Les pierres crieront

E.E Hücking

Lorsque le Seigneur Jésus entre à Jérusalem monté sur un ânon, la multitude des disciples, débordante de joie, loue Dieu à haute voix. Des pharisiens, mécontents, demandent au Seigneur de reprendre ses disciples. C'est l'occasion de cette réponse remarquable: «Je vous dis que si ceux-ci se taisent, les pierres crieront» (Luc 19:40). Nous comprenons cette comparaison: si ceux qui devaient le louer se taisent, alors Dieu saura se servir des instruments les plus inaptes que l'on puisse imaginer, pour apporter la louange à son Fils bien-aimé. Et c'est là précisément ce que Dieu a fait. Nous allons en voir quelques exemples.

Les mages de l'orient (Matthieu 2:1-12)

Lors de la venue du Seigneur Jésus sur cette terre comme un petit enfant, un ange en annonce la merveilleuse nouvelle à de simples bergers demeurant aux champs dans la contrée de Bethlehem; «et soudain il y eut avec l'ange une multitude de l'armée céleste, louant Dieu». Ce sont ces bergers qui, les premiers, voient l'enfant et répandent la bonne nouvelle de sa naissance. Mais Jérusalem, «la ville du grand Roi», n'est pas dans l'allégresse. Lors de la présentation de l'enfant dans le temple, il se trouve bien quelques fidèles  — tels Siméon et Anne — qui, enseignés par l'Esprit Saint, reconnaissent qu'il est le Messie promis. Cependant, à l'exception de quelques témoignages isolés, aucun intérêt ne se manifeste parmi le peuple.

Alors Dieu rompt ce silence. Il envoie des mages d'orient. Ceux-ci, tout naturellement, se dirigent vers Jérusalem — car où, sinon dans cette ville, pourraient-ils trouver le Roi nouveau-né? Leur question: «Où est le roi des juifs qui a été mis au monde?» trouble Hérode, «et tout Jérusalem avec lui». Mais eux poursuivent leur route jusqu'à Bethlehem, trouvent le petit enfant et lui rendent hommage.

Qui étaient ces hommes appelés des «mages»? C'étaient des astronomes; et l'astronomie, en ce temps-là, englobait aussi bien cette science que l'astrologie. Dans l'antiquité, on ne faisait pas de distinction entre la connaissance scientifique et ce qui pouvait provenir d'influences surnaturelles inaccessibles à la raison — et dont la source pouvait être occulte. De façon générale, parmi les païens, les «sages» étaient imprégnés d'occultisme. Comme exemple entre d'autres, on peut citer les sages de Babylone en Daniel 2 (voir versets 2, 12, 27).

Dieu avait commandé: «Il ne se trouvera au milieu de toi… ni devin qui se mêle de divination, ni pronostiqueur, ni enchanteur, ni magicien, ni sorcier…; car quiconque fait ces choses est en abomination à l'Éternel; et à cause de ces abominations, l'Éternel, ton Dieu, les dépossède devant toi» (Deutéronome 18:10-12). Et voilà que de tels hommes viennent pour rendre hommage au roi des juifs qui a été mis au monde! Dieu avait-il changé de pensée? Nullement. Tout comme avant, il ne devait se trouver personne, en Israël, qui «fasse ces choses»; aussi ces hommes se retirèrent-ils «dans leur pays» après avoir réalisé ce qu'ils s'étaient proposé.

Nous nous inclinons ici devant la souveraineté des voies de Dieu. Il agit de façon que son Fils reçoive, comme roi, les hommages que son peuple lui refusait — et cela, de la part d'hommes qui nous paraissent bien peu propres à remplir une telle fonction.

Et combien appropriés étaient les dons qu'ils ont offerts: l'or, symbole de la justice divine en grâce, l'encens, image de la consécration à Dieu, et la myrrhe qui parlait à l'avance des souffrances du Seigneur! Tout cela n'avait rien à voir avec les étoiles — non, mais Dieu avait conduit ces mages, lui qui agit par le moyen de qui il veut. Et nous nous réjouissons de ce que le Seigneur, qui s'est ainsi abaissé à cause de nous, ait été honoré de cette façon.

La femme de Pilate (Matthieu 27:19)

Si le Seigneur était rejeté par l'ensemble de son peuple, il s'est cependant toujours trouvé des personnes qui lui ont rendu hommage et lui ont témoigné de l'amour. Ce sont ceux qui avaient été les objets de ses actes miraculeux et qui avaient reçu de sa part guérison, délivrance, pardon. Il ne viendrait à l'idée de personne de les considérer comme des «pierres» mortes.

La femme de Pilate n'a eu, pour autant que nous le sachions, aucun contact personnel avec le Seigneur. Et pourtant Dieu lui a ouvert la bouche pour qu'elle donne un avertissement à son mari, alors qu'il allait céder à la pression de la foule, et commettre la plus grave des injustices. Elle lui fait dire: «N'aie rien à faire avec ce juste; car j'ai beaucoup souffert aujourd'hui à son sujet dans un songe» (Matthieu 27:19). Ayant entendu parler de lui, ses pensées étaient-elles si préoccupées de lui qu'elle en était poursuivie jusque dans ses rêves? Sa conscience était-elle travaillée? Ou bien n'agissait-elle que par souci pour son mari? Nous ne le savons pas.

Cet avertissement paraît n'avoir eu d'abord aucun effet sur Pilate. Mais lorsqu'il se lave finalement les mains et déclare: «Je suis innocent du sang de ce juste», il reprend le qualificatif utilisé par sa femme. Un juste? Oui, tu l'as dit, Pilate! Ce mot va dès lors s'imposer et son retentissement ne plus jamais être étouffé. Au peuple qui avait poussé Pilate à prononcer son jugement inique, Pierre adresse le reproche: «Vous avez renié le saint et le juste, et vous avez demandé qu'on vous accordât un meurtrier» (Actes des Apôtres 3:14).

Combien inattendu et significatif est l'avertissement de cette étrangère, à un moment où l'infidélité du peuple atteignait son point culminant! Véritablement, Dieu a fait alors «crier» une «pierre».

Le centurion devant la croix (Matthieu 27:54; Luc 23:47)

Ce n'était probablement pas la première fois que le centurion romain devait exercer ses fonctions à l'occasion d'une crucifixion. Mais cette fois-ci, il se passait des choses bien étranges. Il y avait cette précipitation pour que tout soit achevé avant la fête des juifs, à l'occasion de laquelle, pourtant, le gouverneur se montrait d'habitude plutôt généreux. Et puis le bruit courait que l'un des trois suppliciés avait déclaré être Fils de Dieu. Était-ce une raison pour le crucifier? On n'avait pourtant entendu dire que du bien à son sujet. Mais les ordres sont les ordres, et ainsi l'horrible processus devait suivre son cours.

Mais que se passait-il donc avec celui auquel on avait assigné la croix centrale? Habituellement, lorsque les clous étaient enfoncés dans les mains et les pieds, les plus endurcis perdaient leur sang-froid, la douleur les poussant hors d'eux-mêmes. Mais celui-ci se laissait faire, endurant les douleurs les plus terribles avec une parfaite dignité.

Cependant, le centurion allait être témoin de bien d'autres choses encore: les railleries des principaux du peuple et même des sacrificateurs qui se montraient habituellement si pieux; puis ces ténèbres à une heure insolite; et finalement le tremblement de terre et le cri déchirant du crucifié. Et que penser de ces paroles extraordinaires: «Père! entre tes mains je remets mon esprit», prononcées au moment d'expirer, bien avant que la mort mette fin aux souffrances des deux autres suppliciés.

Voyant tout ce qui était arrivé, le centurion fut saisi d'une fort grande peur — comme aussi ceux qui veillaient avec lui sur Jésus — et il dit: «Certainement celui-ci était Fils de Dieu!» Et même il glorifia Dieu en déclarant: «En vérité, cet homme était juste». Ce qu'il avait vu l'avait pleinement convaincu: ce que le crucifié avait dit de lui-même était bien exact; il était Fils de Dieu!

C'est ainsi que ce païen, auquel Dieu était totalement étranger, saisit, par ce qu'il put constater lors de la crucifixion, quelle était la gloire essentielle de Jésus, alors que le peuple de Dieu le rejetait comme un imposteur. Et pourtant, ce peuple, dès ses ancêtres, possédait la connaissance du Messie promis, de telle sorte qu'il aurait pu, et dû, en reconnaître les traits dans toute la vie du Seigneur Jésus.

Le brigand sur la croix (Luc 23:39-43)

Au début de la crucifixion, les deux brigands insultaient le Seigneur (Matthieu 27:44). Les douleurs atroces qu'ils enduraient ne les avaient amenés ni à juger les actes qu'ils avaient commis ni à se repentir. Au contraire, nous lisons avec étonnement qu'ils trouvaient encore la force d'insulter l'homme qui était crucifié entre eux deux — et quel intérêt avaient-ils à le faire? Satan, l'ennemi de Dieu et des hommes, les avait encore tous deux en son pouvoir.

Pourtant, voici que soudain l'un des deux malfaiteurs reprend son compagnon qui, lui, continue à injurier le Seigneur en lui disant: «N'es-tu pas le Christ, toi? Sauve-toi toi-même, et nous aussi» (Luc 23:39). Que s'est-il passé? Un rayon de la grâce de Dieu vient de pénétrer dans le cœur de l'un de ces brigands. Sa conscience a été touchée par l'attitude du Seigneur qui ne s'est pas défendu mais, au contraire, a demandé à Dieu le pardon de ses bourreaux. Aussi reprend-il l'autre malfaiteur et ajoute: «Nous recevons ce que méritent les choses que nous avons commises». Il reconnaît sa culpabilité, puis témoigne devant tous: «Mais celui-ci n'a rien fait qui ne se dût faire».

Alors que son complice, dans son endurcissement, avait injurié le Seigneur, disant: «Sauve-toi toi-même, et nous aussi!», ce brigand demande maintenant la vraie délivrance, et cela comme une grâce: «Souviens-toi de moi, Seigneur, quand tu viendras dans ton royaume!» Lorsque la conscience est touchée et que la grâce est demandée, l'amour peut répondre: «Aujourd'hui, tu seras avec moi dans le paradis». C'était le jour même que ce pécheur gracié devait suivre le Seigneur dans le paradis de Dieu et non pas seulement lorsqu'il viendrait dans son royaume. Il était le premier fruit de la nouvelle récolte que le divin «grain de blé» allait porter en tombant en terre et en mourant (Jean 12:24).

Cet homme ne demeura pas une «pierre» morte. Par la foi au Crucifié, il devint une «pierre vivante». Nous nous réjouissons de la consolation que Dieu a accordée au Seigneur Jésus par ce moyen. Et nous n'oublions pas que nous, croyants, nous étions autrefois tous des pierres mortes comme ce brigand; mais maintenant, arrachés par l'évangile à la carrière de ce monde, «comme des pierres vivantes» nous sommes «édifiés une maison spirituelle» pour offrir à Dieu la louange dont il est digne (1 Pierre 2:5).