Saisi par le Christ

O. Demaurex

«Non que j'aie déjà reçu le prix ou que je sois déjà parvenu à la perfection; mais je poursuis, cherchant à le saisir, vu aussi que j'ai été saisi par le Christ» (Philippiens 3:12).

L'apôtre Paul exhorte les Philippiens, et à deux reprises aussi les Corinthiens, à être ses imitateurs (Philippiens 3:17; 1 Corinthiens 4:16; 11:1). Dans sa lettre aux premiers, il parle de son expérience de prisonnier de Jésus Christ; démuni de tout, il est pourtant rempli de la joie et de la paix de son Maître. S'il regarde en arrière, c'est pour abandonner «comme des ordures» tout ce qui a fait autrefois sa fierté de pharisien. Son regard se tourne maintenant vers le but qu'il poursuit.

Une seule chose

Ce qui compte pour lui, c'est Christ; il est son modèle et sa vie. «Être trouvé en lui» définit le sens de son existence. Ailleurs, il se nomme lui-même «un homme en Christ» (2 Corinthiens 12:2). Revêtu de Christ, de sa justice — qui n'est pas celle des observateurs de la loi, mais celle du nouvel homme, «créé selon Dieu, en justice et sainteté de la vérité» (Éphésiens 4:24) — il est semblable à Christ dans ce monde (1 Jean 3:7; 4:17). Sa vie entière n'a qu'un seul objet: vivre Christ, «le connaître, lui, et la puissance de sa résurrection, et la communion de ses souffrances».

L'apôtre tend avec effort vers ce suprême objectif. Il le poursuit avec ferveur, il court droit au but, pour saisir «le prix de l'appel céleste de Dieu dans le Christ Jésus». Mais il n'a pas la prétention de l'avoir atteint, d'être parvenu à la perfection. Il se consacre entièrement à cette «seule chose»; c'est tout ce que son cœur peut désirer.

Christ en nous, nous en Christ, et Christ devant nous

Si, dans l'épître aux Éphésiens, Paul voit les croyants comme déjà bénis de toute bénédiction dans le ciel, ressuscités et vivifiés avec Christ, assis dans les lieux célestes, c'est qu'il considère le propos divin déjà accompli dans la résurrection et la glorification de Christ, et les croyants identifiés avec lui. De même, il pourra parler aux Colossiens du mystère qui lui a été révélé, «Christ en vous l'espérance de la gloire». Il enseigne chacun, afin de présenter «tout homme parfait en Christ» (Colossiens 1:27-29).

Mais lorsqu'il écrit aux Philippiens, il insiste sur la mise en pratique de cet appel céleste, dans le cadre de la vie chrétienne. L'apôtre témoigne alors de l'effort qu'il fournit, du grand travail qui s'accomplit en lui, pour l'amener à vivre à la hauteur de cet appel. C'est aussi dans cette épître qu'il exhorte les croyants à «travailler à leur propre salut, avec crainte et tremblement», sachant que «Dieu opère en eux et le vouloir et le faire» (Philippiens 2:12, 13). Il montre lui-même l'exemple et donne des croyants cette belle définition: «… nous qui rendons culte par l'Esprit de Dieu, et qui nous glorifions dans le Christ Jésus, et qui n'avons pas confiance en la chair» (3:3).

Y aurait-il contradiction entre, d'une part, la perfection de la position des croyants en Christ, présentée aux Éphésiens, la perfection de Christ dans le croyant, annoncée aux Colossiens, et d'autre part, la marche ascendante, empreinte d'effort et de lutte, vers la perfection de Christ, but suprême de l'appel céleste, telle que Paul la décrit aux Philippiens? Certainement pas, car ce sont là trois aspects différents mais complémentaires de la condition chrétienne.

Le grand apôtre des nations, qui a pourtant reçu du Seigneur la révélation du mystère de l'Église corps de Christ, qui a même été ravi au troisième ciel et a entendu des choses indicibles dont il n'est pas permis à l'homme de parler, confesse humblement l'effort qu'il fournit pour gagner le prix. Il déclare avoir fait la perte de toutes choses, «à cause de l'excellence de la connaissance du Christ Jésus, son Seigneur». Il ne pense pas avoir encore atteint le but, mais il le poursuit de toutes ses forces, il y consacre toute son énergie spirituelle. Son plus cher désir est de nous entraîner à sa suite, car notre patrie est le ciel, notre but est Christ lui-même glorifié là-haut, d'où nous l'attendons pour transformer nos corps à sa ressemblance.

«Vu que j'ai été moi-même aussi saisi par le Christ»

L'apôtre Paul exprime ici une certitude. Il cherche à saisir le prix, il y travaille sans relâche, mais il sait sans aucun doute possible qu'il a été saisi lui-même, qu'il appartient à son Seigneur. Voilà son secret. C'est comme s'il disait à ses imitateurs: Je n'ai pas encore atteint mon but, mais lui m'a déjà atteint; j'ai été saisi par le Christ Jésus, mon Seigneur.

Avons-nous une telle certitude? Si nous sommes ses rachetés, réalisons-nous que nous avons été saisis par Christ, sauvés et transformés, identifiés à lui dans sa mort et sa résurrection, en sorte que nous ne nous appartenons plus à nous-mêmes, mais à lui seul, pour toujours.

Saisis par son étreinte, pour ainsi dire serrés dans ses bras, ne sommes-nous pas en parfaite sécurité, à l'abri de tout mal, et pleins de confiance? Nous poursuivons un seul but et ne pensons qu'à une seule et même chose. Nous ne prétendons pas avoir tout compris, mais nous remettons tout à Christ. Nous n'avons pas atteint la perfection, mais nous rendons grâce d'être à Christ, qui est la perfection, et nous sommes fortifiés intérieurement, de sorte qu'il habite par la foi dans nos cœurs (Éphésiens 3:17). Nous sommes «enracinés et édifiés en lui» (Colossiens 2:6). Il tient la première place dans notre vie.

Gardés par la puissance de son amour, nous vivrons pour lui et par lui. Nous ferons volontiers la perte de toutes choses; nous fuirons le péché, les convoitises et les tendances naturelles de notre caractère matérialiste; et nous poursuivrons la justice, la foi, l'amour, la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d'un cœur pur (2 Timothée 2:22).

Si nous n'avons pas conscience d'avoir été saisis par Christ, nos efforts seront vains et nous ne progresserons pas sur le chemin qui mène au ciel. Mais si Christ possède notre cœur, nous serons avides de «le connaître lui, et la puissance de sa résurrection, et la communion de ses souffrances». Contempler Christ ressuscité et glorifié nous attirera alors irrésistiblement à lui, nous transformera à son image «de gloire en gloire» (2 Corinthiens 3:18), et nous amènera aussi à souffrir avec lui, dans ce monde de péché et au contact de la misère humaine. Nous réaliserons que, si nous souffrons avec lui, nous régnerons aussi avec lui (2 Timothée 2:12).

Soyons de vrais imitateurs de l'apôtre, car, comme Paul nous le montre dans les quatre chapitres de cette épître, Christ est aussi notre vie (chapitre 1), notre modèle (chapitre 2), notre but (chapitre 3), notre joie et notre force (chapitre 4).

Forts d'une telle certitude, nous courrons «droit au but», car Christ est lui-même le prix de notre appel, la suprême récompense. Et nous courrons «avec patience la course qui est devant nous, fixant les yeux sur Jésus, le chef et le consommateur de la foi» (Hébreux 12:1, 2).