Abigaïl (1 Samuel 25)

B. Paquien (1999)

Sa situation

On ne connaît pas l'origine d'Abigaïl, alors que tout Israélite devait connaître son ascendance et être capable de la donner (cf. Esdras 2:62). Mais la parole de Dieu n'a pas jugé bon de nous révéler de quelle tribu elle était issue, ni quelle était sa généalogie.

En revanche, ce que les tablettes éternelles ont conservé, c'est qu'elle était femme de Nabal, «un homme qui avait ses affaires à Carmel», et que «cet homme était très riche; il avait trois mille moutons et mille chèvres». En soi, cette prospérité pouvait refléter une bénédiction de l'Éternel.

Toutefois, l'homme a tendance à ne plus considérer les dons que Dieu lui confie comme une bénédiction, mais comme lui appartenant en propre, résultat de sa fidélité, de sa piété, de son travail ou de son courage — c'est l'orgueil, la folie de l'homme. Tel était Nabal, dont le nom signifie: fou, impie (verset 25).

Quel couple que celui-ci! Abigaïl, qui est présentée comme «une femme qui avait du bon sens et qui était belle de visage», mariée avec un fou, «un homme dur et méchant dans ses actes» (verset 3).

Le contexte historique

Saül, le roi désiré par le peuple, vit et règne encore. Il a été infidèle et Samuel a été obligé de lui dire: «Tu as rejeté la parole de l'Éternel, et l'Éternel t'a rejeté pour que tu ne sois plus roi sur Israël» (1 Samuel 15:26). Conduit par l'Éternel, Samuel est sorti pour oindre David, un homme selon le cœur de Dieu. Dès lors, Saül passe son temps à poursuivre David pour le tuer. David se cache. Au départ, quatre cents hommes sont avec lui (1 Samuel 22:2), puis bientôt six cents.

Errant dans le désert de Paran, David et sa troupe arrivent à Carmel en Juda. Les hommes sont fatigués et ils ont faim. David envoie dix jeunes hommes vers Nabal avec un message de paix, pour solliciter de lui un peu de nourriture: «Donne, je te prie, à tes serviteurs et à ton fils David ce que ta main trouvera» (verset 8).

L'Éternel avait dit: «Tu ouvriras libéralement ta main à ton frère, à ton affligé et à ton pauvre, dans ton pays», «et ton cœur ne sera pas triste quand tu lui donneras» (Deutéronome 15:11, 10), mais Nabal ne tient aucun compte de ce que Dieu a dit; il refuse tout secours aux serviteurs de David en se moquant d'eux et de leur chef. Dans sa folie, Nabal ne se préoccupe que de lui-même. Huit fois dans le seul verset 11, il fait mention de son moi.

Nabal est assujetti à Satan, le maître orgueilleux qui ne peut rien donner, bien au contraire. Il est comme cet homme insensé qui n'a de pensées que pour les biens matériels et désire construire des greniers plus grands, disant à son âme: «tu as beaucoup de biens, mange, bois, fais grande chère», et qui oublie que très bientôt son âme lui sera redemandée (Luc 12:16-21).

David, blessé dans son orgueil, décide de se venger. Il ceint son épée et demande à quatre cents des hommes qui le suivaient d'en faire autant. Ils mettront en pièces la maison de Nabal pendant que deux cents autres garderont le bagage. C'est alors qu'intervient Abigaïl. Avertie par un serviteur de Nabal qui connaît bien son maître, et qui pressent que «le mal est décidé contre lui et contre toute sa maison», elle se hâte, prend une grande quantité de nourriture. Sans rien dire à son mari, qui ne peut alors l'entendre, elle descend à la rencontre de l'armée de David. La scène de sa rencontre avec le vrai roi d'Israël est majestueuse. Elle tombe à ses pieds, se considérant comme sa servante, et même son esclave. David revient de ses pensées de vengeance, et accueille avec faveur les propos et le présent d'Abigaïl.

Pendant ce temps Nabal fait un festin. La boisson est abondante et il s'enivre à l'excès. Le lendemain Abigaïl lui rapporte fidèlement ce qu'elle a fait. Le choc qu'il en subit lui est fatal. Environ dix jours après, l'Éternel le frappe et il meurt.

David, apprenant que Nabal était mort, «envoya parler à Abigaïl, afin de la prendre pour femme». «Et elle s'en alla après les messagers de David, et fut sa femme». Deux enfants vont naître de cette union: Kileab et Daniel.

La noblesse d'Abigaïl

Abigaïl est unie à Nabal par le mariage, lien qui n'est rompu que par la mort. «La femme qui est soumise à son mari est liée à son mari par la loi, tant qu'il vit; mais si le mari meurt, elle est déliée de la loi du mari» (Romains 7:2). Elle se trouve sous un joug bien dur qu'elle supporte avec patience, en s'attendant à Dieu.

«Qui est David?» a dit Nabal dans sa folie. Tandis qu'Abigaïl, dont la foi est empreinte de discernement et de sagesse, voit en David celui qui sera bientôt «établi prince sur Israël», même si pour l'instant, l'exilé est «poursuivi comme une perdrix dans les montagnes» par Saül, qu'elle appelle simplement «un homme». Plus que le futur roi, elle voit en David, qu'elle nomme «mon seigneur», un des vivants pour l'éternité: «la vie de mon seigneur est liée dans le faisceau des vivants par devers l'Éternel» (verset 29).

En cette circonstance, elle est bien plus élevée spirituellement que David lui-même. Elle est la grâce entre la folie et l'orgueil. Car ici, dans son désir de vengeance, David n'agit pas selon Dieu. Ses intérêts immédiats, son amour-propre blessé, allaient le fourvoyer. Dans sa sagesse, Abigaïl intervient. Quant aux ennemis de David, du roi que Dieu a choisi, ce n'est pas à lui de s'en occuper en faisant couler le sang. «L'âme de ses ennemis, Dieu la lancera du creux de la fronde». Abigaïl évite à David une «occasion de chute», parce qu'elle possède la vraie appréciation divine sur lui. Elle connaît qui il est. Elle apaise son désir de se faire justice lui-même en lui rappelant que l'Éternel, juste juge, s'occupera personnellement des méchants. Elle est là comme un rayon de la grâce au milieu des ombres de la loi. David ne peut moins faire que de relever cette foi et cette sagesse, et il bénit l'Éternel qui l'a envoyée vers lui.

Ce que représente Abigaïl

Comme épouse de David, Abigaïl représente l'Église plutôt que le résidu juif. Son origine juive n'est pas mentionnée. Elle semble comme en dehors de la maison d'Israël. Son alliance avec Nabal ressemble au joug de ceux qui, dans leur ensemble, appartenaient à un maître dur, méchant et fou, riche des richesses de la terre. C'est ce dont Satan se prévaut auprès de Christ lui-même lorsque, «le menant sur une haute montagne», il lui dit: «je te donnerai toute cette autorité et la gloire de ces royaumes: car elle m'a été donnée, et je la donne à qui je veux» (Luc 4:5, 6). L'usurpateur et le père du mensonge peut défier Dieu, il n'en est pas moins vaincu.

Délivrée de ses premières attaches, Abigaïl peut appartenir à David, comme l'Église libérée de la terre sera unie à Christ pour l'éternité.

Dans sa sagesse, Abigaïl apporte un «présent» à David; elle reconnaît sa gloire comme l'Église reconnaît la gloire et la seigneurie de Christ.

Enfin, ultime analogie, Abigaïl accepte, en laissant derrière elle tous ses biens, de suivre David dans son rejet.

De façon analogue, Sephora et Asnath sont aussi des types de l'Église. Elles ont été unies selon la volonté divine à Moïse et Joseph, types de Christ, alors qu'ils étaient rejetés et exilés sur une terre étrangère.

L'Église n'est pas l'épouse d'un roi de gloire établi sur la terre, mais celle d'un Christ rejeté, dont personne n'a voulu, qui a été mis à mort comme un malfaiteur à la croix du Calvaire, et qui siège maintenant dans le ciel à la droite de Dieu.

Quelle beauté morale chez Abigaïl! Sa hâte est mentionnée à trois reprises: lorsqu'il s'agit de porter du ravitaillement à David et à sa troupe (verset 18), puis lorsqu'elle se prosterne devant lui pour reconnaître ses droits (verset 23). Enfin, quand elle est appelée à devenir la femme du vrai roi, la voilà qui se hâte encore de le rejoindre pour demeurer avec lui (verset 42).