de nouveau. Alors que Moïse était dans la fente du rocher, «l'Éternel passa devant lui, et cria: L'Éternel, l'Éternel! Dieu, miséricordieux et faisant grâce, lent à la colère, et grand en bonté et en vérité, gardant la bonté envers des milliers de générations, pardonnant l'iniquité, la transgression et le péché, et qui ne tient nullement celui qui en est coupable pour innocent» (Exode 34:6, 7). Le texte même de la loi ne mentionne la bonté de Dieu qu'en rapport avec ceux qui aiment Dieu et gardent ses commandements. Mais les paroles que Dieu dit — et même crie — au moment où il donne la loi pour la seconde fois révèlent la bonté d'un Dieu qui pardonne l'iniquité, la transgression et le péché. La colère de Dieu n'est pas supprimée — elle appartient à sa gloire! — mais ce Dieu grand en bonté est lent à la colère. La foi des Israélites pieux s'attachera à cette révélation, que l'Esprit de Dieu confirmera et complétera dans la suite. Car Dieu est non seulement lent à la colère, mais «il ne garde pas sa colère à toujours» (Psaumes 103:9) et il est «bon, prompt à pardonner» (Psaumes 86:5).

Oh! quel bonheur que Dieu ait en lui-même de telles ressources pour subvenir au misérable état de l'homme! Mais comment les exigences d'un Dieu qui rétribue justement peuvent-elles se concilier avec la bonté et la grâce d'un Dieu qui pardonne? — voilà ce qui est demeuré un mystère jusqu'à la venue de Christ. L'évangile de Dieu révélera sa justice «à l'égard du support des péchés précédents, dans la patience de Dieu» (Romains 3:25). Sur la croix, Christ a pris la place des coupables repentants, a porté leurs péchés et a enduré la colère de Dieu. Si Dieu n'avait pas eu dès le commencement l'œuvre de Christ devant les yeux, il n'aurait pas pu se révéler comme un Dieu de pardon. Et il l'a dit à Israël sous une forme cachée en instituant les sacrifices. Ces animaux mis à mort à la place des coupables enseignaient le principe divin de la substitution: une victime pure chargée des péchés de l'homme subit le jugement à sa place. Et Christ seul pouvait être cette victime.

La bonté de Dieu et ses voies

«L'Éternel est juste dans toutes ses voies, et bon dans toutes ses œuvres» (Psaumes 145:17). Les voies de Dieu, ou son chemin, c'est sa manière d'agir.

Au temps d'Ézéchiel, on accusait Dieu d'agir de façon incohérente; on disait: «La voie du Seigneur n'est pas réglée» (18:25). En fait les voies de Dieu sont mystérieuses pour l'homme. Asaph dit: «Ta voie est dans la mer, et tes sentiers dans les grandes eaux; et tes traces ne sont pas connues» (Psaumes 77:19). Et aussi: «O Dieu! ta voie est dans le lieu saint» (verset 13). Elles ne peuvent être comprises en quelque mesure que par ceux qui, dans une humble soumission, entrent, comme Asaph, «dans les sanctuaires de Dieu» (Psaumes 73:17). À cet égard, le Psaume 103 montre une différence significative entre Moïse et les fils d'Israël: «Il a fait connaître ses voies à Moïse, ses actes aux fils d'Israël» (verset 7). Le conducteur du peuple, l'intercesseur, celui avec qui l'Éternel parlait «comme un homme parle avec son ami» (Exode 33:11), entrait dans les pensées de Dieu. Le peuple lui-même ne voyait que ses actes.

Au Psaume 62, David résume de façon admirable les deux aspects — apparemment contradictoires — des voies de Dieu: «Et à toi, Seigneur, est la bonté; car toi tu rends à chacun selon son œuvre» (verset 12). Que nos cœurs s'appuient sur l'infinie bonté de Dieu! Et qu'ils demeurent continuellement dans sa crainte, sachant qu'il rend à chacun selon son œuvre! Cette rétribution peut avoir lieu sur la terre — c'est ce qu'on appelle le gouvernement de Dieu — ou au tribunal de Christ (2 Corinthiens 5:10). Quelque réel que soit ce gouvernement, nous avons à être extrêmement prudents et réservés dans notre appréciation des actes du Dieu souverain, surtout lorsque cela concerne nos frères. Nous pourrions nous tromper lourdement.

Les voies et les pensées de Dieu demeurent infiniment au-dessus des nôtres. «Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, dit l'Éternel: car comme les cieux sont élevés au-dessus de la terre, ainsi mes voies sont élevées au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées» (Ésaïe 55:8, 9). Après une sévère discipline, l'un des grands de ce monde confesse: «Il agit selon son bon plaisir… et il n'y a personne qui puisse arrêter sa main et lui dire: Que fais-tu?» (Daniel 4:35). Mais l'infinie distance entre les cieux et la terre — comme dans le passage d'Ésaïe 55 — est aussi la mesure de sa bonté: «Car comme les cieux sont élevés au-dessus de la terre, sa bonté est grande envers ceux qui le craignent» (Psaumes 103:11). Et Celui qui affirme tout au long de l'Écriture qu'il rend à l'homme selon son œuvre est libre d'agir d'une manière telle que ses rachetés puissent dire: «Il ne nous a pas fait selon nos péchés, et ne nous a pas rendu selon nos iniquités» (Psaumes 103:10).

Ces deux éléments de la bonté miséricordieuse de Dieu et de son jugement du mal apparaissent très clairement dans un passage de Nombres 14. Israël, dans le désert, vient d'entendre le compte-rendu des douze espions envoyés pour reconnaître le pays de Canaan. N'ayant ni confiance en Dieu ni foi en ses promesses, le peuple se décourage, refuse d'entrer dans le pays promis et s'apprête à retourner en Égypte. Comme dans l'histoire du veau d'or, Dieu est prêt à détruire le peuple, mais Moïse intercède. Il rappelle à l'Éternel les paroles qu'il avait criées lorsqu'il avait donné la loi pour la seconde fois: «L'Éternel est lent à la colère, et grand en bonté, pardonnant l'iniquité et la transgression, et qui ne tient nullement celui qui en est coupable pour innocent». Et il conclut: «Pardonne, je te prie, l'iniquité de ce peuple, selon la grandeur de ta bonté, et comme tu as pardonné à ce peuple depuis l'Égypte jusqu'ici». Dieu lui accorde sa demande, mais maintient les droits de sa sainteté. «Et l'Éternel dit: J'ai pardonné selon ta parole. Mais, aussi vrai que je suis vivant, toute la terre sera remplie de la gloire de l'Éternel» (Nombres 14:18-21). Gloire redoutable que celle-ci! C'est la gloire de Dieu dans l'exercice de son juste jugement. Le peuple ne sera pas détruit; Dieu tiendra ses promesses et l'introduira en Canaan,… mais seulement quarante ans plus tard, quand toute cette génération incrédule aura péri dans le désert.

Il en est toujours ainsi. À nos yeux émerveillés, Dieu fait voir qu'il a les moyens de concilier parfaitement toutes les exigences de ce qu'il est, que ce soit en bonté, en jugement ou en justice.

À suivre