J'habite au milieu de mon peuple

J.-P. Fuzier

2 Rois 4:8-17

Un peuple en ruine

C'était une bien triste et humiliante époque, que celle où Élisée, fils de Shaphath, exerçait son ministère dans le royaume d'Israël.

Joram, le fils d'Achab, régnait sur Israël à Samarie. Il faisait ce qui est mauvais aux yeux de l'Éternel, car il était attaché aux péchés de Jéroboam, fils de Nebath, par lesquels il avait fait pécher Israël. Mais en tout temps, «le Seigneur connaît ceux qui sont siens», et en tout temps, ceux qui invoquent son nom en vérité ont su se retirer de l'iniquité.

Ces fidèles peuvent n'être qu'en petit nombre, mais Dieu les connaît. Il y en avait sept mille au temps d'Elie — et peut être aussi au temps d'Élisée (1 Rois 19:18); il n'y a à Sardes que «quelques noms qui n'ont pas souillé leurs vêtements (Apocalypse 3:4); à Laodicée il se trouvera peut-être «quelqu'un» pour entendre la voix du Seigneur et lui ouvrir la porte (Apocalypse 3:20). Mais le Seigneur connaît ceux qui le craignent. Toute leur bénédiction réside en cela.

Les soins de Dieu en grâce

Si la grâce du Seigneur agit de telle sorte que quelques fidèles, un petit témoignage, demeurent jusqu'à ce qu'il vienne, elle pourvoit aussi aux besoins de leurs cœurs. L'histoire de la femme de Sunem en est un exemple.

Sous les règnes d'Achab et de Joram, Élisée était sans doute connu dans bien des maisons d'Israël, et même par des enfants, comme «le prophète qui est à Samarie» (2 Rois 5:3). Son ministère le conduisait dans les confins d'Israël, comme en témoigne la Sunamite (4:8, 9). Plusieurs sans doute avaient remarqué qu'il «passait continuellement»; mais combien avaient discerné en lui, par la foi, «un saint homme de Dieu»; combien avaient su prononcer les paroles de la foi et de l'amour: «Reste avec nous»?

N'avons-nous pas ici une figure de ce que fait le Seigneur parmi les siens aujourd'hui, bien que d'une manière différente? Certes il est avec nous tous les jours; mais nous pouvons ne pas le réaliser, ou encore peut-être oublier sa présence. N'a-t-il pas dû dire à un de ses disciples: «Je suis depuis si longtemps avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe»? Alors, il «passe chez nous»: peut-être par le moyen d'une épreuve, d'une tempête au cours de laquelle il vient vers nous en marchant sur la mer; ou encore à la fin d'une nuit de vaine activité, parce que nous avons travaillé sans lui. Mais quand il vient, c'est pour se révéler aux siens, pour les consoler, les restaurer ou les garder d'un danger, et toujours pour les bénir (Genèse 14:18-23; Luc 10:38-42; Jean 21; etc.).

Le Seigneur Jésus se plaît encore à venir là où quelques-uns sont assemblés en son nom. La foi le reconnaît, mais si le cœur n'est pas touché, il passe plus loin. Si nous ne voyons jamais le Seigneur imposer sa présence, jamais non plus nous ne le voyons refuser d'entrer là où on l'invite.1

1 Le Seigneur dit bien à Zachée: «Il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison» (Luc 19:5); mais il répond, en fait, à l'invitation tacite du cœur de Zachée en qui il avait vu «un fils d'Abraham».

Oui, ton amour, toujours le même,

Sollicite mon faible cœur

À jouir de l'éclat suprême

De ses doux rayons de bonheur.

La maison de Sunem

Nous pouvons affirmer que la Sunamite avait appris à apprécier la présence d'Élisée, puisqu'elle désirait l'avoir comme un hôte habituel de sa maison. Mais, remarquons que si sa foi éclipse celle de son mari, cette femme ne demeure pas moins à sa place dans la maison; elle n'usurpe pas l'autorité que Dieu a dévolue à l'homme (1 Corinthiens 11:23). «Faisons, je te prie», demande-t-elle à son mari, lorsqu'il s'agit d'un service public, extérieur, ce qu'était la construction d'un logement pour le prophète. Mais, dans la maison, à l'intérieur, elle sert, retient Élisée pour manger le pain. Plus tard, elle sortira vers lui, mais pour lui exposer ce qui concerne son fils. L'ordre dans lequel Aquilas et Priscilla sont nommés, selon les circonstances, nous rappelle et confirme la même leçon divine.

Demeure avec nous

La Sunamite, donc, ne se contentait pas de voir Élisée passer continuellement. Elle avait besoin d'écouter ce saint homme de Dieu et de jouir de sa communion, car, comme l'a écrit quelqu'un, «cette distinguée fille d'Abraham avait des pensées communes avec lui. Elle connaissait les affections d'Élisée, parce qu'elle lui ressemblait». La petite chambre haute en maçonnerie et ce qu'elle contenait était une belle image de son cœur. Elle était riche, mais elle avait su offrir au prophète de l'Éternel une chambre dépouillée. Quelle belle et simple figure d'un cœur où Christ peut trouver un lieu de repos et de communion qu'il illumine de sa présence!

Puissions-nous veiller à dépouiller nos cœurs de tous les vains et inutiles ornements qui semblent indispensables à l'homme naturel! Le Seigneur Jésus est honoré par ce qui correspond à l'homme qu'il fut ici-bas: le pauvre. Bienheureux celui qui comprend le pauvre; il ne se met pas en souci de parer si bien sa chambre haute qu'il en oubliera l'hôte qui passe (Luc 10:41).

La Sunamite avait su préparer «pour lui» ce qui convenait à Élisée. Elle avait compris comment être «pauvre en esprit» pour recevoir celui qui préfigurait alors notre Seigneur Jésus Christ — celui qui, étant riche, a vécu dans la pauvreté pour nous, afin que par sa pauvreté nous fussions enrichis (2 Corinthiens 8:9). Élisée n'avait ni argent ni or, pourtant il pouvait enrichir sa riche hôtesse, en lui donnant ce qu'elle n'aurait pas pu acquérir par ses richesses. Et n'est-ce pas ainsi qu'aujourd'hui encore, celui qui fut «le pauvre», nous communique ses richesses insondables? Mais il faut d'abord que le cœur de la Sunamite soit manifesté, comme le fut celui de Salomon (1 Rois 3:5). L'épreuve de la foi est bien plus précieuse que celle de l'or, car elle est à la gloire de Dieu.

Que faut-il faire pour toi?

Le serviteur d'Élisée vient alors proposer à cette Sunamite une récompense pour son empressement. «Faut-il parler pour toi au roi, ou au chef de son armée?» En d'autres termes, veux-tu les richesses et les honneurs de ce monde, ces choses mêmes que le roi de Sodome proposait à Abraham? Non, Dieu soit béni, elle n'hésite pas un instant entre le roi impie d'Israël et le prophète de l'Éternel; entre l'amitié du monde ennemi d'Élisée et la communion de l'homme de Dieu. Le chef de l'armée aurait-il pu la protéger mieux que les chevaux et les chars de feu qui entouraient le prophète et son compagnon (6:17)?

Cette épreuve révèle la foi de cette femme; et plus encore, elle montre ce qu'était son cœur et où étaient ses affections: «J'habite au milieu de mon peuple».

Nous nous demandons peut-être: Que voyait la Sunamite dans ce peuple idolâtre, dispersé comme un troupeau qui n'a pas de berger, gouverné par un roi impie? Sa foi, son amour, discernaient le peuple de Dieu. Elle constatait que l'Éternel s'occupait encore d'Israël, par le ministère de grâce d'Élisée. Elle pouvait voir tout près de Sunem, le royaume de Syrie, puissant sans doute, mais ne possédant pas le témoignage de la faveur divine, «étranger aux alliances de la promesse» (Éphésiens 2:12). Pouvait-elle, pour autant, oublier les idoles, l'infidélité, l'incrédulité de la masse d'Israël? Non, certes! Seulement, tout en s'étant pour elle-même séparée de l'iniquité de ce peuple, elle s'associait de cœur à ceux qui, comme elle, craignaient l'Éternel, aux sept mille que Lui connaissait et dont il prenait soin par le ministère d'Élisée. Comme elle, ils habitaient dans le pays d'Israël, dans une séparation morale (1 Rois 19:18), elle les appelle «mon peuple», parce qu'ils sont «le peuple de Dieu».

Conclusion

Ce récit nous rappelle que la séparation dans l'obéissance est le terrain de la communion avec Dieu au sujet de son peuple. Le Seigneur connaît ceux qui sont siens: nous n'en connaissons qu'un bien petit nombre, mais nous savons qu'ils sont aimés du Seigneur. Nous pouvons alors les aimer, si du moins nous aimons Dieu et gardons ses commandements (1 Jean 5:2-5).

L'Éternel ne pouvait pas rencontrer Moïse dans le camp, personne ne pouvait y trouver l'Éternel. Mais, ceux qui cherchaient l'Éternel «hors du camp, loin du camp», trouvaient sa présence à la tente d'assignation. Là, l'Éternel parlait à Moïse face à face, comme un homme parle avec son ami (Exode 33:7).

Se retirer de l'iniquité est un commandement divin: une vraie séparation n'est possible que si elle résulte de l'amour pour Christ. «Sortons vers lui hors du camp, portant son opprobre». À ce prix, nous pourrons dire en vérité: «J'habite au milieu de mon peuple».