Le livre de Daniel (suite)

F.B. Hole

Chapitre 2

Avec l'essor extraordinaire de Babylone sous Nebucadnetsar commencèrent les temps des nations. Le chapitre 2 s'ouvre sur la déclaration que dès la seconde année de son règne, ce grand monarque fit un songe remarquable qui le troubla beaucoup. Il y avait bien de quoi, car dans ce songe se trouvait une révélation venant de Dieu, propre à l'humilier. Il en perdit le sommeil et, ce qui fut pire pour lui, il perdit aussi tout souvenir de son rêve. Il se tourna naturellement vers les Chaldéens et leurs associés qui entretenaient des relations avec les puissances diaboliques, exigeant d'eux de raconter le songe et d'en donner l'interprétation.

Cette exigence, assortie de la menace de les détruire tous s'ils manquaient d'y satisfaire, paraît sans doute, à première vue, barbare et déraisonnable. Mais, en y réfléchissant, nous pouvons nous rappeler qu'à peu près au même moment, il y avait, même à Jérusalem, de faux prophètes et de faux devins dont les prédictions et les explications se trouvaient en défaut (Jérémie 29:8, 9, 20-23, 30-32). Il en avait certainement été de même avec les devins de Babylone. Nebucadnetsar pensa peut-être qu'il y avait là une bonne occasion d'éprouver ces hommes qui l'entouraient et qui désiraient le diriger d'après leur science soi-disant surnaturelle. S'ils prétendaient pouvoir donner une interprétation des songes, il était sûrement possible, par ce même pouvoir surnaturel, de reconstituer le songe oublié! Cela prouverait l'exactitude de leurs prétentions. Et si ce n'était pas le cas, le roi les retrancherait de son royaume!

Daniel et ses amis ayant été classés par les Babyloniens parmi ces «sages», ils tombaient sous le coup du décret promulgué par le roi en colère. La réaction de Daniel et de ses amis est instructive. Ils font deux choses. Tout d'abord, Daniel supplie humblement le roi de lui accorder du temps, ayant la certitude qu'une réponse ne tardera pas. Cette assurance révèle, chez Daniel, une foi remarquable en son Dieu. Puis, ayant obtenu ce répit, Daniel et ses compagnons se livrent à la prière afin que le secret concernant le songe leur soit révélé.

Voilà donc ces quatre hommes, au milieu de l'idolâtrie la plus grossière, dans la ville la plus célèbre du monde. Cependant, ils sont tellement séparés de toutes ces choses dans leur cœur et dans leur marche, qu'ils sont en relation avec le «Dieu des cieux» au point de recevoir de lui des communications! Le secret qu'ils ont recherché avec prière est révélé à Daniel dans une vision nocturne. Dans celle-ci, il voit exactement ce que le roi avait vu lui-même quelques jours auparavant. D'autres avaient été rendus capables d'interpréter les songes — Joseph, par exemple — mais nous avons ici davantage. Un songe est répété, de sorte que ce qui est apparu de nuit à l'esprit d'un homme réapparaisse de façon identique à l'esprit d'un autre homme quelques nuits plus tard. Voilà ce que Dieu seul peut faire, et qu'il n'a accompli en aucun de ses serviteurs, hormis celui qui s'était entièrement séparé pour lui des souillures du monde qui l'entourait.

La première chose que fait Daniel est de bénir Dieu et de le louer (versets 19-23). Il vivait en effet à une époque où Dieu avait changé «les temps et les saisons»; où il avait aussi déposé des rois pour en établir d'autres, montrant que «la sagesse et la puissance sont à lui». Le retranchement des rois de la lignée de David et l'établissement de Nebucadnetsar avaient été des actes divins. Daniel non seulement s'incline devant ce fait, mais il bénit Dieu en le reconnaissant. Il le bénit aussi de ce qu'il communique la sagesse à ceux qu'il a préparés pour la comprendre, et de ce que le secret désiré lui a été révélé.

Nous avons ici pour la première fois l'expression «les temps et les saisons», que nous retrouvons en Actes 1:7 et en 1 Thessaloniciens 5:1. Il est clair que cette expression s'applique aux dispositions et aux voies de Dieu sur la terre. Actes 1 nous dit que les disciples n'avaient pas à connaître les temps où Dieu interviendrait. Les Thessaloniciens, pourtant, savaient de quelle manière Dieu accomplirait ce qu'il avait prédit, ainsi que l'ordre dans lequel ses voies se manifesteraient. Ils le savaient même parfaitement, bien qu'ignorants de la venue du Seigneur pour enlever ses saints, comme en témoigne le chapitre 4. Mais cette venue est en rapport avec un appel céleste, alors que «les temps et les saisons» sont relatifs à la terre.

Le songe ayant été révélé, Daniel est bientôt amené devant le roi. D'emblée, il prend soin de préciser qu'il ne possède aucune vertu particulière en lui-même. Il renvoie le roi au Dieu des cieux «qui révèle les secrets», et dont le but est de lui faire connaître les temps futurs de la prééminence des nations. Ces temps avaient commencé avec la défaite qu'il avait infligée à Jérusalem et à son roi. Il est clairement dit à Nebucadnetsar que Dieu agit ainsi avec lui afin qu'il réalise qu'il a affaire à un Dieu connaissant ses pensées les plus secrètes. Dans les versets 31-35, le songe est exposé au roi: une statue d'une splendeur extraordinaire et terrible.

Mais passons, et considérons le songe tel que Daniel l'interprète à partir du verset 37. La tête d'or de cette grande statue était Nebucadnetsar lui-même. Il exerçait un pouvoir absolu, sans frein et sans limites, comme personne n'en avait connu avant lui ni n'en a connu depuis, et dont nous croyons qu'il n'aura d'égal que celui de la «bête» annoncée prophétiquement en Apocalypse 13. Un seul pouvoir le dépassera: celui du Seigneur Jésus lorsqu'il viendra comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Le Seigneur Jésus jugera et régnera en justice, mais il en était tout autrement de Nebucadnetsar, car il «tuait qui il voulait, et il conservait en vie qui il voulait» comme le rapporte Daniel lui-même (5:19).

L'empire babylonien, aussi magnifique qu'il ait été, n'a dominé la scène de l'histoire du monde que peu de temps. Sous Belshatsar, il a perdu son orgueilleuse prééminence. Celle-ci dépendait tellement du pouvoir et de la gloire de Nebucadnetsar qu'aucun roi après lui n'est même pris en considération ici. Au verset 39, nous lisons: «Après toi s'élèvera un autre royaume». Celui-ci devait être d'un caractère inférieur; il est représenté dans le songe par la poitrine et les bras d'argent. Ce royaume est remplacé à son tour par un troisième royaume symbolisé par le ventre et les cuisses d'airain.

La pensée de Dieu, c'est de confier l'autorité de gouverner à un homme. Nebucadnetsar et ceux qui l'ont suivi ont failli à la responsabilité qui leur a été donnée.

Le gouvernement sera réalisé en perfection, en justice, mais aussi en bonté, par Christ, pendant le règne millénaire.

Il est à remarquer que, dans ce chapitre, Daniel parle plus d'une fois du «Dieu des cieux», indiquant par-là que l'autorité de ce premier monarque des nations lui était comme déléguée d'en haut. Tel est le fait, croyons-nous, qui est à la base de l'enseignement de l'apôtre en Romains 13:1. La puissance qui existait de son temps était la quatrième de celles qui sont mentionnées dans notre chapitre, mais les puissances des nations qui existent, quelles qu'elles soient et n'importe quand, exercent leur autorité parce qu'elle leur a été déléguée par le «Dieu des cieux».

Il n'est pas dit grand-chose des second et troisième empires. Notre attention est fixée sur le quatrième, qui doit être caractérisé par la force, comme le suggère le fer. L'empire romain a bel et bien «broyé» et «écrasé» le monde civilisé, et, dans sa forme unifiée, il a duré pendant des siècles. Bien que son unité ait été dissoute, comme nous le savons, il est vu dans le songe comme existant d'une certaine manière jusqu'à son développement ultime. À la fin de son histoire, c'est un ensemble de dix royaumes, et si, dans les pieds de la statue, l'argile est mêlée avec le fer, c'est que ce royaume sera en partie fort et en partie fragile.

L'argile et le fer sont des matériaux de caractère entièrement différent. Le fer est un métal, mais de moindre valeur que l'or, bien que plus solide; l'argile n'est pas un métal, et son emploi au sens figuré dans l'Écriture évoque ce qui est humain par contraste avec ce qui est divin (cf. Job 10:9; 33:6, ainsi que les passages où l'homme est comparé à l'argile dans les mains de Dieu, qui est le Potier).

Le songe indiquait donc que le quatrième empire, dans ses derniers jours, aurait des «rois» — au nombre de dix — et que, tout en demeurant fort, il comporterait un élément de fragilité dû à l'introduction d'un élément humain: ce qu'aujourd'hui on appelle la démocratie. Or il n'y a rien de plus incertain, et donc de plus fragile, que la volonté du peuple. On peut donc bien penser que nous vivons dans les temps considérés comme l'étape finale de l'histoire de la statue.

C'est sur les pieds de la statue que tomba la pierre. Il est dit de celle-ci qu'elle «se détacha sans mains», c'est-à-dire que l'homme n'y était pour rien. Cette pierre était d'origine divine, non pas humaine. La première fois qu'il est fait prophétiquement allusion au Seigneur Jésus comme à «la pierre», c'est en Genèse 49:25. Jacob, devenu vieux, bénit ses fils. Soudain, il proclame inopinément: «De là est le berger, la pierre d'Israël». Le Christ apparaît de nouveau sous cette figure au psaume 118 (versets 22, 23) et en Ésaïe 28 (verset 16), puis dans le Nouveau Testament.

Dans le songe que nous considérons, la pierre est interprétée comme étant «un royaume qui ne sera jamais détruit» (verset 44), et nous savons qui va être le Roi de ce royaume. Nous le connaissons comme la «Pierre vivante», et nous sommes déjà venus à lui, comme nous le rappelle 1 Pierre 2:5. Nous lui appartenons déjà, et nous participons de sa nature en tant que «pierres vivantes». Et ainsi nous sommes édifiés, comme étant sous son autorité, pour former une maison spirituelle et une sainte sacrificature. Quand il viendra en jugement, comme Roi de ce royaume à venir prédit en Daniel 2, ce sera pour exercer une complète destruction. En attendant, nous connaissons son pouvoir d'attraction dont l'effet est d'édifier. Quelle immense faveur, quelle bénédiction de le connaître ainsi!

C'est une pensée très solennelle qui est placée devant nous ici. Le jugement doit finalement tomber sur cette statue majestueuse qui représente la puissance des nations sur la terre, pour la réduire en poussière. Rien ne demeurera de toute la pompe, de toute la puissance et de toute la gloire extérieure de l'homme. La connaissance de ce fait devrait avoir sur nous une influence sanctifiante. Ce ne sont pas seulement le fer et l'argile, mais aussi l'or, l'argent et l'airain qui seront totalement broyés. La tempête de Dieu les emportera comme la balle du grain. Le Dieu qui fera ces choses est grand, et il les déclarait à ce roi qui était grand aux yeux des hommes. La grandeur de Dieu garantissait la certitude de ce qu'annonçait le songe.

Cela doit nous rappeler ce que nous lisons en 1 Corinthiens 1:19 et 2:6. Ce ne sont pas seulement les puissants royaumes des nations qui seront détruits, mais aussi les plus brillantes intelligences de ce monde, et toute la sagesse qu'ils représentent. Ils seront anéantis au jour où Dieu se lèvera en jugement.

La révélation communiquée au roi par Daniel a sur lui un effet immédiat, comme nous le voyons dans les derniers versets du chapitre. Au lieu d'être irrité par cette prédiction d'un désastre final, Nebucadnetsar est pénétré du sentiment très vif d'être en présence du surnaturel: un pouvoir qu'il avait trouvé totalement absent chez les Chaldéens et chez ses magiciens était mis en évidence. Seulement, fidèle à son éducation païenne, il s'intéresse principalement à l'homme qui détient ce pouvoir, c'est-à-dire à Daniel. Il reconnaît bien que le Dieu de Daniel est «le Dieu des dieux et le Seigneur des rois», mais la louange qu'il exprime s'adresse à Daniel plutôt qu'au Dieu au nom duquel Daniel a parlé. Nous trouvons donc ici une illustration de ce qui est écrit en Romains 1:25: les païens «ont honoré et servi la créature plutôt que celui qui l'a créée».

À la suite de cela, Daniel n'est pas seulement honoré, mais élevé à la dignité de chef des conseillers et des gouverneurs du roi. Et à sa demande, ses trois compagnons sont également élevés très haut en dignité. D'un bond, pour ainsi dire, ils accèdent à des postes éminents. Ce déploiement merveilleux de la puissance divine aura-t-il un effet salutaire et durable sur Nebucadnetsar? Le chapitre suivant montrera qu'il n'en est rien.

À suivre