En ce temps-là naquit Moïse

Ch. Briem

«Ce temps-là» — dont parle Etienne dans son discours devant le sanhédrin — c'est celui de la terrible oppression des fils d'Israël par le roi d'Égypte. Selon l'ordonnance du roi, ils devaient même jeter les garçons nouveau-nés dans le fleuve. Etienne rappelle: «En ce temps-là naquit Moïse, et il était divinement beau; et il fut nourri trois mois dans la maison du père» (Actes des Apôtres 7:20).

«Ce temps-là», toutefois, était marqué par quelque chose de plus grave encore que l'oppression des Égyptiens. Les fils d'Israël avaient —  en une mesure tout au moins — oublié l'Éternel, leur Dieu, pour se tourner vers les dieux des Égyptiens. Cela ressort clairement des paroles que Josué adresse plus tard au peuple: «Ôtez les dieux que vos pères ont servis de l'autre côté du fleuve et en Égypte, et servez l'Éternel» (Josué 24:14). Ézéchiel aussi rappelle ce triste fait: «Aucun d'eux ne rejeta les abominations que ses yeux regardaient, ni ne quitta les idoles de l'Égypte» (Ézéchiel 20:8; cf. 23:14).

Les lourds fardeaux par lesquels les Égyptiens opprimaient les fils d'Israël, et même la grande détresse dans laquelle l'ordonnance du roi les avait mis, ne les avaient pas amenés à se tourner vers l'Éternel, à se souvenir de ses promesses et à crier à lui. Quelle triste chose, lorsque les détresses envoyées par notre Dieu et Père lui-même ne parviennent pas à nous ramener près de son cœur!

Les fils d'Israël crièrent dans leur détresse, et dans sa grâce, Dieu fit monter leur cri vers lui (Exode 2:23). Même si eux ne s'en souvenaient pas, l'Éternel cependant pensait à son alliance avec Abraham, conclue des siècles auparavant (Exode 2:24; 6:5). Dieu lui avait promis: «Sache certainement que ta semence séjournera dans un pays qui n'est pas le sien, et ils l'asserviront et l'opprimeront pendant quatre cents ans… Et en la quatrième génération ils reviendront ici» (Genèse 15:13-16). Les fils d'Israël en Égypte avaient-ils cette promesse de Dieu devant eux pour en attendre la réalisation? Avaient-ils compté les années et avaient-ils conscience que le moment était là, comme Daniel à Babylone (cf. Daniel 9:2)? Non, pour la plupart d'entre eux.

Et pourtant, le temps de la promesse approchait. Mais si Dieu ne s'était pas servi des efforts de Satan et de ses instruments — toujours hostiles à son peuple — pour le faire sortir de l'Égypte, nous avons tout lieu de penser que les fils d'Israël s'y seraient si bien installés qu'ils n'auraient jamais songé à retourner au pays de la promesse. Des années plus tard encore, après avoir fait l'expérience des miracles de l'Éternel en leur faveur, ils pensaient avec mélancolie aux pots de chair et aux légumes de l'Égypte (cf. Exode 16:3; Nombres 11:5).

Tout cela doit nous parler. Nous vivons dans des jours que la parole de Dieu appelle «des temps fâcheux» — des jours qui sont caractérisés par la dépravation morale et l'abandon de ce qui vient de Dieu. L'amour de beaucoup s'est refroidi, et plusieurs «cherchent leurs propres intérêts, non pas ceux de Jésus Christ». La conformité au monde a déjà pénétré profondément parmi nous; c'est la façon caractéristique dont Satan agit de nos jours et dans nos régions. Il le fait, d'une part, pour nous priver de la jouissance de nos bénédictions célestes, et d'autre part, pour annuler notre témoignage à un Christ glorifié qui va bientôt revenir. N'y a-t-il pas pour nous aussi le danger que nous nous plaisions dans ce monde — ce monde qui a rejeté Christ et qui le rejette encore? N'y a-t-il pas aussi dans nos cœurs la fâcheuse tendance à désirer retourner en «Égypte»? Dieu ne veut-il pas aussi, par de nombreuses et diverses épreuves, nous séparer de cette scène dont Satan est le chef et le dieu? Il utilise cela pour diriger nos cœurs vers Celui qui a promis de revenir bientôt pour nous prendre auprès de lui.

Attendons-nous vraiment le Seigneur? Ne nous sentons-nous pas interpellés par cette parole: «Mais comme le temps de la promesse… approchait» (Actes des Apôtres 7:17)? Pensons-y: c'est déjà «la dernière heure» et «maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons cru» (1 Jean 2:18; Romains 13:11). L'Écriture rend aussi le témoignage solennel que nous vivons «dans les derniers jours» (2 Timothée 3). N'est-ce pas le temps de nous réveiller du sommeil et de sortir à la rencontre de l'Époux avec des lampes allumées?

Comme chrétiens, nous ne sommes certes pas concernés, comme Israël, par «des temps et des saisons». C'est-à-dire que nous n'avons pas à attendre des événements ou des périodes prophétiques: c'est le Seigneur que nous avons le privilège de pouvoir attendre chaque jour et à chaque instant. Mais, qu'il s'agisse de notre vie personnelle ou de notre vie collective, le déclin est inévitable si nous cessons d'attendre notre Sauveur. Le mal s'est installé dans l'Église lorsque le méchant esclave a dit en son cœur: «Mon maître tarde à venir» (Matthieu 24:48). La grande masse de la chrétienté professante ne reconnaît pas Christ comme Seigneur et Maître; elle ne pense pas à lui et ne l'attend pas. Puissions-nous être semblables à ces esclaves qui sont prêts à ouvrir la porte au Seigneur à sa venue!

Sans conteste, nous vivons dans des jours très solennels. Mais il n'en était pas autrement pour les parents de Moïse. En dépit du triste état du peuple, ils sont demeurés fidèles et ont fait de précieuses expériences avec Dieu. «En ce temps-là» — précisément en ce temps-là — «naquit Moïse». Ces parents ne se sont pas dit: «Dans ces jours mauvais, il ne nous est pas possible d'avoir un enfant», mais ils ont reçu leur enfant comme un don spécial de Dieu. Ils l'ont caché trois mois dans leur maison, et la parole de Dieu nous dit qu'ils l'ont fait «par la foi»: «ils ne craignirent pas l'ordonnance du roi» (Hébreux 11:23). Dieu pourvoirait certainement à tout. Et le motif que donne la Parole quant à leur façon d'agir est bien remarquable: «… parce qu'ils virent que l'enfant était beau». Etienne dit: «beau à Dieu». Leur foi discernait dans cet enfant une beauté pour Dieu qui pouvait leur faire penser au futur libérateur du peuple. Ils ont bien pu se dire: Si Dieu nous a donné un si bel enfant dans un tel temps, c'est qu'il a certainement en vue quelque chose de particulier pour lui. Et c'est ainsi qu'ils ont senti leur responsabilité de le protéger, quoi qu'il en coûte, en comptant sur la puissance de Dieu. Ils avaient confiance en lui et, comme Moïse plus tard, ils n'ont pas craint la colère du roi. Comme nous le savons, leur foi fut merveilleusement récompensée.

Nous voyons ainsi que Dieu avait un résidu fidèle à cette époque, comme il en a aussi un de nos jours. Il y avait des Israélites dont la foi comptait sur les promesses de Dieu, et qui en attendaient avec patience la réalisation. De même aujourd'hui, au milieu d'une profession sans vie, il y a des croyants qui s'appuient sur la parole de Dieu et qui attendent l'accomplissement de ses promesses. Par l'action du Saint Esprit, leurs yeux ont été ouverts pour discerner la beauté de Christ — dont le libérateur d'Israël est un type. De même que Moïse naquit «en ce temps-là», ainsi aussi le Seigneur Jésus, «quand l'accomplissement du temps est venu», est «né de femme» (Galates 4:4). Et de quel homme sur la terre a-t-il jamais pu être dit, dans son sens absolu, qu'il était «beau à Dieu», sinon de Celui sur lequel le ciel s'est ouvert, et dont la voix du Père a déclaré: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai trouvé mon plaisir»?

Puissions-nous, aujourd'hui, être de ceux qui l'attendent!